Trésors antiques et médiévaux
Ancienne forteresse édifiée par les Illyriens (IVe-IIIe siècles av. J.-C.), Medun possède encore des blocs de pierres cyclopéens issus de ses murailles originelles. Kotor et Ulcinj conservent, elles aussi, des vestiges de ces fortifications antiques monumentales. Les mosaïques à damiers, motifs géométriques ou végétaux retrouvées à Risan témoignent du raffinement décoratif des Romains, tandis que routes (Via Anagnasti) et ponts (pont en pierre de Mostanica) illustrent leur maîtrise du génie civil. Duklja abrite de nombreux vestiges romains (arc de triomphe, temple dédié à Diane, colonnes et chapiteaux). On y trouve également deux basiliques paléochrétiennes d’inspiration byzantine. Mais c’est à Kotor que se trouve la première cathédrale du pays… qui sert aujourd’hui de fondation à l’église Sainte-Marie-de-la-Rivière. N’y manquez pas les fonts baptismaux du VIe siècle. Le Moyen Âge monténégrin est placé sous le signe de la religion, oscillant entre catholicisme et orthodoxie, les deux courants étant parfois célébrés dans une même église, disposant alors de deux autels différents. Les premiers édifices catholiques ont la sobriété du roman, teintée d’une influence byzantine, à l’image de l’église Sainte-Anne de Kotor avec la polychromie de ses pierres rouges et blondes, son dôme et ses arcatures aveugles. Les reliefs escarpés des régions montagneuses voient naître une architecture religieuse troglodyte, dont la chapelle de l’Assomption-de-la-Vierge d’Ostrog est le plus beau témoin. Ces régions abritent également d’imposants monastères, véritables remparts de la foi. Les monastères orthodoxes des collines de Pastrovici possèdent une implantation difficile d’accès, donc stratégique, et une organisation fonctionnelle divisée entre les espaces réservés aux moines (konak) et ceux en lien avec l’exploitation des domaines qui les entourent. Parmi les plus étonnants, ne manquez pas le monastère de Podostrog protégé par de hautes murailles et une tour de guet. Les cités médiévales sont, elles aussi, protégées par d’imposants remparts, à l’image de ceux veillant sur Kotor et son urbanisme typiquement médiéval fait d’un enchevêtrement de ruelles, venelles et placettes. Toutes ces fortifications sont renforcées au XVe siècle. Véritable serpent de pierre crénelé, les remparts de Kotor imposent alors sur la ville leur silhouette de 20 m de haut et parfois large de 15 m. Ce siècle est aussi marqué par le renforcement du pouvoir de Venise dont les forteresses, comme Haj-Nehaj, amorcent un renouveau de l’architecture militaire.
Héritage vénitien et ottoman
La Sérénissime imprime sa marque sur le littoral monténégrin, via une architecture militaire novatrice. Les fortifications du Stato da Mar, classées au patrimoine mondial de l’Unesco, protègent routes maritimes et ports de l’Adriatique grâce à de nouveaux complexes bastionnés dits alla moderna, adaptés à l’artillerie moderne. Les cités « vénitiennes » peuvent ainsi prospérer à l’abri de puissantes murailles. L’empreinte de la cité des doges est d’autant plus grande que ce sont les Vénitiens qui se sont chargés de reconstruire les cités ébranlées par le séisme de 1667. Avec leur piano nobile (étage noble) composé d’un salon central autour duquel s’organisent de façon symétrique les autres pièces, leurs balcons finement travaillés, leurs porches à bossages, leurs patios, leurs arcades, terrasses et belvédères, les palais de l’époque donnent au Monténégro des allures de Venise Renaissance et baroque. Perast abrite un nombre étonnant de ces splendeurs frappées du lion de Saint-Marc. Parmi les plus beaux, ne manquez pas le palais Visković et sa belle loggia, le palais Brajković et ses fenêtres palladiennes à trois baies, et surtout le palais Bujović aux cinq arcades. À Kotor, ce sont les palais Bizanti et Pima qui arborent fièrement la splendeur vénitienne avec leurs patios et cours intérieurs et leurs richesses décoratives (volutes, polychromie, jeux d’arcatures…). Les grandes demeures du bord de mer possèdent également un accès à la mer privé. Ce dernier peut être une simple avancée dans la mer (pontas) ou un embarcadère en forme de L dessinant une sorte de petit port abrité des courants (mandraci). L’influence vénitienne se lit également dans l’architecture religieuse. Les dômes de l’église Notre-Dame-du-Récif à Perast portent encore l’influence byzantine, tandis que l’église de Prcanj, avec son escalier monumental, est un chef-d’œuvre du baroque. Le campanile est un des grands symboles de la puissance de Venise, comme l’illustre bien celui de l’église Saint-Nicolas de Perast qui culmine à 55 m. À ces « tours » religieuses répondent les tours d’horloge. L’une des plus belles est à voir à Kotor. Remarquez sa loggia sommitale et sa solide silhouette en pierre de taille. Dans l’ombre de la Sérénissime, les Ottomans ont également laissé leur empreinte dans des villes comme Ulcinj avec son bouillonnant bazar et son hammam. Mais les témoins les plus évidents de la présence ottomane sont bien sûr les mosquées, dont la plupart conservent de très beaux minarets de bois. Parmi les plus belles, ne manquez pas la vieille mosquée (Stara Dzamija) à Plav et surtout la superbe mosquée Hussein Pasha Boljanić de Pljevlja avec son portique à colonnes, son minaret, son dôme et surtout son riche décor faits de stucs et plafonds à muqarnas (stalactites stylisés).
Architecture moderne et contemporaine
Les Austro-Hongrois ont surtout laissé des témoins militaires de leur présence. Ils restaurent le bâti existant, telle la citadelle de Budva, et érigent de nouvelles structures, à l’image du triptyque composé des forteresses de Traste, Gorazda et Vrmac. Cette dernière impressionne par sa forme pentagonale irrégulière, et ses casemates et plateformes de tir tout en pierre et béton. Le Monténégro connaît un nouvel essor sous l’impulsion des rois bâtisseurs Nikola Ier et Petar II. Ces derniers contribuent à la modernisation des infrastructures du pays et développent de nouveaux plans d’urbanisme où règnent symétrie et ordonnancement. Voyez les grandes avenues arborées rayonnant depuis la place centrale de Nikšić. Admirez le plan de la ville de Cetinje aux larges avenues bordées de maisons aux élégantes façades de couleur s’alignant à la perfection. La ville abrite également de très beaux palais parés des atours de l’éclectisme. Parmi les plus beaux : le palais Bleu avec sa belle façade symétrique ornée de pilastres rouges surmontés de chapiteaux métalliques ouvragés, et le palais Biljanda et sa silhouette de forteresse. Novi Bar, station de villégiature prisée de la couronne, porte aussi la marque de cet éclectisme, comme le montre le palais du roi Nikola aux allures de villas italiennes. L’étonnante ambassade de France de Cetinje, avec sa décoration Art nouveau signée Auguste Perret et Paul Gaudet, annonce, elle, la modernité… dont le pont de Budečevica, prouesse architectonique de béton, est l’un des grands représentants. Contrairement aux idées reçues, l’ère socialiste ne se résume pas qu’à des grands ensembles de béton sans âme. Elle a également ouvert la voie à une liberté formelle se traduisant par une architecture à la radicale pureté, oscillant entre fonctionnalisme et expressionnisme, notamment dans les grandes réalisations mémorielles. Parmi ces dernières, ne manquez pas le grand V de béton du monument de la Liberté d’Ulcinj, le mémorial (Spomen-Dom) de Kolasin tout en triangles, ou bien encore la grande rosace de béton du monument aux Soldats tombés de Nikšić. La ville abrite un autre grand symbole de l’ère soviétique : la maison de la Révolution, mastodonte de béton aux imposants volumes en saillie. Resté inachevé, l’édifice fait aujourd’hui l’objet de projets de réhabilitation. Après le séisme de 1979, le pays a lancé d’importantes campagnes de restauration de son patrimoine… dont certains trésors sont aujourd’hui menacés par le développement d’un tourisme de masse qui se traduit par la création de grands complexes hôteliers et autres marinas, à l’image de Porto Montenegro. Fort heureusement, d’autres projets font le choix de la sobriété des lignes et d’une intégration plus harmonieuse à l’environnement. Cette vision durable se retrouve dans le siège de l’ONU au Monténégro, un édifice autosuffisant aux lignes très modernes mais inspiré par l’architecture vernaculaire. Un savant jeu d’équilibre que représente le très aérien Most Milenijum, l’étonnant pont à haubans de la capitale Podgorica !
Richesses vernaculaires
Les calimeras de la rivière Bojana, maisons de pêcheurs sur pilotis avec leurs filets suspendus, côtoient aujourd’hui de jolies maisons en bois aux allures de chalet mais… sur pilotis ! Les villages de pêcheurs du littoral, eux, conservent une atmosphère méditerranéenne où les couleurs claires des maisons de pierre sont rehaussées par le rouge de leurs tuiles en terra cotta, les tonnelles peuplées de vignes, les beaux balcons en fer forgé et les balustrades ornées de bougainvillées. Autour du lac de Skadar, vous pourrez admirer de belles longères à appareillage de pierre et toit de tuiles. Les plus anciennes sont de plain-pied, tandis que les plus récentes s’étagent sur deux niveaux supportés par des arcades, créant ainsi un espace extérieur, lieu de rassemblement et de convivialité. Dans le centre du pays, vous rencontrerez de nombreuses petites maisons aux toits de chaume protégeant une structure en pierre locale. Dans ces zones rurales, vous découvrirez également les gummo, larges cercles de pierres délimitant l’aire de battage du blé faisant également office de lieu de réunions et de fêtes. Les régions reculées de l’Est abritent d’étonnantes maisons fortifiées baptisées kulla (dérivé du mot turc kule signifiant maison). Solidement ancrées sur des bases en pierre de taille aux murs épais et sans ouvertures, elles s’élèvent sur trois ou quatre étages en bois. En parallèle de ces maisons-tours, vous découvrirez également les maisons traditionnelles reconnaissables à leur toit en bardeaux de bois en forme de croupe. Elles possèdent des fondations en maçonnerie (cave), une base en pierre renforcée par de solides bandes de bois, tandis que des escaliers extérieurs mènent aux étages, dont les murs sont composés d’un cadre en bois que l’on remplit d’argile, torchis et paille et que l’on recouvre de plâtre. Les maisons des régions enneigées se reconnaissent, elles, à leur structure compacte mêlant pierre et bois et à leur toit à pignon étroit et forte double pente permettant d’éviter à la neige de s’entasser. Enfin, les montagnes abritent également les katun, terme désignant à la fois les terres de pâturage et les huttes construites par les bergers, qu’il s’agisse de simples huttes circulaires faites de paille et de bois, ou de structures plus solides en pierre. Aujourd’hui, ces katun sont au cœur d’un écotourisme florissant, comme le montre l’Eko Katun Stavna et ses dix chalets tout confort. Une autre manière de découvrir le Monténégro !