Trésors antiques
Le site de Paestum est l’un des plus beaux témoins de l’architecture grecque dorique basée sur la logique, la simplicité et l’harmonie. Ses trois temples, dédiés à Neptune, Héra et Cérès, comptent parmi les mieux préservés d’Europe. Lisse ou cannelée, la colonne y est l’élément phare qu’aucune décoration superflue ne détourne de son rôle porteur. Les Grecs ont également développé un urbanisme basé sur un plan en damier. Le cœur historique de Naples conserve ainsi le quadrillage de la Néapolis originelle. Les Romains ont repris ces plans dont ils ont renommé les voies cardo (Nord-Sud) et decumanus (Est-Ouest). Pavées de basalte noir, ces voies romaines sont immanquables ! La voûte et la brique sont les deux éléments clés ayant permis aux Romains de bâtir plus haut et plus grand. Les arcs de triomphe, tel l’Arco Felico de la Via Domitiana à la Solfatare, célèbrent la puissance militaire, tandis que temples et basiliques illustrent la puissance des pouvoirs religieux et civils. En matière civile, ne manquez pas le Temple de Sérapis à Pozzuoli. Remarquez les traces laissées par les mollusques marins le long de ses colonnes… : elles sont la preuve qu’ici la terre bouge, faisant ainsi varier le niveau de la mer ! Pozzuoli abrite également un superbe amphithéâtre dont le sous-sol conserve encore les systèmes permettant de remonter les cages des animaux au cœur de l’arène. Mais c’est l’amphithéâtre de Santa Maria Capua Vetere qui a le grand honneur de se placer en deuxième position par la taille derrière le Colisée de Rome ! Les Romains maîtrisaient également l’architecture de l’eau, comme en témoigne le monumental complexe thermal du site de Baia. En parallèle, ils ont aussi su développer une architecture domestique, mêlant ingéniosité, intimité et richesse décorative, comme le montrent bien Pompéi et Herculanum. La première dévoile un étonnant urbanisme fait de rues pavées de pierres volcaniques, bordées de trottoirs surélevés et traversées par des blocs de pierre ovales - les passages piétons de l’époque ! -, et d’un ingénieux système de canalisations alimenté par un aqueduc. Mais la vraie richesse de Pompéi, ce sont bien sûr les somptueuses demeures. La domus romaine s’organise autour d’un atrium bordé d’un péristyle et au centre duquel trône un bassin d’eau de pluie, l’impluvium, alimenté par une ouverture dans le toit appelée compluvium. La maison est ainsi tournée vers l’intérieur, préservant l’intimité de ses occupants. Les maisons des familles les plus aisées regorgent de sublimes décorations, à l’image de la maison des Frères Vetti. Voyez ses riches fresques et mosaïques. Cité balnéaire très prisée, Herculanum abrite de somptueuses demeures aux fresques d’un bleu azur. Remarquez également les trottoirs à portiques : les puissants voulaient pouvoir déambuler, mais à l’abri des éléments ! Hors les villes, les propriétés se font plus grandes et plus fastueuses, on parle alors de villas. La Villa des Mystères, aux abords de Pompéi, est l’une des plus célèbres. A Castellamare di Stabia, ne manquez pas la Villa di Arianna abritant treize pièces, auxquelles s’ajoute un vaste complexe thermal. Le site d’Oplontis à Torre Annunziata abrite, lui, les somptueuses villas de Crassius et Poppée, aux vastes jardins et portiques.
Etonnant Moyen Age
Naples abrite de nombreux trésors paléochrétiens, à commencer par les catacombes, longs souterrains servant de sépultures. Les Catacombes de San Gaudioso possèdent plusieurs galeries décorées de fresques et mosaïques, dont les plus anciennes remontent au IVe siècle. Mais les plus impressionnantes sont les Catacombes de San Gennaro, qui se déploient sur deux étages. Nombreuses sont les églises de Naples à avoir pour fondations des édifices paléochrétiens, à l’image de la basilique San Gennaro, dont la structure originelle date du Ve siècle, ou de l’église San Paolo Maggiore qui conserve les trois nefs de la basilique originelle : elle intègre même les colonnes et le pronaos d’un temple romain ! Ces édifices paléochrétiens portent la marque de Byzance. Richesse décorative, puissantes voûtes, dômes et coupoles caractérisent cette influence qui perdure jusqu’au XIe siècle dans de sublimes édifices, tel le Duomo d’Amalfi dont le riche portail de bronze fut coulé à Constantinople, tout comme celui de Ravello. Influencé par Byzance, le roman se pare également des atours du style arabo-normand, typique du sud de l’Italie. Arcs outrepassés et entrelacés, patios et arcades comptent parmi les traits caractéristiques de ce style hybride. On le retrouve notamment dans la superbe cathédrale San Michele de Caserta et dans le campanile du Duomo de Salerne. Comme nous l’avons dit, à Naples toutes les époques se mêlent dans un étonnant syncrétisme architectural. Le Duomo de la ville en est un superbe exemple. A l’origine basilique paléochrétienne dont elle conserve le plus vieux baptistère du monde occidental, la cathédrale abrite également des colonnes antiques qui séparent aujourd’hui ses trois nefs, tandis que sa Capella Minutolo conserve lignes et décorations gothiques. Mais le plus grand témoin du gothique napolitain est l’église Santa Chiara, avec ses voûtes en saillie, sa rosace de verre et de marbre et son intérieur à l’élégance épurée typique des édifices conventuels. La période médiévale correspond également à celle de l’essor des villes qui se dotent d’édifices civils et de palais patriciens. A Naples, le Palais Santangelo a conservé sa façade à bossages, tandis que le Palazzo San Severino (transformé plus tard en église !) a gardé son étonnante façade en pointes de diamant, des éléments décoratifs typiquement gothiques. Mais c’est à Sorrente que vous pourrez voir l’un des plus étonnants bâtiments civils de la région : le Sedile Dominova, loggia de style florentin ornée de fresques et d’une coupole de majolique où se réunissait la noblesse. Nombreux sont les villes et villages à avoir su garder intacte l’atmosphère pittoresque des cités médiévales où un entrelacs de ruelles, venelles, passages voûtés et escaliers mène à la place centrale, comme à Salerne ou bien encore à Cava de’ Tirreni, avec ses rues bordées de portiques.. Le Moyen Age est également indissociable d’une puissante architecture militaire. Les premiers témoins de cette architecture sont les tours de guet jalonnant la côte, notamment aux alentours d’Amalfi. Les torre sont d’imposantes structures de pierre de plan carré ou circulaire, possédant pas ou peu d’ouvertures. Naples abrite également de belles forteresses tel le Castel Nuovo, entièrement reconstruit par les Aragonais, avec sa très belle Sala dei Baroni à la superbe voûte nervurée, et son arc de triomphe mêlant marbre blanc et pierre volcanique, dont les formes géométriques harmonieuses s’inspirant de la Rome antique annoncent… la Renaissance.
Des Espagnols aux Bourbons
La Renaissance se fait plutôt sobre et discrète, à l’image de la Cappella Pontano, aux lignes élégantes et harmonieuses rappelant les temples antiques, et de l’église Sainte-Anne-des-Lombards dont la Chapelle Tolosa a été entièrement réalisée selon les codes établis par Brunelleschi, grand théoricien de la Renaissance. Afin de freiner l’essor galopant de la ville, le vice-roi espagnol décide, en 1588, d’interdire l’entrée dans la ville de pierres de construction. Astucieux, les Napolitains décident de creuser dans le sol afin d’y prélever le tuf pour construire leurs palais, au-dessus même des excavations qu’ils avaient créées. Audacieux ! Les Espagnols vont ensuite redessiner la ville, perçant la Via Toledo bordée de somptueux palais, et créant un nouveau quartier à flanc de colline selon un plan en damier compact : le bien nommé quartier des Espagnols ! En matière architecturale, c’est le baroque qui a les faveurs de l’époque. Ses deux grands maîtres sont Cosimo Fanzago et Ferdinando Sanfelice. Au premier, on doit les très élégantes églises Santa Maria Egiziaca a Pizzofalcone et Santa Maria degli Angeli alle Croci, ainsi que les guglie di San Gennaro et di San Domenico. Les guglie sont des flèches votives, généralement placées au centre des grandes places, et faisant l’objet de toutes les attentions décoratives. Celles de Fanzago sont des chefs-d’œuvre de marbre sculpté. Au second maître, on doit d’avoir popularisé les escaliers monumentaux à double volée se déployant telles les ailes d’un oiseau sur les façades des palais. Créateur de scènes et de décors, Sanfelice donnait à son architecture la même dimension théâtrale. Parmi ses plus belles réalisations, ne manquez pas les Palazzi Spinelli di Laurino et Serra di Cassano. Succédant aux Espagnols, les Bourbons vont osciller entre exubérance baroque et harmonie classique, s’offrant les services d’architectes de talent, tel Luigi Vanvitelli. Ce dernier travailla notamment sur le spectaculaire Palais Royal de Caserta, imaginé comme un second Versailles. Il possède d’ailleurs des jardins tout aussi somptueux… Au XVIIIe siècle, la nature aussi se met en scène dans de sublimes jeux de perspective. Autre palais incontournable : le Palais de Capodimonte avec ses trois cours à arcades communiquant avec l’extérieur par de majestueux porches sculptés. Le XVIIIe siècle est également une grande période d’effervescence sur la côte. C’est l’avènement des somptueuses villas vésuviennes, à l’image de la Villa Campolieto à Ercolano dont on admire l’escalier monumental et le superbe portique incurvé, œuvre de Vanvitelli. C’est aussi de cette époque que date l’église San Giovanni Battista de Vietri dont dôme et clocher sont décorés de majolique locale… à l’image de toute la ville d’ailleurs. Une superbe polychromie que l’on retrouve dans les maisons colorées de Positano dont l’église Santa Maria dell’Assunta possède, elle aussi, un très beau dôme décoré de majolique.
Du néoclassicisme aux premiers élans modernes
Le début du XIXe siècle se fait néoclassique. Commencée durant la présence française et achevée au retour des Bourbons, la Piazza del Plebiscito impressionne par ses arcades doriques en hémicycle et par la symétrie des édifices qui la bordent. L’église royale San Francesco di Paola est un autre chef-d’œuvre néoclassique avec son plan circulaire et sa vaste coupole inspirée du Panthéon de Rome. Puis le néoclassique va faire place à un style beaucoup plus éclectique. A Naples, la Bourse, aux allures de palais vénitien du XVIe siècle, illustre très bien ce recours aux styles passés. Les villas du Posillipo tendent, elles, vers un éclectisme plus exotique, à l’image du style pagode de la Villa Roccaromana. Suite à l’épidémie de choléra de 1884, les autorités décident d’assainir les quartiers populaires autour du port et de créer de nouveaux quartiers. La plus emblématique réalisation de l’époque est le Corso Umberto I, surnommé Rettifolo, littéralement « droit, rectiligne ». Cette grande artère bordée de belles demeures éclectiques est le symbole de cette nouvelle Naples bourgeoise et fière. C’est également à cette époque que se développe l’architecture métallique alliant prouesses d’ingénierie et richesses décoratives. La Galerie Umberto I, la plus célèbre de Naples, en est la plus belle des représentantes. Admirez sa coupole haute de 57 m à la croisée de quatre allées bordées de boutiques ornées d’arcades sculptées et de balcons aux ferronneries joliment travaillées. Ce travail artistique du fer est aussi l’une des caractéristiques de l’Art nouveau, appelé Liberty en Italie, et que l’on retrouve dans de nombreux édifices du quartier de Chiaia. Les années 1930, elles, vont être marquées par l’architecture fasciste, où se mêlent hommages pompeux aux codes de l’Antiquité et réelle modernité formelle. On le voit très bien dans le Palazzo delle Poste e Telegrafi avec sa façade curviligne et son escalier monumental, ou bien encore dans la Mostra delle Terre d’Oltremare, gigantesque parc de loisirs et d’exposition. Mussolini veut également faire de Naples la grande métropole de son « empire africain ». Il fait alors ériger partout des dizaines d’immeubles, y compris dans des zones jusque-là préservées…
Après-guerre
Au lendemain de la Seconde Guerre mondiale, Naples est profondément meurtrie. Il faut reconstruire. Mais les politiciens corrompus des années 1950 et 1960 laissent les promoteurs renchérir sur le projet du Duce et continuer à construire de façon anarchique, notamment dans la zone de Bagnoli. Cependant, quelques édifices, empruntant les volumes épurés de verre et de béton du style moderniste, tirent leur épingle du jeu, notamment sur le front de mer. Cette dualité se poursuit dans les années 1970. D’un côté, la ville multiplie les lois visant à protéger son patrimoine historique, et de l’autre, elle inaugure son périphérique aux abords même de la vieille ville. C’est également dans les années 1970 que l’architecte Francesco di Salvo se lance dans le projet fou des Vele di Scampia, sept bâtiments aux structures se déployant telles des grandes vagues, reliés entre eux par des passerelles, et autour desquels se déploient de nombreux espaces communs. Mais ce projet va tourner au cauchemar suite au terrible séisme de 1980. Malgré la création de méga-quartiers antisismiques destinés à reloger la population, la plupart des habitants de la ville se trouvent sans domicile. On décide donc de les installer dans le quartier de Scampia… seulement le projet de Di Falco n’est pas encore terminé. Pour loger le plus de monde possible, on abandonne les espaces communs, et pour construire plus vite et moins cher, on abandonne tous les autres matériaux au profit du seul béton. Le quartier se bunkerise et se paupérise et devient l’un des QG de la mafia napolitaine. En revanche, le Centro Direzionale, lui, est une réussite urbanistique. C’est le célèbre architecte japonais Kenzo Tange qui en a conçu le plan d’aménagement avec des voies de circulation souterraines permettant de séparer piétons et automobiles. C’est là que se concentrent les gratte-ciel napolitains. Aujourd’hui, les « stations de l’art » invitent les plus grands architectes et designers à repenser le métro napolitain… et la ville par la même occasion ! Dominique Perrault a ainsi redessiné la place Garibaldi en y intégrant notamment une place végétalisée et de nouveaux espaces piétons. Quant à la station de métro proprement dite, il l’a imaginée comme un vaste puits de lumière. Autres belles réalisations : la station Dante de Gae Aulenti qui s’intègre harmonieusement à la place Dante à qui l’architecte a redonné son dessin originel grâce à des pierres de lave de l’Etna. Alvaro Siza et Edouardo Souto de Moura ont, quant à eux, réinventé la station Municipio, y créant un étonnant dialogue avec les trésors archéologiques révélés par les travaux. Sur la côte, c’est avec la nature que l’architecture contemporaine établit un harmonieux dialogue. Admirez comment l’auditorium de Ravello, pensé par Oscar Niemeyer, s’intègre parfaitement à la topographie du lieu, ses gradins épousant le relief en terrasse et sa structure de béton gris rappelant le paysage minéral alentour. Voyez comme les lignes ondulantes de la nouvelle gare maritime de Salerne, imaginée par Zaha Hadid, répond aux ondoiements des vagues. Enfin, laissez-vous charmer par l’Hôtel Miramare à Sant’Angelo sur l’île d’Ischia. Avec ses différents espaces rappelant les maisons de pêcheurs et ses courbes soulignées par des carreaux de céramique aux couleurs naturelles, cet hôtel, œuvre du Napolitain Giuliano Andrea dell’Uva, est une ode à la culture méditerranéenne !