Premiers témoignages picturaux
Les peintures les plus anciennes du territoire mongol se trouvent dans les grottes de Khoit Tsenkheriin Agui, dans l'aïmag (ou province) de Khovd. Ces peintures rupestres, dans des tons ocre, sont datées de l'âge de pierre, il y a entre 20 000 et 15 000 ans. Les symboles qui ornent les parois et les plafonds entourent un riche bestiaire : cerfs, buffles, mammouths, antilopes, chameaux, autruches, s’enchevêtrent sur la roche. Uniques en Mongolie, ces œuvres pariétales reprennent les formes exagérées courantes à cette époque.
À cet art primitif succède un art religieux bouddhique. Les peintures de ce genre sont réalisées sur des supports de cuir, soie, coton ou lin, des matériaux faciles à plier et à transporter. Les couleurs sont fabriquées à partir de pigments minéraux, et ont (comme au Tibet) une forte valeur symbolique. Ainsi, le bleu représente la fidélité et l'éternité ; le jaune, la richesse, l'amour et la spiritualité ; le rouge, la joie ; et le blanc, la sainteté et la pureté. La technique de l'appliqué ne se développera que plus tardivement, dans les monastères, pour des peintures d'un format plus grand qui n'avaient plus besoin d'être transportées. De très beaux exemples de travaux issus de cette technique peuvent être admirés au monastère d’Erdene Zuu à Kharkhorin.
La peinture religieuse domine les arts jusqu'au début du XXe siècle.
Sculptures ancestrales
À l'âge de bronze, aux environs de 1000 avant J.-C., apparaissent les pierres de rennes, à la confluence de la peinture et de la sculpture. Réalisées sur des tablettes de granit gris ou de marbre, elles mesurent entre 2 et 5 mètres de hauteur et semblent être liées aux pratiques chamanistes. Les peintures sont en général divisées en trois parties. Le tiers supérieur représente la lune et le soleil, figurant ainsi le Grand Ciel. Le milieu de la pierre est occupé par les rennes, dont la tradition rapporte qu'ils transportent l'esprit du mort vers sa nouvelle demeure. Enfin, le tiers inférieur est celui du monde souterrain, figuré par des arcs, des flèches ou des épées. Généralement rassemblées par groupes d'au moins cinq stèles, les pierres de rennes servaient à marquer l'emplacement des tombeaux de rois ou de guerriers. On en dénombre environ 500 en Mongolie, mais on peut également en trouver ailleurs en Asie centrale.
Il existe une variante, les pierres hommes (khunni chukuu). Visiblement d'origine turque (on en trouve également dans toute l'Asie centrale), ces statues plates représentent un homme tenant un bol à la hauteur de la poitrine, parfois armé d'une épée. En général orientées vers l'est, elles semblent liées à des pratiques funéraires.
L'importance du bouddhisme
Il faut attendre l'affirmation du bouddhisme en Mongolie pour voir reparaître une sculpture d'exception. Ce domaine est marqué par le peintre et sculpteur Zanabazar (1635-1723), le premier chef spirituel du bouddhisme tibétain vivant en Mongolie. Formé à Lhassa, il en rapporte toutes les techniques de l'art tibétain, qu'il enrichit des spécificités de la culture mongole. Une école d'art qui porte son nom a ainsi été créée. Sa particularité est la très forte humanisation de ses représentations des divinités, et notamment des déesses. Ces dernières sont dotées de formes très féminines et d'expressions de douceur presque maternelle, qui n'existaient pas dans les représentations tibétaines avant lui.
Centre d'art bouddhiste entre 1600 et 1920, la Mongolie excelle dans l'art du mandala. Peintures et sculptures servent de supports à la méditation et sont détruites après le temps de recueillement. En revanche, les rouleaux ou thangka, richement ornés d'animaux, sont conservés.
Zurag mongol
Ce terme, qui signifie littéralement « peinture mongole », désigne un mouvement national de peinture qui apparaît en Mongolie au début du XXe siècle. Cette émergence coïncide avec l’indépendance envers la Chine, et se renforce après la Révolution de 1921. C’est tout naturellement que les thèmes nationalistes sont favorisés, soutenus par des techniques traditionnelles. Les dessins sont tracés sur une toile de coton à l’aide de pigments minéraux ou à l’encre de Chine.
Représentatif de ce courant, Balduugiin Sharav (ou Marzan Sharav) est influencé par l’art soviétique. Né en 1869 et décédé en 1939, ce peintre est celui du passage de l’ancien au nouveau, aussi bien dans l’art que dans la société mongole. Son œuvre la plus connue, Un jour en Mongolie (Mongolyn neg ödör), dépeint le mode de vie mongol dans un style bouddhiste traditionnel. Elle est conservée au musée Zanabazar des beaux-arts, à Oulan-Bator. Cette institution abrite depuis 1966 les collections des maîtres mongols du XVIIIe au XXe siècle. Autres tableaux connus de Marzan Sharav, les portraits du Bogd Khan et son épouse, la reine Dondogdulam. Bogd Khan, proclamé empereur en 1911, a donné son nom au plus ancien musée de Mongolie, le Palais d'hiver et musée du Bogd Khan. Il abrite désormais la plus riche collection d’œuvres d'art de toute la Mongolie, avec plus de 8 600 objets d'art.
Tendances modernes
Les années 1960 et 1970 voient un retour aux techniques traditionnelles de l'appliqué, qui apportent une bouffée d'oxygène dans une production de peintures à l'huile exclusivement consacrées à la gloire des réalisations socialistes. C'est également au cours de ces décennies que les artistes mongols se tournent vers l'Occident et l'abstraction. L’artiste Purewbat Gankhuu commence à introduire le modernisme en Mongolie. Cependant, les premières œuvres abstraites sont interdites par les Soviétiques.
La Révolution démocratique de 1990 marque un nouveau virage, plus radicalement contemporain. Son grand représentant, Otgonbayar Ershuu, est né en 1981, à Oulan-Bator. Artiste précoce, il expose son travail dès l'âge de 15 ans. Il se forme à la peinture mongole traditionnelle à Oulan-Bator, puis étudie la miniature dans les monastères bouddhistes. Désormais établi à Berlin, OTGO a déjà produit 600 œuvres et expose dans le monde entier.
Avec la fin de l'ère soviétique, l'art contemporain bénéficie d'un nouvel élan. Cela profite à l'art abstrait et au street art. Les artistes actuels s'intéressent surtout à la problématique de la préservation des traditions nomades face à l'urbanisation galopante. Certains d'entre eux introduisent ainsi l'art contemporain dans les steppes mongoles, en réalisant des performances artistiques dans des ovoo ou dans des yourtes comme l'ont fait en 2012 des artistes du collectif Blue Sand.
La Galerie nationale d'art moderne, financée par le gouvernement, expose l'art moderne mongol. La collection de 4 200 pièces aborde l’identité mongole à travers tous les domaines de la création.
Street art à Oulan-Bator
Les rues de la capitale témoignent de trois générations de graffeurs. Dès les années 1990, ANZ, considéré comme le parrain du graffiti mongol, s'impose comme une source d'inspiration. Il est suivi par une seconde génération d'artistes, à partir de 2005, portée par les artistes Deez, Eto ou encore Heesco. En 2014, la TNMC (The Nasty Methods Crew) réunit Dasher, Sane2, Risky, Emak et TEM. Ils développent chacun leur style, chacun leur approche. Ce qui les réunit, c'est la volonté de s'adresser au plus grand nombre.
TEM est également à l'origine de Nomad Ink, le premier festival street art du pays. L'événement rassemble des artistes du monde entier.
Le jeune festival « Nogoonbaatar, International Eco Art Festival », a vu le jour dans la capitale. Son objectif ? Concrétiser le rêve des habitants, à savoir vivre en harmonie avec la nature et respirer de l'air frais. Dans ce but, le festival invite des street-artistes d'Allemagne, de France et de République tchèque à partager leurs expériences et soutient les initiatives écologiques. Ils ont collaboré avec des artistes contemporains mongols dont Ts.Ariuntugs, T.Enkhbold, E.Jantsankhorol, R.Luvsandorj, Ts.Tuvshinjargal, N.Amarsaikhan, O.Tuguldur, B.Ider, R.Chinzorig, B .Bat-Erdene, J.Shijirbaatar, M.Munkh-Erdene. Leurs œuvres associent street art, peintures et sculptures, et sont implantées autour du parc Uuliin Nuur. L'idée est qu'à terme, les abords du parc deviennent un lieu de promenade doublé d'un musée à ciel ouvert.
Scène actuelle
La jeune génération déborde de talent et d’initiatives. En été, la biennale d’art contemporain s’adapte à la vie nomade depuis 2010. Itinérante, Land Art Mongolia se déroule au milieu des yourtes. Inspirés par l’immensité des paysages, les artistes invités s’appliquent à redéfinir la société au regard de l’urgence climatique, à travers des propositions originales.
Plus traditionnelle, la galerie Altan Khaan œuvre à la reconnaissance des jeunes artistes à l’échelle internationale. Dans son vivier d’artistes, on remarque une large proportion de femmes. Dulguun Baatarsukh, née à Oulan Bator en 1984, est sortie diplômée en peinture et stylisme de l’École des beaux-arts de l'Université des Arts et de la Culture de Mongolie. Elle poursuit une double carrière en peinture et création vestimentaire. Son imagination se démarque par ses tonalités surréalistes. Dulguun fait partie du groupe scénique féminin Vague Nomade et du mouvement artistique Soleil Bleu.
Les questions écologiques sont au cœur du travail de nombreux artistes. Munkhtsetseg Batmunkh (Muujii), née en 1982, alerte sur les questions environnementales et les conditions de vie dans son pays natal. Elle a recours à des matériaux naturels comme le feutre mongol, utilisé dans la fabrication des yourtes. Soucieuse de transmettre l’héritage mongol aux futurs générations, Ulziijavkhlan Adyabaatar (Javkhaa), née en 1981, peint le quotidien dans la campagne dans des scènes d’une profonde sérénité. Son travail sur le lien entre le vivant et la flore s’inscrit dans la tendance de l’art écologique (eco-art). De même, les aquarelles de Munkhzul Bundgaa (alias Zulaa), témoignent d’une forte sensibilité envers Mère Nature et Dieu.
Deux artistes résolument modernes : le sculpteur, peintre et enseignant, Ganbold Dorjderem (Bono) est né à Oulan-Bator en 1982. En raison de ses silhouettes déstructurées, il est souvent surnommé le «Picasso de Mongolie». Le mouvement et les chevaux sont les thèmes centraux des peintures impressionnistes de Bazarvaani Sambuu, né en 1982 à Uliastai, dans la province de Zavkhan. Il n’hésite pas à tailler ses matières colorées au couteau.
Entre tradition et modernité, Naidandorj Enkhbaatar (Naigaa), né en 1986, a acquis de solides bases en dessin et peinture traditionnelle mongole. Sa formation classique lui permet de consolider son exploration des techniques novatrices. Pour cela, il allie le Zurag, le dessin moderne et les possibilités offertes par la peinture à l’acrylique. Fier de ses traditions, Naigaa appelle au respect de la Mongolie d’aujourd’hui et de son héritage culturel. Il est en ce sens porteur du message de toute une génération de talents.