La tradition dans l'assiette
Ce sont les recettes typiques de nos grands-mères, des plats consommés essentiellement sur les tables familiales lors des fêtes et réunions et dans certains restaurants spécialisés dans la cuisine traditionnelle. Importée par les premiers colons européens, elle s'est adaptée au climat rigoureux du pays, intégrant légumes-racines, gibier et viande d'élevage pour un résultat très calorique : soupe de gourganes (grosses fèves) ou aux pois jaunes avec porc salé, crêtons (terrine de porc haché ressemblant aux rillettes), fèves au lard, canard au sirop d'érable, gibelotte de lapin au cidre, ragoût de pattes (pattes de porc, pommes de terre et épices), ragoût de boulettes de porc, cipaille (sipaille, cipâte - pâté de viande aux pommes de terre), et diverses tourtières (tourtes), à l'origine à base de gibiers, aujourd'hui confectionnées avec des viandes de porc et de veau mélangées dont les recettes varient d'une région à l'autre (la plus connue : la tourtière du Lac-Saint-Jean au Québec). Les dents sucrées couronneront ce copieux repas avec une pointe de tarte au sucre ou un pouding chômeur. À noter que ce type de cuisine est davantage présent dans l'Est canadien, notamment en Ontario, au Québec et en Acadie dans les provinces maritimes.
Mais au-delà de la cuisine canadienne traditionnelle influencée par les colons européens, le pays possède de grands espaces qui ont su partiellement préserver des traditions ancestrales. La cuisine autochtone du Canada est basée sur un mélange de chasse, de pêche, de cueillette (baies, champignons, herbes, noix, racines) et de produits agricoles. Les autochtones font la distinction entre la nourriture de bois, qui est à la base de leur régime alimentaire traditionnel, et celle des Blancs, achetée au supermarché.
Les gibiers traditionnellement chassés comptent un grand nombreux d'animaux, variant selon la région, comme le bison (autrefois), l'ours, l'orignal, le wapiti, le castor, le porc-épic, le canard et des lagopèdes dans les prairies et les forêts. Plus au nord, dans les steppes arctiques, le caribou et le bœuf musqué sont prisés. Les produits à base de viande séchée tels que les pânsâwân et le pemmican sont couramment consommés par les peuples autochtones des plaines, en particulier le premier, qui est un prédécesseur du bœuf séché ou jerky beef. Sur les côtes pacifique et atlantique, les poissons, mollusques et crustacés sont une ressource alimentaire importante pour les peuples autochtones, tout comme certains mammifères marins. Le saumon, notamment, est consommé frais ou fumé à sec pour créer un aliment pouvant être conservé toute l'année. Dans l'Arctique, les Inuit survivent traditionnellement grâce à un régime composé de mammifères terrestres et marins, de poissons et de rares aliments végétaux. Les viandes sont consommées fraîches mais aussi souvent préparées, mises en cache et laissées à fermenter, c'est le cas de l'igunaq (à base de viande de morse) ou de kiviak (à base de phoque et d'oiseaux de mer). Les collations telles que le muktuk, qui se composent de peau et de graisse de baleine boréale, narval ou béluga, sont consommées nature.
Les repas sont souvent accompagnés de thé et de la fameuse bannique autochtone, sorte de pain ayant la consistance d'un gâteau. Aujourd'hui, il est possible de déguster la cuisine autochtone dans les différentes communautés du pays, et certaines proposent même des versions plus contemporaines de leur alimentation traditionnelle.
Quelques spécialités populaires
Elles se dégustent principalement sur le pouce et figurent au menu de nombreux restaurants au pays, à commencer par l'indétrônable poutine, ce plat de frites garnies de fromage en grains et nappées d'une sauce brune (gravy). Elle s'offre aussi en version gastronomique (foie gras, boudin de cochon, homard...), végétarienne, aux saveurs du monde... Bien qu'elle soit originaire du Québec, la poutine a conquis le pays tout entier et se trouve désormais facilement d'un océan à l'autre.
Il y a également le smoked meat, une viande de bœuf fumée servie sur pain de seigle ou en sandwich, accompagnée de cornichons à l'aneth. Le smoked meat de Montréal est réputé à travers tout le Canada et de nombreux restaurants hors Québec le préparent à la montréalaise. À Toronto, un autre sandwich est aussi fort populaire, le peameal bacon composé de lard enrobé de farine de maïs et de moutarde maison.
Dans les cantines et restaurants des régions maritimes de l'est du Canada, mais également ailleurs au pays, l'été rime avec guédille au homard (lobster roll), un pain à hot-dog dans lequel on met une généreuse portion de salade de homard (ou de crabe, de crevette...). Le poisson d'eau douce, plus spécialement la perche, l'aiglefin et le flétan, est quant à lui hautement convoité dans sa version panée et accompagnée de pommes de terre frites : c'est le fameux plat de fish & chips. Bien qu'il s'affiche à l'ardoise de la majorité des diners, pubs, brasseries et autres du genre, rien ne vaut l'expérience de la dégustation dans une localité riveraine des Grands Lacs en Ontario, notamment le long du lac Érié.
Et pour se sucrer le bec, il faut absolument goûter à la queue de castor (beaver tail), une pâte frite recouverte de chocolat et de bananes, de sucre et de cannelle, etc.
Les nouvelles tendances
La cuisine canadienne actuelle va au-delà des clichés véhiculés - à tort ou à raison - depuis fort longtemps. Finie l'époque des recettes nord-américaines des années 1950, et il en va de même pour la cuisine gastronomique qui se résumait, jusqu'aux années 2000, à de la cuisine française. Et tout n'est pas que fast food non plus. Terroir, proximité et créativité sont désormais les mots d'ordre d'une scène culinaire en pleine ébullition, sans perdre de vue racines et traditions. Pleins feux sur deux tendances qui ont le vent dans les voiles.
Cuisine du marché. Alors que pendant longtemps il était tendance de travailler avec des produits importés des quatre coins du monde, les chefs canadiens se sont dorénavant donné pour mandat de cuisiner dans une optique de proximité, de disponibilité et de saison. Il faut dire que les consommateurs sont de plus en plus sensibilisés à la cause, désirant s'assurer que les aliments aient parcouru le moins de distance possible entre le champ et l'assiette, et que les approvisionnements se fassent selon la disponibilité saisonnière des produits (ex. : jeunes pousses - comme les têtes de violon - au printemps, fruits des champs en été, cucurbitacées en automne...). En période hivernale, nul besoin de dire que ce concept présente toutefois quelques difficultés. Certains chefs vont également cuisiner avec des bières ou spiritueux artisanaux canadiens, faire leur propre pain maison frais du jour, ou encore installer des jardins derrière le resto ou sur le toit afin de cultiver eux-mêmes leurs légumes et aromates. Quelques-uns ont même poussé l'expérience jusqu'à avoir une ruche urbaine pour récolter un miel on ne peut plus local. La cuisine du marché étant devenue incontournable, elle se trouve facilement sur les bonnes tables du pays.
De la forêt à la table. Les forêts canadiennes regorgent de succulents produits comestibles. Très utilisés autrefois, notamment par les Autochtones qui s'en servent encore aujourd'hui, ils gagnent en popularité depuis quelques années chez les restaurateurs et artisans du pays. Champignons sauvages (chanterelle, bolet orangé, morille, pleurote, cèpe d'Amérique...), légumes et petits fruits forestiers (amélanche, airelle, argousier, bleuet sauvage, camerise, chicoutai, courges, légumes-racines, sureau...), plantes et fleurs comestibles (asclépiade, monarde, tanaisie...), noix nordiques (noix de noyer noir, de noyer cendré, noix de cœur...), thés et tisanes (thé des bois, thé du Labrador...) ou encore épices et aromates (myrique baumier, salicorne...), ils se dégustent nature ou sous forme de produits transformés. Pour goûter à toute la richesse des produits forestiers comestibles du Canada, des restaurants spécialisés en cuisine boréale ou nordique, dont plusieurs se trouvent au Québec, sont hautement recommandés.
Au Québec, il faut aussi souligner le programme de certification Fourchette bleue qui encourage les restaurants et les poissonneries à offrir des saveurs méconnues parmi les nombreuses espèces comestibles du Saint-Laurent, le tout dans une perspective de développement durable et de protection de la biodiversité. Au menu : la clovisse arctique, la mactre de Stimpson, la mye commune, l'oursin vert, le phoque gris, certaines espèces d'algues... Le logo Fourchette bleue permet d'identifier les produits certifiés dans les établissements partenaires.
Vancouver, Toronto et Montréal : capitales gourmandes
Elles ne sont rien de moins que les destinations les plus prisées du pays en termes de gastronomie. De la cuisine de rue au chic resto en mode rooftop, sans oublier les cafés véganes très en vogue ces temps-ci, impossible de rester sur sa faim. Ça en devient d'ailleurs presque aliénant tellement les options sont nombreuses, notamment dans les secteurs branchés et les quartiers ethniques de ces métropoles. On recommande d'ailleurs la cuisine japonaise à Vancouver, indienne à Toronto et haïtienne à Montréal.
Boire local, un must !
De loin la plus populaire, l'industrie de la bière artisanale fait fureur depuis une quinzaine d'années, une tendance qui n'est pas près de s'essouffler. Bien qu'il y ait de grandes compagnies industrielles dominant le marché (Molson Coors, Anheuser-Busch InBev...), les microbrasseries et brasseries artisanales (craft breweries) se multiplient aux quatre coins du pays. Elles incorporent souvent des ingrédients locaux dans le brassage afin de donner un caractère bien régional aux différentes bières maison. Les brasseries sont également le lieu par excellence pour savourer une cuisine faite à base de produits régionaux, et elles offrent souvent une programmation culturelle et artistique mettant en valeur la scène locale.
Le Canada produit aussi du vin. Les régions vinicoles les plus réputées du pays se trouvent dans la vallée de l'Okanagan en Colombie-Britannique et la péninsule de Niagara en Ontario, mais on retrouve également des vignobles au Québec et en Nouvelle-Écosse, par exemple. Une spécialité à découvrir est sans conteste le vin de glace : les raisins sont vendangés gelés, ce qui leur fait conserver une forte teneur en sucre. Un pur délice !
Puis on ne pourrait passer sous silence le cidre, dont le cidre de feu ou de glace, les liqueurs d'érable, le caribou (un mélange détonnant d'alcool fort, de vin rouge et d'aromates) et autres délices issus du riche terroir canadien. Et depuis quelques années, le pays s'est mis à l'heure de la distillation en produisant gins, vodkas et autres spiritueux, dont plusieurs incorporent des aromates locaux.