Une scène politique marquée par les questions identitaires
Indépendant depuis juin 2006, le Monténégro a adopté en octobre 2007 une nouvelle Constitution rendue nécessaire pour prendre en compte les attributions qui jusqu’alors étaient dévolues à la communauté des États de Serbie-et-Monténégro. L’adoption de cette nouvelle Constitution a soulevé de nombreux débats concernant l’hymne, le drapeau, l’indépendance de l’Église orthodoxe monténégrine ou le nom de la langue parlée au Monténégro. Le principal sujet d’opposition, la langue, s’est soldé par l’adoption de la langue « monténégrine » comme langue officielle, tout en précisant que l’utilisation des langues serbes, croates, bosniaques et albanaise est acceptée. Mais en octobre 2020, le gouvernement social-démocrate est tombé après vingt-neuf ans de majorité à l’Assemblée sur la question de l’Église. Après dix mois de processions religieuses regroupant la forte minorité serbe, la population a rejeté par les urnes une loi voulant confisquer les terres de l’Église orthodoxe serbe.
Le Monténégro est en effet un régime d’assemblée à la britannique. Selon la Constitution, le président du Monténégro est élu au suffrage universel direct, mais elle lui accorde des pouvoirs limités : représentation à l’étranger, promulgation des lois, proposition du candidat pour le poste de Premier ministre. Le régime ne prévoit qu’une seule chambre, qui comprend 81 députés élus pour quatre ans. Le Parlement nomme le Premier ministre et les ministres, vote le budget annuel, promulgue les lois, ratifie les traités internationaux. La coalition serbo-albanaise qui a obtenu la majorité au Parlement en octobre 2020 dirige désormais le pays et place le président Djukanović dans une position difficile.
Le droit de vote est accordé aux Monténégrins résidant dans le pays depuis plus de deux ans de façon continue. Mais le droit de vote est interdit aux membres de la diaspora monténégrine, de crainte qu’elle ait un pouvoir trop important. En effet, alors que le Monténégro est peuplé d’un peu moins de 700 000 habitants, cette diaspora compte 800 000 personnes, avec 70 000 représentants rien qu’en Serbie.
Milo Djukanović, un apparatchik converti au libéralisme
L’actuel président du Monténégro, pourtant encore jeune, a déjà une longue carrière politique derrière lui. Né en 1962 à Nikšić, dans le centre du Monténégro, Milo Djukanović offre le profil type d’un ancien cadre communiste reconverti dans le nationalisme. À 27 ans, il est le plus jeune membre du comité central du Parti communiste yougoslave. À 28 ans, il est élu député au Parlement monténégrin, et à 29 ans, en 1991, nommé Premier ministre du Monténégro. Au sein du Parti communiste yougoslave, lors de sa reprise en mains par Milošević, il est surnommé « Milo Britva » (Milo le Couteau) tant son soutien au président serbe est total. Au cours de la guerre civile de 1992-1995, il encourage ses soldats qui vont aider les Serbes de Bosnie-Herzégovine et de Croatie. Mais après 1995 et les accords de Dayton, il sent le vent tourner et abandonne son mentor Slobodan Milošević pour adopter une attitude de neutralité pro-occidentale. En octobre 1997, il est élu président de la République fédérée du Monténégro avec 50,8 % des suffrages. Devenu maître du pays, il se tourne vers l’Occident et, lors des bombardements de la Serbie et du Kosovo par l’OTAN en 1999, il ouvre en grand les frontières du Monténégro pour laisser entrer des dizaines de milliers de réfugiés albanais du Kosovo ainsi que des opposants serbes. Mais, homme d’affaires avisé, il est rattrapé en 2000 par ses liens avec la mafia italienne des Pouilles (Sacra Corona Unita), qui œuvre dans le trafic de cigarettes, de voitures et de travailleurs immigrés entre le Monténégro, l’Albanie et les Pouilles. L’enquête du parquet de Bari, en Italie, sur son implication personnelle dans un gigantesque trafic de cigarettes mène à son inculpation en 2000. Pour échapper aux foudres de la justice italienne, il abandonne la présidence de son pays pour redevenir Premier ministre en janvier 2003. Le plus surprenant est que Milo Djukanović a lui-même reconnu en 2003 que le commerce de cigarettes avait assuré une bonne partie du budget monténégrin au temps des sanctions internationales contre l’ex-Yougoslavie (1992-1998) C’était, selon lui, « une question de survie » pour l’économie de son petit pays. Milo Djukanović est le dirigeant politique qui a su rester le plus longtemps à la tête du pays. Il a occupé le poste de Premier ministre ou de président (1991-2019) pendant trente ans sans discontinuer.
Une intégration euro-atlantique à marche forcée
L’adhésion à l’Union européenne constitue une des priorités stratégiques du pays. Entamées en octobre 2005 dans le cadre de la communauté des États de Serbie-et-Monténégro, les négociations pour un accord de stabilisation et d’association (ASA) avec l’UE ont abouti en mars 2007. Cet accord, signé au Luxembourg le 15 octobre 2007, est entré en vigueur le 1er mai 2010. Il constitue l’une des étapes dans le processus d’intégration en tant que membre de l’UE et représentera un premier pas vers le statut de « pays candidat » confirmé par le Conseil européen le 17 décembre 2010. Cet accord prévoit notamment l’établissement d’une zone de libre-échange, une libéralisation importante de plusieurs secteurs économiques et le renforcement des relations entre le pays et l’Union européenne par l’introduction des standards européens. Enfin, sous la pression des Européens, le Monténégro a fini par reconnaître le 9 octobre 2008 l’indépendance du Kosovo, provoquant l’ire de Belgrade et la déception des cousins serbes. En 2021, les négociations d’adhésion à l’UE sont encore en cours, car la résorption de la corruption et la réforme du système judiciaire ne remplissent pas encore les critères voulus par Bruxelles.
Par contre, l’adhésion à l’OTAN, après de longues années d’intenses négociations par l’équipe au pouvoir, a abouti en décembre 2017. Rejetée par la minorité serbe du pays qui refuse de reconnaître les valeurs d’une organisation militaire qui a bombardé l’union Serbie-Monténégro au printemps 1999, et vue comme une provocation par Vladimir Poutine qui s’appuyait sur l’amitié historique entre la Russie et le Monténégro pour en faire sa chasse gardée, l’adhésion à l’OTAN a été difficile à accepter pour beaucoup. Mais Milo Djukanović, fin tacticien et à nouveau président depuis avril 2018, a su jouer sur le réflexe identitaire des Monténégrins, ainsi que sur la volonté de protection et de sécurité des autres minorités (Bosniaques, Albanais) face au voisin serbe.
Une économie en transition vers le libéralisme
La population du Monténégro s’élève à 620 000 habitants avec une densité relativement faible de 45 habitants au kilomètre carré. Cet écart reflète le niveau de développement du pays, une émigration non négligeable mais aussi la géographie du pays (montagnes). Les écarts entre la population riche et le reste du pays deviennent flagrants pour la bonne et simple raison que l'on ne passe pas d'un système communiste à un système capitaliste aussi vite. Les pays explosent en plein vol et le système se transforme en un capitalisme ultrasauvage… dans le sens étymologique et définitionnel du capitalisme. La captation par la tête, la captation par « la tête de classe » en somme. Vous sentirez au Monténégro que certains ont fait des fortunes et que la majorité reste encore très pauvre. Nous sommes très loin du « capitalisme de papa » des années 1920 aux États-Unis.
En 2014, d’après la Banque mondiale, on estimait à environ 8,6 % la part de la population vivant sous le seuil de pauvreté, c’est-à-dire avec moins de 170 € par mois. Le souci est que, même avec le triple en salaire, il était compliqué de vivre au Monténégro avant l'inflation du début de 2023.
L’agriculture représente 10,2 % du PIB en 2016 selon le FMI. Les exportations dans le secteur sont concentrées sur deux entreprises (Plantaže, producteur de vin de Podgorica, et la brasserie Trebjesa, détenue par des intérêts belges). La production de mandarine, figues, kiwis, oranges et huile d’olive n’est pas à négliger.
Le transport maritime, avec le port de Bar, seul débouché maritime d’importance du pays, reste pénalisé par des infrastructures inadaptées et une interconnexion insuffisante avec le reste des Balkans. Le port de Bar doit cependant une bonne partie de son activité aux flux liés à la production d’aluminium et à l’importation de pétrole et ses dérivés. Globalement, le Monténégro reste pénalisé par un marché intérieur limité. Le pays compte aujourd’hui sur son indépendance et la perspective d’une intégration plus rapide dans l’Union européenne pour accéder à des débouchés plus importants.
L’industrie, même si elle a dû passer par les privatisations, compte encore quelques joyaux. Le combinat d’aluminium de Podgorica, les aciéries de Nikšić et les chantiers navals de Bjelo en sont quelques exemples.
Un secteur touristique en plein boom
Le Monténégro continue d'être une destination de choix pour les voyageurs du monde entier. En 2023, l'industrie du tourisme a connu une croissance significative grâce à une augmentation de l'offre d'hébergement et à une amélioration des infrastructures touristiques dans tout le pays.
Les visiteurs sont attirés par la beauté naturelle du pays, notamment ses plages de sable blanc, ses montagnes imposantes et ses parcs nationaux. Les activités de plein air, telles que la randonnée, le vélo et le rafting, sont également de plus en plus populaires.
Les villes côtières telles que Budva et Kotor ont connu une croissance rapide de leur secteur touristique, avec une augmentation du nombre de restaurants, de bars et de boutiques pour les visiteurs. En 2023, le Monténégro est certainement une destination à considérer pour ceux qui recherchent une combinaison unique de beauté naturelle, de culture et d'aventure. Attention tout de même aux constructions sauvages qui ravagent les bords de mer. Pas de loi littoral au Monténégro…
Jakov Milatović, le renouveau
Le Monténégro a récemment élu un nouveau président et cela a suscité de la joie chez les Serbes vivant dans le nord du pays. Pourquoi ? Parce que le nouveau président est perçu comme respectueux envers leur communauté. C’est le jeune président Milatović qui succède à l’ancien qui est resté en poste plus de trente ans.
Les élections présidentielles du Monténégro se sont déroulées en avril 2023. Les Serbes du nord du Monténégro ont exprimé leur satisfaction face à cette nouvelle, car ils ont le sentiment que leur voix sera mieux entendue par ce nouveau leader. Le Monténégro est un pays de diversité culturelle, avec une forte présence serbe dans le nord du pays. Cette région a souvent été le théâtre de tensions entre les communautés serbes et monténégrines, mais l'élection de ce nouveau président pourrait marquer un tournant dans la relation entre ces deux groupes. Si vous voyagez dans le nord du Monténégro, vous pourriez ressentir cet apaisement et ce soulagement chez les Serbes locaux. Le nouveau président est perçu comme un leader qui respecte toutes les communautés, et cela se reflète dans la façon dont il s'adresse à la population. Vous pourriez donc constater une atmosphère plus détendue et un sentiment de sécurité accrue dans cette région du pays.