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Trésors maoris

Les premières formes d’habitat maori consistaient en des constructions semi-permanentes de plan ovale ou circulaire, à moitié enterrées pour mieux se protéger du climat, et formées d’un cadre de bois recouvert de feuilles de palmiers, d’écorces ou de roseaux, laissant uniquement une ouverture basse. A l’intérieur, des tapis étaient disposés sur les sols en terre, tandis que des mottes de terre étaient utilisées pour combler les interstices et conserver la chaleur libérée par le foyer central. A partir du XVe siècle, les communautés maories s’agrandissent et surtout se sédentarisent, s’organisant en kainga, villages composés d’habitations en bois, de jardins et de fosses spéciales destinées au stockage des denrées, notamment le kumara (patate douce du Pacifique). Mais lorsqu’un danger menaçait, les villageois se retiraient dans des villages fortifiés. Ces derniers, baptisés pa, étaient construits le plus souvent sur des collines et nécessitaient d’importants travaux de terrassement, ainsi que la construction de murs et plateformes de soutènement en pierre sèche. Ils étaient ensuite protégés par des fossés défensifs, ainsi que par des remparts de terre et des clôtures en bois ou en osier. De nombreux vestiges de ces villages sont à voir dans les cônes volcaniques d’Auckland et du Northland, ou sur les berges du légendaire fleuve Whanganui. Qu’ils soient fortifiés ou non, les villages maoris respectaient tous une organisation précise chargée d’une forte puissance symbolique. Le marae est l’espace social où s’organise la vie de la communauté. La partie la plus sacrée est l’autel ou ahu, monticule de forme pyramidale. Plateformes sacrées, tables d’offrandes, pierres dressées mais aussi aires dallées de pierre volcanique ou corallienne jouant le rôle de fondations pour les constructions en bois sont également comprises dans le marae ; de même que les unu, grandes stèles de bois sculpté, souvent peintes de couleurs vives, les tira ou mâts décoratifs, et les multiples boîtes aux trésors et niches sacrées. En parallèle de ces espaces sacrés, le marae comprenait également des édifices communautaires : le wharenui ou maison commune dont les linteaux et poteaux pouvaient être décorés et dont le porche servait de zone de rencontre ; le pataka ou espace de stockage souvent placé sur des plateformes en bois ; et le kauta ou cuisine, composé d’un toit de chaume supporté par des poteaux et dont les « murs » consistaient en un empilement des morceaux de bois utilisés pour le feu. Ces marae pouvaient être clos de murs d’enceinte en maçonnerie ou en végétaux. A partir du XIXe siècle, un nouveau type de maison communautaire apparaît : le whare whakairo, aux pignons et pannes faîtières sculptés. Les différents éléments se veulent les traductions architecturales de l’ancêtre que la maison représente : tête (pignon), bouche (porte), colonne vertébrale (panne faîtière), côtes (chevrons). L’édifice est toujours orienté à l’Est, vers Hawaiki, la terre-mère de Polynésie. L’arrière de la construction représente le passé, tandis que le porche en façade représente le présent et l’avenir ; chaque partie étant sculptée d’éléments retraçant l’histoire du clan. Au contact des Pakeha (les Blancs), certains clans ont imaginé un style hybride, usant notamment de techniques européennes comme le placage ou le vernissage des façades, et l’utilisation du fer ondulé et de clous. Mais ces emprunts furent temporaires, et dès le début du XXe siècle, les Maoris renouèrent avec la tradition. Un Institut des Arts et Métiers ouvrit à Rotorua perpétuant cette tradition de la sculpture architecturale. A partir des années 60, les Maoris vivent davantage près des zones urbaines et décident d’y construire de nouveaux marae. Aujourd’hui, de nombreuses réalisations contemporaines maintiennent vivantes ces riches traditions. Certaines communautés maories ont réinvesti l’argent obtenu en indemnisation de la spoliation de leurs terres, dans la reconstitution de villages avec maisons communes et ateliers, comme Tamaki et Mitai, non loin de Rotorua, et Waiora dans la Vallée des Geysers. A Wellington, le musée Te Papa Tongarewa, littéralement « le lieu des trésors de cette terre », est inspiré des coffres-forts ou boîtes à trésors maoris. Les formes étonnantes du Lower Hatea Bridge, elles, ont été inspirées de celles des hameçons maoris. Autre lieu inspirant : la Réserve Kopupaka, entièrement repensée par l’Agence Isthmus et qui reçut pour ce projet le World Landscape of the Year 2016. Pour délimiter les étangs de collecte des eaux, les architectes y ont notamment imaginé des structures en bois de forme conique inspirées des paniers tressés maoris. Mais c’est bien à travers tout le pays que se lit cette riche culture !

Sur un air d’Europe

Fondée en 1819, la Kerikeri Mission Station est le plus ancien site européen de Nouvelle-Zélande et abrite notamment la Stone Store, plus vieux poste commercial en pierre du pays, et la Kerikeri Mission House. Cette dernière est l’exemple type de l’architecture coloniale qui se développe à cette époque, mêlant emprunt aux styles classiques britanniques, ici le style georgien (blancheur éclatante, toit à 4 pans, symétrie en façade), et adaptation au climat (structure en bois, large véranda faisant le tour de la maison, toit en bardeaux de bois). Des caractéristiques que l’on retrouve à Opotiki avec la superbe Tuki-Tuki Homestead encore plus élaborée avec des galeries en rez-de-chaussée et à l’étage et un très joli travail de sculpture du bois. Cette « colonisation » religieuse trouve dans les églises ses plus évidentes représentantes. Ces dernières empruntent aux styles néo, à l’image de la sublime et résolument gothique Old Saint Paul’s à Wellington, célèbre pour sa magnifique charpente de bois en forme de coque de navire renversée supportée par un élégant treillis de poutres et chevrons.

Ce XIXe siècle est également marqué par la découverte de l’or et par la création de villes nouvelles, rappelant les boomtowns américaines, avec leurs maisons, boutiques et hôtels en bois et pierre et leur style éclectique. Ces villes possèdent également souvent un quartier chinois, témoin de la présence de ces milliers de coolies ayant été mis à contribution pour réaliser les travaux les plus dangereux de constructions de ponts, routes et mines. Arrowtown et Queenstown en sont de parfaits exemples. Mais l’influence européenne, et britannique plus particulièrement, est surtout à voir dans les centres urbains. Les Anglais ont souvent utilisé leur plan d’urbanisme en grille, comme à Christchurch… mais sans toujours tenir compte des réalités d’un terrain souvent accidenté, comme à Dunedin. Les colons y ont appliqué un plan géométrique sur une ville de collines, voilà comment est née la Baldwin Street, l’une des rues les plus pentues au monde et dont les maisons semblent littéralement s’enfoncer dans le sol. Cela ne les empêcha pas d’établir de grands centres urbains dont les Civic Center étaient les espaces phares. Parlements, tribunaux et autres bâtiments administratifs y rayonnent de toute leur splendeur, comme le New Zealand Parliement tout en marbre, ou bien encore la Old Governement House et l’Hôtel de Ville d’Auckland. En matière de style, l’époque est marquée par un éclectisme qui emprunte tout à la fois à l’historicisme victorien, avec un emploi fréquent aux styles Tudor et Queen Anne, et au classicisme des styles georgien et édouardien. A Rotorua, les exemples de néo-Tudor sont légion. Se voulant les répliques des pittoresques cottages anglais, les édifices de ce style se reconnaissent à leurs toits pentus, leurs structures à colombages, leurs hautes fenêtres à meneaux, leur premier étage à encorbellement et leurs pignons décorés. A Wellington, la Turnbull House est un exemple parfait de style victorien aux accents industriels avec ses briques rouges. A Auckland, la Villa Highwic offre, elle, un style très largement inspiré du gothique charpentier avec ses superbes boiseries, ses lambrequins ciselés et ses fenêtres aux allures de vitraux. La période voit aussi naître une architecture métallique que l’on retrouve dans les ponts, tel le Kawarau Bridge de Queenstown, et dans les infrastructures liées au développement du chemin de fer. 16 tunnels, des dizaines de ponts métalliques enjambant des gorges vertigineuses, tel le Staircase Gully Bridge dont la pile centrale en T relie deux montagnes… la ligne TranzAlpine est un chef-d’œuvre d’ingénierie ! Ravagée par un séisme en 1931, la ville de Napier doit être entièrement reconstruite. Tirant les leçons du nombre de victimes tuées par l’effondrement d’immeubles et la chute d’éléments de décoration, les pouvoirs publics décident de limiter les édifices à 1 ou 2 étages, et les éléments de décors à des ornementations en faible relief. Le béton armé est employé partout. La ville va alors se parer aux couleurs de l’Art déco. Surfaces lisses, murs-parapets, toits plats, revêtements en stuc, angles arrondis, motifs géométriques ou exotiques, grilles en métal ouvragé et bandes de fenêtres tout en sobriété caractérisent ce style. Le Daily Telegraph Building, le bâtiment de la National Tobacco Company, et les belles demeures de la banlieue de Marewa comptent parmi les chefs-d’œuvre de la ville. Hastings possède aussi quelques très beaux exemples d’Art déco, teinté ici des couleurs du style colonial espagnol que l’on reconnaît à ses arcades, ses grandes fenêtres aux belles grilles de métal et ses couleurs pastel, comme le montre bien le Westerman’s Building. Une épure qui sera poussée encore plus loin avec le modernisme international, que l’on retrouve, en Nouvelle-Zélande, surtout dans les tentatives d’habitat social des années 1940-1950, avec l’essor des maisons de plan rectangulaire, aux porches encastrés, aux petites fenêtres, aux couleurs neutres et au mobilier préfabriqué et intégré… la grande époque du Formica !

Depuis les années 1950

Depuis le début du XXe siècle, la majorité des Néo-Zélandais habitent dans ou à proximité des grands centres urbains, d’où le développement constant de l’architecture résidentielle qui, à sa manière, illustre les principes d’égalitarisme du pays. De tailles et de plans identiques, organisées autour de pelouses et jardins similaires, ces maisons offrent une impression de grande homogénéité. Ces dernières sont souvent de plain-pied, en bois, en parement de brique sur charpente de bois ou en béton, et avec un toit quasiment toujours en tôle ondulée, s’inspirant beaucoup du bungalow californien. C’est à partir des années 1980 que ces maisons se dotent d’étages et d’espaces annexes comme les garages, faisant la part belle au béton dans des structures préfabriquées. Considérant comme essentiel le fait de savoir bâtir de leurs mains, les Néo-Zélandais étanchent leur passion du bricolage et du fait main en travaillant sur les légendaires bach (prononcez batch), ou petites maisons secondaires, qui existent depuis les années 50. Au départ faites en matériaux bon marché ou recyclés, parfois faites en kit, ces maisons de vacances se font toujours plus élaborées. Certaines ont même été réalisées à partir de caravanes ou de vieux wagons de tramways auxquels ont été ajoutés de nouveaux espaces ! La sublime île de Waiheke regorge de bach… mais aussi luxueuses soient-elles, ces maisons doivent disposer de citernes car l’île ne dispose pas d’eau courante ! Mais tout cela ne doit pas faire oublier que la Nouvelle-Zélande est « le pays où les villes dansent sur des volcans ». En 2011, un terrible séisme a ainsi détruit la ville de Christchurch à 80 %, faisant plus de 180 victimes. Mais de ce drame, la ville a tiré une fascinante énergie créative, mobilisant constructeurs et habitants pour repenser une ville plus à même de supporter les colères de la terre. Pensé sur 20 ans, le plan de reconstruction prévoit ainsi un centre-ville compact aux immeubles bas, des quartiers avec des espaces verts et des parcs, et davantage de voies cyclables et piétonnes. Une manière de rendre la ville à ses habitants, tout en freinant les effets néfastes d’une trop grande urbanisation. L’édifice le plus emblématique de la ville est la Transitional Cathedral. Imaginée par le célèbre architecte japonais Shigeru Ban, spécialiste de l’architecture d’urgence post-catastrophe naturelle, la cathédrale possède une structure faite de tubes de carton, poutres de bois et acier, des matériaux peu coûteux et très résistants. Les gratte-ciel et hautes cheminées, eux, ne sont pas en carton ! Du haut de ses 328 m, la Sky Tower domine Auckland dont la skyline ne cesse d’évoluer au gré de la construction de nouvelles tours, telle la Pacifica Residential Tower qui, avec ses 178 m de verre et d’acier, est la plus haute tour résidentielle du pays. Elle est aussi l’un des bâtiments phares du Central Business District. Mais le pays ne compte pas transformer ces grands centres urbains en métropoles tentaculaires et tout est fait pour conserver une taille humaine. Nombreuses sont ainsi les villes à faire le choix de la réhabilitation, comme Hamilton qui a transformé ses anciens entrepôts de brique et de pierre en bars et restaurants branchés. Avec le projet Victoria on the River, la ville a également repensé son lien à la rivière, retravaillant l’espace à grand renfort de terrasses de pierre aux allures d’amphithéâtre. Les architectes contemporains, eux, font le choix de gestes architecturaux forts, comme le montrent bien la très belle Auckland Art Gallery avec son élégante façade de verre, sa voûte en bois et ses motifs maoris, et l’incroyable Len Lye Art Museum à New Plymouth réalisé par l’agence Patersons Architects, qui impressionne par sa façade ondulante et iridescente en acier inoxydable. Parmi les autres très belles réalisations contemporaines, nous pouvons citer : la Cour Suprême de Wellington avec ses étonnants écrans décoratifs en bronze recyclé dont les formes organiques sont inspirées de la flore locale, et dont les matériaux ont été pensés pour économiser l’énergie ; ou bien encore le très beau Te Ara Atea Library and Community Center de Christchurch avec ses formes ondulantes inspirées des mouvements de l’eau, ses panneaux de bois et ses espaces intérieurs rappelant les reliefs escarpés des montagnes. Des paysages à couper le souffle dans lesquels s’intègrent également des bijoux d’architecture comme le Knoll Ridge Café sur le Mont Ruapehu avec ses volumes anguleux rappelant les formes géologiques du lieu ; le Lindis Lodge en plein cœur des vallées de glace avec son toit ondulant et sa structure en panneaux de bois lamellés ou tressés ; ou bien encore le Brancott Estate Heritage Centre, dont le vaste toit plat offre une vue panoramique sur les vignobles alentour. Mais pour se fondre dans la nature, rien ne vaudra jamais les Wilderness Huts, cabanes en rondins de bois et toits végétalisés qui jalonnent les grands espaces néo-zélandais !