Le lent développement d’une identité esthétique coréenne
Dès la période des Trois Royaumes (de 56 av. J.-C. à 668), l’art coréen témoigne de la tendance naturaliste qui s’affirmera pleinement pendant la période d’unification sous le royaume de Silla (668 - 935). Il s’agit là d’une époque de foisonnement culturel et religieux où l’art bouddhique, soutenu par l’État, prend de plus en plus d’importance. Sculptures, poteries, bas-relief et peintures murales décoratives sont à l’honneur dans les temples. Pendant la période du royaume de Goryeo (918 - 1392) la péninsule coréenne connaît une grande prospérité économique qui encourage le développement des arts. Celle-ci se caractérise par un épanouissement de la peinture, de la céramique céladon et de la sculpture en bronze. C’est aussi à cette époque que sont inventés les caractères métalliques mobiles: le Jikji, premier livre imprimé, est réalisé en 1377 - bien avant la bible de Gutenberg. Le second volume de cet ouvrage dont la Corée réclame la restitution est aujourd’hui conservé à la Bibliothèque nationale de France.
Au cours de la période Joeson (1392-1910), le déclin du bouddhisme permet à de nouvelles tendances de se développer hors des normes religieuses et, l’influence de la Chine diminuant, un style local s’épanouit. Une tendance renforcée avec le courant Silhak, un mouvement de réforme confucianiste particulièrement actif au XVIIIe siècle. Une modernité proprement coréenne se développe alors, caractérisée par une attention portée au petit peuple, avec des scènes de genre, une valorisation des paysages locaux et des activités quotidiennes. Les travaux de Kim Hong-do (1745-v. 1806/18), l’un des peintres les plus représentatifs de cette époque, en apprennent beaucoup sur la vie populaire dans la Corée d’alors. Aujourd’hui devenue l’un des piliers de la culture coréenne, la calligraphie se développe fortement, pratiquée par tous les lettrés. Un des calligraphes coréens majeurs de cette époque est Chusa (1786-1856) dont le Paysage en hiver a été reconnu trésor national. À partir du XVIIe siècle se développe également la peinture folklorique minhwa qui reprend des thèmes taoïstes, représentant à l’aide de couleurs vives et de motifs simples la nature, les animaux (tigres, pies, poissons) et d'autres thèmes populaires.
D’un art moderne sous domination à une scène contemporaine exaltée
La période coloniale japonaise (1910-1945) a des conséquences désastreuses sur les arts coréens. Dans une tentative d’assimilation, les expressions culturelles locales sont anéanties, au profit des normes japonaises ou même des styles chinois et occidentaux adoptés par les Japonais. Après la libération en 1945, la peinture et l’artisanat coréens connaissent un nouveau souffle et s’émancipent des modèles étrangers tout en tentant de renouer avec leur héritage. À partir des années 1960, les thèmes des grands mouvements d’avant-garde comme Fluxus, Support-Surface, l’Art conceptuel ou l’Arte Povera résonnent tout particulièrement chez des artistes comme Nam June-Paik (1932-2006), Lee Ufan (1936), Shim Moon Seup (1943-) ou Kimsooja (1957-) qui s’en emparent d’une manière novatrice. Aujourd’hui, les nouvelles générations, qui bénéficient du développement politique et social du pays, abordent de manière critique les problématiques et ruptures auxquelles doit faire face la société coréenne. Parmi les figures montantes de la scène actuelle, on remarque Jung Lee (1972-), Ham Jin (1978-) ou JeeYoung Lee (1983-).
À la découverte de l’art public coréen : fresques et sculptures urbaines
En Corée, le street art s’épanouit librement, relativement bien accepté par les habitants. Souvent joyeuses et malignes, les œuvres de street art invitent le visiteur à s’aventurer dans des zones souvent absentes, à tort, des guides touristiques. Le hotspot du street art à Séoul est le « Ihwa Mural Village ». Ce petit bout de ville situé à proximité du Naksan Park est perché en haut d’une colline et demande un peu d’effort, mais il vaut le détour. On trouve par ailleurs aux alentours de la fameuse université d’art de Hongik un espace dédié au graffiti surnommé Street Art Exhibition où se tient chaque année un festival.
À Busan, le fameux quartier coloré de Gamcheon attire chaque année plus de visiteurs. Cette zone anciennement marginalisée a bénéficié depuis la fin des années 2000 d’une politique culturelle de revitalisation et est devenue le QG des artistes. Enfin, on peut admirer dans la province de Gyeonggi, au sud de Séoul, le Haenggung-dong Mural Village, un repère de graffeurs ou de petites galeries telles que l’Alternative Space Noon ont ouvert pour soutenir la création locale.
On trouve par ailleurs à Séoul un nombre impressionnant de sculptures urbaines, exécutées par des artistes locaux et internationaux. Les grandioses bâtiments du centre-ville sont très souvent accompagnés d'une sculpture ou d’une installation, à l’instar du DPP rose garden, cet incroyable champ de rose LED qui s’illumine à la nuit tombée au pied du Dongdaemun Design Plaza conçu par Zaha Hadid. Les parcs et espaces verts sont eux aussi souvent dotés d’œuvres d’art, comme l’impressionnant coquillage de Claes Oldenburg (1929-) qui trône au-dessus de la rivière Cheonggyecheon.
La photographie coréenne, un art en plein essor
La photographie n’est pas arrivée en Corée directement après son invention en raison de la fermeture du pays au XIXe. Quelques photographes étrangers comme l’italo-américain Felice Beato (1832-1909) en ont néanmoins capturé quelques clichés dans les années 1860 et 1870, sans pour autant que cette technologie se diffuse. Ce n’est qu’à la fin du siècle qu’émergent les premiers studios de photographie. Avec la colonisation japonaise à partir de 1910, des photographes nippons sont envoyés en Corée et davantage de coréen amenés à monter leur studio pour répondre à la demande des populations japonaise, si bien que l'Association des photographes de Gyeongseong est créée en 1926.
Jusque dans les années 1980, la photographie est principalement utilisée à des fins documentaires ou journalistiques, et il faut attendre une période plus propice à l’épanouissement de la culture pour qu’une véritable photographie expérimentale se développe. Parmi les talentueux artistes de cette génération, on peut citer par exemple Bae Bien-U (1950-), Hein-Kuhn Oh (1963-) ou Jungjin Lee (1961-). Aujourd’hui, le pays compte de nombreux jeunes artistes émergents dont les travaux bousculent les normes de la société coréenne, comme Koo Sung Soo (1970-) ou Miru Kim (1981-). Pour les découvrir, rendez-vous au MoPS, le musée de la photographie de Séoul.