Quelques stars de l’architecture du Golden State
De l’architecte pionnier afro-américain Paul R. Williams qui luttait contre la ségrégation avant de devenir l’architecte des stars et qui a dessiné 3 000 maisons entre 1920 et 1930 aux formes déconstructivistes iconoclastes des buildings extravagants de Frank Gehry, arrêtons-nous sur quelques architectes qui ont marqué de leur empreinte l’urbanisme excentrique parfois futuriste, caractéristique de la Californie :
Julia Morgan (1872-1957). Figure emblématique de l’architecture californienne, elle est la première femme diplômée d’architecture à l’École nationale supérieure des Beaux-Arts de Paris en 1902. Pionnière dans l’utilisation de béton armé afin de prévenir les risques de séisme, pendant ses 50 ans de carrière, Julia Morgan réalise plus de 700 bâtiments dont un tiers sont commandés par des femmes à une époque où le féminisme émerge en Amérique. Elle est particulièrement célèbre pour la construction du Hearst Castle, un somptueux palais perché sur la colline de San Simeon entre Los Angeles et San Francisco. Cette demeure incroyable qui semble sortie de l’Antiquité est l’ancienne maison du milliardaire William Hearst, patron sulfureux de presse écrite. Devenue un musée (classé monument historique national) « la maison la plus chère au monde » mélange tous les styles architecturaux. Sa construction a duré 28 ans. On y trouve 56 chambres, 61 salles de bain, 19 salons, des piscines intérieures et extérieures. Le jardin mesure 51 hectares et comprend des courts de tennis, un cinéma, une piste d’atterrissage ainsi que le plus grand zoo privé du monde. Après sa mort, les œuvres de Julia Morgan furent balayées par le mouvement moderniste. Cela fait seulement quelques années que son travail visionnaire est reconnu. En 2016, Julia Morgan a reçu à titre posthume la médaille d'or de l'AIA, la plus haute distinction de l'American Institute of Architects en reconnaissance de son œuvre significative et de son influence déterminante sur l'architecture.
Frank Lloyd Wright (1867-1959). Fervent défenseur de l'architecture organique, des plans ouverts, de l'abolition des frontières entre l’intérieur et l’extérieur, Frank Lloyd Wright a durablement modifié le rapport entre l’architecture et la nature. Pendant sa longue carrière de 70 ans, il a réalisé plus de 300 projets. Rejetant la verticalité, il a théorisé la maison usonienne bâtie sur une dalle de béton sans fondations, simple et élégante pour permettre à la classe moyenne d’accéder à la propriété après le crash boursier de 1929. Génial inventeur de la maison sur la cascade en Pennsylvanie, Frank Lloyd Wright est aussi le père du fantastique Guggenheim Museum de New York, son ultime chef-d’œuvre. En Californie, le prolixe architecte a conçu 26 bâtiments qui sont toujours debout. A Los Angeles, vous pouvez voir ses célèbres maisons textiles en bloc de béton à motifs. Il n'en a conçu que quatre avec une forte esthétique maya en 1923 et voulait prouver qu’avec un matériau peu onéreux, on pouvait créer quelque chose de beau. Toutes sont situées dans la région de L.A : Ennis House, Storer House, Millard House/La Miniatura et Freeman House. A San Francisco, le V.C. Morris Gift Shop à Union Square est le seul bâtiment conçu par Frank Lloyd Wright. Il expérimente en 1949 la conception circulaire sur plusieurs niveaux autour d’un atrium central, qui deviendra définitivement iconique 10 ans après grâce au musée Guggenheim de New York.
Richard Neutra (1892-1970). Originaire de Vienne, nourri au Bauhaus, il arrive sur la côte Est des États-Unis au début des années 1920 et travaille pour Frank Lloyd Wright avant de rejoindre la vaste Californie et ses habitants fortunés. Pionnier de l’architecture moderne, Richard Neutra fonde son travail sur une nouvelle architecture basée sur la connaissance biologique de l'homme et la nécessité d’être en contact avec la nature. Il élabore la théorie du bioréalisme, un style de vie qui se définit par la relation de l’homme à son environnement naturel, sa fluidité de mouvement dans l’espace et l’importance d’un cadre de vie sain. La lumière est omniprésente dans les travaux de Richard Neutra alors que son architecture se veut discrète, sa qualité première étant de s’effacer du mode de vie, de devenir transparente afin d’offrir de superbes points de vue sur la nature. En Californie du Sud, terre fertile bénie par l’astre Râ, Richard Neutra devient très rapidement plébiscité par la riche société californienne qui loue l’élégance de son style et ses jeux avec la lumière. Alors qu’il est à l’apogée de sa carrière, les propriétaires de la célèbre Villa sur la Cascade de Frank Lloyd Wright lui commandent une maison de vacances pour passer les mois d’hiver. Ce sera à Palm Springs, à 2h de Los Angeles, oasis de verdure sur une terre radicale, la coqueluche des stars du cinéma. The Kaufmann House en pierre, verre et en acier, voit le jour en 1947 et incarne parfaitement les règles du modernisme. D’une grande beauté et sans fioriture, elle devient rapidement iconique. Immortalisée par les photographes Slim Aarons et Julius Shulman, leurs clichés de The Kaufmann House font le tour du monde et consacre l’apothéose du style moderniste de Neutra, international dans l’esprit et local dans son inspiration.
D’autres architectes ont laissé des œuvres importantes en Californie comme Jack A. Charney et sa Sierra Tower, le plus haut gratte-ciel de West Hollywood ou encore Pierre Koenig et sa Case Study House n°22 (la Stahl house), une construction avant-gardiste sur les collines d’Hollywood en verre et acier qui offre une vue incroyable sur Los Angeles. Citons aussi Elrod House, grotte moderne à l’esthétique audacieuse dessinée par John Lautner, pionnier du « Desert Modernism » est facilement visible sur les hauteurs de Palm Springs. Enfin, que serait la signature architecturale moderne de la Californie sans l’originalité des réalisations de Frank Gehry, architecte iconique et avant-gardiste aujourd’hui âgé de 93 ans ? En 1977, lorsqu’il achète un bungalow ordinaire de style colonial, ses voisins sont loin d’imaginer qu’il va le transformer en une maison déconstructiviste. Des matériaux inhabituels et des formes biscornues sont exploités comme la tôle, le contre-plaqué, des clôtures à mailles métalliques et des échafaudages. Les voisins ne sont pas emballés (euphémisme) par le rendu de cette construction avant-gardiste mais pour Frank Gehry, future figure de la pop culture, l’objectif est atteint : attirer l’œil des badauds donc de potentiels acheteurs. Dès les années 80, les lignes anticonformistes et les ondulations organiques de ses réalisations « tordues », influencées par les mouvements du déconstructivisme et du post-structuralisme font figure d’autorité à l’international. Parmi les créations mondialement connues de Frank Gehry, on peut citer le Musée Guggenheim de Bilbao (1997), le Walt Disney Concert Hall à Los Angeles (2003) et plus récemment la Fondation Louis Vuitton à Paris (2014). En 2010, le magazine Vanity Fair le consacre « plus grand architecte de notre temps ».
Los Angeles : laboratoire architectural
Los Angeles abrite une multitude de styles architecturaux qui contribuent à définir le style « américain ». En à peine deux siècles, la ville s'est forgée une identité architecturale qui lui est propre et une esthétique visuelle unique étroitement liée à son développement. À la fin du XVIIe siècle, Los Angeles se résume à un pueblo poussiéreux, un modeste avant-poste mexicain avec son campement de pionniers près de la rivière Los Angeles. Mais sous l'époque victorienne, de 1837 à 1901 des milliers de maisons sont construites, Los Angeles est alors en plein essor. Son relief accidenté avec ses collines complique la tâche des bâtisseurs. Contrairement à New York sur la côte Est, Los Angeles n'a que très peu de gratte-ciels hormis dans quelques quartiers tels que Downtown, Warner Center, Hollywood… Que vous soyez à la recherche d'un manoir victorien, d'édifices de style mid-century modern d'après-guerre ou de bâtiments de style Art Deco, la Cité des Anges regorge de trésors architecturaux.
À voir à Los Angeles :
Le Walt Disney Concert Hall. Le Los Angeles Philharmonic situé sur Grand Avenue, à Downtown L.A., est la référence architecturale et culturelle du centre-ville. Conçu par l'architecte superstar Frank Gehry et inauguré en 2003, il constitue l'un des quatre complexes de salles de spectacle du Los Angeles Music Center. Sur les 274 millions de dollars qu'il a coûté, le bâtiment a fait l'objet d'une première donation de 50 millions de dollars en 1987 par Lillian Disney, la veuve du célèbre producteur. Sous ses vagues en acier inoxydable qui se reflètent différemment selon les angles, le soleil et l'heure, l'auditorium accueille 2 265 personnes. Son acoustique particulièrement sophistiquée a été supervisée par les acousticiens réputés de la société japonaise Nagata Acoustic.
Le Getty Center à Brentwood, un chef-d'œuvre d'art moderne tout blanc de l'architecte star Richard Meier que l'on visite aussi pour son magnifique jardin avec une vue imprenable sur l'océan Pacifique, à l'instar de la Getty Villa.
Le Los Angeles County Museum of Art (LACMA) à Miracle Mile, modifié à maintes reprises par différents architectes au cours des 50 dernières années et dont on apprécie l'immense cour intérieure. C'est aussi le plus grand musée de l'Ouest des États-Unis qui retrace l'histoire de l'art de l'Antiquité à nos jours.
Le Griffith Observatory à Los Feliz. Construit en 1935, ce bijou d'architecture singulier peut être qualifié de style Art Déco/Égyptien. Perché sur les hauteurs de Hollywood Hills, il offre une vue merveilleuse sur Los Angeles et sur le panneau Hollywood.
Le Broad, un musée d'art contemporain ouvert en 2015 fondé par les philanthropes Eli et Edythe Broad qui ont financé le bâtiment en « nid d'abeille » de 140 millions de dollars. Conçu par Diller Scofidio+ Renfro, le musée est bâti sur l'idée d'un voile et d'une voûte.
San Francisco, la ville cosmopolite à l’architecture éclectique
De la colonisation espagnole à la ruée vers l'or qui a entraîné un boom démographique, du tremblement de terre et de l'incendie qui ont ravagé 80% de la ville en 1906 sans pour autant freiner son fulgurant essor économique. « The City by the Bay » a une histoire tourmentée, riche et fascinante. La croissance effrénée de cet avant-poste lointain perdu dans la broussaille devenue une cité cosmopolite et prospère dès le XIXe siècle a compliqué les efforts de planification de l'urbanisme de la ville, laissant en héritage des rues étroites qui prévalent encore dans de nombreux quartiers. Connue pour ses maisons d'architecture victorienne, ses fenêtres en saillie dite « bow window » et son style moderne, l'architecture éclectique de San Francisco n'a pas de style dominant mais elle reflète parfaitement l'histoire, la géographie et la diversité de la population de la région. Épicentre d'une évolution radicale de la société dans les années 60 (libération des femmes, droits civiques et révolution sexuelle), l'esprit progressiste de SF et de ses habitants se ressent dans le mélange des styles de son urbanisme. À voir :
Les Fine Arts Museums, qui regroupent différents bâtiments aux styles variés. 1) De Young Museum, le musée des Beaux-Arts de SF situé au Golden Gate Park. Ouvert en 1895, sa conception mêlant hyper modernité, nature et matériaux bruts est une réelle curiosité. 2) The Legion of Honor, directement inspiré du musée de la Légion d'honneur de Paris datant du XVIIIe siècle, il en est la réplique réduite. Le musée de style Beaux-Arts qui est au Lincoln Park fut construit en mémoire des 3 600 soldats californiens morts dans le nord de la France pendant la Première Guerre mondiale.
The Golden Gate Bridge, construit il y a 80 ans, ce pont suspendu en acier, de style Art déco est l'un des plus hauts du monde avec ses 2,7 kilomètres de longueur et ses 227 mètres de hauteur. Considéré comme l'une des sept merveilles du génie civil aux États-Unis par l'American Society of Civil Engineers, le Golden Gate et sa couleur orange internationale iconique est le symbole de la ville de San Francisco.
The Coit Tower à Telegraph Hill. Construite en style Art déco, elle est inaugurée en 1933 pour honorer les pompiers de la ville. Elle a été dessinée par les architectes Arthur Brown Jr. et Henry Howard.
La Mission Dolores. Construite en 1776 par des missionnaires espagnols (dirigés par le père Junipero Serra, fondateur controversé de nombreuses missions franciscaines en Californie), c'est la plus ancienne église de San Francisco. Ses murs en adobe (un mélange de terre et d'herbe séchées) mesurent quatre mètres d'épaisseur. Les poutres originelles en bois rouge sont toujours en place et supportent le plafond. La basilique de la Mission Dolores est bâtie dans un style churrigueresque (ultra baroque espagnol du XVIIIe siècle caractérisé par une abondance ornementale.)
The Transamerica Pyramid dans le Financial District, haute de 260 mètres, qui a été pendant plus de 40 ans l'un des emblèmes de la ville. Lors de sa construction en 1968, sa forme futuriste a suscité de virulentes critiques. Certains craignaient qu'elle n'enlaidisse la skyline du quartier des affaires. Pourtant cette forme pyramidale fut choisie afin de répondre à des préoccupations environnementales et permettre à la lumière de descendre jusqu'à la base du building contrairement aux gratte-ciels classiques. La tour est depuis 2018, supplantée en taille par les 326 mètres de la Tour Salesforce. Ce gratte-ciel en verre élancé de 61 étages et qui ressemble à un obélisque est le principal bâtiment dans SOMA du vaste plan de réaménagement de San Francisco Transbay, l'autorité des transports locaux.
The « Painted Ladies ». Entre 1849 et 1915, environ 48 000 maisons modestes de style victorien et édouardien ont été bâties à San Francisco alors en plein essor. Elles ont été peintes dans des couleurs vives pour accentuer leurs détails architecturaux. Beaucoup d'entre elles furent ravagées par l'incendie de 1906 mais d'autres ont survécu dans les quartiers ouest et sud parmi lesquelles les Seven Painted Ladies, situées aux numéros 710 et 720 de Steiner Street. Construites entre 1892 et 1896 par Matthew Kavanaugh, elles font partie des plus vieilles maisons de SF.
Le bâtiment postmoderne du SFMOMA (musée d'Art moderne de San Francisco) en brique rouge est aussi un incontournable. Il a rouvert ses portes en mai 2016 après de longs travaux lui ayant permis de tripler sa superficie d'exposition grâce à une extension, une immense « annexe » de 10 étages à la façade blanche marquée de stries et d'ondulations qui semble s'accrocher au bâtiment initial.
À Las Vegas : en parcourant les 5 km du Las Vegas Boulevard, l'avenue principale plus connue sous le nom de « strip », vous découvrirez l'extravagance architecturale des plus beaux casinos du monde, comme le Caesar's Palace et son décor hérité de l'empire romain, le Bellagio et ses célèbres fontaines qui célèbrent l'Italie avec une reconstitution des canaux de Venise ou encore le Mandalay Bay et son atmosphère des mers du Sud-Est asiatique.
À Phoenix, la principale attraction architecturale est le moderne Palo Verde Library and Maryvale Community Center, construit en 2006 et honoré de nombreux prix dans les années qui suivirent. Ses formes rectangulaires épurées, ses transparences et ses espaces verts en font un lieu privilégié de détente à Phoenix.
Scottsdale abrite un autre site d'importance d'Arizona : Taliesin West. Ce complexe bas, large et confortable fut construit en 1937 par Frank Lloyd Wright qui en fit sa résidence d'hiver et un lieu d'apprentissage pour ses étudiants. Wright souhaitait utiliser uniquement des matériaux disponibles localement pour ce projet d'architecture organique de style Prairie. La structure est bâtie selon le procédé de « maçonnerie du désert ». Les murs sont en roches du désert empilées dans des formes en bois et remplies de béton. Le plâtre des murs intérieurs a été mélangé à de la terre de Sienne, offrant des tons champêtres. Taliesin présente de nombreux éléments architecturaux qui sont devenus la marque de commerce de Wright : les toits en porte-à-faux, de larges fenêtres et un plan d'étage ouvert. Classé au patrimoine mondial de l'Unesco, Taliesin West est le siège de la fondation de Frank Lloyd Wright et de l'école d'architecture de Taliesin.
Enfin, à Salt Lake City, on ira voir Abravanel Hall, le bâtiment qui abrite l'orchestre symphonique d'Utah. Conçu en 1979, il impose l'admiration par sa forme triangulaire et ses arêtes vives, évoquant une proue de bateau. Ses larges baies vitrées permettent d'observer l'activité permanente qui se déroule à l'intérieur. Dans la salle de concert, admirez les 6 lustres scintillants. Chacun est composé de 3 000 cristaux importés d'Autriche et de Tchécoslovaquie et taillés à la main. Pour éliminer l'écho et répartir le son uniformément, les murs et le plafond sont constitués de surfaces convexes : il n'y a aucun angle à 90 degrés.