Les origines de la littérature monténégrine
Les Chroniques du prêtre de Dioclée – seraient la version latine élaborée au XIIe siècle d'un manuscrit plus ancien rédigé en vieux-slave – sont bourrées d'inexactitudes sur le passé de la Dalmatie et des régions voisines, mais n'en demeurent pas moins la première œuvre d'importance du Monténégro. Quelques siècles plus tard, Petar II Petrović-Njegoš (1813-1851), poète national et prince-évêque du Monténégro, compose ses premiers textes. Ses aspirations politiques n'aboutissant pas, Petar II Petrović-Njegoš passera l'essentiel de sa courte vie à écrire. De lui est resté notamment un long poème épique, La Couronne des montagnes, qu'il publie en 1847. Elle deviendra après la mort de son auteur un enjeu politique, faisant tour à tour l'objet d'un culte ou devenant prétexte pour attiser le feu entre les orthodoxes et les musulmans, revendiquée par les Serbes et reniée par certains intellectuels, cette œuvre sera instrumentalisée.
XXe et XXIe siècles
Les conflits qui émaillent la grande histoire au XXe siècle n'empêchent pourtant pas aux petites de s'écrire, à en croire le nombre d'écrivains qui y laissent leur marque. En 1901, paraît à titre posthume Exemples d'humanité et de bravoure de Marko Miljanov qui n'a appris à écrire qu'à cinquante ans après s'être retiré de la vie politique. Un musée lui est consacré dans sa ville natale de Medun.
C'est en politique également qu'évoluera Milovan Djilas (1911-1995) jusqu'à ce que, dans un premier article paru en 1954 dans le New York Times, il égratigne Tito. Ses prises de position lui vaudront de réguliers séjours en prison et ses ouvrages seront soumis à la censure jusqu'en 1988. C'est par le biais de la fiction que Mihailo Lalić évoquera l'histoire récente du Monténégro dans Ratna sreća en 1973. Fiction et politique encore pour Čedo Vuković (1920-2014) avec Mrtvo Duboko, un roman qui campe un homme pendant la Seconde Guerre Mondiale tentant d'échapper aux tchetniks.
Borislav Pekić publie dans les années 1970 La Toison d'or qui retrace sur cinq siècles le destin d'une famille serbe d'origine aroumaine. Miodrag Bulatović publie quant à lui Le Coq rouge, l'histoire de Muharem qui décide de fuir l'oppression et de partir à la conquête du vaste monde, son volatile sous le bras. Branimir Sćepanović (1937-2020) excellera lui aussi dans l'art subtil des métaphores angoissantes où il est difficile de ne pas discerner l'avenir de l'ex-Yougoslavie dans La Bouche pleine de terre en 1974.
Mirko Kovač (1938-2013) qui reçut le prix Tucholsky remis par le PEN-Club suédois tout autant en reconnaissance de son talent qu'en soutien suite au harcèlement dont il avait été victime. La Ville dans le miroir, récit autobiographique et nostalgique d'une enfance passée à Dubrovnik, est disponible aux éditions M.E.O. Borislav Jovanović, né en 1941 à Danilovgrad, a travaillé en faveur de la littérature monténégrine, aussi bien pour la défense de la langue que pour son talent de dénicheur de jeunes talents.
La nouvelle génération s'incarne d'ailleurs sous les traits d'Ognjen Spahić, qui vit le jour dans la capitale Podgorica en 1977, et qui fut couronné en 2014 par le prix de Littérature de l'Union européenne pour La Tête pleine de joies, un recueil de nouvelles qui tente d'élucider le processus de création littéraire (éditions Gaïa).