La Finlande aujourd’hui
La Finlande compte 5,5 millions d’habitants avec une densité de 16 habitants au km2 (2020). Si 85 % de la population réside en milieu urbain, 15 % des Finlandais vivent en zone rurale. Dans les vastes espaces de la Laponie, la densité ne dépasse pas 2,2 habitants au km2. Outre les Finlandais, qui forment la majorité de la population (93 %), trois minorités sont également établies en Finlande. La plus importante est constituée par les 300 000 Finlandssvenskar ou Finlandais d’expression suédoise (suédophones). Le pays est en effet bilingue avec deux langues officielles qui coexistent : le finnois et le suédois.
Le deuxième groupe minoritaire comprend les quelque 6 000 Sâmes (anciennement appelés Lapons) installés au nord du cercle arctique mais qui pratiquent de moins en moins leurs dialectes, à l’instar du breton en France. Bien que toujours enseignées à l’école, un centre linguistique spécialisé en langues lapones été créé au centre culturel Sajos à Inari dans le nord du pays. Contrairement aux Inuits, ils sont entrés très tôt en contact avec les peuples plus méridionaux et les brassages ont été plus profonds.
Le troisième groupe est formé d’environ 5 000 Tsiganes installés dans le pays depuis 400 ans. Les Mustalaiset, comme on les appelle ici, anciens nomades romani, sont aujourd’hui sédentarisés.
Le russe est également une langue encore beaucoup enseignée à l’école, sans parler de l’anglais couramment parlé dans tout le pays et facilitant grandement les échanges avec les étrangers. L’immigration en Finlande est quant à elle quasiment inexistante. Voici, en chiffres, la répartition des différents locuteurs en Finlande :
Locuteurs de langue maternelle finnoise : 91%.
Locuteurs de langue maternelle suédoise : 5%.
Locuteurs de langue maternelle russe : 1,3%.
Locuteurs de langue maternelle sâme : 0,04 %.
L’émigration massive
Au milieu du XIXe siècle, et à l’instar de la Suède, l’émigration vers les États-Unis et le Canada a pris en Finlande une grande ampleur. L’indépendance acquise en 1917 ralentit néanmoins considérablement le phénomène. L’émigration finlandaise vers la Suède entre les années 1950 et 1960 s’explique par l’écart de niveaux de vie alors très net entre les deux pays. Grâce au décollage spectaculaire de son économie, la Finlande a désormais comblé son retard. Le complexe d’infériorité longtemps en vogue vis-à-vis du monde scandinave n’a plus cours. L’émigration a cessé.
Les Finlandssvenskar, les Suédois-Finlandais
Contrairement à ce que laisse supposer leur nom officiel, les Suédois-Finlandais ne sont pas des immigrés. Ces Finlandais suédophones – car il s’agit bien là de Finlandais – n’ont de suédois que la langue. Ils conservent cependant un certain nombre de traditions scandinaves. Leur implantation remonte aux XIIe et XIIIe siècles. C’est à cette époque que la Finlande est rattachée à Stockholm. Des paysans suédois émigrent alors pour défricher et cultiver les terres vierges des côtes finlandaises. La noblesse, les religieux et les commerçants suivront. Installés outre-Baltique et à la tête des postes-clés, ils imposent le suédois comme langue de l’élite. De fait, les suédophones domineront l’ensemble du pays jusqu’à la défaite de la Suède contre la Russie en 1809. Néanmoins, outre ces descendants des « Suédois du royaume », des autochtones finnois adoptent également la langue suédoise pour s’élever dans la hiérarchie sociale. Les Finlandais suédophones n’ont jamais constitué une minorité opprimée. C’est le finnois, au contraire, qui fera l’objet d’une réelle discrimination. La langue vernaculaire est considérée à l’époque comme une langue vulgaire, inadaptée à la modernité. Quand la Finlande est intégrée à l’Empire russe en 1809, le suédois est encore l’unique idiome officiel du pays (enseignement, administration et justice). La majorité des Finlandais conserveront cependant très opiniâtrement leur langue, en dépit des pressions exercées par l’élite suédophone. Les années 1860 marquent un tournant historique. En 1863, la langue finnoise est en effet reconnue comme langue officielle à l’instar du suédois.
La guerre des langues
Sous l’égide du philosophe Johan Vilhelm Snellman, les fennomanes parviennent en effet à convaincre le tsar Alexandre II d’officialiser le statut de la langue finnoise. À partir de 1863, elle est introduite dans l’administration. La constitution de 1919 maintient cependant le bilinguisme officiel. Progressivement, la dualité linguistique prend une coloration politique. Les Finlandais suédophones, détenteurs des richesses et du pouvoir, sont fréquemment la cible d’accusations. Des groupes extrémistes, comme le mouvement Lapua obtiendront du ministère de l’Éducation l’interdiction dans les écoles du mot « finlandais » au profit de « finnois ». Dans les années 1940 et 1950, les Suédois-Finlandais, sentant le vent tourner, cultivent leur spécificité et défendent pied à pied leurs prérogatives. En 1962, ils obtiennent qu’une loi définisse le statut bilingue des villes d’Helsinki (Helsingfors en suédois), de Turku (Åbo) et de Vaasa (Vasa). Les Finlandais d’expression suédoise obtiennent également le droit d’employer leur propre langue dans leurs contacts avec l’administration, d’assurer la scolarité de leurs enfants en suédois, et de faire leur service militaire dans un bataillon de langue suédoise. Parce que les Suédois-Finlandais se sont définis selon des critères linguistiques et non culturels, le pays est majoritairement resté indifférent à leur recul démographique. Ils ne comptent aujourd’hui que pour 6 % dans la population finlandaise contre 12 % au début du XXe siècle. La perspective d’une disparition du suédois n’est donc pas inenvisageable à long terme. Les mariages mixtes accélèrent d’ailleurs le processus. Les jeunes Finlandais d’expression finnoise sont en effet peu enclins à s’initier au suédois, lui préférant de loin l’anglais. Pour autant, quand les jeunes passent un concours d’État, ils doivent fournir un certificat de bilinguisme. Les derniers foyers suédophones se concentrent le long de la côte sud, dans l’archipel de Turku, les îles Åland et l’Ostrobotnie. Sans que cela soit officiel, certains restaurants, cafés et même quartiers sont plutôt suédophones.
La langue finno-ougrienne
Les langues finno-ougriennes proviennent d’une même langue ancienne qui s’est différenciée au cours des temps, avec la dispersion des locuteurs. Si un grand nombre des lointains ancêtres des Finnois quittent la Russie, chassés par les Slaves, certains d’entre eux demeureront sur place et seront intégrés à l’Empire russe et à l’URSS. Ces petites peuplades, noyées dans l’écrasante majorité russe, parviendront à conserver leur langue.
La langue sâme (anciennement lapon) est également une langue finno-ougrienne parlée par environ 2 000 locuteurs dans la région de Laponie. Les Sâmes ne parlent pas la même langue selon qu’ils vivent à l’ouest ou à l’est de la Laponie.
Dans le sud du pays, un grand nombre de Finlandais sont bilingues (finnois-suédois). L’anglais est en outre maîtrisé par une grande majorité de la population, les jeunes notamment. Les séries télévisées et les films étrangers, systématiquement diffusés en version originale sous-titrée, favorisent l’apprentissage des langues. Vous n’aurez a priori aucun problème pour vous faire comprendre en anglais. En revanche, le français est encore peu répandu, même si la tendance semble s’améliorer depuis l’adhésion de la Finlande à l’Union européenne. Au nord du golfe de Botnie, les Finlandais connaissent souvent mieux l’allemand que l’anglais. On trouve des dictionnaires finnois-français en format de poche dans les grandes librairies finlandaises et en France.
Le peuple sâme
Les Sâmes rejettent le terme « lapon » signifiant littéralement « vêtu de guenilles ». Ils lui préfèrent, à juste titre, le terme « Sâme » issu de leur langue. Ce souci témoigne d’un renouveau identitaire légitime. Des incertitudes planent encore sur leurs origines. D’aucuns évoquent des tribus nomades originaires d’Asie centrale. Suivant le recul de la frange glaciaire, ils se seraient dispersés jusqu’à atteindre le nord de la Finlande et la Carélie orientale au cours du dernier millénaire av. J.-C. On divise l’ethnie en quatre groupes : les Sâmes des montagnes, les Sâmes des forêts, les Sâmes des lacs et des rivières et les Sâmes du littoral.
En Finlande, seule une minorité d’entre eux se consacre aux activités traditionnelles comme l’exploitation forestière et l’élevage des rennes, où le scooter des neiges a largement supplanté le traîneau. Géographiquement, ils sont répartis sur l’ensemble de la Laponie, territoire de 260 000 km2 (moins de la moitié de la France) à cheval sur quatre pays : la Norvège, la Suède, la Finlande et la Russie. Sur 60 000 Sâmes, 35 000 vivent en Norvège, 20 000 en Suède, 6 000 en Finlande et 3 000 sur la presqu’île de Kola, en Russie. En Laponie finlandaise, ils sont essentiellement installés à Inari, à Utsjoki, à Enontekiö et à Sodankylä. Leur culture d’origine pastorale et leur langue distincte du finnois, bien qu’apparentée au groupe finno-ougrien, en fait une minorité à part au sein du pays.
À l’inverse des autres peuples arctiques, les Sâmes sont entrés rapidement en contact avec les populations méridionales. Leurs premières traces remontent à 10 000 ans. Installés dans l’extrême nord de l’Europe, ils sont réputés pour leur artisanat et leur savoir-faire en matière de pêche, de chasse et de construction de bateaux. Dès le XIe siècle, la poussée des grands pays scandinaves fait apparaître de nouvelles croyances en Laponie. Au XIIIe siècle, les Norvégiens s’installent à proximité des fjords et les obligent à se tourner vers l’agriculture et l’élevage du bétail. Les rennes constituent déjà l’élément central de leurs activités. Un siècle plus tard, le processus s’accélère. Si certains Sâmes prolongent leur vie nomade, des villes, comme Inari, se transforment en carrefours commerciaux. Au XVIe siècle, la Suède acquiert par la force les territoires sâmes jusque-là neutres et ouverts. La pêche et la chasse (activités toujours primordiales) seront désormais taxées. En 1751, l’accord de Trömstad, délimitant la frontière entre la Norvège et la Suède, les autorise cependant à franchir librement le tracé de manière à assurer la migration saisonnière des rennes. A partir de cette époque, ils ne seront imposés que dans un seul pays. Les Etats nations imposent donc leurs vues à des peuples nomades pour qui la notion de frontière n’avait jusqu’à présent aucun sens. Au XIXe siècle, la construction d’écoles nomades participe d’un développement de l’enseigne- ment. Entre 1824 et 1827, la délimitation stricte des frontières septentrionales entre la Finlande, la Suède et la Norvège plonge ce peuple nomade dans le désarroi. Déclassés en Scandinavie et en Finlande, on interdit aux Sâmes de s’exprimer dans leur langue maternelle au sein des écoles de Norvège et de Suède.
L’indépendance de la Finlande, en 1917, antérieurement et successivement province du royaume de Suède et grand-duché de Russie, change légèrement la donne. La Constitution de 1919 assure en effet un respect formel des minorités. Dans les faits néanmoins, ils seront encore longtemps victimes d’un racisme qui ne veut pas dire son nom. L’adoption en 1989 d’un drapeau sâme signe le retour sur la place publique du débat et de l’identité sâme. En Finlande, la question est toujours d’actualité.
Les Sâmes des 4 pays sont réunis et organisés politiquement avec leur propre parlement et font partie du Conseil Sami créé en 1956 en Norvège. Ils ont également leurs propres drapeau, hymne (Sámi soga lávlla, littéralement « la chanson du peuple sami ») et fête nationale (le 6 février). Depuis 1995, la Constitution finlandaise les reconnaît en tant que peuple autochtone jusqu’à la création d’un parlement dit Sámediggi en 1973. Ce dernier se situe au magnifique centre culturel Sajos inauguré en 2012 à Inari. Ses 21 membres et 4 députés supervisent la juste répartition des subventions destinées à l’éducation, l’élevage des rennes, la langue, la culture sâme ou tout simplement la représentation de leur peuple à l’international. D’autres parlements existent également en Laponie norvégienne et suédoise, peut-être bientôt en Russie. Démographiquement, la population sâme accuse cependant un net recul depuis 1945. L’accident de Tchernobyl a en outre eu des répercussions désastreuses sur l’économie, rendant le lichen impropre à la consommation et, de ce fait, la viande de renne également. La survie de la communauté dépend désormais, pour une large part, du tourisme. La grande finesse de l’artisanat démontre l’habileté et l’originalité d’un peuple dont les citoyens ont pourtant longtemps souffert de la discrimination non avouée de la part des autorités finlandaises et scandinaves. Le travail du cuir, le tressage de l’écorce de bouleau et la broderie d’étain figurent parmi les articles les plus recherchés. La culture sâme est basée sur la tradition orale. Le joik, sorte de mélopée très émouvante, est encore chanté par les jeunes générations et parfois audible lors de grandes fêtes comme celle de la fête nationale (6 décembre).