Trésors des origines
L’histoire de l’Italie est millénaire comme le prouvent, dans la région des Grands Lacs, les sites néolithiques palafittiques, c’est-à-dire construits sur pilotis pour s’adapter au terrain humide. Les Étrusques, eux, sont célèbres pour avoir créé les premières formes d’urbanisme raisonné, et pour avoir développé les techniques de l’arc et de la voûte. Leur architecture s’est d’abord faite défensive comme l’illustrent, à Pérouse, les imposants murs d’enceinte en blocs de travertin ponctués de portes et arcs, dont l’étonnant Arco Etrusco. Mais les Étrusques sont surtout connus pour la splendeur de leur architecture funéraire. Les nécropoles de Cerveteri et de Tarquinia comptent parmi les plus impressionnantes. Conçues comme de véritables villes, elles se déploient en quartiers, rues et petites places. Creusées dans la roche, surmontées de tumuli ou sculptées sous forme de maisons et ornées de peintures et bas-reliefs, les sépultures déploient leur riche originalité. Puis ce fut au tour des Grecs d’imposer leur style. Les temples de Paestum sont les plus beaux témoignages d’une architecture dorique basée sur la logique et l’harmonie. Lisse ou cannelée, la colonne y est l’élément phare qu’aucune décoration superflue ne détourne de son rôle porteur. Le sud de l’Italie est également riche de nombreux témoins de la Magna Grecia dont la puissance s’illustre dans les murailles cyclopéennes de Locri ou dans le très rigoureux plan en damier d’Héraclée. Pour construire plus rapidement et à une échelle plus vaste, les Romains, eux, ont utilisé la brique, moins chère que la pierre, mais surtout plus légère et plus maniable, tout comme le béton qu’ils inventèrent. Grâce à lui, ils purent édifier leurs voûtes et coupoles à une échelle toujours plus grande et sans nécessité de supports intermédiaires. Les fortifications d’Aurélien ceignant Rome ou les 80 000 km de routes qu’ils bâtirent, et dont beaucoup sont encore jalonnées d’étonnants arcs de triomphe, sont les parfaits exemples de ce mélange de pragmatisme et de monumentalisme à la romaine. En matière d’urbanisme, les Romains ont repris les plans en damier, cette fois organisés autour de deux axes – le Cardo et le Decumanus – qui se coupent en un centre où s’établit le forum, le cœur de la cité, et où se dévoile une architecture du paraître. Il s’agit désormais de masquer la pauvreté des matériaux (brique, mortier) sous des plaques de marbre, de stuc ou plusieurs couches d’enduit. Les Romains optent également pour un travail décoratif toujours plus chargé comme en témoignent les nouveaux ordres corinthien et toscan avec leurs chapiteaux sculptés de feuilles d’acanthe. Les colonnes ornementées sont engagées dans les murs et ne jouent plus aucun rôle porteur. On retrouve tout cela dans les temples souvent surplombés d’impressionnantes coupoles, telle celle du Panthéon d’Hadrien, mais aussi dans les théâtres et amphithéâtres. L’Arena de Vérone peuvent s’enorgueillir d’être le 3e plus grand amphithéâtre du pays, mais c’est bien sûr le Colosseo (Colisée) qui attire tous les regards ! Autre caractéristique de l’architecture romaine : le faste déployé dans les villas. La Villa Adriana, imaginée comme une cité idéale mêlant nature et architecture, est l’une des plus belles. Et comment ne pas évoquer les splendeurs de Pompéi et Herculanum où dialoguent urbanisme moderne (rues pavées, trottoirs surélevés, système de canalisation) et splendides villas ? Mosaïques polychromes et fresques décoraient les sols et murs de ces antres du luxe. Un art du décor que l’on retrouve dans les trésors paléochrétiens qui opèrent un magnifique syncrétisme entre acquis antiques, inspiration byzantine (fresques, coupoles) et influence occidentale préromane (sobriété, art de la pierre, plans géométriques originaux). Les plus beaux exemples de cette architecture sont à voir à Ravenne qui offre une lecture étonnante de l’évolution de l’art de la mosaïque. Réalisées à l’aide de carrés de pâtes de verre colorées placés sur des fonds souvent bleus, ces mosaïques changent d’aspect au gré des effets de modulation de la lumière. Un art du syncrétisme que l’on retrouve à Venise qui inventa son propre style baptisé vénéto-byzantin et dont la Basilica di San Marco est la plus fière représentante. Voyez ses somptueuses mosaïques, ses 5 coupoles et ses décors de marbre et de porphyre. Les premiers chrétiens, qui pratiquèrent leur culte à l’abri des regards dans les catacombes de Rome, n’imaginaient sans doute pas qu’un tel faste leur serait permis !
Puissance médiévale
Créant un fascinant trait d’union entre les empires romain, byzantin et germanique, les Lombards font entrer l’Italie du Nord dans sa période médiévale. Leur puissance se manifesta d’abord par l’édification de nombreuses tours et fortifications. Couplée aux influences romanes, cette architecture donna ensuite naissance au style romano-lombard qui se reconnaît notamment à ses plans à nefs et absides multiples, à l’utilisation d’effets de polychromie entre la brique et la pierre, et à l’emploi de la bande lombarde (bandes verticales de faible saillie reliées entre elles par de petites arcatures aveugles). Ce style fut notamment porté par « les Maîtres de Côme ». L’Italie du Sud, elle, est davantage marquée par l’influence des Normands qui érigent partout des châteaux reconnaissables à leurs volumes massifs dominés par de puissantes tours. Le Sud se caractérise également par un art roman qui se fait le trait d’union entre art de la Haute Antiquité, imaginaire germanique, rigueur formelle byzantine et abondance décorative arabe. La Basilica San Nicola de Bari en est la plus belle représentante. La Toscane va, à son tour, développer son propre langage architectural. Polychromie des marbres et des mosaïques, utilisation de formes géométriques, façades étagées de galeries et colonnades comptent parmi les éléments caractéristiques de l’école pisano-lucquoise dont la Piazza dei Miracoli de Pise est la plus célèbre représentante. L’école florentine, elle, se caractérise par une pureté des lignes et des volumes très largement inspirée de l’idéal classique, et par l’importance donnée à l’ornementation murale via un savant jeu de polychromie associant des marbres blancs, verts et serpentins. Le Battistero San Giovanni de Florence en est un parfait exemple. L’école siennoise, elle, se caractérise par plusieurs éléments : sobriété du décor, plan en croix latine, harmonie des lignes et effets de couleurs. Au roman succède le gothique qui se fait partout foisonnant, aérien et lumineux. Une transition qu’illustre parfaitement l’impressionnante basilique Saint-François d’Assise (Basilica San Francesco), ville-sanctuaire aux superbes monastères et ermitages. La blancheur de son marbre et la finesse de ses décors qui rappellent de la dentelle font du Duomo de Milan l’un des symboles de ce gothique ornementé, tout comme la cathédrale de Troia avec sa rosace de pierre à 11 pétales reliés par des arceaux de marbre polychrome, ou bien encore le Duomo d’Orvieto avec ses fresques et mosaïques. A cette époque, villes et villages se développent autour d’un élément central : la piazza, qui se prolonge dans des rues à arcades et portiques. Ceux de Bologne sont des incontournables. En bois, pierre ou brique, ces arcades voûtées servaient tout à la fois d’abri et de lieu de réunion et de commerce.
A cette époque, les cités veulent illustrer leur indépendance via les broletti et palazzi della ragione, palais municipaux aux rez-de-chaussée à galeries et aux étages richement ornés. Ceux de Côme, Bergame et Padoue comptent parmi les plus beaux. Mais rien n’égalera la splendeur des palais de Venise, symboles de l’opulence bourgeoise et commerçante, dont la Ca’d’Oro, avec sa façade d’or et de marbre, est le plus bel exemple. Ce faste ne doit pourtant pas faire oublier que cette période médiévale se fait aussi défensive. San Gimignano, surnommée « la cité des belles tours » du fait des dizaines de tours fortifiées que nobles et bourgeois se firent construire, en est le parfait exemple. Châteaux et rocca (forteresses) jalonnent aussi bien les reliefs du Val d’Aoste que ceux des Abruzzes, qui sont également célèbres pour abriter de nombreux ermitages à l’architecture sobre et défensive qui semble se fondre dans la roche. Un art de tirer profit de la topographie qui s’illustre aussi dans les villages des Cinque Terre, dont les cultures verticales étagées en terrasses sont soutenues par des murs de pierres sèches, dits muretti a secco, se déployant sur près de 7 000 km alors que la côte n’en fait que 12 ! Mais les plus étonnantes forteresses sont, sans aucun doute, celles érigées par Frédéric II dans le sud du pays. Son grand chef-d’œuvre est le Castel del Monte, surnommé « la couronne des Pouilles ». De plan octogonal, le château est flanqué de 8 tours octogonales et organisé autour d’un patio central lui-même octogonal ! Terminons notre voyage médiéval en évoquant les étonnants sassi (littéralement pierres/cailloux) de Matera en Basilicate, et les trulli des Pouilles. Grottes utilisées dès la Préhistoire, les sassi se sont progressivement transformées, voyant aujourd’hui dialoguer façades de pierre plaquées contre la roche annonçant des demeures troglodytes, caves à vin, et authentiques églises rupestres ! Les seconds tireraient leur nom du mot grec troullos signifiant coupole. Leur toit est, en effet, réalisé en cercles concentriques faits de plaque de lauze que l’on superpose les unes sur les autres sans mortier, créant un voûtement en encorbellement. La coupole se termine par un pinacle décoratif, tandis que la lauze est décorée de motifs symboliques peints en blanc. De plan carré ou circulaire, ces petites maisons sont toujours blanchies à la chaux. Le village d’Alberobello en abrite près de 1 500 !
Triomphe de la Renaissance
Les Médicis ont contribué à faire de Florence un grand centre des arts et le berceau des grands maîtres de l’architecture. Brunelleschi y invente un nouveau langage architectural qui trouve ses racines dans l’esthétique classique antique. La maîtrise de la perspective permet de contrôler les dimensions de chaque édifice et de s’assurer de leur proportion afin d’obtenir un ensemble harmonieux. L’œuvre majeure de Brunelleschi est le Duomo de la Cattedrale Santa Maria del Fiore à Florence. Coupole géante de 42 m de diamètre et 100 m de haut, ce duomo est une prouesse technique sans précédent. Alberti, lui, y rédige le premier grand traité d’architecture, De re aedificatoria. Il y développe des critères de solidité, d’utilité et de beauté, qui doivent permettre d’atteindre justesse, rythme et proportion. En Vénétie, la Renaissance porte la marque d’Andrea Palladio. A Vicence, il réalise le Teatro Olimpico dont les gradins semi-circulaires et la loggia sont d’inspiration antique, mais dont la scène avec ses perspectives en trompe-l’œil est résolument Renaissance. Toute la Vénétie est jalonnée de centaines de villas dites « palladiennes ». Au centre de ces dernières se trouve la maison-temple rehaussée par un escalier monumental et couronnée par un fronton soutenu par les colonnes de la loggia. La Renaissance romaine, elle, porte la marque du génial Bramante. C’est à lui que l’on doit le Tempietto, édifice commémoratif dont le plan circulaire, la colonnade et la coupole rappellent les panthéons antiques. C’est également à Bramante que l’on doit le plan pour la reconstruction de la Basilica di San Pietro, dont il imagine le plan en croix grecque et la grande coupole. 40 ans après la pose de la première pierre du chantier, Michel-Ange reprend la main sur le projet. S’il conserve les principes de base de Bramante, il choisit d’épurer davantage l’intérieur pour plus de clarté. La Renaissance est également une période de grandes réflexions urbanistiques. Mantoue et Sabbioneta portent la marque de la famille Gonzague. La première est un superbe exemple de renouvellement urbain. De grands architectes comme Alberti y ont œuvré pour permettre à la ville de s’étendre harmonieusement, tout en la dotant d’infrastructures modernes. La seconde est une création nouvelle dont la modernité et la fonctionnalité doivent concourir à en faire la cité idéale. Mais c’est sans doute la ville de Ferrara qui possède l’urbanisme Renaissance le plus complexe. Conçu par Biagio Rossetti, il met l’accent sur les perspectives urbaines et la recherche de cohérence et d’harmonie. Parmi les chefs-d’œuvre de la ville, ne manquez pas le Palazzo dei Diamanti avec sa façade ornée de motifs en pointes de diamant.
Maniérisme et baroque
Dès le milieu du XVIe siècle, certains artistes vont chercher à se détacher des idéaux Renaissance vacillants pour leur insuffler leur propre vision, dans un culte du style personnel ou maniera. Art tout en mouvement, le maniérisme doit susciter la surprise. En 1539, alors qu’il est chargé du réagencement de la place du Capitole à Rome, Michel-Ange imagine un nouvel ordre : l’ordre colossal qui modifie les proportions et fausse les perspectives. Le Palazzo Pitti, la nouvelle demeure des Médicis à Florence, est un autre bel exemple maniériste. La puissante famille va également se faire construire de nombreuses villas et jardins à travers la Toscane, marquant les débuts d’un dialogue fructueux entre nature et architecture. Une réflexion que l’on retrouve dans les joyaux du Piémont et de la Lombardie : les Sacro Monte, parcours de dévotion aménagés sur des montagnes se composant d’une série de chapelles représentant chacune une étape de la vie de Jésus ou du saint célébré. L’un des plus beaux est le Sacro Monte d’Orta. Certaines chapelles portent la marque d’un baroque très théâtral qui va trouver son apogée dans la somptueuse Isola Bella, île-palais des Borromées, avec ses jardins étagés en 10 terrasses. Toujours en lutte contre la Réforme protestante, l’Église catholique veut édifier les fidèles pour les ramener dans son giron. Le baroque sera son style de propagande. A Rome, son grand représentant est Le Bernin. Visionnaire, il envisage ses créations à la manière d’un scénographe et exprime sans limite son goût du grandiose. Son grand chef-d’œuvre est la place Saint-Pierre avec son double portique aux 284 colonnes et 88 pilastres de 20 m de haut et ses 162 statues formant un cortège menant à la basilique.
Le baroque est aussi une période foisonnante pour la région des Pouilles, dont la ville de Lecce est surnommée « la Florence du baroque » ! Balustrades, corniches et fenêtres croulent littéralement sous les guirlandes aux motifs végétaux ou marins, les angelots et cariatides aux courbes arrondies, et les colonnes torses, tous finement ciselés telle de la dentelle dans la pierre dorée de Lecce. Nouvelle capitale des Savoie, Turin devient le centre d’un pouvoir qui se met également en scène via ses demeures de plaisance qui entourent la ville. On parle d’ailleurs de « Couronne des Délices de Savoie » pour évoquer ces demeures imaginées par les plus grands architectes de l’époque. A Gênes aussi les puissants se font construire de somptueux palais. Le Palais Royal est sans conteste le plus beau. Ces palais baroques sont intégrés au système des rolli créé à Gênes au XVIe siècle et établissant une liste (rollo) des plus belles résidences susceptibles d’accueillir les hôtes de marque de la République. A Venise, c’est le célèbre Baldassare Longhena qui emporte la ville dans un tourbillon baroque pensé pour célébrer le riche passé de la cité et le pouvoir de ses mécènes. C’est à Longhena que l’on doit les deux plus beaux palais de l’époque : la Ca’Pesaro et la Ca’Rezzonico, avec leurs escaliers monumentaux, élément essentiel de l’effet de théâtralisation du pouvoir. Ces effets de mise en scène sont portés à leur apogée dans l’église dite des Gesuiti dont les murs sont recouverts de draperie… qui sont en réalité des effets de sculpture dans le marbre. Le Palais Royal de Caserte, imaginé par les Bourbons pour rivaliser avec Versailles et le Palais Royal de Madrid, opère une élégante transition entre exubérance baroque et harmonie classique. Avec ses milliers de pièces et ses somptueux jardins peuplés de fontaines alimentées par un aqueduc, il est le symbole d’une architecture monumentale signée Luigi Vanvitelli.
Eclectisme et modernité
Après le foisonnant baroque, les XVIIIe et début du XIXe siècles se tournent vers les lignes plus sobres et harmonieuses du classicisme. Un choix en partie dû aux Autrichiens qui contrôlent de nombreuses villes, notamment en Italie du Nord. C’est à Marie-Thérèse d’Autriche que l’on doit la construction d’un des plus célèbres théâtres du monde : le Teatro alla Scala de Milan. A côté du style néoclassique se développe une série de pastiches ou revival liée à l’intérêt croissant pour les recherches historiques. A Venise, la nouvelle façade du Fondaco dei Turchi ouvre ainsi la voie à la mode néo-byzantine. Pour rappel, les case fondaci sont des palais faisant office de commerces et de résidences, possédant une entrée côté terre, et une entrée sur l’eau donnant accès aux entrepôts via des portiques, et dont le piano nobile, étage supérieur, est organisé autour du portego, pièce centrale courant sur toute la façade et parfois précédée de superbes loggias ouvragées. Les styles historicisants et Belle Époque ornent les façades de tous les hôtels et centres de villégiature qui se développent en même temps que la route et le rail. A Merano, le Kurhaus ou bâtiment de bain ajoute une touche nouvelle : celle de l’Art nouveau ou Liberty, tout en légèreté, courbes et motifs floraux. Un mélange des genres que l’on retrouve dans la ville d’eau de Montecatini Terme, dont on admire les thermes Tettuccio avec leur portail au toit en fer forgé et leurs fenêtres en verre polychrome. Les XIXe et début du XXe siècle sont également des périodes de grande effervescence urbanistique. Milan, Turin ou bien encore Naples se déploient au-delà de leurs enceintes originelles à grand renfort de larges boulevards arborés qui relient entre elles des places agrandies et sublimées par la multiplication de superbes galeries, dont les élégantes verrières sont supportées par des structures métalliques. De nouvelles villes voient également le jour. Crespi d’Adda est une cité ouvrière conçue pour offrir un habitat digne et confortable aux ouvriers tout en proposant des services destinés à éviter les conflits sociaux. Fondée en 1908, la cité d’Ivrée illustre, elle, comment architecture et urbanisme peuvent répondre aux nouveaux enjeux sociaux, en mettant notamment l’accent sur l’importance des espaces publics et l’aménagement intérieur des logements ouvriers. Dans les années 1920, l’architecture fasciste fait son apparition. Des bâtiments administratifs sortent de terre, écrasant de leur monumentalité classique des piazzas nouvellement construites. C’est le cas sur la Piazza Monte Grappa de Varèse avec sa Torre Civica, énorme beffroi dont la base possède un arengario (terme désignant autrefois des palais municipaux, et réintroduit par les fascistes qui apprécient le concept d’édifice public possédant un balcon d’où ils peuvent haranguer la foule). A Rome, la vision du Gruppo Sette, qui associe classicisme (colonnades, frontons) et modernisme (volumes géométriques simples, lignes sobres et épurées), est en accord parfait avec la vision fasciste de Mussolini qui veut rendre sa grandeur à la capitale. Pour l’Exposition Universelle de 1942, il y imagine le quartier de l’EUR avec son célèbre Palazzo della Civiltà Italiana, surnommé le « Colisée Carré ». Œuvre de Giuseppe Terragni, la Casa del Fascio de Côme fait harmonieusement dialoguer canons classiques et lignes rationalistes. Un mélange des genres également prisé par Marcello Piacentini qui réalise, à Gênes, la grande Piazza della Vittoria d’où émerge l’impressionnant Arc de la Victoire aux piliers ornementés. En Toscane, le rationalisme revêt deux visages. D’un côté celui de Pier Luigi Nervi, ingénieur et spécialiste du béton armé à qui l’on doit le Stade Artemio-Franchi aux élégants escaliers hélicoïdaux. De l’autre, celui du Gruppo Toscano qui prône l’intégration harmonieuse et naturelle dans le tissu urbain d’une architecture rationaliste et organique, comme le montre la gare de Florence, Santa-Maria-Novella.
Architecture contemporaine
La reconstruction d’après-guerre à Milan porte la marque des plus grands architectes. Gio Ponti, en collaboration avec Pier-Luigi Nervi, imagine notamment la Grattacielo Pirelli, le premier gratte-ciel de la ville. Nervi offre également à Turin l’un de ses plus audacieux édifices : le Palazzo del Lavoro tout de métal et de béton. Avec son traité théorique L’Archittetura della Citta paru en 1966, l’architecte milanais Aldo Rossi (lauréat du prestigieux prix Pritzker) présente sa conception de l’architecture fondée sur l’universalisme et un rationalisme humaniste. C’est à lui que l’on doit notamment l’étonnant Centro Direzionale di Fontivegge à Pérouse, avec son Palais de la Région perché sur des pilotis élancés. Les années 1970 sont également la période des grands ensembles qui vont transformer les périphéries des grandes villes tels l’immeuble Il Corviale de Rome, surnommé Il Serpentone, car s’étendant sur 1 km ; ou bien encore les voiles de béton du projet Vele di Scampia de Naples. Dans les années 1980, Gênes confie à Renzo Piano (deuxième Italien récompensé par le Prix Pritzker) la transformation du Porto Antico. En choisissant de supprimer l’enceinte du port, Renzo Piano rend à la ville un accès direct à la mer. Depuis, le génial architecte a doté cette zone des infrastructures les plus étonnantes. Très attaché à sa ville natale, c’est tout naturellement qu’il a offert à Gênes la conception du Viaduc Gênes-Saint-Georges, navire d’acier brillant, dont les 43 piliers lumineux rendent hommage aux 43 victimes de l’effondrement du Pont Morandi qu’il remplace. Parmi les autres grandes réalisations du maître, citons l’étonnante église Padre Pio à San Giovanni Rotondo, dont les 30 000 m3 de ciment, 60 tonnes d’acier et 500 m2 de verre en font l’église de tous les superlatifs ! A Rovereto, c’est à Mario Botta que l’on doit le Musée d’Art Moderne et Contemporain pensé comme « un Panthéon sans façade ». Le Tyrol italien abrite également l’une des plus étonnantes réalisations de la célèbre architecte Zaha Hadid : le Messner Mountain Museum du Plan de Corones blotti dans la roche pour ne pas briser l’harmonie des paysages. C’est également à Hadid que l’on doit la nouvelle gare maritime de Salerne, ou bien encore le MAXXI de Rome, belle structure de béton aux lignes incurvées, sans oublier l’impressionnante Tour Generali, tout en torsion hélicoïdale, qui semble danser avec la tour de verre rythmée par des surfaces bombées signée Arata Isozaki et la tour incurvée rappelant la voile d’un bateau signée Daniel Libeskind, toutes trois formant la bien-nommée Piazza Tre Torri de Milan. Parmi les autres incontournables de la cité milanaise : la Fondation Prada installée dans une ancienne distillerie réhabilitée par Rem Koolhaas, et le MUDEC imaginé par David Chipperfield sur le site d’anciennes usines sidérurgiques. Les 7 stations et les 2 gares terminus du Minimetro de Pérouse, elles, ont été dessinées par Jean Nouvel. Un mélange des genres que l’on retrouve à Naples avec ses « stations de l’art » qui invitent architectes et designers à repenser le métro et la ville. Dominique Perrault a redessiné la place Garibaldi, tandis qu’Alvaro Siza et Edouardo Souto de Moura ont réinventé la station Municipio, y créant un étonnant dialogue avec les trésors archéologiques révélés lors des travaux. Un dialogue que l’on retrouve à Venise. La Sérénissime avait déjà accueilli les plus grands architectes dans les Jardins de la Biennale, et cette effervescence continue aujourd’hui. Santiago Calatrava y a imaginé le Pont de la Constitution, Tadao Ando a restauré le Palais Grassi et la Punta della Dogama pour la Fondation Pinault, tandis que Rem Koolhaas et Philippe Starck ont transformé le Fondaco dei Tedeschi en temple du luxe et du design. Par petites ou grandes touches, l’Italie ne cesse jamais de se réinventer !