Guide de Limousin : Patrimoine et traditions

Patrimoine architectural
Architecture religieuse

L'évangélisation, dès les premiers siècles de notre ère, est effectuée par un nombre très important d'ermites, de saints et d'anachorètes qui bien souvent ont laissé leur nom là où ils ont vécu. Dans ces contrées, des bâtiments religieux sont construits et s'entourent petit à petit de villes. Saint-Yrieix fonde le monastère de Vigeois, Saint-Rodolphe de Turenne l'abbaye de Beaulieu, Meymac se bâtit sur l'ermitage de Saint-Mammacus. Malheureusement, il ne reste rien de ces premières architectures. Des abbayes sont construites pourtant au cours des siècles suivants sur les ruines romaines. Le seul vestige de l'époque mérovingienne est le chapiteau de marbre qui ornait la basilique Saint-Martin de Brive. Seule la crypte d'Uzerche témoigne de la construction archaïque, avec son déambulatoire qui tourne autour du pilier central. La grande époque de l'architecture limousine est sans conteste l'époque romane. Le pape Urbain II vient en Limousin en 1095 prêcher la première croisade. Dès la fin du XIe siècle, les constructeurs s'inspirent du pays et non des régions limitrophes. Ils utilisent alors la pierre locale : le granit. Les premières villes murées voient le jour tout comme de grandes abbayes bénédictines qui accueillent une population nombreuse de moines. L'abbatiale de Chambon-sur-Voueize, en Creuse, par exemple, est l'un des plus vastes édifices de l'art roman avec ses 87 mètres de longueur. Les églises mineures présentent différentes caractéristiques. Les chevets peuvent être implantés sur trois absides parallèles souvent communiquant entre elles par d'étroits passages  ; le chevet peut ne comprendre qu'une seule abside et les absides peuvent être tracées sur plan polygonal. A la limite du massif gréseux de Brive, les églises peuvent être colorées. L'ornement limousin est très sobre  : les moulurations cylindriques épousent le tracé des voussures des porches et des fenêtres, pour retomber sur des colonnettes dont les chapiteaux sont sans tailloir. La sculpture présente des monstres, des animaux fantastiques, des entrelacs végétaux et des scènes sacrées. L'art hispanique trouve quelques expressions dans ce pays placé sur les routes de pèlerinage. Il est à souligner que les clochers-murs sont une spécificité de la région. Les nombreux trésors des églises sont riches en pièces d'orfèvrerie. Les pièces d'émaux sont incontestablement dues à l'oeuvre des ateliers de Limoges. On note aussi les fresques magnifiques dans l'église de Sous-Parsat.

Traditions et modes de vie
Langue
Origines

Au cours des premiers siècles de l'ère chrétienne, le monde méditerranéen, sous la domination romaine, devient une vaste communauté linguistique qui durera aussi longtemps que se maintiendra l'unité de l'Empire.

Le latin, comme langue parlée, disparaît après le VIe siècle ou, plutôt, se transforme en un certain nombre de parlers nouveaux  : l'espagnol, le portugais, le français, l'italien, le catalan, le roumain et l'occitan.

En Gaule, les Francs, installés au nord de la Loire, fondent sous Clovis un royaume qui sera le berceau de la France. Leur influence linguistique déterminera l'actuelle division de la France entre parlers d'oïl et d'oc.

Mais c'est Dante Alighieri (1265-1321) qui, le premier, emploiera les expressions  : langue du si, langue d'oïl et langue d'oc (selon la manière de dire "  oui  " dans les trois langues) pour désigner respectivement l'italien, le français et l'occitan. Il existe six dialectes occitans  : le provençal, le languedocien, le gascon, l'auvergnat, le vivaro-alpin et le limousin.

Le dictionnaire Larousse précise dans son article "  oc  " que "  sa frontière septentrionale n'a guère varié depuis le Moyen Age  : il s'agit d'une ligne qui part de la Gironde, remonte au nord pour englober le Limousin et l'Auvergne, et qui s'infléchit vers le sud-est pour atteindre la frontière italienne au nord de Briançon  ".

Aux siècles suivants, les dialectes des campagnes sont seulement oraux et se transmettent au fil des générations. Ils se déclinent en une infinité de variantes. Beaucoup plus tard, les classes dirigeantes sont bilingues, c'est-à-dire qu'elles utilisent le français pour tout ce qui est officiel et les dialectes locaux au quotidien, pour communiquer avec le monde rural.

Le français ne pénètre réellement les campagnes qu'au cours du XIXe siècle, au moment des migrations saisonnières, alors que le patois régresse pour cause de connotation dévalorisante.

C'est vers les années soixante que les jeunes générations abandonnent totalement le patois de leurs ancêtres.

La tendance est aujourd'hui au retour aux sources, à l'authenticité. Il est dans l'air du temps de retrouver ses racines.

Les occitanistes ont réussi à introduire cette langue dans les écoles et dans l'enseignement secondaire. L'occitan est mis au rang de matière à option pour le baccalauréat. L'université propose également un diplôme qui permettra peut-être aux jeunes générations de retrouver le parler de leurs ancêtres. La langue, le limousin, dépasse les frontières de la région puisqu'elle est parlée dans le nord de la Dordogne. Inversement, d'autres langues occitanes se sont imposées dans la région. Ainsi, au nord-est de la Creuse et à l'est de la Corrèze, on parle l'auvergnat et à l'extrême sud de la Corrèze, les habitants utilisent le languedocien comme dialecte.

L'accent

Il reste que les Limousins ont gardé une certaine façon de s'exprimer. Ils prononcent certaines syllabes de façon très particulière  : ainsi ils ne différencient pas un "  é  " d'un "  ai  " et se servent des doubles consonnes précédées d'une voyelle, ainsi "  année  " prononcée normalement

"  a-nnée  " devient "  an-née  ". Autres situations, les "  e  " intermédiaires sont conservés, ainsi "  mann(e) quin  " ou "  méd(e) cin  " sont en prononcés en limousin "  ma-nne-quin  " et "  mé-de-cin  ".

Les solécismes et autres particularités langagières ne manquent pas. On dit "  je leur aide  " au lieu de "  je les aide  ", et pour "  ça se voit  ", on dit "  ça se connaît  ". Etendre le linge, c'est "  l'écarter  "   ; les sacs des grandes surfaces sont obligatoirement des "  pochons  ", et, si un commerçant se propose de "  plier  " l'objet que vous venez d'acheter, ne craignez rien, il veut simplement l'emballer.

Un mot encore de la langue des Ponticauds à Limoges, ceux qui habitent le quartier des ponts sur la Vienne  : c'est dur, très dur pour l'oreille profane  ! Rien que des mots de passe, où l'intonation est aussi déroutante que le remplacement des voyelles par d'autres signes cabalistiques. Et, même avec la meilleure volonté du monde, seuls les autochtones arrivent à une communication correcte.

Dans toute culture traditionnelle vivante, il y a toujours un proverbe pour dire le temps, les travaux des champs, la vie, l'amour...

Quand la pola chercha lo jau, l'amor vau pas un cacau.Quand la poule cherche le coq,

l'amour ne vaut pas une noix.

Qu'un trabalha minja la palha, qu'un fai res minja lo fen. Qui travaille mange la paille, qui ne fait rien, mange le foin.

Los qu'a pas d'argent en pocha deu 'ver dau miau en pota. Celui qui n'a pas d'argent en poche doit avoir du miel en lèvre.

Estufla aus merles, las trias vendran. Siffle aux merles, les grives viendront.

Source  : Proverbes limousins, Jan Dau Melhau, éditions Lucien Souny, 1992.

La patrie des troubadours

A la fin du XIe siècle, tandis que la chanson de geste, où dominent les thèmes guerriers, s'épanouit dans le nord de la France encore fruste, règne dans le Sud une civilisation plus riche, plus raffinée, plus élégante.

C'est là que l'inspiration lyrique confère une dignité nouvelle au thème de l'amour, qu'elle transforme complètement  : l'amant se présente en soupirant, se proclame le vassal de sa dame, et fait de l'amour le but de sa vie. Tel Bernard de Vendatour, troubadour du XIIe siècle, qui chante  : "  Que vaut la vie sans amour  ? Ne sert qu'à ennuyer les gens  ".

Né dans l'aire linguistique d'oc, probablement en Limousin, ce genre nouveau, que l'on appellera la poésie courtoise parce qu'elle s'adresse à un public de cour, se propage rapidement, non seulement dans toute la partie méridionale de la France actuelle, mais également en Italie, en Espagne et au Portugal.

Artisanat
La porcelaine de Limoges

Un secret qui dure. La véritable porcelaine, dite dure, est connue depuis fort longtemps en Extrême-Orient et plus précisément en Chine à l'époque Tang. Sa richesse et sa notoriété proviennent en grande partie du procédé : une argile qui, grâce à l'alchimie du feu, se transforme en une matière blanche, brillante, translucide. En Europe, sa fabrication démarre à Meissen, en Saxe, en 1709. Cette matière plus fine que le plus fin cristal séduit tous les Etats et la cour de France en particulier. Mais, importée de Chine ou de Saxe elle est réservée aux princes et seigneurs de ce monde. Pendant ce temps-là, en France, on fait de jolies choses, mais, faute de kaolin, elles ne sont qu'en porcelaine tendre. On cherche partout cette terre mystérieuse.

La découverte de l'or blanc. En 1768, à Saint-Yrieix-la-Perche, non loin de Limoges, un chirurgien nommé Darnet fait analyser par un apothicaire nommé Villaris une argile blanche et onctueuse qu'une amie de sa femme utilise pour ses lessives. Il s'agit bien de kaolin, une sorte d'argile blanche dont la finesse résulte de la décomposition du feldspath contenu dans les filons de pegmatites (granite à gros cristaux. Matière clé dans la fabrication de la pâte à porcelaine, le kaolin a la propriété de rester blanc après une cuisson à haute température. Les premiers échantillons serviront à fabriquer le petit Bacchus, actuellement au musée de Sèvres. Tout d'abord, cet or blanc alimente les fabriques parisiennes et étrangères. Ce filon n'enrichit pas vraiment les Limousins, mais Turgot, alors intendant à Limoges, pousse Massié à transformer sa faïencerie en manufacture de porcelaine. En 1771, malgré les obstacles de Sèvres, ainsi naît la première manufacture limougeaude qui vend son "or blanc" à la manufacture royal et dans toute l'Europe. La production reprend alors les décors habituels exécutés pour faire de la porcelaine tendre à savoir des motifs de fleurs et de petits bouquets. Le filet doré est souvent utilisé et doublé d'un filet bleu uni. Les formes sont simples et peu nombreuses. Parrainée et protégée par le comte d'Artois en 1774, elle sera rachetée par Louis XVI en 1784. Cela va modifier considérablement l'aspect de la production de porcelaine. Les motifs et les formes deviennent plus recherchés, plus raffinés. La Révolution freine un moment l'expansion des fabriques, qui poussent comme des champignons à partir du XIXe siècle. Parmi celles-ci, les Blancs de Pouyat, création d'une blancheur extra et d'une prouesse technique spectaculaire, forcent l'admiration. Après la Révolution, la porcelaine reprend sa marche en avant et les fabriques se multiplient en Haute-Vienne. Plusieurs moulins à farine du pays d'Aixe-sur-Vienne se convertissent même en moulins à pâte à porcelaine et à émail afin de fournir la nouvelle industrie porcelainière. En 1827, on compte une quinzaine de manufactures. En 1850, elles sont plus de trente dont certaines d'importance à l'image de Baignol, Pierre Tharaud ou François Alluaud. Au cours de la première moitié du XIXe siècle, Limoges exporte 50 % de sa production à Paris dans les ateliers de décoration, l'autre moitié allant en Amérique du Nord grâce à des importateurs comme l'Américain David Haviland, qui s'installe à Limoges en 1842 et exporte sa production vers le Nouveau Monde. D'abord décorateur, il construit une immense usine en 1856.

La seconde moitié du XIXe siècle correspond à l'âge d'or de la porcelaine de Limoges. On assiste alors à une lutte acharnée entre les porcelainiers, et notamment entre les frères Haviland (Charles et Théodore). La porcelaine, présentée aux expositions universelles, acquiert une dimension internationale. L'exposition internationale des Arts décoratifs et industriels modernes de Paris, en 1925, proclame Limoges "capitale internationale de la porcelaine". Ainsi la production se modernise. Les manufactures souhaitent développer la notion de " Blancs de Limoges ", réputés pour la qualité de leurs kaolins et la perfection des techniques de fabrication. Outre les Blancs, les manufactures craquent pour la technique du grand feu qui permet d'avoir des coloris élégants, raffinés. On compote 35 usines de porcelaines au début du XXe siècle et environ 100 000 ouvriers. Entre-temps, les idées des progressistes comme Pierre Leroux ont fait leur chemin. La CGT naît à Limoges en 1895, et, en 1905, Limoges est secouée par de violentes grèves.

Un prestige inaltérable mais une activité à diversifier. Au XXe siècle, en Europe ou en Amérique du Nord, la renommée de Limoges n'est plus à faire. De nouvelles fabriques apparaissent, des noms prestigieux (Bernardaud, Raynaud, Camille Tharaud...) et deux styles émergent : l'Art nouveau et l'Art déco. En effet, depuis le début, les formes et le décor de la porcelaine évoluent avec les styles artistiques. Dans la seconde moitié du XXe siècle, les designers sont à pied d'oeuvre pour proposer des modèles originaux en conformité avec le style de l'époque. On peut citer notamment Raymond Loewy et son service pour Air France. Les grèves, crises et guerres du XXe siècle ont bien sûr touché sérieusement ces fabriques, mais, grâce à un savoir-faire exceptionnel, renforcé par la présence d'écoles d'artistes et d'ingénieurs en céramique, Limoges a su garder intacts sa qualité et son prestige. Aujourd'hui, la porcelaine limousine connaît des usages inventifs et inattendus. Le Centre Régional des Arts du Feu a pour mission d'inciter les artistes, ingénieurs et architectes à utiliser les matériaux céramiques et à leur donner un rôle à part entière dans la création contemporaine. Ainsi fabrique-t-on aujourd'hui du mobilier urbain en céramique (banc, signalétiques, luminaires...) et même des prothèses et des imprimantes 3D céramique. Un pôle de compétitivité européen a vu le jour en 2008. Il compte aujourd'hui 120 membres dont bon nombre de start-up issues de l'université de Limoges. La céramique est donc au coeur de l'innovation industrielle et son avenir reste encore à écrire.

Le kaolin. Le kaolin, du chinois kao (haut) et ling (colline), fut découvert pour la première fois en France, au clos de Barre à Saint-Yrieix-la-Perche, en 1767, par le chirurgien Darnet, intrigué par cette terre blanche utilisée pour la lessive. Le kaolin entre pour 50 % environ dans la fabrication de la porcelaine de Limoges. Marcognac fut la plus ancienne et la principale carrière de kaolin limousin. Elles ont toutes cessé leur activité.

La tapisserie : les mots du lissier

Carton : guide fondamental du lissier dans son travail de tissage, le carton est un modèle ou " patron " grandeur d'exécution, placé sous les fils de la chaîne ou derrière. Il peut s'agir d'une peinture, d'un dessin, d'une photographie ou de l'impression d'une oeuvre numérique. Un musée sur le carton a ouvert à Aubusson et dévoile les dessous du métier d'artiste cartonnier.

Chaîne : l'ensemble des fils tendus sur les rouleaux du métier et entre lesquels on passe la trame. Le nombre de fils de chaîne, et par conséquent leur espacement, va déterminer la densité du tissage ou la " grosseur " de la texture.

Trame : partie visible qui recouvre le support à savoir la chaîne à l'issue du tissage, elle peut être en laine, soie ou fils métalliques et forme progressivement le dessin définitif. On reconnaît une véritable tapisserie d'Aubusson aux fils de la trame qui pendent au dos de l'oeuvre.

Lisses : bouclettes de coton qui relient les fils de la chaîne aux barres de lisses elles-mêmes reliées à une paire de pédales. Le mouvement alternatif des pédales permet d'ouvrir la chaîne, laissant ainsi passer les fils de la trame.

Lissier : celui qui tisse. La tapisserie d'Aubusson étant tissée sur un métier de " basse lisse ", on parle aussi de " bas lissier ".

Métier de basse-lisse : métier à chaîne horizontale traditionnellement employé à Aubusson.

Métier de haute-lisse : métier à chaîne verticale plus volontiers utilisé pour les tapisseries dites de Savonnerie.

Les tapisseries d'Aubusson et de Felletin

La vérité de la basse-lisse. Les origines de la tapisserie marchoise sont incertaines. Certains disent qu'elle doit son origine à des Sarrasins qui se seraient installés sur les rives de la Creuse après leur défaite en 732. D'autres estiment qu'elles découleraient de la reconversion de l'industrie drapière locale en un artisanat d'art. L'eau non calcaire et le climat favorable aux moutons (pour la laine) étaient ici réunis. Quoi qu'il en soit, des archives établissent certains faits  : au XVe siècle, à Felletin, il est fait mention de tapissiers comme Jacques Bonnyn (1457). D'autre part en 1514, dans l'inventaire des biens de Charlotte d'Albret, on trouve des verdures et des pièces ornées d'animaux venant de Felletin. En 1560, Simon Evrard, notaire d'Ahun, décrit une riche activité de draps et tapisseries à Aubusson. Les productions se spécialisent, s'enrichissent de techniques plus performantes et un commerce d'exportation naît. A la fin du XVIe siècle, les lissiers émigrés de Flandres diffusent largement leurs modèles dans les ateliers marchois. Rares et d'une provenance difficile à attribuer, les tapisseries des XVe et XVIe siècles représentent surtout au début des verdures, et, peu à peu apparaissent des personnages, des scènes de chasse. En 1546, Jehan chartier de Bourges commande une tenture en neuf pièces représentant les neuf Preux (le roi Arthur, etc). Mais l'ensemble le plus important du siècle reste sans conteste la tapisserie réalisée à l'occasion du mariage de Renée de Chaslus d'Orcival et Guy de Montclar-Montbrun. En dix pièces, elle est classée monument historique et conservée au château de la Trémolière à Anglards-de-Salers dans le Cantal.

Les grâces de l'Etat. Au XVIIe siècle, la tapisserie se développe fortement. Sur demande de la royauté, les oeuvres représentent des histoires bibliques, des scènes de personnages et de récits à la mode. Colbert attribue aux ateliers d'Aubusson (1665) et de Felletin (1689) le titre de Manufactures royales. Pour les distinguer, les lisières des tapisseries d'Aubusson seront bleues, celles de Felletin seront brunes. Les lissiers utilisent, entre autres, des cartons de Le Brun et tout va bien jusqu'à la révocation de l'édit de Nantes, en 1685. Aubusson est affaiblie par le départ de nombreux lissiers protestants pour l'Allemagne. Jusque vers 1730, la situation économique en France n'arrange pas celle de la tapisserie. Au XVIIIe siècle, sous Louis XV (lettres patentes en 1732) et Louis XVI, les lissiers bénéficient à nouveau de l'intérêt de l'Etat qui envoie de nouveaux cartons. Les verdures ont la côte, les cartons de Boucher, Lancret et de Watteau aussi. Le goût change complètement par rapport au XVIIe siècle : des paysages champêtres, des scènes de jeux d'enfants ou de la vie paysanne remplacent les tapisseries de personnages et récits héroïques du siècle précédent. Les coloris sont plus vifs, la gamme de couleurs s'élargit. On cherche plus à plaire. Sont également plus populaires, les oeuvres d'une taille plus restreinte, ouvrant le marché à un nouveau type de clients, dont les négociants étrangers. Les tapis de pied au point noué (nouvelle technique sur des métiers de haute lisse) donnent du travail aux femmes en 1743.

Esprit, es-tu las ? La Révolution de 1789 et la mode du papier peint touchent les ateliers de plein fouet. Au XIXesiècle, les lissiers, en panne d'imagination et de nouveaux cartons, ne réalisent que des copies en modifiant quelques détails (comme les costumes). A cette époque, les tapisseries sont hors de prix. D'une vingtaine de couleurs au Moyen Age, on est passé à 36 000 couleurs, une seule tapisserie en comptant jusqu'à 2 000. Il faut parfois 1 an pour tisser 1 m². Le succès des tapis de pied (ras d'Aubusson) et de mobilier sauve une situation en dents-de-scie. La tapisserie se résume alors en la couverture de chaise, fauteuils ou canapés. La clientèle privée ou publique commande une réalisation d'ensemble avec un mobilier qui concorde avec les tapis ras ou veloutés. Les petits artisans se retrouvent dans de grandes sociétés qui exportent (Europe, Moyen-Orient et Amérique). Mais la créativité a disparu. En 1884, l'Etat crée une école nationale d'arts décoratifs. Un nouveau souffle pour la tapisserie qui retrouve quelques couleurs avec des expérimentations, recherches, créations en adéquation avec les goûts de l'époque. Avec la guerre de 1914-1918, les affaires vont mal, et, avec la crise de 1929, les exportations cessent et la situation s'aggrave.

L'avenir est dans le passé. Pour se sortir de ce mauvais pas, Marius Martin, le directeur de cette Enad, et Antoine Jorrand préconisent en 1918 un retour aux sources en réduisant le nombre de couleurs ou en travaillant avec des fils plus gros. Succédant à Martin, Elie Maingonnat organise des expos. De 1932 à 1938, Mme Cuttoli, riche collectionneuse, confie à Aubusson le soin de réaliser des oeuvres de grands peintres (Braque, Rouhaut, Dufy, Matisse, Le Corbusier, Picasso et Lurçat...). Ça plaît, mais ça ne suffit pas.

Lurçat fait un carton. En 1937, la rencontre du peintre Jean Lurçat avec François Tabard, jeune directeur d'un atelier familial, va relancer la tapisserie. Désormais, on ne dépassera pas 40 couleurs, et les cartons ne seront plus peints mais numérotés (chaque numéro correspondant à une teinte).

En 1939, il réalise avec Gromaire et Dubreuil les Quatre Saisons. Le puissant lyrisme qui se dégage de cette oeuvre et le rôle de public relation joué par Lurçat incitent de nombreux artistes à créer pour la tapisserie. Picart le Doux, Saint-Saëns, Dom Robert, Wogensky, Lagrange, Tourlière, Prassinos et d'autres rejoindront l'APCT (Association des peintres cartonniers de la tapisserie). A partir de 1948, Pierre Baudoin, un jeune peintre venu à la tapisserie, met au point des tapisseries d'Adam, Braque, Calder, Picasso, et surtout de Le Corbusier, avec lequel il entreprend une longue collaboration.

Aujourd'hui. Avec la conjoncture économique et le prix des tapisseries, les grandes commandes se font plus rares, mais la tapisserie marchoise a trouvé un nouveau souffle en créant des oeuvres contemporaines par des artistes comme Sylvain Dubuisson, Robert Combas, Hervé Di Rosa, Fabrice Hyber ou Gérard Garouste. Symbole du renouveau de cette tradition : la Cité de la Tapisserie d'Aubusson qui permet de renouer les liens entre les différents acteurs pour que les designers, décorateurs d'intérieur, plasticien et autres architectes nourrissent une relation forte avec la tapisserie et redynamisent cette dernière dans le marché de l'art. Le pari est celui d'une réactualisation des savoir-faire par le fait que les artisans ou futurs artisans puissent côtoyer les artistes qui gravitent autour des structures et intiatives limousines. Un fonds de création a été mis en place et la Cité de la Tapisserie pour impulser une véritable dynamique : tous les ans un appel à projets international attire les artistes du monde entier, invités à mettre en oeuvre leur imagination créative. Preuve de la renconnaissance de cet élan créatif : le 1er prix de l'année 2010, ma "Peau de Licorne" de Nicolas Buffe a été classée par l'Institut National des Métiers d'Arts dans les dix réalisations françaises emblématiques du renouveau des métiers d'art par la création contemporaine. Ce fonds, tout comme la venue de plasticiens profitent grandement aux nouvelles générations d'étudiants lissiers. Quant au musée d'Aubusson, il accueille chaque année un bon nombre de visiteurs.

Le " poinct " de Tulle

L'origine du " poinct " de Tulle est à ce jour mal connue. Vraisemblablement issu de la technique des filets de pêche, il se pratique depuis l'Antiquité. Probablement inventé en Italie au XVIe siècle, il est dit aussi que cette technique s'est développée vers la fin du XVIIe siècle en France et à Tulle. Elle est particulièrement appréciée à la cour de Louis XIV. Six points différents sont utilisés  : le cordonnet, le grossier, le picot, le point d'esprit, le respectueux et la rosette. Les derniers ateliers ferment dans la première moitié du XIXe siècle. Aujourd'hui, il est possible de découvrir les secrets de cette pratique au musée du Cloître à Tulle.

L'émail de Limoges

Les techniques de l'émail. Il est généralement constitué de sable silicieux (silice), de carbonate de soude, de potasse et de plomb. La silice se présente sous diverses variétés minérales : quartz, silex, tridinite ou cristobalite. Il faut environ 8 à 12 heures pour atteindre le point de fusion (1 400 °C) et ainsi mélanger tous les éléments. D'une consistance pâteuse, l'émail est alors tiré du creuset à l'aide de louches puis coulé sur des tables métalliques afin qu'il se solidifie sous la forme de galettes. Ces dernières sont broyées. Le sable obtenu sera revitrifié par une succession de cuissons. Différents oxydes métalliques sont utilisés pour colorer l'émail parmi lesquels le fer, l'étain, le cuivre ou l'or.

L'émail champlevé au Moyen-âge : Au Moyen Age, la production limousine d'émail démarre d'après la technique de Champlevé, généralement appliquée au cuivre car nécessitant un métal de forte épaisseur. Apparue au XIIe siècle, elle connaît un succès considérable dans toute la chrétienté avant de disparaître au XIVe siècle. Au Moyen-âge, les oeuvres émaillées des moines comme ceux de Saint-Martial et de Grandmont sont déjà célèbres. Aux XIIe et XIIIe siècles, l'oeuvre de Limoges est une véritable industrie. Les premiers émaux servent d'objets de culte, diffusés le long des routes de pèlerinages, mais aussi de bijoux ou d'ornements vestimentaires. Divers facteurs expliquent son émergence : un environnement naturel favorable avec la plupart des composants présents dans la région, l'importance déjà des créations artistiques dans divers domaines, des soutiens nombreux avec l'église notamment, la qualité des productions et son prix, relativement peu coûteux face à l'orfèvrerie précieuse.

L'émail peint : C'est durant la renaissance et la fin du XVe siècle qu'apparaît l'émail peint. Limoges apparaît comme le centre de production le plus important d'émaux peints. Les maîtres du XVIe siècle (Léonard Limosin, Léonard Pénicaud, Pierre Courteys) puisent leur inspiration dans la peinture, la tapisserie et les gravures (italiennes ou allemandes) diffusées par l'imprimerie. Ils développent la grisaille et sont à l'origine de dynasties d'émailleurs. Le technique repose sur le principe suivant : les couleurs sont posées en aplat sur un fond blanc, lui ayant généralement pour base une sous-couche noire. Le dessin, tracé à l'aiguille dans la couche blanche, apparaît en transparence. Seules les carnations sont modelées. Dans la seconde moitié du XVIe siècle, le marché de l'émail bat son plein. La production et la clientèle se diversifient et s'élargissent. La grisaille, un dérivé de l'émail peint, fait son apparition et devient vite la marque de fabrique des émaux limousins. De nouveaux objets apparaissent comme support de cet art avec notamment des services de vaisselle. Les thèmes ont aussi changé : les scènes religieuses ont laissé la place aux scènes mythologiques et à une nouvelle manière de les représenter. A l'image de ce qu'il se passe dans la peinture.

Aux XVIIe et XVIIIe siècles. L'essentiel de la production au cours des XVIIe et XVIIIe siècles se concentre entre les mains de deux familles : les Laudin et les Nouailher. Les émaux de cette époque sont moins raffinés et représentent souvent un personnage sur un fond de paysage. A la fin du XVIIIe siècle, les derniers émailleurs disparaissent.

Aux XIXe et XXe siècles. Le XIXe siècle signe le retour de l'émail avec un style proche de celui de la renaissance et la technique de la grisaille. Au XXe siècle, l'art de l'émail poursuit son développement et suit les autres tendances artistiques avec l'Art nouveau et l'Art déco.

Aujourd'hui. La majorité des émailleurs restent dans le classique, mais quelques artistes pleins d'imagination démontrent que l'émail limousin a sa place dans l'art contemporain. Ces derniers pourraient être à l'origine d'une troisième renaissance de l'émail... Les émailleurs ont en tout cas l'ambition de poursuivre leur développement et de suivre leur temps : en 2007, une maison de l'émail a été ouverte pour cela en plein coeur de Limoges.

Musique – Danses

Le folklore. Il n'est pas rare, en assistant aux fêtes locales, de découvrir des groupes folkloriques alliant le chant, la musique et la danse. Le Limousin, berceau de la chanson et de la danse populaires, perpétue cette tradition. Au cours des veillées d'hiver, des mariages, des fêtes et des repas de famille, chacun poussait la chansonnette. Celle-ci évoquent souvent des sujets tels que la nostalgie, le déracinement (le Limousin est un pays de migrants) mais aussi la beauté des montagnes. Transmises de bouche à oreille, les chansons étaient plutôt en langue limousine. Tombé dans l'oubli, ce répertoire, grâce à une poignée d'amoureux des coutumes d'antan, a été transcrit puis publié. Ces chansons se chantent mais se dansent également. La bourrée et le pélélé se dansent au son de la vielle (à roue), du violon, de l'accordéon et de quelques cuivres. Durant ce moment de partage entre les habitants du village, les femmes portent de longues robes multicolores, un tablier brodé et serré à la taille, des châles de couleur sur corsage assorti, d'imposantes coiffes ou de simple bonnet à toile. Les hommes, eux, arborent fièrement leurs vestes et pantalons noirs, gilets de couleur, chemises claires, foulards, chapeau de feutre noir à larges bords. Pour conserver, faire connaître les chants, les danses, les instruments et les costumes, des écoles félibréennes et des groupes folkloriques se sont créés  : les Pastrourelles et la Bourrée à Limoges, l'école Ventadour à Tulle, les Echos limousins à Argentat, les Gounauds à Bort, l'école de Barbichet à Limoges.

Le Limousin, berceau de la littérature courtoise, initie aussi le touriste profane à la découverte de l'univers des troubadours. En Corrèze par exemple sur la Route de Ventadour, qui, l'été, mène de Treignac à Argentat, des spectacles mettent en scène dans des lieux pittoresques les chants de Gui d'Ussel ou les textes de Bernard de Ventadour.

Pour les amoureux du piano à bretelles, le musée de Tulle met en scène une exposition permanente autour de l'histoire de l'accordéon et des accordéonistes célèbres comme Jean Ségurel.

Jean Ségurel (Troubadour et accordéoniste du XXe siècle)

"  Sur le riant coteau la bergère s'en va, elle mène son troupeau, etc.  ".

"  Plus que les rues de Paris, elle aime ses bruyères, car c'est là qu'elle a grandi... /... Quand la bruyère fleurit aux flancs des Monédières, qu'ils sont loin les soucis qu'ont les gens de Paris...   ".

Tous les Corréziens de terroir ou d'origine ont un jour entendu quelqu'un de leur famille évoquer ou chanter Jean Ségurel. Il est né à Chaumeil en 1908 et est décédé en 1978. Son père était un paysan. Très jeune, il apprit l'accordéon et anima les bals, les fêtes et noces de village, d'abord dans ses Monédières natales, puis dans tout le Limousin. Après la Seconde Guerre mondiale, les chansons qu'il composait connurent un immense succès, relayé par une émission sur Radio Limoges. Il vendit des millions de disques  : Bruyères corréziennes, La Marche des célibataires, Ma Maison de Chaumeil sont des titres restés dans toutes les mémoires. Il adorait la petite reine et fut l'un des créateurs de la célèbre course le bol d'or des Monédières, où s'illustrèrent notamment Anquetil et Poulidor. Gentil et généreux, il a laissé un bon souvenir à tous ceux qui l'ont connu. Encore maintenant, pas un bal ne se déroule sans qu'au moins un des airs de Ségurel n'y soit interprété.

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