Pura Vida, principe de vie du pays © Sandra - stock.adobe.com.jpg

Un état d’esprit hédoniste

Les mentalités costariciennes se sont forgées en même temps que les valeurs du pays. Les premiers Européens, missionnés de coloniser les terres, vivaient dans la pauvreté et se consacraient exclusivement au travail. Les chroniqueurs du XVIIe siècle ont rapporté la misère des colons de l’époque, réduits à cultiver la terre et s’efforçant de s’adapter à un nouvel environnement peu familier. Toutefois, pour pallier les difficultés, les premiers habitants s'entraidaient au maximum pour maintenir une certaine solidarité. Ainsi, une économie et une vie sociale ont pris forme en même temps que la société qui se construisait lentement. Instaurer les bases nécessaires à l'épanouissement des habitants était une priorité pour permettre l’installation pérenne des colonies. Aujourd’hui, grâce à ses valeurs d’entraide basées sur la communauté, le Costa Rica est souvent qualifié comme le pays le plus accueillant d’Amérique centrale. Terre d’accueil et d’émerveillement, la destination a pris soin, ces dernières décennies, d’assurer un esprit de tranquillité qui va de pair avec la stabilité, comme en témoigne la devise nationale : « ¡ Vivan siempre el trabajo y la paz ! » (Que vivent à jamais le travail et la paix !). Le respect de son prochain, de la nature, de la vie, la paix sociale et la démocratie sont bien ancrés dans les mentalités des Ticos… Et en tant que visiteur, on se laisse facilement gagner par cette mentalité pacifiste. Dans un pays sans armée, les budgets sont davantage consacrés à l’éducation, l’environnement et à la santé. Compte tenu de son niveau de vie élevé et de la coexistence harmonieuse de ses différentes populations, certains considèrent même le Costa Rica comme la Suisse de l'Amérique Centrale. Son système d'enseignement, de réglementations de conditions de travail, de salaire, de retraite et de congés assure une certaine qualité de vie en communion perpétuelle avec la nature. On peut dire qu’il s’y dégage une philosophie de vie que caractérise bien l’autre slogan national « Pura vida » : une ode à la paix et à la gratitude.

Vivre en meilleur santé et plus heureux

Véritable paradis terrestre, le Costa Rica accueille chaque année de nouvelles communautés d’expatriés : cela se remarque tout particulièrement sur la côte Pacifique, du côté de Tamarindo, où bon nombre d’Américains ont élu domicile à l’année. Il n’est pas étonnant qu’autant d’étrangers s’installent dans ce pays : au-delà d’un voyage touristique, une installation sur le plus long terme promet un mode de vie alléchant. Tout d’abord, la durée de vie moyenne des Costariciens est l’une des plus longues au monde et les Costariciens jouissent d’un bien-être supérieur à celui des habitants des pays riches (en 2019, selon le Happy Planet Index, le Costa Rica est le pays le plus heureux de la planète). Exposés à la vitamine D, éloignés du stress urbain, profitant d’une nourriture saine et locale tout en restant actifs tous les jours, les Ticos vivent vieux et en bonne santé tout en consolidant les liens sociaux avec leurs amis et leurs familles. Les gens aiment se réunir, partager, se socialiser, les familles se soutiennent, des aînés aux derniers-nés. Les personnes âgées se sentent utiles et intégrées, elles travaillent toute leur vie, restent positives et actives à tout âge : il n’est pas rare de voir un centenaire à dos de cheval ! Le Costa Rica se place parmi les douze pays dans le monde investissant le plus dans la santé et reste le plus grand investisseur en Amérique latine, selon l’OCDE. Le coût de la vie, la stabilité économique, les soins de santé, l’éducation, la fiscalité… Ces conditions de vie tout simplement exceptionnelles séduiront tous les rêveurs en quête d’ailleurs. Face à cette multitude d’avantages, le Costa Rica a été élu en 2018 la destination idéale pour prendre sa retraite !

Les droits de la femme

En plus d’être en tête du classement des pays les plus heureux, le Costa Rica a réussi à placer les préoccupations environnementales au cœur de ses politiques économiques. Toutefois, même si le gouvernement semble prioriser le bien-être de ses habitants et le respect de l’environnement, certains droits humains restent en suspens. Concernant le droit des femmes, le droit de vote a été accordé pour la première fois en 1950. Dès 1869, l’éducation primaire obligatoire pour les deux sexes est instaurée et dès 1887, le pays accorde le droit de gérer leurs avoirs aux femmes mariées. L’année suivante, les femmes mariées peuvent détenir une garde légale ainsi qu'être exécutrices testamentaires. A partir du XXIe siècle, la cause des femmes s’accélère et le pays élit même une présidente de la République, Laura Chinchilla de 2010 à 2014. En 2019, après l’adoption de quelques mesures garantissant les droits sexuels et reproductifs des femmes et des filles, le ministère de la Santé a délivré une autorisation pour la commercialisation de contraceptifs sans ordonnance. Mais criminalisé dans la plupart des pays d’Amérique latine, l’avortement continue régulièrement d’alimenter les débats publics costariciens. Moins catégorique que ses voisins d’Amérique centrale, réputés pour avoir des lois sur l’avortement parmi les plus strictes au monde (peines de prison en cas d’avortement illégal au Salvador), le Costa Rica continue toutefois de restreindre et sanctionner le recours à l'interruption volontaire de grossesse (IVG). Le Code pénal de 1970 criminalise l’avortement en tant que « crime contre la vie ». Les peines de prison s’étendent de six mois à trois ans pour avoir subi un avortement, et de six mois à dix ans pour avoir pratiqué ou aidé une femme à avorter. Légalement, l’avortement « thérapeutique » n’est autorisé qu’en cas de danger de vie pour la mère. En cas de viol, l’IVG n’est pas autorisée. Un décret publié en 2019 précisait la légalité de l’avortement « thérapeutique » dans les centres privés et publics. Dans un pays où le catholicisme est la religion d’Etat et où l’Eglise intervient encore sur toutes les questions publiques, le long combat pour l’IVG semble toujours compromis. Pourtant, de nombreux mouvements de défense des droits des femmes se mobilisent en Amérique latine pour faire progresser le droit à l'interruption volontaire de grossesse. Portées par une Amérique latine de plus en plus réformiste, les femmes costariciennes s’inspirent des succès de légalisation complète de l’avortement, tels ceux de l’Argentine en 2020 ou du Chili en 2021, pour faire valoir un avortement sûr, légal et gratuit. Début 2021, l’ONG costaricienne Mouvement a présenté une initiative visant à dépénaliser l’avortement, qu’elle espérait pouvoir déposer devant le Parlement. Si elle recueille au moins 170 000 signatures, la proposition de loi visera à autoriser l’avortement jusqu’à 14 semaines de grossesse.

Avancées des droits LGBT

Les discriminations homosexuelles perdurent malgré une décision rendue en 2018 par la Cour suprême de justice du Costa Rica. Cette haute instance avait déclaré inconstitutionnelle l’interdiction du mariage entre partenaires du même sexe et avait alors donné dix-huit mois à l’Assemblée législative pour fixer les termes légaux de ces unions et modifier le Code de la famille. Il aura fallu un avis de la Cour interaméricaine des droits de l’homme (CIDH), la même année, pour faire aboutir les démarches des militants du mariage pour tous. Le 26 mai 2020, le mariage entre conjoints du même sexe était officiellement autorisé. Avec cette décision juridique historique, le Costa Rica est devenu le premier pays d’Amérique centrale et le huitième pays du continent américain à légaliser le mariage homosexuel. Signe d’une transformation sociale et culturelle, plus de 35 ONG locales ont lancé la campagne « Oui, j’accepte » (« Sí Acepto ») appelant à une égale dignité pour tous les êtres humains. Si le changement juridique est une chose, le changement culturel en est une autre : avec une majorité de catholiques, le Costa Rica subit encore les croyances obsolètes véhiculées par l’Eglise. Il semblerait cependant que la perception de la communauté LGBT se soit améliorée grâce à une image plus « moderne » de l’Eglise, plus ouverte à l’homosexualité depuis l’élection du Pape François.

La question des peuples autochtones

Pionnier en matière de défense de l’environnement, le pays valorise économiquement ses ressources écologiques. Mais cet environnement préservé compte quelques oubliés : pendant longtemps, le Costa Rica a mis de côté ses populations locales pourtant toujours bien vivantes à l’intérieur de ses frontières. En 2021, les populations ethnico-culturelles du pays totalisaient environ 100 0000 personnes sur les 24 territoires indigènes qui abritaient encore huit peuples distincts. Bien que le Costa Rica ait adopté la déclaration des Nations unies sur les droits des peuples autochtones et ratifié la convention 169 de l'Organisation internationale du travail relative aux peuples indigènes et tribaux, les droits au territoire et à l'autodétermination ne sont toujours pas reconnus. Il existe bien évidemment des lois et des décrets pour protéger les populations locales ,mais il est facile, pour les multinationales, de les détourner : l’achat de certaines terres indigènes s’obtient facilement grâce à une transaction de quelques millions de dollars. Repliés dans des zones reculées, certains territoires n’ont pas d’école, ni d’électricité. Dans l’absolu, ceci ne constitue pas un problème pour ces populations attachées à un mode de vie traditionnel, toutefois cela devient problématique lorsque leurs terres sont exploitées et qu’ils sont obligés de fuir vers la ville. Face à autant de souffrance, les autorités font la sourde oreille et tandis que les arbres tombent, que les élevages s’intensifient et les rivières s’assèchent, ces populations n’ont plus d’autres choix que de rejoindre le système des Blancs et de se plier au « Progrès ». En 2019, le membre-fondateur du Front national des peuples indigènes (Frenapi), Sergio Rojas a été assassiné chez lui. Porte-parole célèbre du peuple Bribri, il avait signalé des menaces et des attaques contre lui et d’autres communautés dans le cadre de conflits territoriaux. En 2020, Jehry Rivera, un autochtone Bröran de Térraba, a également été assassiné au cours d’un processus de récupération des terres. Début 2023, les deux cas restaient impunis par la justice et aucune avancée dans l'enquête sur ces meurtres et les mesures conservatoires ordonnées par la Commission interaméricaine des droits de l’homme pour la protection des communautés n’avaient été mises en œuvre.