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La musique traditionnelle

La tradition musicale finlandaise se divise en deux grandes familles : les chants folkloriques rimés – dits pelimanni ou purppuri – et ceux du Kalevala. Constitué de poèmes chantés tout en allitérations, le Kalevala est le noyau des mythologies finlandaises. Il raconte des épopées héroïques autant que des longues nuits d'hiver ou des chagrins d'amour. Un des signes distinctifs des chants du Kalevala est la présence en accompagnement du kantele, cette ancienne cithare à cordes pincées (au son curieusement proche de la harpe) emblématique du pays. Véritable trésor national, la pratique du kantele est d’ailleurs incluse dans les programmes scolaires et admise dans plusieurs conservatoires. Parmi les grands interprètes du Kalevala, le Vantaa Chamber Choir est excellent. Autrement, le groupe Värttinä ou l'accordéoniste Maria Kalaniemi en ont proposé des versions intéressantes.

Beaucoup des chansons du Kalevala ont participé à développer l'identité nationale de la Finlande. Ce qui est sans doute moins le cas du pelimanni, bien qu’elle soit aussi courante et importante dans le pays. Adaptation finlandaise de la musique de danse folklorique nordique, le pelimanni débarque ici en provenance d'Europe centrale vers le XVIIe siècle. Généralement joué au violon et à la clarinette, il regroupe des airs de musiques de danses comme la polka, la mazurka, la quadrille ou la valse. Au début du XXe siècle, une vague de modernisation du genre a été menée par des artistes tels que les violonistes Friiti Ojala, Antti Järvelä et surtout Konsta Jylhä qui est resté plus célèbre que les autres. Ils ont ouvert la voie à des groupes populaires de musiques traditionnelles d’aujourd’hui comme JPP ou Frigg.

Justement, un très bon rendez-vous pour voir de jeunes groupes contemporains explorer l’héritage traditionnel est le festival Etno-Espa, une excellente initiative, qui plus est, gratuite. Un inratable à Helsinki.

La musique classique

Symboliquement, on peut faire naître la musique classique en Finlande au XVIIIe siècle à Turku. C’est là qu’Erik Tulindberg compose ses six quartets. Après l'annexion de la Finlande par la Russie en 1809, les villes de Viipuri et Helsinki deviennent des centres culturels et l'opéra, un art très populaire. Le premier opéra finlandais est composé en 1852 par un Allemand, Fredrik Pacius, alors professeur de musique à l’Université d’Helsinki. C’est également à lui que les Finlandais doivent la musique de leur hymne national, Maamme, chanté pour la première fois en 1848. En 1883, le chef d'orchestre Robert Kajanus fonde l’Orchestre philharmonique d’Helsinki, le premier orchestre permanent de Scandinavie.

Mais le maître incontesté de la musique classique finlandaise apparaît au début du XXe siècle en la personne de Jean Sibelius (1865-1957). Compositeur romantique, il fait de ses compositions lyriques et harmonieuses un outil de l’éveil de la nation à l’heure où le pays connaît des tentatives de russification. Finlandia, son poème symphonique le plus connu, est un véritable hymne au patriotisme finlandais et joue un rôle important dans l'indépendance du pays. Il s’inspire du Kalevala et de la poésie traditionnelle dans nombre de ses symphonies, dont Tapiola. Les premières représentations de ses œuvres, dès 1892, sont un véritable triomphe. Sa célèbre Valse triste continue d’accompagner le cœur de chaque mélomane en herbe. Parmi les autres compositeurs romantiques de cette époque, citons Heino Kaski, Toivo Kuula et Yrjö Kilpinen. L’opéra finlandais connaît son apogée dans les années 1920 avec Pohjalaisia de Leevi Madetoja et Juha d’Aarre Merikanto. D’autres compositeurs de génie lui emboitent le pas, comme Jonas Kokkonen et Usko Meriläinen dans les années 1940, puis Aulis Sallinen dans les années 1970.

Une des dernières légendes du classique est le symphoniste hors pair Einojuhani Rautavaara (1928-2016). Influencé autant par le néoclassicisme que par des compositeurs comme Moussorgsky, Debussy, Messian et Berg, il écrit avec le même éclat des chants grégoriens, des œuvres dodécaphonistes, de la musique aléatoire, du post-romantisme ou de la musique électronique... Opéra, concerto, musique de chambre, symphonique ou musique chorale… partout où Rautavaara est passé, une grande œuvre est née. Chez les contemporains, citons aussi  l’intriguant Magnus Lindberg et Kaika Saariaho, deux grands noms de l’école spectrale. Mais là où le pays s’avère le plus fécond, c’est dans la production de chefs d’orchestre finlandais brillant sur la scène internationale. À l’instar d’Esa-Pekka Salonen – un grand compositeur autrefois star du London Philharmonia Orchestra –, le pays a aussi vu naître Jukka-Pekka Saraste, Susanna Mälkki (jadis directrice de l’Ensemble intercontemporain), Leif Segerstam, Sakari Oramo ou encore Mikko Franck (qui succède en 2015 à Myung-Whun Chung à la tête de l'Orchestre philharmonique de Radio France), et la compositrice contemporaine d’opéra Kaija Saariaho. Aussi, étant donné que le pays propose une excellente formation musicale, on trouve beaucoup de chanteurs d'opéra de renom tels que Martti Talvela, Karita Mattila, Matti Salminen, Soile Isokoski et Topi Lehtipuu ainsi que quelques pianistes importants : Ralf Gothoni, Olli Mustonen et Paavali Jumppanen.

Où écouter de la musique classique à Helsinki ?

Les mélomanes d’Helsinki (et les voyageurs) le savent, c’est dans le très beau quartier de Töölö que l’on se rend pour écouter le meilleur de la musique classique en ville. C’est ici que l’on trouve le Musiikkitalo ainsi que l’Oopera. La première est la « Maison de la Musique ». Pensée et construite pour une acoustique optimale, elle accueille principalement des concerts de l’Académie Sibelius, de l’orchestre philharmonique d’Helsinki (dont Susanna Mälkki est la cheffe principale) ainsi que de l’Orchestre symphonique de la radio finlandaise. Non loin d’ici, on trouve l’Oopera. Inauguré en 1993, il demeure un des plus modernes d’Europe et propose une excellente programmation de drames lyriques et ballets. Aussi, Helsinki étant une vraie capitale de festivals, on en trouve forcément quelques uns dédiés au genre comme le Festival de musique religieuse fin avril dans les églises de la ville, Musica Nova en février, dans des galeries d’art et le Festival d’Helsinki, le plus important rassemblement finlandais, qui mélange indifféremment musique classique et contemporaine dans divers lieux atypiques.

L’iskelmä, la chanson et le jazz

La musique populaire finlandaise pourrait presque se résumer au succès de l’iskelmä. Cette variante du schlager allemand englobe toutes les chansons légères et entraînantes où l’accordéon est roi. Adorée des Finlandais, certains des représentants les plus fameux du genre sont devenus des stars, comme Georg Malmstén dans les années 1930 ou Olavi Virta, Tapio Rautavaara et Reino Helismaa durant l’après-guerre. Doucement kitch – elle est aimée pour ça aussi – l’iskelmä va trouver une nouvelle dimension dans les années 1960 entre les mains d’Irwin Goodman qui l’accompagne de textes engagées. Dans les années 1990, le groupe Eläkeläiset, lui, crée le légendaire humppa, autre musique populaire, plus ou moins cousine de l’iskelmä reprenant de manière parodique sur des airs d’accordéon des grands standards du rock. Autrement, le pays connaît aussi une grande tradition de chanteurs à textes comme le fabuleux Hector, le Brel finlandais ou encore le légendaire Juice Leskinen.

Côté jazz, le pays foisonne de talents très populaires dont certains remplissent les salles du monde entier. On peut citer le batteur Edward Vesala, le pianiste Heikki Sarmanto (collaborateur de Sonny Rollins), le saxophoniste Eero Koivistoinen, le chanteur Sakari Kukko ou le pianiste Samuli Mikkonen. Les amateurs du genre ne rateront pas le festival Viapori Jazz qui enchante les nuits d’août sur la très belle île de Suomenlinna et programmant de grands noms finlandais et internationaux. Plus porté sur les têtes d’affiches, le festival April Jazz est aussi plus voyageur (pas mal d’ethno-jazz et de world music) tandis que Jazz Espa, lui, propose des concerts gratuits et en plein air durant tout l’été. Et pour quiconque serait de passage en hiver, We Jazz est une grande célébration du jazz avec beaucoup de très bons concerts mais aussi des projections et des rencontres. Et si jamais on se pose la question du meilleur club de jazz en ville, pas de doute, c’est Storyville, dans les environs de Töölö. Concerts de qualité pratiquement tous les soirs.

Le metal

C’est sans doute dû au climat. La Finlande est incontestablement le pays roi du metal. D’ailleurs, souvenez-vous bien, en 2006 la Finlande a gagné l’eurovision avec Lordi, un groupe de heavy metal (et costumé, s’il vous plaît !). Genre majeur du pays, la Finlande compte plus de 2 000 groupes dont quelques incontournables du genre : Amorphis, très inspirés par le Kalevala, Stratovarius et Nightwish, des cadors du métal symphonique, Children of Bodom, des idoles du death metal ou encore Sonata Arctica, des grands noms du heavy metal. Mais le groupe qui a eu le plus de succès – sans doute car sa musique est plus accessible – est Apocalyptica. Ce quartet de violoncellistes classiques issus de la très respectable Académie Sibélius d’Helsinki, est passionné de heavy metal et a décidé de se lancer en 1996 dans des reprises au violoncelle de hits du groupe Metallica. Sombre mais doux, très envoûtant, Apocalyptica a trouvé la formule idéale pour faire écouter du metal aux allergiques. Épatant ! Les amateurs du genre le savent mais les curieux seront ravis de l’apprendre, la Finlande abrite naturellement un des plus grands festivals de metal au monde, le Tuska, réputé pour son excellente ambiance.

Musique actuelle

Même si moins extrême que le metal, la Finlande aime aussi beaucoup la pop et le rock dans son ensemble et cultive une scène dynamique avec des noms connus dans le monde entier comme The Rasmus, originaire d’Helsinki, HIM très apprécié dans le rock alternatif ou encore le duo pop-folk franco-finlandais The Dø ! Si Helsinki ne manque pas de lieux pour apprécier les musiques actuelles sur scène, on est pratiquement certain de toujours trouver un bon concert au Korjaamo, « usine culturelle » installée dans un ancien atelier de réparation de tramway (avec trois salles) ou à Tavastia, club 100 % rock dans les années 1970 mais aujourd’hui plus ouvert avec une programmation oscillant entre rock, pop, électro ou rap. Citons aussi le Flow Festival, superbe rendez-vous aoûtien revenant chaque année avec une affiche plus impressionnante : en 2023, Wizkid, Tove Lo, Sudan Archives et Moderat étaient têtes d'affiche.

Le joik

Directement issu des traditions chamaniques sâmes, le joik est le chant le plus ancien au monde perpétué de générations en générations depuis plus de 10 000 ans. Il est généralement chanté a cappella de manière lente, instinctive et du fond de la gorge avec l’utilisation de syllabes répétées à plusieurs reprises. Les mots ne sont pas forcément importants puisqu’il s’agit souvent de chants sans paroles et uniquement audibles par des murmures, des interjections ou des imitations de cris d’animaux. Il est similaire au chant traditionnel amérindien et inuit scandé en compagnie du tambour traditionnel dit goavddis. Son but est de capter l’essence des gens, des paysages et des animaux. Chaque femme ou homme sami possède ainsi sa propre mélodie apparentée à une sorte de portrait musical. Les missionnaires apparentaient le joik à la chanson du Diable et interdirent cette pratique lors de la colonisation. La plupart des tambours furent détruits. Les Sâmes continuèrent fort heureusement à chanter malgré l’interdiction et transmirent ainsi certains chants jusqu’à aujourd’hui. Initialement utilisé à des fins spirituelles, le joik est devenu le symbole et un moyen d’expression à part entière de la culture sâme. La production discographique connaît un essor important depuis les années 1960 notamment lors de la sortie de l’album de Nils Aslak Valkeapää qui permet le renouveau du joik. Il chanta à la cérémonie d’ouverture des Jeux olympiques d’hiver de 1994. Mais c’est surtout grâce à la chanteuse militante norvégienne Mari Boine à inspiration électro-acoustique que le joik se fait entendre et obtient une place sur la scène internationale. Ce nouveau style d’interprétation amène alors toute une nouvelle génération de nouveaux artistes finlandais aux accents plus rock ou hip-hop tels que Wimme, Angelit, Vilddas, Ulla Pirttijärvi, SomBy, Tiina Sanila-Aikio, Ailu Valle ou encore Niko Valkeapää. Le groupe de folk finlandais Shaman s’inspire fortement des chants traditionnels sâmes.