Vestiges du passé
De la présence romaine subsistent les ruines d’Aquincum, l’un des plus grands parcs archéologiques du pays. Construite entre les IIe et IIIe siècles, la cité possédait notamment des thermes et un grand amphithéâtre dont on peut voir les fondations. Du style roman, il ne subsiste qu’un étonnant témoin situé dans le parc du château de Vajdahunyad : la réplique exacte de la superbe église romane de Ják… réplique construite au XIXe siècle. La plupart des vestiges gothiques sont visibles sur la colline de Buda. Notons également l’église Notre-Dame-de-l’Assomption de Budavár , plus vieil édifice religieux de la ville. C’est également à cette période que se met en place le modèle de la maison de ville budapestoise avec un premier corps de bâtiment donnant sur la rue et doté d’un porche permettant d’accéder à la cour intérieure autour de laquelle sont organisés les autres corps de bâtiments reliés par des coursives. La Renaissance, quant à elle, trouve son plus beau représentant dans le château de Višegrad, que le roi Mathias fit reconstruire selon les canons en vogue à l’époque et très largement inspirés des modèles italiens, notamment dans le travail et l’ornementation des fenêtres. Les Ottomans ont laissé quelques beaux vestiges parmi lesquels les superbes thermes Király, bâtis en 1565, et dont les visiteurs apprécient aujourd’hui encore l’atmosphère magique et éthérée.
Splendeurs baroques
Durant les XVIIe et XVIIIe siècles, sous l’impulsion des Habsbourg – qui règnent en maîtres sur le royaume depuis l’expulsion des Ottomans – et des Jésuites – dont l’influence ne cesse de croître –, la ville se dote d’édifices richement décorés, arborant souvent la couleur ocre (surnommée « jaune Marie-Thérèse » du nom de l’impératrice et reine de Hongrie). Parmi les joyaux baroques de Budapest, notons l’église Sainte-Anne avec ses deux clochers (canon jésuite des églises nordiques) et ses jeux de lignes contraires animant sa façade et le château royal de Buda avec son dôme central et son belvédère inspirés des modèles italiens. Les palais et résidences d’été se parent également aux couleurs du baroque, à l’image du palais Erdődy – avec son soubassement à bossage massif – et du château de Gödöllö, première résidence pensée comme un tout (incluant cour, bâtiment et jardin) et dont le pavillon central est marqué par une entrée monumentale coiffée d’un dôme.
Majesté néoclassique
À partir des années 1820, la ville entre dans une grande période de prospérité qui se traduit par une fièvre constructrice avec multiplication de musées, théâtres, bains et hôtels. Désireuse de créer une ville harmonieuse et homogène, la bourgeoise délaisse les fantaisies du baroque pour se tourner vers l’élégante rigueur du néoclassique. Harmonie, symétrie, netteté des volumes, telles sont les caractéristiques des édifices de l’époque. Le plus beau témoin de ce style est sans conteste le Musée national hongrois, long bâtiment rectangulaire dont on admire le portique central à huit colonnes corinthiennes et son fronton sculpté. Autre chef-d’œuvre néoclassique : le pont des Chaînes, tout premier pont de pierre bâti sur le Danube. Ces deux piles ressemblent à de petits arcs de triomphe auxquels sont attachées les chaînes maintenant le tablier du pont. Notons également le temple évangélique de Deák, que l’on doit à Mihály Pollack, grand ordonnateur de la ville néoclassique, et dont on peut admirer le portique à quatre piliers doriques ornant la façade.
Éclectisme et style hongrois
Dans le courant du XIXe siècle, la domination des Habsbourg pèse fortement sur la Hongrie qui va dès lors utiliser l’architecture comme vecteur d’un éveil national puisant tout à la fois aux sources des grands styles esthétiques européens et aux sources de la culture et du folklore hongrois. C’est l’avènement des styles néo mâtinés de références nationales. Les plus beaux représentants de cette période sont le Parlement dont la flamboyance néogothique exalte les vertus constitutionnelles de la nation, l’Opéra national dont le style néo-Renaissance s’exprime à travers ors et marbres, l’église Saint-Étienne avec son dôme culminant à 96 m, la même hauteur que le Parlement, et symbolisant ainsi l’égalité entre l’Église et l’État, ou bien encore les superbes thermes néobaroques Széchenyi. En 1896, des milliers de visiteurs se pressent pour admirer les splendeurs de la capitale lors de l’exposition commémorant le millénaire hongrois et mettant en valeur les sources de l’identité nationale. À cette occasion, de grands aménagements urbains sont réalisés, à commencer par la création de l’avenue Andrássy (les « Champs-Élysées » de Budapest) et la mise en place du tout premier métro. Le village du Millénaire mêle habitations hongroises traditionnelles et maisons typiques des minorités ethniques aux réminiscences turques et hindoues, rappelant les origines orientales du peuple magyar. Sont également construits le bastion des Pêcheurs, joyau néoroman, et l’église Saint-Mathias aux impressionnantes tours néogothiques. Dans un élan romantique, tout en symbolisme, les Hongrois vont multiplier les références au passé national comme avec la Grande Synagogue de Pest, dont on admire les influences orientales avec ses tours aux allures de minaret surmontées de bulbes, ou bien la redoute de Pest avec ses frises d’inspiration islamique, ses arcades orientalisantes et ses sculptures des figures phares de la nation. L’architecture devient outil de résistance.
Art nouveau et Art déco
Au tournant du XXe siècle, les architectes se libèrent des styles historiques pour se consacrer à la création d’un nouveau langage formel national. Le grand théoricien de cette nouvelle architecture hongroise est Ödön Lechner. Budapest devient alors le cœur battant de l’Art nouveau hongrois : la Szecesszió. Parmi les grandes caractéristiques de ce style résolument hongrois, notons l’intégration en façade de motifs décoratifs d’inspiration orientale ou tirés du folklore national, l’utilisation de la majolique (céramique) comme parement et comme élément décoratif, la couverture des bâtiments en tuiles multicolores, les jeux de lignes contraires sur les façades et la présence de tours d’angle pour souligner la monumentalité des édifices. Parmi les joyaux de la période, on peut admirer le musée des Arts décoratifs surnommé « le palais tzigane », le palais des Assurances Gresham dont les portails en fer forgé représentent des paons et des cœurs, deux des grands symboles de la Sécession hongroise, la maison Thonet ou bien encore la Caisse d’épargne de la poste et ses variations de briques et de céramiques.
Progressivement, les lignes se font plus géométriques et le décor plus épuré. La transition vers l’Art déco s’amorce avec des édifices comme l’Institut pour jeunes aveugles et sa sobre façade de brique rouge dépourvue de décor. Dans l’entre-deux-guerres, le régime autoritaire mis en place par Miklós Horthy impose des règles strictes notamment en matière architecturale. Cette dictature formelle prônant le retour aux édifices néoclassiques et néobaroques écrase toute velléité moderniste et progressiste. Les collines de Buda se couvrent de villas dont le style néobaroque doit exalter le patriotisme et le triomphe du christianisme. Mais là encore, certains architectes vont résister en utilisant l’Art déco alors en vogue à l’Ouest comme tremplin vers un art national moderne. Parmi les grandes réalisations, notons le magasin Magyar Divatcsarnok et les immeubles de la rue Vaci. Cette période se caractérise également par l’aménagement de nombreuses structures balnéaires et touristiques devant témoigner du luxe et du faste de la ville.Modernisme
L’Art déco préfigurait l’avènement d’un style moderne et fonctionnaliste aux lignes et volumes simplifiés, à l’économie et à la clarté des formes. Dans certains édifices, l’influence du Bauhaus se fait également sentir. Parmi les très beaux exemples de ce nouveau style, notons la villa Zenta-Hoffmann et la villa Jaritz, toutes deux situées dans le quartier de Rózsadomb qui regorge de splendeurs modernistes. Au sortir de la Seconde Guerre mondiale, la Hongrie tombe sous le joug soviétique qui va, à son tour, imposer des règles strictes. La reconstruction se fait dans un souci rationaliste où les édifices doivent répondre aux exigences de la fonction, notamment dans les logements sociaux qui se multiplient. Cette ère communiste se caractérise également par le réalisme socialiste qui impose sa marque à de nombreux édifices. Ces éléments classiques combinés à l’idéologie communiste se retrouvent notamment dans l’ancien QG du Parti communiste à la monumentale façade ornée de colonnes doriques. Ce retour aux canons classiques est un des vecteurs de la propagande communiste. Dans la lignée de ce style fonctionnaliste, le style international fait son apparition avec des bâtiments phare telle la Centrale des syndicats.
Postmodernisme
Dès les années 1960, les architectes hongrois cherchent à se démarquer du style international et à contourner l’influence soviétique en imaginant une architecture dépouillée, intégrant des influences occidentales mais toujours à taille humaine. L’Hôtel Budapest, structure circulaire de 64 m, est un bel exemple de cette recherche de modernité hongroise. À partir de 1989, la ville se transforme. Les symboles communistes sont retirés et de nombreux projets de construction sont lancés. Le grand architecte de la Budapest postmoderne est József Finta à qui l’on doit notamment le Kempinski Hotel Corvinus. Les architectes hongrois ont compris l’importance d’imaginer une architecture moderne, certes, mais en adéquation avec le patrimoine existant qu’il faut avant tout préserver et restaurer si nécessaire. L’Institut français dans le quartier de Vizivarós est un bel exemple de cette recherche d’une architecture mêlant tradition et modernité. Sa structure reprend celle des maisons budapestoises tandis que ses grandes surfaces vitrées font pénétrer une belle lumière naturelle. À partir des années 2000, on assiste à l’émergence d’une architecture plus détonante qui marque l’entrée de la ville dans le XXIe siècle. Parmi les grandes réalisations contemporaines, notons le bâtiment ING réparti sur plusieurs volumes reliés entre eux par des coursives et des barres d’acier et dont la façade asymétrique semble en mouvement, le stade Omnisport avec sa forme plate et arrondie et sa couverture métallique qui lui donnent des allures de galet poli, le MÜPA ou palais des Arts aux formes asymétriques et aux multiples facettes, ou bien encore le Balná-Budapest, « la baleine », étonnant complexe abritant marchés et entrepôts sous une grande verrière bombée et allongée aux allures de… dos de baleine. Quant aux nouveaux aménagements des stations de métro de la ligne 4, ils sont la preuve que les architectes hongrois n’ont pas fini de transformer « la perle du Danube » !