Architecture de légende
Les superbes étendues du désert mauritanien abritent les témoins d’une fascinante architecture préhistorique funéraire. Les alignements de pierre, dont les plus complexes peuvent aller jusqu’à 3 rangées savamment agencées, y côtoient d’étonnantes nécropoles, à l’image de celle du site de Lembetet el-Kbir. Cette dernière, qui s’élève à 40 m au-dessus du reg, abrite 160 tombeaux de formes variées. Sur l’affleurement rocheux et jusque dans la plaine, on retrouve des tumuli de formes circulaires ou rectangulaires, tandis que le sommet et le haut des pentes rocheuses abritent des monuments funéraires aux formes plus élaborées. Les bazinas ou tombes à degrés, de formes circulaires, sont constituées de 3 assises concentriques. La chambre funéraire proprement dite y est placée au centre et est construite en encorbellement. Le corps du défunt y est placé sur une dalle servant de plancher, ou directement sur le sol. Le site abrite également des barkhanes, vastes amas de pierre qui, comme leur nom l’indique, prennent une forme rappelant un croissant de sable. L’ouverture entre les 2 branches de la plus grande barkhane atteint 27,60 m. La chambre funéraire s’y compose d’une structure circulaire en blocs de quartzite grossièrement appareillés. Dans d’autres parties du Sahara, aventuriers et archéologues ont également découvert des chouchet (pluriel de choucha), monuments funéraires composés d’une tour aux allures de cheminée et d’assises circulaires régulières dont la forme générale rappelle la margelle d’un puits. Le désert saharien abrite aussi d’incroyables vestiges de grands villages néolithiques, tels Chebka, de forme allongée, Akreijit, en éventail, et Tijot, de plan circulaire. Tous trois se caractérisent par une architecture en pierres sèches, un agencement alvéolaire de l’habitat et un réseau étroit de ruelles et places publiques. Le plus célèbre est le site d’Aghrijit découvert par le non moins célèbre Théodore Monod. Délimité par un mur de 2 m de haut et 1,5 m d’épaisseur, le village se compose de séries de ruelles donnant sur des espaces ouverts destinés à accueillir les grands rassemblements publics. Les enclos de pierres sèches, généralement de forme rectangulaire, servent à délimiter plusieurs unités d’habitation organisées autour d’un foyer central. Akreijit possède également à sa périphérie des parcs à bestiaux et des champs délimités par des blocs de pierre. Ces collectivités agropastorales néolithiques ont ainsi imaginé un urbanisme fonctionnel dont les grands principes seront repris au fil des siècles !
Fascinant Moyen Age
Devenu un site archéologique de premier plan, Koumbi Saleh laisse deviner la splendeur de celle qui fut la première capitale de l’Empire du Ghana et qui a vu se développer un art architectural d’exception, fait notamment d’un usage unique de plaques de schiste local. Des descriptions que les grands voyageurs de l’époque firent de la cité, on retient que la capitale se composait de deux entités distinctes : la ville des musulmans qui abritait pas moins de 12 mosquées, et la ville du roi, avec des édifices construits en pierre et bois d’acacia et un vaste palais clôturé. L’espace séparant les deux entités était occupé par des huttes de bois de plan circulaire. Les vestiges du monument animiste et de la grande mosquée sont sans doute les plus spectaculaires du site. Autre étonnant site archéologique à ne pas manquer : le paysage culturel d’Azougui, première capitale de la grande dynastie des Almoravides. De l’oasis originelle, où la cité fut construite, subsiste toujours le très ingénieux système d’irrigation. C’est au cœur de cette fertile oasis que les Almoravides construisirent une forteresse en pierres sèches dont le mur d’enceinte protège un îlot urbain agencé en différentes concessions.
Mais les sites médiévaux les plus célèbres de Mauritanie sont bien sûr les ksour de Chinguetti, Ouadane, Tichitt et Oualata, tous classés au Patrimoine mondial de l’Unesco. Fondées aux XIe et XIIe siècles, ces cités furent à la fois d’importants centres caravaniers et marchands et de puissants foyers culturels et religieux. Le ksar est un village fortifié protégé par un mur d’enceinte et dont le tissu urbain, très dense et serré, se compose de passages étroits et sinueux menant à une grande place publique et aux espaces collectifs, tandis que les habitations, disposées de façon très compacte, se blottissent généralement autour des mosquées. Cette compacité a une fonction pratique, permettant de se protéger des vents, du sable et de la chaleur, et une fonction symbolique assurant l’application des principes d’ascétisme et de dépouillement de l’islam saharien. L’autre caractéristique phare de ces ksour est leur manière de se fondre dans leur environnement. L’utilisation de matériaux locaux (grès aux reflets gris, verts ou rouges ; argile ocrée utilisée comme torchis, pisé ou banco) assure une cohérence visuelle avec les paysages désertiques alentour. En pierres sèches et laissées nues, ou couvertes d’un crépi ou d’un torchis ocrés, les habitations y sont également massives et compactes, de volumes souvent cubiques. Leurs rares ouvertures sont protégées d’entrelacs de bois ou de métal forgé, tandis que leurs toitures, plates le plus généralement, sont constituées d’un savant agencement de troncs et branches de palmiers ou dattiers assurant protection et ventilation. Ces habitations sont organisées autour d’une cour ou d’un patio intérieur. Chinguetti est célèbre pour sa grande mosquée coiffée de 5 œufs d’autruche et flanquée d’un minaret carré, ses dizaines de bibliothèques et ses habitations en pierre de taille et revêtement de banco protégées par des portes massives en acacia. Mais c’est Oualata qui abrite les plus belles demeures. De style soudanien, ces maisons à étages sont articulées autour d’une grande cour centrale, cachées à la vue par des chicanes et se caractérisent par une structure en pierres sèches entièrement recouverte d’un crépi d’argile rouge ou ocre que les femmes décorent d’arabesques, entrelacs et motifs géométriques peints au doigt. Ornées de clous et de heurtoirs ouvragés, leurs portes en bois contribuent à la beauté de ces demeures.
Epoque coloniale
L’architecture coloniale est d’abord une architecture défensive et militaire. Volumes compacts et massifs en pierres et briques de terre, plans carrés ou rectangulaires organisés autour de cours centrales, tours d’angle, éléments bastionnés et en saillie caractérisent ces forts du désert. Dans le nord de la Mauritanie, les forts avaient pour but de surveiller les tribus nomades. Les forts les plus célèbres sont le Fort Aïn Ben Tili et le Fort de Chegga avec son impressionnant portail flanqué de part et d’autre de quatre coupoles et ses remparts crénelés d’un ton ocré qui le rendent presque invisible. On retrouve cette volonté de se fondre dans l’environnement dans les forts de l’Adrar. Le Fort Claudel de Chinguetti et les forts de Bir Ziri et Agoueidir comptent parmi les plus intéressants. A l’origine, Nouakchott, la capitale, n’était aussi qu’un camp militaire. C’est en 1959 que l’architecte français André Leconte dresse le nouveau plan d’urbanisme de la nouvelle capitale, la divisant en deux noyaux : l’un autour du fort originel et l’autre autour de la mosquée. En parallèle, les Français construisent de petites cités minières où les volumes simples et le béton sont rois. C’est le cas à Cansado, dont on peut encore voir les vestiges d’un hôtel très moderniste, ou bien à Zouerate qui alterne entre grands immeubles blancs à l’européenne et petites maisons de briques rouges rappelant les villes minières françaises.
Depuis l’indépendance
L’effervescence de l’indépendance s’accompagne d’une sorte de fièvre constructrice. Les structures étatiques sont standardisées et préfabriquées, les logements privilégiés étant des blocs d’habitation simples, de forme cubique rappelant les grands ensembles de type européen, mais ne dépassant généralement pas les 3 étages. Dès les années 1970, la ville de Nouakchott connaît une croissance sans précédent du fait d’un exode rural massif. La ville voit ainsi se développer d’innombrables quartiers d’habitat informel baptisés kébbés. Ces derniers sont la traduction urbaine de la délicate transition entre modes de vie agropastoraux traditionnels et modes de vie urbains importés. Nombreux sont les paysans et nomades sédentarisés à préférer ce caractère informel à l’architecture standardisée, les kébbés leur permettant de conserver la structure de l’enclos délimitant différents espaces fonctionnels, la cuisine étant toujours séparée des espaces d’habitation, et abritant des baraques faites de bric et de broc et des tentes traditionnelles. Face à l’augmentation de ces « bidonvilles », les autorités ont lancé quelques programmes de constructions, comme celui de la SOCOGIM (Société de Construction et de Gestion Immobilière) qui, en 10 ans, a construit 12 000 logements et attribué près de 16 000 parcelles pour favoriser un habitat contrôlé… mais ce programme était bien trop modeste pour juguler une croissance exponentielle. Face à ces échecs, certains kébbés sont devenus des gazras, quartiers d’habitat informel légalisés et disposant de meilleurs accès aux infrastructures, autant d’éléments révélateurs des dérives urbaines d’une ville créée ex-nihilo, qui n’a jamais disposé d’un cadastre officiel et dont les plans d’urbanisme n’ont jamais pu être mis en place du fait de problèmes de financement et de corruption. Aux problèmes de saturation de l’espace s’ajoutent des menaces environnementales majeures. La ville s’est développée à l’abri d’un cordon dunaire que les infrastructures portuaires ayant modifié les courants marins ne cessent de déstabiliser ; les structures s’étant construites directement sur ces dunes montrent d’ailleurs des signes de grande fragilité. Face à ces menaces, un nouveau SDAU (Schéma Directeur d’Aménagement et d’Urbanisme) a été mis en place pour l’horizon 2040. Objectifs : densifier les quartiers formels, restructurer et équiper les quartiers informels, et renoncer aux sites impropres tout en protégeant l’environnement via notamment une politique de mobilité urbaine durable. En matière architecturale, le projet d’extension/réhabilitation du Lycée Théodore Monod est un bel exemple de ce vers quoi la capitale pourrait tendre à grande échelle. Pensé en harmonie avec le reste du campus de l’ambassade de France où il prend place, le lycée possède une ossature en béton armé recouverte d’un enduit fin et habillée de pierres de taille de la région d’Attar, tandis que l’intérieur est protégé par d’élégants brise-soleil en béton. Pour l’isolation thermique et l’étanchéité, les architectes se sont inspirés d’une technique traditionnelle basée sur l’emploi de coquillages associés au sable. La blancheur des matériaux permet une réverbération importante du soleil et donc d’éviter l’échauffement de la toiture. Allier tradition et modernité, voilà la clé !
Richesse vernaculaire
Dans les plaines désertiques du Sahara, certaines communautés, dont les Peuls, vivent dans des habitats de chaume. Ressemblant à des dômes, ces habitations se composent d’une ossature le plus souvent en tiges de mil sur lesquelles sont placés des treillis de roseaux tressés. Cette structure est ensuite recouverte de couches de chaume cousues entre elles. Les portes y sont souvent basses pour se protéger des assauts du désert, tandis que de petites ouvertures permettent une ventilation constante. On retrouve cette ossature en bois dans les tikit, huttes des villages touarègues aux toits de palmes tressées. Au cœur du Parc national du Banc d’Arguin, les pêcheurs ont construit de petites maisons cubiques à toit plat et aux murs joliment colorés, mais beaucoup de ces pêcheurs sont en réalité des nomades sédentarisés qui n’ont jamais abandonné leur habitat traditionnel : la tente ou khaïma. Dans les grands centres urbains, on retrouve même ces tentes sur les toits des maisons ou dans les cours intérieures. Au cœur du désert, ces tentes sont le plus souvent réalisées en coton blanc ou en peaux de bête noires (chez les Touaregs, les peaux sont entièrement dépourvues de leurs poils avant d’être cousues). Leur solide système de charpente, pensé pour supporter plusieurs couches de tissus, se compose d’un mât central, d’une poutre faîtière et de montants tendus par des tirants fixés à des cordes, elles-mêmes stabilisées par des piquets dans le sable. A l’exception du glad al khaïma, collier décoratif placé sur le sommet, la sobriété prime à l’extérieur, tandis que l’intérieur fait l’objet de toutes les attentions décoratives avec tapis muraux et coussins. A Nouakchott notamment, ce sont les femmes qui s’occupent de la confection des tentes. Elles achètent différents tissus bigarrés sur les marchés et s’attellent à les coudre solidement selon des motifs géométriques élaborés rappelant le patchwork.