Dépaysement sonore et visuel
Lors de la toute première expédition européenne en Nouvelle-Zélande en 1769-1770, le capitaine James Cook et son équipage furent frappés par la force et le caractère mélodieux du chant des oiseaux à l'aube, le qualifiant notamment d' « assourdissant ». James Cook dira des Korimako (« Bell birds » en anglais, « Méliphage carillonneur en français ») que leur chant est « tel des petits carillons exquisement accordés ». De cette première expédition de 1769-1770, c'est le botaniste Joseph Banks qui fera la description la plus parlante de ces chants hors du commun. Le 17 janvier 1770, il écrit ainsi dans son journal :
« Ce matin j'ai été réveillé par le chant des oiseaux sur la côte distante d'à peine un quart de mile, ils devaient être extrêmement nombreux et ils semblaient soumettre leur gorge à un grand effort, peut-être dans un souci d'émulation ; leurs chants étaient la musique sauvage la plus mélodieuse que j'ai jamais entendue, imitant presque des petits carillons mais avec un son d'argent accordable au-delà de l'imaginable ».
Même si aujourd'hui ces chants sont moins puissants dû au déclin, voire à l'extinction de nombreuses espèces, le dépaysement sonore reste total pour tout nouvel arrivant en terre kiwi, et c'est toujours dans un émerveillement profond qu'on s'assoit dans les parcs ou les forêts pour écouter ces mélodies si incroyablement différentes.
On en prend donc plein les oreilles, mais aussi, comme on peut s'y attendre, plein les yeux. Car, à l'image de ce qu'on entend, beaucoup de ce que l'on voit est unique au pays et ne se trouve nulle part ailleurs sur le globe.
Un fort taux d'endémisme
La Nouvelle-Zélande a en effet un des taux d'endémisme les plus élevés de la planète : 80 % des 2 500 espèces indigènes de fougères, conifères et plantes à fleurs ne se trouvent nulle part ailleurs sur le globe, de même pour 71 % des oiseaux présents en Nouvelle-Zélande avant l'arrivée des hommes, 90 % des poissons d'eau douce et 100 % des chauves-souris, amphibiens et reptiles. Un score impressionnant que la Nouvelle-Zélande doit à son long isolement des autres masses terrestres. Les recherches battent encore leur plein pour savoir quand et comment les espèces peuplant Aotearoa aujourd'hui ont colonisé ces terres. Zealandia s'est séparé de Gondwana au milieu du Crétacé, il y a environ 85 millions d'années. Le Crétacé, c'est l'âge d'or des dinosaures, et des dinosaures, il y en a sans doute eu sur Zealandia ; quelques bribes de squelettes retrouvés ici et là suggèrent que dinosaures et mammifères étaient présents sur le continent après sa séparation de Gondwana. Pourtant quand les humains découvrent cette terre au XIIIe siècle, ce sont les oiseaux qui y règnent. Les dinosaures ont subi le même sort que partout ailleurs sur la planète, mais l'extinction des mammifères demeure l'un des plus grands mystères des temps préhistoriques d'Aotearoa. Toujours est-il que l'absence de mammifère associé à l'isolement des autres terres a permis à la Nouvelle-Zélande de développer une faune et une flore uniques au monde.
La présence humaine a malheureusement beaucoup altéré cette unicité due à l'introduction de prédateurs (rats, furets, hermines, chats, chiens, opossums...) et à la déforestation orchestrée par les Māori puis les Européens pour extraire des matériaux de construction et gagner en terres cultivables. On estime que 40 à 50 % des espèces d'oiseaux endémiques ont été conduits à l'extinction et que 14 millions d'hectares de forêts ont disparu entre le XIIIe siècle (date d'arrivée des premiers Polynésiens) et la fin du XXe siècle.
Les consciences ont cependant commencé à s'éveiller dans les années 1970. En 2002 les politiques prennent un tournant radical et l'exploitation des forêts primaires est complètement interdite. De nombreux programmes de conservation sont aujourd'hui mis en place pour non seulement conserver, mais aussi restaurer la faune et la flore originelles.
Les espèces emblématiques
Malgré la dévastation des forêts et la vague d'extinction massive subie par la faune locale, la Nouvelle-Zélande reste extrêmement riche d'espèces hors du commun qui ne manqueront pas de ravir les yeux et les oreilles des visiteurs ! Se promener dans le bush néo-zélandais, c'est un peu se promener à l'époque de la Préhistoire, et faire connaissance avec les espèces endémiques, c'est s'ouvrir à un nouveau monde dont on ne soupçonnait pas l'existence.
Voici quelques-uns des bestiaux et végétaux qui font la fierté du pays :
Le kiwi. Le kiwi est probablement le symbole le plus répandu de la Nouvelle-Zélande. Ici appelé « kiwi bird », pour le distinguer du kiwi, le fruit (ici appelé kiwifruit), ou encore du Kiwi, l'habitant. Car oui, dans le langage courant, les Néo-Zélandais se surnomment eux-mêmes les Kiwis. Petite astuce sur place : le mot « kiwi » est à l'origine un mot māori, langue qui n'utilise pas le « s » comme marque du pluriel. « Kiwis » avec un « s » désigne donc les habitants, tandis que « kiwi » sans « s » désignera les oiseaux.
Il existe 5 espèces de kiwis : le kiwi de Mantell (North Island Brown kiwi), le kiwi austral (Southern Brown Kiwi), le kiwi Roa (Great spotted kiwi), le kiwi d'Okarito (Rowi), et le kiwi d'Owen (Little Spotted Kiwi). Les kiwis, comme on sait, ne peuvent pas voler. Leurs ailes sont si petites qu'on les distingue à peine de leurs plumes, et leurs plumes sont si denses qu'on dirait presque une fourrure. Nocturnes et extrêmement discrets, il est très difficile d'en voir à l'état sauvage. Certaines compagnies, dans la région d'Okarito ou sur Steward island proposent des tours nocturnes pour tenter d'apercevoir le célèbre volatile.
La fougère argentée (silver fern en anglais, ponga en māori). Autre emblème du pays, la fougère argentée est l'une des 200 espèces de fougères d'Aotearoa. Elles peuvent atteindre jusqu'à 10 m de hauteur (on parle de fougère arborescente en français, et de tree fern en anglais) et ont la particularité d'être d'un blanc laiteux sur le dessous des feuilles. Les Māori mettaient ce blanc à profit pour créer des repères dans la nuit, la lumière de la lune s'y reflétant incroyablement bien.
Le Pohutukawa. Surnommé « arbre de Noël néo-zélandais » car il s'orne de magnifiques fleurs rouges en décembre, il est l'un des éléments de nature les plus représentés dans l'iconographie locale. On les trouve principalement dans la moitié nord de l'île du Nord.
Le kea, le kākā et le kākāpō. Le kea, le kākā et le kākāpō sont les 3 perroquets endémiques de la Nouvelle-Zélande. « Kākā » signifie d'ailleurs perroquet en māori.
Le kākā est extrêmement commun dans les régions où des programmes de conservation sont en place, comme à Wellington ou aux alentours du Milford track. Il reste malheureusement en danger, bien que récemment classé comme « convalescent ».
Il est très intelligent, très amusant à observer, et son cri a ce petit quelque chose de préhistorique qui surprend toujours un peu et met le sourire aux lèvres.
Le kea est un perroquet alpin, le seul au monde ! Comme son camarade kākā, il est diablement intelligent, et très joueur par-dessus le marché. Joueur chaotique, comme les chats. En territoire kea, il est fortement recommandé aux randonneurs de ne pas laisser traîner leurs chaussures dehors, sous peine de se retrouver avec des chaussures trouées, dépourvues de lacets, voire pas de chaussures du tout. Il est également assez courant qu'ils s'attaquent aux voitures, la gomme qui garantit l'étanchéité des portières étant visiblement très amusante à extraire des véhicules.
Il ne vit que sur l'île du Sud, et est considéré comme menacé.
Le kākāpō est l'un des oiseaux les plus insolites de Nouvelle-Zélande. Un perroquet nocturne (« kākā » signifie « perroquet » et « pō » signifie « nuit »), qui ne peut pas voler, le plus lourd du monde (il peut peser jusqu'à 4 kg !), et le seul à avoir un système de reproduction de type « lek polygyne ». Les mâles se réunissent tous dans une même zone et y construisent chacun un genre de petite arène – un lek – dans laquelle ils paradent pendant plusieurs jours pour attirer les femelles. Les femelles choisissent alors le mâle qui leur semble le plus attirant. S'ensuivent parade nuptiale et accouplement, puis la femelle rejoint son territoire pour pondre tandis que le mâle tente d'attirer une autre femelle. Les femelles pondent de 1 à 3 œufs par cycle de reproduction, c'est-à-dire tous les 3 à 5 ans ! En effet, les kākāpō ne lancent un cycle de reproduction que quand les arbres de leur habitat produisent une grande quantité de fruits (on parle de « mast season » en anglais).
Le kākāpō en grand danger d'extinction. On dénombre actuellement environ 250 individus, tous vivant dans des réserves naturelles débarrassées des prédateurs.
Le tūī et le korimako (« méliphage tui » et « méliphage carillonneur » en français). Tout deux de la famille des méliphages, le tūī et le korimako se ressemblent beaucoup par leur chant, mais pas du tout par leur physique !
Le tūī a la taille d'une pie tandis que le korimako a la taille d'un moineau. Le tūī a des teintes noires et bleu encre, et a une gorge ornée de deux petites plumes blanches, tandis que le korimako est drapé de vert. Leur chant en revanche, est difficilement distinguable pour les oreilles non averties. Et pour cause : le tūī, avec ses 2 sets de cordes vocales est spécialiste des imitations. Il a cependant la voix un peu plus rauque, et si on prête vraiment attention, on reconnaîtra le korimako à la pureté des notes qu'il produit. De « petits carillons exquisement accordés », comme dirait le capitaine Cook.
Le hoiho et le kororā. Le hoiho, manchot des antipodes (ou manchot à œil jaune), est l'un des manchots les plus rares au monde. Menacé d'extinction, il est l'un des chouchous des Néo-Zélandais qui multiplient les efforts pour sa conservation.
Le kororā, manchot pygmée (« Little blue penguin »), est, du haut de ses 35 à 42 cm, le plus petit des manchots ! Celui-ci n'est cependant pas endémique et peut également s'observer en Australie. En Nouvelle-Zélande, les deux endroits les plus propices pour observer ces espèces sont la région des Catlins et la péninsule de Banks.
Le wētā. Le wētā est le plus célèbre des insectes de Nouvelle-Zélande. Un peu effrayant mais pas dangereux pour un sou, il ressemble à un croisement entre une sauterelle et un grillon. Il en existe une centaine d'espèces différentes dont le plus célèbre est certainement le wētāpunga, le wētā géant, qui peut atteindre la taille de la paume de la main et peser aussi lourd qu'un moineau !
Le tuatara. Qualifié de « fossile vivant », le tuatara est le dernier représentant de l'ordre des Rhynchocophalian, un ordre de reptiles qui peuplait la Terre du temps des dinosaures. Son nom signifie « dos à pointes » en māori. Insolite : les tuatara naissent avec un 3e œil au milieu du front. Sa fonction reste incertaine et il n'est visible que dans les 4 à 6 premiers mois de vie de l'animal, se couvrant ensuite d'écailles et de pigment.