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Art pariétal

Les premiers occupants de la Laponie ont produit les gravures rupestres d'Alta (6 000 ans av. J.-C.) à deux pas du cercle arctique.  Des milliers de peintures et de gravures, en excellent état de conservation, nous éclairent sur l'environnement et les activités à l'ère préhistorique aux confins du Grand Nord. Sur les parois, les représentations humaines et animales suggèrent des échanges entre le monde des vivants et le monde des esprits. Ces chasseurs cueilleurs ont aussi représenté des danses, des processions et des rituels chamaniques. D’étonnants paysages servent de décor aux scènes de chasse, de pêche et de traversées en bateau. Parmi les animaux, la faune polaire est dominée par des rennes et des ours, des poissons et des baleines. L’art rupestre des Sâmes se caractérise par une grande variété de motifs et une rare qualité artistique mêlant figuration et richesse symbolique. Pour aller plus loin, l’Alta Museum expose des objets usuels et rituels façonnés depuis des siècles.

Dès l’origine, le peuple sâme était animiste. Les montagnes, les lacs et les arbres étaient dotés d’une âme. Leurs mondes (le ciel pour les dieux, la terre pour les hommes et les animaux et sous la terre pour les morts), étaient peuplés de dieux et de déesses.  La société avait pour pivot le « noaidi » ou chaman, intermédiaire entre l’homme et le divin. La musique intervenait dans le but de les mettre en relation. Très tôt, l’ours et le renne se sont imposés comme les symboles essentiels à cette culture. À partir du XVIe siècle, le gouvernement entreprend de contrôler le territoire et sa population, et dans ce but, dépêche des missionnaires. La christianisation forcée affecte durement le peuple sâme dont la religion est bannie pendant des siècles. Il faut attendre 1960 pour que la culture sâme entame une renaissance, au son du joik.

Ere moderne

La fibre artistique des Sâmes n’a jamais faibli. Plusieurs noms se démarquent à la fin du XIXe siècle. Les dessins de Nils Nilsson Skum (1872-1951) relatent sa vie d’éleveur de rennes. Aukusti Tuhka (1895-1973) est considéré comme le maître de la lithographie. Après des débuts précoces à Viipuri, il devient le pionnier du graphisme scandinave, et est reconnu comme un enseignant d’art hors pair. Il fonde sa propre école d’où sortiront des artistes scandinaves majeurs. 35 de ses œuvres ont intégré la collection Sipilä du musée de Rovaniemi.

Chantre de l’art lapon, Jon Savio de Varanger (1902-1938) illustre la vie laponne avec un sens exquis du détail. Ses aquarelles, gravures, peintures et sculptures sur bois sont conservées au Musée Savio de Kirkenes en Norvège. Devenu orphelin très jeune, il parcourt à l’âge adulte les comtés de Troms et de Finmark pour saisir le mouvement d'un lasso, l’expression d’un visage ou la course des rennes. Après un séjour à Paris, où il tente de vivre de son art, il termine ses jours à Oslo où la tuberculose l’emporte prématurément.

Lars Pirak (1932-2008) exerce son talent dans le domaine de la peinture à l’huile, l’aquarelle, l’écriture, le joik et la sculpture. À travers le monde, le renouveau est incarné par Nils Aslak Valkeapäää, dont les écrits et la musique diffusent la culture sâme à l’étranger.

La Laponie a fasciné les photographes des années 1970, notamment un courant à tendance documentaire très attaché au noir et blanc. Le style s’épure, des clichés sans fard nous montrent un peuple méconnu dans des paysages infinis. Certains poussent l’exploration jusqu’en Carélie, en Islande ou en Pologne. Les Finlandais Matti Saanio (1925-2006) et Jorma Puranen (né en 1951) font partie de ceux qui ont su capturer l’âme de la Laponie. De sa rencontre avec les Sâmes, Matti Saanio a produit la série Lapin eiliset kuvat ou Images de la Laponie d’hier.

Rébellion

Incarné par Máret Anne Sara, née en 1983, un courant protestataire porte la voix des Sâmes. La plasticienne multiplie les actions en écho aux combats de son frère. Street art et Protest art s’entremêlent dans le quartier de Stortorget, où s’élève sa structure monumentale. D’autres artistes rejoignent ses actions devenues hebdomadaires. C’est ainsi qu’Ander Sunna et Linda Zina Aslaksen ont composé une fresque autour du motif du crâne cher à Máret Anne Sara. Ses installations, ou Pile o’Sápmi, constituées de crânes, appellent à protéger le renne. Elles s’inscrivent dans la continuité des O’bones piles, ces pyramides de crânes de bison empilés sur les terres amérindiennes. Elle alerte ainsi sur la préservation des pâturages indispensables à la survie du renne et donc de son peuple.

Le peintre et graffeur Anders Sunna, né en 1985 à Jukkasjärvi, bénéficie d’une renommée importante dans le cercle polaire. Ses toiles, pochoirs et collages racontent la situation des éleveurs sâmes. Dans ses portraits et ses scènes réalistes, il conjugue beauté naturelle et appel au changement.

Fondé en 2012 par l’artiste norvégien Pøbel, le Komafest, festival d’art urbain de Vardø attire l’attention sur le dépeuplement du village victime de la baisse de la pêche. Des dizaines de bâtiments parés de peintures murales composent un parcours peu commun.

De nos jours

La Laponie fait preuve d’une créativité débordante. Parmi les talents à connaître, Pirkko Mäkelä-Haapalinna s’inscrit dans le prolongement de ses ancêtres par le lien qu’elle établit entre art et nature. À noter, elle accueille les visiteurs dans son atelier de Kemijärvi.

Merja Aletta Ranttila, artiste sâme reconnue en Finlande et à l’étranger, vit à Inari.  Née en 1960, elle étudie l’art à Tornio, en Laponie. Ses œuvres peuplées de femmes fortes, montrées dans une nature sauvage, nous parlent de l’Arctique.

Illustratrice à ses débuts, Ranttila superpose des figures symboliques sombres qui lui valent d’être accusée de satanisme. Elle éclaircit ensuite sa palette, mais ajoute des notes d’humour à ses œuvres. Ses autoportraits d’un expressionnisme frappant sont typiques de l’école nordique.

Tous les ans, au mois d’août, Kakslauttanen attire des artistes du monde entier lors de la Semaine des arts arctiques. Sculpteurs, peintres et autres artistes viennent s’imprégner de l’environnement dans le but de libérer leur créativité. Petite particularité, les œuvres réalisées restent sur place pour en faire profiter les prochains visiteurs. Peut-être vous ?