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Premiers témoignages

L’Irlande accueille ses premiers occupants aux environs de 6000 avant notre ère. Il faut attendre encore un peu pour trouver les premières sculptures en pierre. Au nord de Dublin, les pétroglyphes du site Newgrange sont datés de 3000 av. J.-C. Les gravures encerclant le tumulus sont interprétées comme la première carte de la lune.
Durant l’âge du fer, la production d’outils et d’armes est fortement influencée par l’arrivée des Celtes. Peuple d’orfèvres et de forgerons, ils apportent les fameux dessins celtiques : la spirale, les entrelacs et la croix. Ces trois motifs inspireront toute l’histoire de l’art visuel irlandais. Du fait de sa situation excentrée, l’Irlande échappe à la colonisation de Rome. Ainsi, la culture celtique perdure à travers ses motifs, sa tradition orale et sa mythologie.

Ère chrétienne

Après la chute de l’Empire romain, alors que l’Europe s’enlise, les autorités religieuses choisissent l’Irlande comme base de diffusion du christianisme. C’est ainsi que vers 450, saint Patrick est envoyé comme missionnaire. Son succès conduit à la christianisation de l’Irlande. La création de centres d’érudition religieuse et laïque, dans des monastères, pose les jalons du développement de l’art visuel irlandais. Dans ces centres, les manuscrits enluminés atteignent l’excellence. La calligraphie chrétienne rencontre magnifiquement l’art celte. Sur les panneaux ornés, les animaux s’entrelacent selon le motif celtique, parmi des spirales, des visages, des ciselures d’or et d’argent. Les monastères jouent un rôle crucial dans la vie culturelle jusqu’au XIIIe siècle.

Renaissance irlandaise

Au terme de cinq siècles de déclin, la Renaissance picturale se déroule de 1650 à 1830.
Au XVIIIe siècle, siècle de prospérité, les premières institutions artistiques sont constituées : la Royal Dublin Society (1731) et l’Académie royale irlandaise (1785). Quelques peintres talentueux sortent du lot, dans le domaine du portrait et du paysage.
Si la plupart des portraitistes sont anonymes, quelques noms nous sont parvenus : Garret Morphy, Thomas Bate puis le maître du genre, Charles Jervas. Grand voyageur, Jervas réalise le portrait des têtes couronnées d’Europe en s’inspirant des maîtres italiens. La génération suivante, représentée par James Barry, Martin Archer Shee et William Mulready, tend à faire carrière en Angleterre.
La galerie de portraits de la National Gallery of Ireland se forme en 1875. Sculptures, peintures, gravures, dessins et photographies, tous les Irlandais qui ont marqué les XIXe et XXe siècles sont représentés.
Susanna Drury (1698-1770) modifie radicalement le regard sur le paysage. Ses gouaches détaillées de la lande irlandaise lui valent une reconnaissance internationale. Les paysagistes John Butts (1728-1764), George Barret Senior (vers 1730-1784) et le romantique Thomas Sautelle Roberts (vers 1749-1778) s’inscrivent dans sa continuité. L’école de paysage de la famille Brocas, Henry Brocas Senior (vers 1766-1838) et ses fils, exerce une influence considérable.

Début de l’ère moderne

Les artistes irlandais du XIXe siècle émigrent en masse. Londres attire pour son marché en plein développement, ses lieux de création et d’exposition. Les sculpteurs Patrick MacDowell, John Foley ou encore John Hughes y poursuivent une belle carrière. Certains peintres préfèrent rejoindre la France, Barbizon ou Pont-Aven, où ils s’initient à la manière des impressionnistes.
Deux événements marquent le début du XXe siècle : la création en 1908 de la Dublin City Gallery - The Hugh Lane, galerie d’art moderne, et l’indépendance de l’État irlandais qui se dessine au début des années 1920. Cependant, l’innovation picturale n’est pas encore au rendez-vous. Les commandes de bustes traditionnels occupent les principaux sculpteurs. Les années 1940 sont dominées par le conservatisme de la Royal Hibernian Academy, réfractaire aux courants novateurs. Durant quatre décennies, la situation économique et politique du pays freine le dynamisme culturel. Mais une ouverture à l’international se dessine au milieu des années 1960.
Dans les années 1990, la hausse du budget alloué aux arts change la donne. Dès 1990, l’Irish Museum of Modern Art (IMMA) succède à la galerie Hugh Lane.
Ces deux dernières décennies, les artistes irlandais s’imposent sur le marché de l’art contemporain. Six peintres ont franchi la barre du million d’euros. En 2014, le triptyque de Francis Bacon, Trois Études de Lucian Freud devient l’œuvre la plus coûteuse jamais vendue aux enchères (105 millions d’euros).

Francis Bacon (1909-1992)

Peintre figuratif né à Dublin de parents anglais, il ne suit pas une scolarité classique du fait de sa santé fragile et de sa timidité excessive. Des professeurs privés lui enseignent le dessin et la peinture à domicile. Dès ses vingt ans, des hommes aisés le prennent sous leur aile. Bacon se fait d'abord remarquer pour ses dessins de mobilier et de tapis, sans toutefois se détourner de la peinture et de son maître, Picasso. Il puise en particulier son inspiration dans Les Baigneuses et Le Baiser du maître espagnol. Le surréalisme marque également ses premières années. Il vend sa première huile sur toile en 1933, la Crucifixion. L’année suivante, il présente sa première exposition individuelle à la galerie Transition. À cette époque, il détruit nombre de ses œuvres et peint peu jusqu’en 1944 où il renoue intensément avec son art. Ses compositions, d’un expressionnisme sensuel, se font plus torturées et violentes. Ses personnages souffrent dans un chaos captivant, pris dans des tourbillons de couleurs tranchées et charnelles. Trois Études sur les figures à la base d’une crucifixion est exposé pour la première fois en 1945. Cette œuvre préfigure les caractéristiques du style qui fait la notoriété de Bacon. Distorsions, bouche ouverte, composition en triptyque. L’année suivante, il peint la célèbre Painting dans laquelle on distingue une carcasse de viande, en rappel à la fascination du jeune Bacon pour les boucheries. Ses œuvres rencontrent le succès à l’étranger. En 1953, a lieu de sa première exposition personnelle à New York. Durant cette décennie, Bacon réalise 45 variations du Portrait du pape Innocent X de Diego Velázquez. Dans les années 1960, la rétrospective Bacon organisée par la London Tate Gallery parcourt l’Europe. Bacon succombe à une crise cardiaque en 1992, à Madrid. Le capharnaüm de son studio londonien – Francis Bacon’s Studio - est entièrement légué à la Dublin City Gallery - The Hugh Lane. La Hugh Lane rassemble également des impressionnistes français (Monet, Degas, Renoir, Corot, Manet, Millet, Puvis de Chavannes) ainsi qu’irlandais : Roderic O’Conor, Walter Osborne, Frank O’Meara et John Lavery.

Photographie

Né à Dublin en 1946, John Minihan remporte dès l’âge de 15 ans un concours de photographie. Ses portraits et ses paysages font rapidement sa renommée. Ami de Samuel Beckett, il  immortalise l’écrivain souriant, image qui restera celle dont tout le monde se souvient. Il tire le portrait des personnalités phares de son époque : Francis Bacon, Edna O’Brien, Lady Diana ou encore Jimi Hendrix. Avec un talent similaire, il capture des éléments du paysage irlandais, sublimant chaque sujet pendant un demi-siècle.
En 2016, la photo d’une pomme de terre sur fond noir, prise par l'Irlandais Kevin Abosch a été vendue à 1 million d’euros. Elle entre ainsi dans le clan des 20 photos les plus chères de l'histoire. Né en 1969, Kevin Abosch est par ailleurs connu pour ses gros plans de célébrités sur fond noir. Johnny et Yoko Ono ont posé pour lui. Avec le même fond et le même cadrage, il immortalise un morceau de charbon, un légume, une machine ou une carcasse de dinde. Également artiste conceptuel, Abosch expose aux quatre coins du monde, dont à l’IMMA, au Jeu de Paume à Paris, et à l’Hermitage de Saint-Pétersbourg.

Art contemporain à Dublin

La municipalité s’investit comme jamais dans la promotion des artistes d’aujourd’hui. Où rencontrer la scène actuelle ? Tout d’abord en flânant dans les rues. Ensuite, quelques lieux ont été sélectionnés pour vous guider.
À Dublin, le street art monte en puissance ces dernières années. Les façades du quartier de Camden Street en sont témoins. La pratique s’organise et s’officialise. L’association Evolve Urban Art assure le lien entre la communauté et les artistes à travers des projets street art. Parmi les réalisations qu’ils ont dirigées, les quinze fresques exécutées dans le secteur du musée de la Guinness. L’artiste Maser peignait déjà sur les murs de Dublin en 1995, quand la pratique était encore underground. Ses œuvres proclament haut et fort ses engagements politiques. Autre esprit, un collectif, caché sous le nom de Subset, sévit en grand format dans les rues. Pour la touche féminine, Anna Doran égaie de ses motifs originaux cette scène à majorité masculine. Ses créations colorées courent le long des trottoirs et sur les murs. Et maintenant, partez à l’affût des œuvres de Solus, Fitan Switzer, El Viz, Joe Caslin et James Earley!
Côté lieux clos, l’Irish Museum of Modern Art (IMMA) est la première institution nationale pour l’art contemporain. La collection de l’IMMA regroupe art moderne et contemporain, artistes irlandais et internationaux.
La vénérable Royal Hibernian Academy a subi de profonds remaniements depuis sa fondation en 1823. Désormais, elle encourage les arts visuels traditionnels et innovants dans ses cinq galeries.
Fringe Lab rassemble arts vivants, lieux de rencontre et d’exposition. Sa première mission est d’accompagner les artistes émergents. Le creuset des stars de demain ! Autre espace dédié à la création émergente, The Lab conjugue tous les domaines artistiques. Situé dans le quartier historique de Monto, il organise tous types d’événements, dont des expositions temporaires.
L’iconique The Green on Red Gallery expose depuis 1992 l’art contemporain le plus novateur d’ici et d’ailleurs, dont Gerard Byrne, Damien Flood ou Nigel Rolfe. On la retrouve à la VUE Art Fair de Dublin, le grand rendez-vous de l’automne !