Trésors médiévaux
De nombreux sites vikings jalonnent la Suède. Le site d’Anundshög, dans le Västmanland, abrite le plus grand tumulus du pays. Cette colline artificielle abritant des sépultures mesure 14 m de haut ! Son sommet est décoré d’étonnants alignements de pierre évoquant la silhouette d’un bateau. Les Vikings sont également célèbres pour leur maîtrise du bois que l’on peut admirer dans leurs maisons longues aux murs incurvés donnant à l’ensemble des allures de navire renversé. Le musée en plein air de Löddeköpinge, en Scanie, en possède de beaux exemples. En parallèle, les Vikings font ériger de nombreux espaces fortifiés, comme la motte castrale sur laquelle sera ensuite édifiée la forteresse de Trelleborg. Les sites de Birka et Hovgården témoignent, eux, de l’organisation des villes marchandes de l’époque dont les remparts protégeaient les ports. En parallèle, le monde chrétien étend son influence. La cathédrale de Lund est un de ses plus beaux sanctuaires romans. Sa sobriété formelle est soulignée par un raffinement décoratif qui transparaît via des motifs en zigzag, en spirale ou via les célèbres bandes lombardes (bandes verticales de faible saillie reliées entre elles par de petites arcatures aveugles). Au grès de la cathédrale répond le bois des stavkirke, ou églises médiévales. Celle de Hedared a souvent été décrite comme l’ingénieuse traduction en bois d’une basilique romane, teintée d’influences normandes et… vikings ! De petite taille, elle impressionne par la solidité de ses piliers, poutres et chevrons. Le Moyen Âge se fait aussi urbain. Les superbes maisons à colombages d’Ystad, avec leur polychromie de briques et de bois, datent de cette période ; tout comme Gamla Stan, le cœur historique de Stockholm, où pointe déjà l’influence de la puissante Ligue hanséatique… qui trouve son apogée dans la très belle ville de Visby. Ses remparts, longs de 3,4 km, protègent une cité où se déploient de vastes entrepôts de pierre disposés en rangées parallèles près du port, des maisons à colombages et de superbes maisons de corporation portant la marque d’un gothique hanséatique fait de façades à pignons en gradins et décorées de blasons. La brique, toujours produite localement, est l’élément phare de ce gothique que l’on retrouve dans la flamboyante cathédrale d’Uppsala. Avec ses 119 m de long, elle est l’une des plus grandes du pays ! En parallèle, la Suède a également vu se développer de surprenantes villes-églises. Le site de Gammelstad en est le plus bel exemple. Là, ce sont 424 maisons en bois qui entourent l’église de pierre. Ces maisons n’étaient utilisées que lors des jours de culte ou de fêtes, lorsqu’une longue route et un climat rigoureux empêchaient les fidèles de rentrer chez eux. Le château de Borgholm traduit, lui, les évolutions de l’architecture défensive, passant d’une simple tour de calcaire (haute de 20 m tout de même !) au XIIe siècle à une véritable forteresse protégée d’un mur d’enceinte à trois tours au XIIIe.
XVIe-XVIIIe siècles
Sous la dynastie Vasa, les châteaux affichent une étonnante dualité. D’un côté, ils conservent un aspect massif et défensif, avec l’ajout d’éléments leur permettant de résister à l’évolution de l’artillerie moderne ; de l’autre, ils se parent de délicats motifs Renaissance, se transformant en palais d’agrément. Ceci est très visible dans les châteaux de Borgholm et Vadstena, qui se sont tous les deux vus adjoindre des tours d’angles à canons circulaires, des douves et fossés défensifs, avant de voir leurs traits s’adoucir sous des lignes plus classiques. Le siècle suivant est placé sous le signe de l’effervescence baroque. Le pouvoir se met en scène dans une étonnante théâtralité décorative. Le château de Hässelby, avec ses tours ornées de coupoles et son jardin pensé comme un théâtre de nature, en est un bel exemple. Nicodème Tessin l’Ancien réinvente les grandes demeures baroques comme le montrent le palais de Wrangel, plus grand palais privé de Stockholm, avec sa cour intérieure à arcades et sa riche façade. Mais sa plus belle réalisation est sans conteste le château de Drottningholm, qui suit un plan dit « entre cour et jardin ». Sa très longue façade (160 m !) regorge de stucs, moulures et sculptures. C’est à son fils, Nicodème Tessin le Jeune, que l’on doit une grande partie de la silhouette actuelle du Palais Royal de Stockholm. Voyez ses façades où se mêlent statues, balustres ouvragées, pilastres et volutes. Et ne manquez pas son jardin imaginé sur le modèle des villas italiennes. Cette effervescence architecturale s’accompagne de nouvelles réflexions urbanistiques. De nouvelles villes sont créées suivant un quadrillage régulier dont les artères sont organisées autour d’une place centrale. Le plan géométrique de Göteborg possède une originalité d’influence hollandaise : des canaux. Une manière d’adapter la ville aux contraintes du terrain ! Fondée en 1680, Karlskrona est un très bel exemple de ville planifiée. Conçue selon un plan en damier, elle se révèle très fonctionnelle, divisant les espaces selon leur usage, l’ensemble étant protégé par de solides fortifications. Le XVIIIe siècle, lui, amorce un tournant vers le classicisme, comme le montre l’évolution du château de Drottningholm, qui se dote de nouveaux espaces (théâtre, galeries…) et d’un jardin à la française, s’inspirant des lignes classiques du château de Versailles, tout en conservant une décoration exubérante et pour le moins exotique, à l’instar de son Pavillon chinois !
De l’éclectisme au fonctionnalisme
Au XIXe siècle, musées, palais et villas se font éclectiques. Le musée Hallwyl alterne entre gothique vénitien et Renaissance espagnole, tandis que le Nationalmuseum rappelle la pureté des lignes antiques ; quant à la Villa Mittag-Leffler (Stockholm), sa silhouette évoque aussi bien une villa baroque qu’un château fort ! C’est à cette époque, et après un terrible incendie, qu’est reconstruite la Cité de Pierre de Sundsvall. Ses larges avenues et ses belles places sont bordées de somptueux édifices (en pierres et briques ignifuges cette fois !), à l’image de la Maison Hirschka de stylé néo-Renaissance, veillée par un dragon doré, symbole de protection contre le feu, l’Hôtel Knaust avec son grand escalier de marbre et sa galerie des glaces, ou bien encore l'église néogothique de Gustaf Adolf qui culmine à 81 m. Le néogothique est le style de prédilection de Helgo Zettervall qui a travaillé à la restauration d’édifices gothiques célèbres, désirant leur redonner les atours d’un gothique français flamboyant, dont il était grand admirateur… quitte à effacer les apports du gothique hanséatique et du baroque, comme ce fut le cas pour les cathédrales d’Uppsala et de Skara. En parallèle de ces courants historicisants, la modernité fait quelques percées via de beaux exemples d’architecture métallique, comme la Palmeraie de Göteborg, et l’arrivée d’un nouveau style : l’Art nouveau, ou Jugendstil. La Jugendhuset de Göteborg est l’un des premiers édifices de ce style opérant une fusion entre structure et décor. Le romantisme national conjugue tous ces apports stylistiques en les associant aux traditions locales. Le plus célèbre de ses représentants est l’hôtel de ville de Stockholm. Imaginé par Ragnar Östberg, il est une réinterprétation libre des gothiques hanséatique et vénitien. Les villas d’Östberg opèrent une belle synthèse entre artisanat suédois, architecture classique et tradition du bois (Villa Bonnier, Villa Pauli). Ivar Tengbom s’inspire lui aussi de la tradition médiévale tout en la faisant dialoguer avec la modernité, comme le montre son église de Högalid à la silhouette massive et aux parois intérieures mêlant influences Art nouveau et Art déco. À ces lignes encore quelque peu exubérantes va succéder le classicisme nordique que les Anglo-Saxons surnommèrent « Swedish Grace ». Gracieuses sont en effet les lignes des réalisations néoclassiques de Gunnar Asplund, telle la Bibliothèque de Stockholm. En duo avec Sigurd Lewerentz, Asplund a imaginé le cimetière boisé de Stockholm, Skogskyrkogården. Ici pas de règles ou d’alignements excessifs, mais une disposition qui rappelle les cimetières médiévaux. L’Exposition de Stockholm en 1930 marque, elle, l’avènement du fonctionnalisme, que représentent bien le siège de la Société Esselte et le Citypalatset, imaginés par Ivar Tengbom, avec leurs longues rangées de fenêtres et leurs derniers étages formant une structure en escalier en retrait de la façade. Sven Markelius s’inspire, lui, du concept socio-politique des Maisons du Peuple et imagine des immeubles collectifs mêlant espaces communs, services de proximité et logements confortables et lumineux. Il pousse plus loin sa réflexion avec le nouveau plan d’urbanisme de Vällingby, qu’il imagine avec un souci constant du détail et de l’environnement. On lui doit également le projet des gratte-ciel de Hötorget qui, avec leurs murs-rideaux de verre et d’aluminium, sont la quintessence de ce modernisme fonctionnaliste. Ces réflexions vont très largement inspirer le « Programme Million » des années 1960-1970. Objectif : permettre à chacun d’accéder à un logement décent et à un prix raisonnable. Des milliers de logements sont créés et des quartiers entiers sortent de terre, à l’image de Skärholmen à Stockholm ou Rosengård à Malmö. Portés par une vraie pensée sociale, ces quartiers se sont malheureusement rapidement transformés en ce qu’ils rejetaient: des cités-dortoirs. En contrepoint, certains architectes tentent de trouver une autre voie, à l’image de Bengt Warne et son concept de Naturhus, maison écologique surmontée d’un écrin de verre isolant !
Effervescence contemporaine
Stockholm, 1re capitale verte de l’Union européenne en 2010, multiplie les aménagements urbains durables, que côtoient de véritables trésors contemporains, parmi lesquels la très belle galerie Artipelag, bâtiment de pin et de béton, surmonté d’un toit en plantes grasses et s’ouvrant sur la mer ; la Kallbadhus, étonnante structure circulaire à la façade de verre qui semble comme flotter sur l’eau ; la Tour Victoria dont la silhouette de verre culminant à 117 m lui donne des allures de phare ; ou bien encore la Sthlm 01 Tower, fer de lance du nouveau quartier écologique de Hammarby Sjöstad. Et la ville devrait bientôt accueillir ses premiers gratte-ciel de bois ! À Malmö, ne manquez pas la Bibliothèque transformée par Henning Larsen en cube de verre (ce qui lui vaut le surnom de calendrier de lumière !); la gare souterraine de Triangeln pensée comme un puits de lumière qui éclaire à 25 m de profondeur ; l’indescriptible centre commercial Emporia, de Gert Windgårdh, dont la structure semble comme se replier sur elle-même dans un jeu de variations géométriques étonnant ; et surtout le quartier de Västra Hamnen, ancienne friche industrielle reconvertie en zone 100 % durable et où s’élève le nouvel emblème de la ville : la HSB Turning Torso, de Santiago Calatrava, premier gratte-ciel torsadé du monde ! À Göteborg, laissez-vous surprendre par le Kuggen, structure cylindrique recouverte de mosaïques de plaques de terre cuite émaillée qui change de couleur en fonction de la lumière : un trompe-l’œil très baroque ! Göteborg est aussi la ville d’une des agences les plus prolifiques du pays, l’agence White Arkitekter, qui multiplie de superbes projets durables, tel le projet de gare-hôtel de ville de Växjö réunis sous une monumentale structure de bois. Et n’oublions pas le Tree Hotel à Harads avec ses cabanes dans les arbres dont la chambre-miroir rendue quasiment invisible par son revêtement ; ou bien encore le Solar Egg de Kiruna, le nouveau sauna géant de la ville recouvert de feuilles d’acier dorées inoxydables à l’effet miroir… Kiruna qui connaît un bouleversement sans précédent. D’ici à 2035, le centre-ville aura été déplacé de plusieurs kilomètres afin de laisser place à la mine de fer avoisinante. Ses plus beaux édifices, dont son église en bois, vont être déplacés et vont venir côtoyer les édifices modernes du nouveau centre durable et écologique !
Architecture traditionnelle
Le bois est l’élément phare de l’architecture traditionnelle suédoise. Il faut dire qu’on le trouve ici en abondance. Les premières structures, dont on peut aujourd’hui encore voir de beaux exemples, sont, certes sommaires, mais très ingénieuses ! Les cabanes en rondins sont d’une très grande solidité du fait de la technique d’assemblage à tenons et mortaises qui permet un emboîtage parfait. Il n’y avait alors besoin que d’une hache pour les construire ! Les backstugor, littéralement « chalets de pentes », se fondent dans le paysage. Quasi semi-souterrains, ils disposent de 3 murs en bois, la pierre environnante faisant office de 4e mur. Et leur toit est couvert de tourbe et d’herbe. Tout comme celui des fermes d’été des régions montagneuses. Au XVIIe siècle, les habitants les plus fortunés se font ériger des manoirs à deux étages, en bois évidemment, mais cette fois-ci revêtant de jolies couleurs ! Mais c’est au XIXe siècle que cette architecture du bois connaît son apogée. C’est l’avènement d’un courant appelé snickarglädje, littéralement « la joie du menuisier ». Les fenêtres, portes, marquises et corniches de ces maisons de bois se parent de superbes décorations qui ont la finesse de la dentelle (lambrequins, frises, volutes…). La maison de l’artiste Anders Zorn (Mora Church) est un superbe exemple de cette architecture rustique et raffinée. Passionnée par les richesses de cette architecture du bois, l’artiste et son épouse ont même créé le plus grand musée à ciel ouvert de Dalécarlie, rassemblant une quarantaine de maisons en bois. Mais les plus belles sont bien sûr les fermes décorées de Hälsingland. Ces 7 maisons de bois datent des XVIIIe et XIXe siècles et témoignent de la prospérité des fermiers de l’époque. Entre traditions populaires et styles européens, les peintures et décorations soulignent la pureté des lignes de ces demeures rustiques. Une attention portée à la couleur que l’on retrouve dans la plupart des maisons traditionnelles suédoises, avec une prédilection pour le rouge, et notamment le rouge falun fabriqué à partir des résidus de cuivre de la mine du même nom. Mais cette peinture n’est pas seulement esthétique, elle est aussi pratique, puisqu’elle protège le bois. Ces petites maisons dont le rouge perçant et rehaussé par le blanc des cadres et des arêtes sont indissociables des paysages suédois !