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Du romantisme national aux influences européennes

C'est durant la période dite du romantisme national, le pendant nordique de l'Art nouveau, que la peinture finlandaise acquiert ses lettres de noblesse, entre 1830 et le début du XXe siècle. Pour se détacher des influences suédoises portées par une élite suédophone omniprésente, les peintres vont chercher leur inspiration dans des régions d'expression finnoise, dont la Carélie, berceau du Kalevala. Figure centrale de ce mouvement, Akseli Gallen-Kallela (1865-1931) puise l'essentiel de son travail dans cet immense patrimoine mythologique. Ses grandes toiles sont l’expression la plus originale de l’art finlandais. Dans un pays en quête d’identité, écrivains comme compositeurs se ressourcent dans les forêts caréliennes pour mettre au jour les authentiques racines nationales.

D'autres peintres classiques se démarquent, comme les frères von Wright, Magnus (1805-1866), Wilhem (1810-1887) et Ferdinand (1822-1906), réputés pour leurs paysages romantiques ainsi que leurs planches d'oiseaux, le peintre de paysages Werner Holmberg (1830-1860) et Robert Wilhem Ekman (1808-1873) qui réalise des peintures des héros du Kalevala, la mythologie finlandaise. Au milieu du XIXe siècle, l'ouverture de l'École des beaux-arts permet aux artistes d'envisager une carrière européenne. Albert Edelfelt (1854-1905), l'un des premiers réalistes, pose ses bagages pour un temps à Paris dans les années 1880, et y peint entre autres un célèbre portrait de Pasteur. Helena Schjerfbeck (1862-1946), devenue l'une des peintres les plus célèbres du pays, sera l'une des premières naturalistes à s'ouvrir aux influences modernes extérieures.

À partir des années 1930, si la peinture abstraite s'impose progressivement, le surréalisme en revanche ne trouve que peu d'écho. La peintre Ellen Thesleff (1869-1954) approche, par intuition et par goût de la synthèse, l'expressionnisme abstrait. Les idéaux nationaux s'expriment également dans la pierre, le marbre et le granit, avec le travail de sculpteurs tels que Wainö Aaltonen (1894-1966).  Aujourd'hui, le musée Ateneum et le musée Amos Rex d'Helsinki proposent des collections de peintures exceptionnelles, reflets de la création artistique finlandaise moderne.

L’émergence d’une nouvelle scène finlandaise

Un tour à vélo sur les îles à l’ouest d’Helsinki, où des sculptures jalonnent la promenade, permet de faire de l’exercice tout en se cultivant. Ces îles qui ne sont accessibles qu’aux piétons et cyclistes inspirèrent des artistes finlandais comme Jean Sibelius (1865-1957) et Gallen-Kallela (1865-1931). L’agence Happy Guide Helsinki propose donc pour une durée de quatre à cinq heures, la découverte de ces paysages préservés agrémentés d’œuvres contemporaines. Les indispensables musées Kiasma d'Helsinki, et Emma d'Espoo proposent des parcours enrichissants, à la découverte de la création artistique finlandaise moderne et contemporaine, témoignages d’une scène en perpétuelle réinvention. Au musée Kiasma, que l’on reconnaît à son architecture curviligne, les sujets tournent souvent autour de l'écologie, de la nature, et des questions sociales comme le féminisme. Les collections s'étalent des années 1960 à nos jours.

Parmi la scène émergente finlandaise, Tuomas A. Laitinen (né en 1976) est un artiste protéiforme qui développe aussi bien des installations vidéos que des pièces sonores. Représenté par la galerie Helsinki Contemporary, il est en 2013 le premier lauréat d’un prix dédié aux artistes émergents décerné par la Fondation de l’Académie des Beaux-Arts de Finlande. Il a ainsi pu exposer son travail à l’Emma. Son projet Maps and Mazes cartographie les différentes couches de souterrain d’Helsinki. La sculptrice Helena Hietnaten, diplômée de l’Université Aalto d’Art et de Design, travaille quant à elle à partir de fibre optique, mêlant les techniques de la dentelle traditionnelle finnoise à des outils high-tech. Ses sculptures lumineuses se déploient suivant d’étranges formes organiques.

La photographie, un art en plein essor

Comme partout en Europe, la photographie se développe en Finlande dès le milieu du XIXe siècle. Pour découvrir la photographie finlandaise et son histoire, rendez-vous au musée finnois de la Photographie. Into Konrad Inha (1865-1930) en est l’un des pionniers, surtout connu pour avoir documenté la campagne finlandaise, son terrain d’exploration favori. C’est sa contribution photographique à la période du romantisme national, il apporte ainsi sa pierre à l’édifice de l’identité culturelle finlandaise. En 1910, WSOY, le premier éditeur finlandais, publie Un guide d’Helsinki, réunissant soixante photographies qu’Inha a réalisées dans la capitale. En 2009, pour célébrer le centenaire de ce premier ouvrage, l’éditeur publie une version augmentée incluant cent-trente photographies inédites. Ce nouvel opus est nommé Helsinki, ville lumière. Il s'agit de photographies de rues, auxquelles s’ajoutent de beaux paysages urbains, donnant sur le port ou les terres, où l’on devine parmi l’architecture nordique omniprésente, quelques fumées d’usine et autres traits caractéristiques de l’ère industrielle. Ce travail documentaire n’est pas sans rappeler les vues des frères Lumière, bien qu’il s’agisse ici d’images fixes. Inha donne à voir la capitale en mutation, à l’image de son tramway qui croise des calèches et des passants se pavanant en hauts-de-forme et crinolines. Plus récemment, le photojournaliste anglais Tim Bird, installé en Finlande depuis 1982, a réalisé une série comparative avec les mêmes angles de vue que les originales. Elle est visible sur le site thisisFINLAND (https://finland.fi/life-society/a-photographic-leap-through-time/), et permet de se rendre compte de l’évolution de la capitale sur un siècle.

Le pays a par ailleurs connu des heures sombres. Marqué par des mouvements eugénistes, le culte de l’identité nationale est poussé à l’extrême au début du XXe siècle. Face à des études scientifiques qui établissent les racines de la population finlandaise à des mouvements de migration depuis la Mongolie, des nationalistes sans vergogne se servent de la photographie pour rechercher et établir le profil «parfait» de la race finnoise. Il s’incarnera notamment dans la figure du célébrissime athlète Paavo Nurmi (1897-1973), surnommé «le Finlandais volant».

La Finlande a fait face à de nombreuses crises et récessions économiques au long du XXe siècle, et ce n’est que depuis quelques décennies que son horizon s’éclaircit, avec de belles réussites, notamment sur le plan culturel. Diplômé du Goldsmith College de Londres, Axel Antas (1976) fait partie de la génération d’artistes contemporains qui forme la nouvelle scène finlandaise. Il a exposé au musée d’Art d’Helsinki aussi bien qu’au musée Kiasma d’Art contemporain. Au travers de ses photographies, il dépeint avec ironie la déconnexion entre les humains et la nature. On note un certain nombre d'événements liés à ce médium dans la capitale, à l’image de la Biennale de photographie d’Helsinki, qui trouve ses origines au début des années 1980 avec la création du festival «Art photographique - Art du quotidien». La ville se démarque aussi par la présence de la Aalto University, qui propose une formation en photographie réputée aussi bien à l’échelle nationale qu’internationale. Des travaux d’élèves sont même exposés au musée finnois de la Photographie !

La récente explosion du street art

Bien que les pratiques de street art finlandais remontent au milieu des années 1980, elles n’ont gagné en visibilité et en attractivité que depuis peu à Helsinki. Un décret local de tolérance zéro a sévèrement entravé la créativité des artistes entre 1998 et 2008 mais aujourd’hui, cet art est enfin reconnu à sa juste valeur. Le parcours de Jani Hänninen (1974) est un exemple du récent succès de ce médium. D’abord street-artist, il s’est dirigé suite à ses études aux Beaux-Arts vers une pratique de peintre. Très influencée par ses débuts dans le graffiti, son esthétique tient aussi de l'expressionnisme abstrait. Une pratique de gestes – dripping, lacérations, graffitis – qui rendent compte du chaos du monde contemporain. Son travail est visible à la galerie Anhava et il a reçu, en 2010, le prix W. Thuring qui récompense un artiste finlandais en milieu de carrière.

Depuis la levée de l’interdiction, de nombreux artistes et collectifs ont émergé dans la capitale, qui depuis a vu se multiplier les fresques murales. Parmi eux, citons Upea et Helsinki Urban Art. Ce dernier collectif a notamment créé un espace dédié à ces pratiques, le Centre d’art urbain de Palisa. Celui-ci organise de nombreuses activités outre ses expositions temporaires dédiées à la scène locale : séances de projection en soirée, workshop avec les artistes, etc., et propose également de nombreux ouvrages sur le sujet. Il est intéressant de voir exposés dans la galerie du centre des artistes qui, pour la plupart, gardent leur anonymat, signant dessins et peintures par leur blaze qui les protège tout en faisant leur renommée dans la rue. Itä-Palisa étant d’ailleurs un quartier reconnu où le street art prospère, le collectif organise des visites guidées (Palisa Street Art Tour) autour des lieux emblématiques du district. Une street art map répertorie l’ensemble des œuvres du quartier – pratique pour ceux qui n’ont pas le temps de flâner ou qui préfèrent les visites en solitaire (https://finland.fi/life-society/a-photographic-leap-through-time/). Citons tout de même une fresque remarquable au style graphique épuré caractéristique de MP5, en noir et blanc : des corps nus, le regard tourné vers le ciel, entourés de palmiers, se déploient sur les deux étages d’une cage d'ascenseur. À Arabianranta, on trouve la première grande fresque d’Helsinki, peinte en 2015 dans ce quartier en développement par Jukka Hakanen. C’est en partie grâce à elle que les mentalités envers le street art ont changé dans cette capitale finnoise policée. Suvilahti au nord-est et Kallio au nord, sont deux autres quartiers à ne pas manquer. Le passage Baana, réservé aux cyclistes et aux piétons est l’un des rares spots où il est possible de rencontrer des fresques dans le centre-ville d’Helsinki. Les quartiers susmentionnés se situent effectivement en périphérie. Sur les murs du souterrain attenant à la gare centrale, on peut contempler une collaboration entre le Brésilien Os Gemeos et EGS, la star locale.