Les bastides comme héritage patrimonial emblématique
Les bastides sont des villes nouvelles nées au Moyen Âge et on en compte 42 dans le Lot-et-Garonne. Ces villes avaient pour mission, d’abord, d’attirer de nouvelles populations, et ensuite d’héberger des garnisons, pour enfin créer un pôle économique. Fonder une bastide, c'était au départ proclamer une charte de coutumes, ou plus simplement établir un règlement que tous les habitants devaient accepter. De cette façon, on organisait la vie locale et on officialisait les droits et les devoirs des habitants. Le maire n’était pas un maire puisque la fonction n’existait pas encore, tout comme le conseil municipal, mais il y avait un bayle (ou prévôt) à la tête de la bastide qui était assisté de jurats (il s'agissait alors de magistrats municipaux). Il avait pour mission de prélever les impôts et de rendre la justice. Quiconque voulait créer une bastide devait adopter la même démarche, qu'il soit roi de France ou roi d'Angleterre. On choisissait un lieu, on s'entendait avec le propriétaire et on passait un accord avec ce dernier. Aux termes de l'acte ainsi rédigé et signé, on déclarait l'administration en commun de la ville nouvelle, et le partage des revenus. Ces villes étaient construites en pleine campagne, sur une colline pour surveiller la venue possible d’ennemis. Pour les construire, on partit d’un plan en forme de damier, avec au centre une place et une halle érigée au cœur de cette place ; des quatre coins de cette dernière partaient des rues parallèles et perpendiculaires. La place est entourée de « couverts » ou arcades avec des maisons à un seul étage. Les arcades, au-delà de leur charme architectural, avaient un rôle bien précis de protéger les meubles et les denrées du soleil et des intempéries. A noter que dans le Lot-et-Garonne, il existe une bastide qui a deux actes de naissance : née anglaise, Miramont-de-Guyenne est devenue bastide française de par la volonté d’un roi de France. La bastide est un argument touristique, et il faut se rendre au marché, celui de Miramont-de-Guyenne le lundi par exemple, pour comprendre le charme de cette vie de bourg. Petit jeu pour les curieux, quand vous serez sur les routes du Lot-et-Garonne, amusez-vous à deviner si tel ou tel village regroupe les caractéristiques d'une bastide. Il y a des pièges, comme à Pujols, qui n'en est pas une et qui pourtant possède une place centrale et une halle !
Un patrimoine architectural religieux : entre églises et abbayes
Beaucoup d'indications de directions vous parleront d'églises du XIe ou du XIIe siècle isolées en pleine campagne. L'explication se trouve dans le contexte de cette époque qui fut pour l'Eglise catholique une période d'évangélisation, en plus d'avoir une forte influence sur les gens soucieux des religions et se basant sur les écrits sacrés. C'est donc pour cela qu'il y eut l'édification d'églises sur d'anciens sites païens. Pour l'anecdote, on expliquera peut-être la pousse d'un pin sur le clocher de celle de Pompogne par le fait d'un miracle.
Les édifices du mouvement bénédictin de l'abbaye de Cluny marquent l'influence de cette mouvance religieuse dans la région. Les abbayes de Moirax et de Saint-Maurin en sont les preuves architecturales et si la dernière est fragmentée en quelques éléments, celle de Moirax, qui domine l'Agenais, est exceptionnelle.
Au carrefour de bâtis architecturaux typiques
Tout comme sa géographie, le Lot-et-Garonne ne possède pas une architecture particulière mais il est plutôt un concentré de maisons aux styles déterminés par le "pays" où les communes se trouvent. Entre échoppe bordelaise, maison landaise ou périgourdine ou encore la borde emblématique du Quercy, on a affaire à une pluralité de bâtisses.
L'échoppe bordelaise qui se situe dans la basse vallée de la Garonne, la moyenne vallée et les coteaux de l'Agenais, est le logement de l'agriculteur. Il est distinct des bâtiments d'habitation et les murs sont en pierre calcaire souvent enduite. La maison landaise, logiquement située des contreforts landais à la moyenne vallée de la Garonne, est la maison d'habitation. Plan souvent carré, bâtiments construits autour d'une structure porteuse en bois, la façade principale est tournée vers l'est. La métairie marmandaise est la maison à grange centrale de type landais, on la trouve dans les plaines du Lot et de la Garonne, près de Marmande notamment. Plan carré, toiture descendant très bas, logement occupant le côté sud, étable du côté nord... L'ossature reste de bois à l'intérieur, avec des remplissages en briques d'argile crue. La maison limousine et périgourdine se retrouve au nord du département, dans la vallée du Dropt, et vers l'est jusqu'à Tournon-d'Agenais et dans le pays de Serres. Grange, étable et habitation sont contiguës, ce qui donne une construction tout en longueur, d'un seul volume et sur un seul niveau. La borde quercynoise, comme son nom l'indique, se rencontre dans la région des Causses et du Quercy à Tournon-d'Agenais notamment. Une maison en hauteur, étroite sur sous-sol, avec au rez-de-chaussée les locaux d'exploitation, et, au-dessus, l'habitation, avec généralement un accès extérieur par escalier. Concernant la maison languedocienne, on peut en voir de beaux exemples dans la vallée de la Garonne, à l'est du département. Habitation, remise, étable et grange à foin. Plan rectangulaire et allongé, toiture à deux pentes ; le pigeonnier est annexé au bâtiment principal. La maçonnerie est formée de briques de terre crue ou cuite formant des assises à des lits de pierres ou de galets. La maison à empilage de poutres de bois est construite à la limite du Lot-et-Garonne, dans une aire très circonscrite entre Castillonnès et Villeréal, sur l'emplacement d'anciennes forêts. Ces constructions étaient probablement l’œuvre de bûcherons. Sur un socle de maçonnerie, ou de blocs de pierre, a été élevé un système d'empilage de poutres croisées à mi-bois aux angles. La charpente est rudimentaire, sans système assemblé et le bois utilisé est le chêne ou le châtaignier, avec une couverture en tuiles et vraisemblablement en bardeaux de bois à l'origine.
L'architecture par les raconteurs de pays
Le patrimoine architectural du Lot-et-Garonne est riche, cela va sans dire, mais ce patrimoine magnifique ne saurait vivre sans des hommes de mains pour les réhabiliter, les conserver, les rafraîchir et des hommes de paroles pour les faire (re)vivre dans l'imaginaire des gens. Les raconteurs de pays sont ces hommes de parole. Ils sont disséminés sur tout le département et c'est la passion qui les anime, racontant le territoire où ils vivent mais à la façon des passeurs de mémoire qu'ils sont, en sortant des sentiers battus. Ce réseau de passionnés regroupe aujourd'hui plus de 45 membres en Lot-et-Garonne. Le Raconteur de Pays n'est pas un guide professionnel mais plutôt votre ami qui vous confie les secrets de sa région. Eglises romanes, canal de Garonne, bastides, moulins... Ils n'auront plus de secrets pour vous. L'un vous contera le cadran lunaire présent sur la façade du beffroi de Tournon d'Agenais en précisant et expliquant le mécanisme qui en découle quand un autre à Moirax prendra plaisir à vous intéresser aux pigeonniers et à l'histoire et l'architecture propre de ces édifices non dénués de charme. Vous pourrez aussi comprendre l'histoire architecturale d'un village en entier comme à Castelmoron-sur-Lot, où ce passionné vous contera les bâtiments tels que l’église néo-gothique, le temple protestant, la halle, le pont moderne et l’hôtel de ville, si particulier. Si les moulins et leurs caractéristiques propres sont votre dada, direction Barbaste pour assouvir votre soif de connaissance avec l'un deux qui ne manquera pas non plus de vous faire l'apologie des églises et chapelles, fontaines, lavoirs, maisons fortes... cachés par la nature. Les raconteurs de pays sont donc une richesse patrimoniale à part entière indispensable au Lot-et-Garonne ne serait-ce que parce qu'ils racontent l'histoire des bâtiments à la seule force de leur passion communicative et transmetteuse. Ces hommes et ces femmes sont le Lot-et-Garonne, et surtout ils sont ceux qui en préservent la mémoire architecturale en racontant et en contextualisant tel ou tel édifice dans son époque.
Les charmes des pigeonniers historiques
On en dénombrerait plus de 6 000 dans le Lot-et-Garonne. Mais alors pourquoi le pigeonnier ? La question trouve comme souvent sa réponse dans l’histoire de l’homme, de la terre et des bêtes. En effet, le pigeon était recherché pour la colombine, un mot beaucoup plus délicat pour parler des rejets naturels de l’oiseau. Cette colombine a un fort pouvoir de fertilisation de la terre avec son taux élevé d’azote et autre acide. L’homme s’est donc mis à construire ces bâtisses avec des nids appelés boulins pour attirer les pigeons. Plus on avait de terre, plus on avait de boulins. Par conséquent, ces derniers étaient un signe extérieur de richesse. On peut donc remarquer des pigeonniers construits à même la maison quand d’autres plus imposants, sont indépendants de la construction principale. Le pigeon était un mets apprécié des hommes mais aussi des rats qui pénétrant dans les édifices faisaient un véritable carnage. On a donc élevé des murs sans aucune aspérité empêchant ainsi les rongeurs de s’introduire tout en fixant près du sommet des lanterneaux pour l’entrée des volatiles. L’architecture caractéristique du pigeonnier est aujourd’hui une marque de charme et de cachet en matière de logis et la singularité des propriétés se considère notamment grâce au pigeonnier. Si vous allez du côté d'Allemans-du-Dropt, ne manquez pas d'aller voir l'un des plus beaux pigeonniers du département, construit dans le jardin d'une propriété et qui date du XVIIe siècle. La petite anecdote raconte que lors des alliances entre nobles, certains exagéraient leur nombre de boulins comme marque de richesses et c’est ainsi que serait né l’expression se faire pigeonner. On conseillera de, plutôt que de se faire pigeonner, profiter d’une nuit calme dans les nombreux pigeonniers réhabilités en superbes gîtes.