La religion en Crète
En Crète, même dans les coins les plus reculés, les ex-voto, les chapelles, les monastères et les églises font partie intégrante du paysage. Comme partout en Grèce, l’orthodoxie a beau être omniprésente, elle ne s’enrichit pas moins de pratiques pré-chrétiennes ou de superstitions solidement ancrées dans un passé lointain. La religion orthodoxe est bien sûr un dogme, mais, avant tout, c’est l’occasion de faire la fête. En effet, les occasions ne manquent pas de célébrer le saint patron de chaque ville ou village au cours de grandes foires religieuses, autrement dit de panigyria. A cette occasion-là, les pratiquants se mélangent aux fêtards et c’est alors que la musique, la danse et surtout les grands banquets succèdent à la messe et durent toute la journée et la nuit.
Au niveau administratif, l’Eglise de Crète a un statut semi-autonome et elle se rattache directement au patriarche œcuménique de Constantinople. L’Eglise de Crète a été officiellement fondée en 64 par le disciple de saint Paul, l’apôtre Tite, saint patron de la ville d’Héraklion.
L’Eglise et l’Etat en Grèce
L’Eglise grecque orthodoxe est autocéphale et a ses propres statuts, tandis que sa doctrine est indissociablement rattachée à celle du Patriarcat œcuménique qui siège à Istanbul.
N’étant pas encore séparée de l’Etat, l’Eglise orthodoxe exerce une influence indéniable aussi bien dans le secteur politique qu’économique. La religion orthodoxe est enseignée dans les écoles publiques, même si, depuis 2015, les élèves peuvent en être dispensés avec l’accord de leurs parents.
L’Eglise demeure le premier propriétaire foncier du pays, encore largement exempté des taxes foncières, à la fureur de nombreux citoyens qui ont payé le prix fort des politiques d’austérité pendant la crise. Face à ce mécontentement, une révision constitutionnelle avait été lancée par le gouvernement d’Alexis Tsipras, proposant enfin une vraie révolution politique et économique des liens entre Eglise orthodoxe et Etat. Mais l’une des premières mesures prises par le gouvernement conservateur de Konstantinos Mitsotakis a été un rétropédalage total sur ces sujets.
Célébrations religieuses
Croyants sans être de fervents pratiquants, les Grecs respectent les fêtes religieuses qui rythment leur vie et le calendrier orthodoxe. En Crète, la Pâques orthodoxe et la Saint Georges sont les plus importantes célébrations de l’année. A ces occasions, l’île se remplit de natifs partis dans les grandes villes de Grèce : c’est le moment du grand retour et un rituel de retrouvailles assez suivi. Les célébrations de Pâques en Crète coïncident avec l’ouverture de la période touristique et cela offre une très bonne occasion de prévoir à ces dates-là une plongée dans les traditions crétoises.
Célébration de la résurrection du Christ, la Pâques orthodoxe est aussi l’occasion de fêter l’arrivée du printemps. Les rites suivis sont nombreux. La plus importante procession est celle de l’epitaphios, dédiée à la Descente de la Croix, le Vendredi saint : une représentation du tombeau du Christ, le plus souvent en bois sculpté, décoré de fleurs et porté par des hommes, est solennellement suivie par les fidèles et tous ceux qui aiment participer aux traditions du pays. La Résurrection est fêtée le samedi soir à minuit : la flamme de la bonne nouvelle annonçant que le Christ est aux cieux se transmet d’un cierge à l’autre et de main à main.
Au-delà des grandes dates, le saint le plus vénéré en Crète est saint Georges, patron des paysans et des bergers, fêté le 23 avril. On voit alors les bergers rassembler leurs troupeaux, les bêtes étant lavées et décorées pour l’occasion et emmenées devant l’église du village afin de recevoir la bénédiction du prêtre.
La communauté juive de Crète
La synagogue Etz Hayyim, qui se trouve à Hania, est l’unique témoignage de la présence de la communauté juive en Crète, une des plus anciennes communautés d’Europe. Les juifs s’installent en Crète à la période hellénistique, autour du IIIe siècle av. J.-C., et suivent la tradition romaniote. Au XVIIIe siècle, on compte 2 000 juifs et 8 synagogues en Crète. Aux siècles suivants, la population chute drastiquement et à l’arrivée des nazis, en 1940, il ne reste plus que 400 juifs. Dès les premiers jours de l’occupation, les synagogues d’Héraklion, Réthymnon et la Beth Shalom qui se trouvait à Hania, sont complètement détruites, suite aux bombardements. Les cimetières de Réthymnon, Hania et Héraklion disparaissent. Le 9 juin 1944, 276 juifs de Hania sont embarqués sur le Tanais, direction Auschwitz. En chemin, la flotte britannique torpille le navire, le prenant pour un bateau allemand. Il n’y a aucun survivant. La synagogue Etz Hayyim est rouverte en 1999 mais seulement une vingtaine de familles, venues d’ailleurs, y célèbrent les fêtes juives. Dans un esprit de tolérance et d’ouverture, on peut s’y recueillir devant le petit mémorial aux naufragés du Tanais et devant les quatre anciennes tombes de rabbins (XVIIIe et XIXe siècles) dans le minuscule cimetière attenant à l’ancien mikveh, les bains rituels dédiés aux femmes.
Les Turco-Crétois
Les mosquées et les minarets sont les signes indéniables de la longue période durant laquelle la Crète était occupée par les Ottomans. Or, bien au-delà de cette période, la communauté turco-crétoise a su résister à l’assimilation imposée par les Ottomans au début, et par les Grecs ensuite : tout en restant musulmane, elle s’est affirmée grecque. Les Turco-Crétois étaient majoritaires dans les trois villes de Hania, Héraklion et Réthymnon. À la fin du XIXe siècle, plus de 40 000 Turco-Crétois quittent la Crète alors que l’État crétois autonome est créé sous la pression des grandes puissances. En 1912, date du rattachement de l’île à la Grèce, les Turco-Crétois représentent 11 % de la population crétoise. Ils ont dû quitter définitivement la Crète à la suite du désastre de l’Asie Mineure en 1922 et de la convention de Lausanne en 1923. Le sort des populations échangées au cours des siècles n’a épargné ni les Turco-Crétois ni les Grecs qui sont arrivés de l’Asie Mineure : les Turcs locaux traitaient les uns de gavur fidanı (pousses infidèles) car ils ne parlaient pas leur langue ; les Grecs locaux traitaient les autres de tourkosporoi (graines de Turcs).