Empreintes du passé
L’ensemble du pays est jalonné de témoins du Néolithique, à l’image des nombreux dolmens ou antas (chambres funéraires) et menhirs. Le plus impressionnant de ces témoins est sans conteste le cromlech des Almendres, non loin d’Évora, cercle formé de 95 blocs de pierre. Dans le Douro littoral, notamment à Briteiros, vous pourrez observer des castros ou citânias, les premiers groupes d’habitations celtes, composés de huttes de pierre entourées de remparts. A Conimbriga, c’est le plus grand site romain du pays que vous découvrirez. Sculptures et mosaïques y sont impressionnantes. A Évora se dressent les colonnes corinthiennes du Temple de Diane, l’un des plus célèbres du Portugal. C’est aux Romains également que l’on doit les villas rurales - à l’image de celle de São Cucufate - qui auraient inspirées les quintas, les grandes exploitations portugaises. Enfin, ce sont les Maures qui ont laissé de superbes empreintes architecturales, tels le Castelo dos Mouros à Sintra avec sa pierraille irrégulière et son imposante stature sise dans la roche, la mosquée de Mértola avec son mihrab (niche à prière indiquant La Mecque) et ses ouvertures en fer à cheval, ou bien encore les morabitos, petites constructions carrées surplombées d’une coupole, que l’on retrouve en Algarve. Les Maures ont également influencé l’urbanisme, comme dans le quartier de l’Alfama à Lisbonne ou dans les villages traditionnels où les mourarias, vieux quartiers aux dédales de ruelles de maisons blanchies à la chaux, rappellent les médinas nord-africaines.
Le roman de la reconquête
C’est au XIIe siècle que commence véritablement l’histoire de l’architecture portugaise. A cette époque, le roi Afonso Ier mène une reconquête géographique autant qu’idéologique contre l’envahisseur maure. L’art roman sera l’arme de cette politique et partout sur le chemin de la reconquête s’érigent des églises aux lignes épurées et aux formes simples. L’une des plus étonnantes est l’église de la Charola du couvent de Tomar, appelée la Rotonde du fait de son plan circulaire. C’est aussi l’époque de la construction des grandes cathédrales. La première sera bâtie au nord, à Braga, sur les plans de l’abbaye de Cluny. Dans le nord du pays, les édifices sont majoritairement en granit, un matériau dur à travailler, ce qui explique l’absence d’ornementation détaillée. En revanche, au sud, le calcaire permet un travail plus approfondi des formes décoratives. Mais tous ces édifices ont en commun l’usage de l’arc en plein cintre, la voûte en berceau et la sobriété des lignes. Véritables bastions de résistance, ces édifices sont bien souvent munis d’ouvrages de défense pour résister à l’envahisseur. Ce n’est que vers la fin du XIIe siècle qu’ils perdront leur aspect minimaliste et fortifié pour aller vers plus de grandeur, comme à Évora, dont la cathédrale fait deux fois la taille de celle de Lisbonne. Enfin, ne manquez pas à Bragance le Domus Municipalis, un étonnant petit édifice qui serait le seul exemple d’architecture civile romane du pays.
Splendeurs gothiques
L’art gothique a été introduit au Portugal par les grands ordres monastiques et se développe alors que le pays entre dans une période de grande prospérité. Avec le gothique apparaissent de nouvelles techniques – arcs brisés, croisées d’ogives, arcs-boutants et contreforts latéraux – permettant de construire des édifices plus légers, plus hauts et plus lumineux. Le premier grand édifice gothique du pays est le monastère Santa Maria de Alcobaça (1178-1222) dont le tracé s’inspire des abbayes de Cîteaux et de Clairvaux. Il impressionne par ses trois élégantes nefs d’égale hauteur et ses hautes fenêtres inondant l’ensemble d’une lumière apaisante. A cette époque, les cathédrales s’agrandissent, comme à Lisbonne, Braga ou Porto, et le pays se dote de ses plus beaux châteaux sous l’impulsion du roi bâtisseur Denis Ier. La plupart sont construits sur d’anciens forts romains ou maures. De structures purement défensives, on passe progressivement à des édifices plus sophistiqués, suivant l’évolution des techniques de combat autant que par le désir de confort des rois. L’un des plus beaux châteaux du pays est celui d’Almourol, juché sur un petit îlot du fleuve Tejo. Mais le grand chef-d’œuvre gothique reste le monastère de Santa Maria da Vitoria (1388), plus connu sous le nom de Batalha (la bataille), construit pour célébrer la victoire des Portugais sur les Castillans à Aljubarrota. Les innovations architecturales y sont nombreuses, comme la voûte de la salle du chapitre tenant sans appuis intermédiaires ou comme la voûte circulaire nervurée sans support central de la Chapelle du Fondateur. Vitraux, arcades ajourées et ornementation extérieure ajoutent à la splendeur de l’édifice.
Style manuélin
Apparu au XIXe siècle, le terme manuélin désigne un style qui s’est développé aux XVe et XVIe siècles, sous le règne de Manuel Ier notamment. A cette époque, le royaume est à son apogée politique et économique et, grâce aux grandes découvertes, se nourrit d’influences venues des quatre coins du monde. Cette prospérité se traduit par un style à l’abondance décorative mêlant motifs maures, médiévaux et chrétiens, et évocations de la mer et de la nature. En 1490, Diego Boytac, architecte d’origine française et grand initiateur du style manuélin, dessine les plans de l’église de Jésus à Setubal, avec colonnes torsadées et arcs des voûtes en forme de cordage marin. A Lisbonne, Francisco Arruda réalise la Torre de Belém qui rappelle la mosquée de la Koutoubia à Marrakech. Boytac, lui, y réalise le mosteiro dos Jéronimos avec ses dentelles de pierre, ses colonnes où se côtoient feuilles de vignes et nœuds marins et ses arcades rappelant les moucharabiehs arabes permettant de voir sans être vu. Les Capelas Imperfeitas (chapelles imparfaites) du monastère de Batalha aux allures de palais orientaux, et la fenêtre du couvent du Christ de Tomar avec son capitaine soutenant deux mâts entourés de cordages et coraux et ses sphères armillaires entourant le blason de Manuel Ier, comptent parmi les autres grandes réalisations manuélines du pays. Sans oublier bien sûr l’inclassable Palacio Nacional de Sintra imaginé par Manuel Ier : salon chinois, chapelle mauresque, pavement de faïence et cheminées coniques en font une fantaisie architecturale à nulle autre pareille.
Renaissance et Maniérisme
La Renaissance s’implante tardivement et assez inégalement dans le pays et sera surtout le fait d’artistes étrangers venus tempérer les flamboyances gothiques par la recherche d’un idéal classique fait d’harmonie et de perfection des lignes et des proportions. Parmi eux, l’architecte espagnol Diogo de Torralva à qui l’on doit la très élégante chapelle Nossa Senhora da Conceição à Tomar. Il travailla également sur le cloître de Dom Joao III au Convento de Cristo de Tomar. Torralva y privilégie un ordonnancement régulier des formes géométriques. Le cloître sera achevé par Filippo Terzi, l’architecte italien qui opère un glissement vers le maniérisme, style qui conserve les codes de la Renaissance classique mais qui rompt avec l’idéal d’harmonie pour privilégier des formes changeantes et mouvantes. Sa plus grande réalisation maniériste est l’église São Vicente de Fora à Lisbonne à la façade très travaillée. Autre grand maniériste, Afonso Avares à qui l’on doit l’église de São Roque, à Lisbonne également, sorte de grande halle rectangulaire fortement inspirée par les jésuites alors en pleine lutte contre la Réforme protestante et qui cherchent à édifier et éduquer les croyants par le biais d’édifices aussi impressionnants que pragmatiques où tout doit être fait pour attirer le regard des fidèles vers le prêtre.
Flamboyances baroques et rococos
Au début du XVIIIe siècle, le royaume a gagné son indépendance face à l’Espagne, l’Inquisition recule et l’or et les pierres précieuses venus du Brésil coulent à flots. A cette nouvelle période d’opulence correspond une vague de mouvement et de théâtralité architecturale : c’est l’avènement du baroque, qui tire son nom du mot portugais barroco, désignant une perle de forme irrégulière. Ondulations, jeux d’ombres et de lumières, illusions d’optique et alternance des formes convexes et concaves, surabondance du décor qui trouve son apogée avec la talha dourada, technique de sculpture sur bois dorée à la feuille… : le baroque étonne et détonne. A Porto, le décorateur et architecte toscan Nicolau Nasoni réalise l’église dos Clérigos, avec une nef elliptique unique en son genre. On lui doit également le Palacio de Mateus à Vila Real, tout en symétrie et jeux de miroir. Le palais de Queluz, réalisé par Mateus Vicente de Oliveira, est souvent décrit comme le petit Versailles portugais et offre un somptueux décor. Autre grande réalisation baroque, le palais de Mafra, œuvre de l’Allemand Ludwig et du Hongrois Mardel. Monumental, le palais impressionne par sa sobre façade longue de 200 m qui contraste avec l’opulence de son décor intérieur. Au spectaculaire baroque va suivre un rococo tout en fantaisie, luxuriance et sensualité, à l’image du sanctuario do Bom Jesus do Monte, à Braga, auquel on accède par deux escaliers monumentaux, l’escalier des cinq sens et l’escalier des trois vertus, ornés de fontaines verticales et de statues.
Styles néo et romantisme
Le style privilégié par le marquis de Pombal pour la reconstruction de Lisbonne après le séisme de 1755 rompt avec l’exubérance du rococo et privilégie un retour aux canons classiques, préfigurant le néoclassicisme du XIXe siècle. Parmi les grands bâtiments néoclassiques de Lisbonne, citons le palácio nacional da Ajuda et le théâtre Dona Maria II dont les façades rappellent les temples gréco-romains. Ville très conservatrice et marquée par la présence de nombreux industriels anglais adeptes de ce style, Porto dispose de très beaux édifices néoclassiques, à l’image de l’hôpital Santo Antonio. Au cours du XIXe siècle, le pays connaît de nombreux troubles qui bousculent son identité. Désireuses de retrouver leurs racines, aristocratie et bourgeoisie vont privilégier le revivalismo, sorte de vision romantique et idéalisée du passé national, teintée d'influences étrangères, orientales surtout, glanées par les artistes-voyageurs portugais. C’est l’avènement des styles néo qui perdurent jusqu’au XXe siècle. Le plus incroyable exemple de ce revivalismo est sans doute la basilique Sainte-Lucie, à Viana, gigantesque édifice néo-byzantin avec un dôme haut de 57 m. Autre apport de l’époque, celui des ingénieurs, qui vont contribuer à l’essor d’une architecture métallique avec des chefs-d’œuvre de génie civil tels le ponte Dom Luis Ier et le ponte Maria Pia de Porto, ou bien encore l’elevador de Santa Justa à Lisbonne. Début XXe, c’est l’Art nouveau qui fera une brève incursion dans le pays, surtout à Porto où l’élégance de ce nouveau style se marie bien avec les courbes néo-mauresques en vogue à l’époque. Le Majestic Café de Porto est l'un des plus beaux témoins de cet Art nouveau. Il a d’ailleurs été classé « immeuble d’intérêt public ».
Le Portugal contemporain
Pendant près de 40 ans, le Portugal vit sous le joug de Salazar et de sa dictature militaire, baptisée Estado Novo, qui utilise l’architecture comme arme de propagande. Les premières réalisations seront teintées de néoclassicisme, empruntant également beaucoup à l’Art déco et au Bauhaus. Les lignes sont sobres et épurées, à l’image de celles de la légendaire Fondation Serralves de Porto. En 1940, Salazar organise une Exposition du Monde portugais où se mêlent à l’architecture moderne des décors populaires traditionnels. Puis progressivement se met en place un style monumental dont le Cristo Rei de Lisbonne est le plus étonnant témoin. Il faudra ensuite attendre les années 1970 pour voir émerger une architecture portugaise contemporaine portée par Alvaro Siza Vieira et l’école de Porto qui prônent une architecture dessinée, élégante et soucieuse de la relation avec le patrimoine ancien. Siza, maître de l’épure, a ainsi pris soin d’intégrer le patrimoine de la ville à son projet de reconstruction du quartier du Chiado à Lisbonne après l’incendie de 1988, qui lui valut le mythique prix Pritzker. C’est à lui que l’on doit le musée d’Art contemporain de Porto et l’étonnant Pavillon du Portugal réalisé pour l’Exposition 98 à Lisbonne. Son élève, Eduardo Souto de Moura, continue dans cette ligne architecturale avec la Casa das Historias Paula Rego à Cascais tout en béton rouge, ou le stade de Braga construit pour l’Euro 2004 et dont l’un des buts est adossé à la paroi rocheuse qui le surplombe. Le Portugal a également accueilli de grands noms de l’architecture internationale comme Santiago Calatrava et sa superbe gare d’Oriente de verre et d’acier à Lisbonne, ou bien encore Rem Koolhaas et sa Casa de Musica à Porto, bâtiment de béton ultra-moderne mais incluant les traditions locales, comme celle des azulejos. Préservation, réhabilitation, durabilité sont aujourd’hui les maîtres mots d’une architecture portugaise élégante et audacieuse.
Made in Portugal
Le Portugal est une terre d’artisanat et d’industrie. Longtemps, les designers et artistes internationaux y ont fait fabriquer leurs objets, popularisant ainsi le made in Portugal. C’est de cette relation étroite entre artisanat, industrie et art qu’est progressivement né le design portugais. Faïence, liège, bois, céramique, métal, verre sont autant de matériaux travaillés à la main par les designers portugais qui revisitent avec modernité les codes de l’artisanat traditionnel. Le label Inspiring Portugal contribue à faire rayonner ce design à travers le monde, tout comme les marques WeWOOD, spécialisée dans l’ébénisterie, Cutipol, la légendaire marque de couverts que l’on retrouve sur toutes les plus grandes tables du monde, ou bien encore Vista Alegre, maison spécialisée dans la porcelaine depuis 1824, qui, toutes, collaborent avec les plus grands designers. Parmi les objets cultes de ce design lusitanien, on trouve la chaise Gonçalo aux formes arrondies et voluptueuses. A Porto, l’école d’art et de design est très influente et la proximité des grandes industries du pays en fait une terre d’accueil privilégiée des designers. A Lisbonne, une visite au Museu do Design et da Moda s’impose pour découvre son incroyable collection de mobiliers et objets. Sans oublier un passage par la LX Factory, ancienne friche industrielle reconvertie en temple du design, et par le Lisboa Design Show, grande foire internationale du design. A la croisée de l’art et de l’artisanat, le design contribue, lui aussi, à dessiner l’identité portugaise.