Bienvenue en Arménie ! Il y a 20 ans, paraissait la première édition de ce guide sur l'Arménie. Un pari audacieux ! Pionnier comme souvent sur des terres en friche, le Petit Futé me confiait la mission de faire découvrir cette ex-République de l'URSS, de dévoiler les charmes de ce petit pays blotti au sud du Caucase, alors ignoré par les voyagistes et les auteurs de littérature spécialisée. Emancipée depuis du passé soviétique, l'Arménie attire toujours plus de visiteurs, séduits par ses montagnes et son patrimoine ; le Petit Futé se flatte d'avoir accompagné cette évolution et contribué à la réhabiliter comme terre de voyages. Engagée sur la voie de la mondialisation, l'Arménie préserve farouchement son indépendance, dont elle célébrait avec faste le 25e anniversaire, le 21 septembre 2016. Alors que paraît cette 8e édition, l'Arménie célèbre le 30e anniversaire du Mouvement Karabagh, qui vit cette région s'émanciper de la tutelle de l'Azerbaïdjan, mais aussi le 100e anniversaire de la Première République, créée le 28 mai 1918 à la faveur de la révolution d'Octobre 1917. Bien que les Arméniens durent se résoudre à accepter la tutelle soviétique en 1920, l'éphémère République incarna la renaissance d'une nation qui venait de subir la terrible épreuve du génocide perpétré en 1915 au sein de l'Empire ottoman. Chaque 24 avril, les Arméniens du monde entier se recueillent au mémorial sur les hauteurs de Erevan, en hommage aux victimes de ce génocide, que la Turquie refuse toujours de reconnaître. Le centenaire de ce triste évènement a donné une résonance mondiale à cette commémoration qui a cristallisé les tensions dans un pays partagé entre deuil et renaissance. L'avenir se construit ici dans le rappel d'un passé souvent tragique, auquel les Arméniens se montrent d'autant plus attachés qu'ils sont les héritiers de plus de 3000 ans d'Histoire : cette longévité fait l'orgueil d'une nation forgée dans le creuset du monde antique et qui a survécu aux invasions et massacres, culminant avec le génocide. Née sur les ruines des Empires russe et soviétique, l'Arménie actuelle n'occupe que la partie orientale de l'Arménie historique, et réunit le tiers des Arméniens du globe. Elle porte le lourd héritage de cette histoire, tout en tâchant de garantir la pérennité d'une vieille nation, tournée vers l'avenir et le monde. Au niveau géopolitique, elle doit faire face au blocus turco-azéri en réaction à son soutien au Karabagh, et sa diplomatie essaie de conjuguer fidélité à la Russie et volonté d'intégration à l'Europe. Une nouvelle génération redécouvre les traditions nationales tout en construisant un pays moderne et accueillant, avec son hospitalité légendaire, alliant sens de la fête et arts de la table. Longtemps connu des seuls Arméniens de la diaspora, le pays s'ouvre petit à petit aux autres visiteurs ; je suis heureux de les guider à travers montagnes, lacs et vallées, écrin d'innombrables églises et monastères rappelant que l'Arménie fut le premier Etat chrétien, en 301 ! Avec ses sommets renvoyant l'écho de grands mythes originels, tel le mont Ararat où s'échoua l'Arche de Noé, montagne sacrée des Arméniens (aujourd'hui en Turquie), l'Arménie est un lieu empreint de spiritualié. Terre de mémoire, l'Arménie est aussi une terre de voyages et d'aventures, et nous nous efforçons au fil des éditions de stimuler le goût et l'envie de ce pays, qui accueille en octobre 2018 le 17e sommet de la Francophonie, en présence notamment du président français.
Gari Ulubeyan
REMERCIEMENTS : Hélène, Madeleine et Maral.
C'est en Arménie, dit-on, que " le Tout-Puissant établit le paradis terrestre ". C'est encore dans cette contrée caucasienne, au carrefour de l'Orient et de l'Occident, entre mer Noire et mer Caspienne, que s'élève le mont Ararat, dont les glaciers renfermeraient les vestiges de l'Arche de Noé. Ces quelques repères symboliques, qui la désignent comme le berceau de certains des grands mythes originels, suffiraient à graver l'Arménie dans notre imaginaire, en bonne place aux côtés d'autres contrées légendaires excitant la curiosité du voyageur. Ces références, pourtant, ne parlent réellement qu'aux initiés, spécialistes de l'Orient chrétien ; pour le grand public, l'Arménie reste encore une terra incognita, méconnue, mal connue.
Ironie d'une histoire vieille de 3 000 ans, la légende des siècles, virant au conte cruel dans ce pays situé à la croisée des chemins des envahisseurs, effacera cette dimension mythique de notre mémoire. L'Arménie chrétienne est de ces pays dont le nom résonne comme un cri de douleur, renvoyant à une litanie de souffrances plus qu'à la délicieuse insouciance du jardin d'Eden.
Comment pourrait-il en être autrement d'ailleurs ? C'est par les massacres des Arméniens de l'Empire ottoman que l'Arménie se révéla au public européen à la fin du XIXe siècle et au début du XXe siècle. Et cette actualité tragique, qui mobilisa nos hommes politiques et qui sut émouvoir l'opinion, ne donnait qu'une vague idée de la réalité culturelle, artistique, voire géographique de l'Arménie, alors divisée entre les Empires russe et ottoman. Après la Première Guerre mondiale, l'Arménie retourne à son anonymat, quand l'armée de Lénine met un terme à l'éphémère indépendance de l'Etat arménien, créé au Caucase le 28 mai 1918 sur les ruines de l'empire des tsars. Province méridionale de l'URSS, elle se fige dès lors dans le long hiver soviétique, et disparaît de notre ligne d'horizon matérialisée par le rideau de fer.
En Occident, où ils ont constitué d'importantes communautés, les Arméniens nous sont certes familiers, mais on songe rarement à les associer à un pays : et pour cause, puisqu'ils sont pour la plupart d'entre eux originaires d'une Arménie désormais rayée de la carte, cette " autre " Arménie sous domination turco-ottomane d'où leurs aïeux ont été chassés par les massacres perpétrés de 1915 à 1922. Ce génocide et le lourd contentieux qu'il a provoqué entre la Turquie, qui persiste à en nier l'existence, et des Arméniens profondément marqués dans leur conscience collective et nationale, font partie de ces deux ou trois choses que l'on sait d'une communauté forte en France de 600 000 membres. Animée par une volonté d'intégration payée d'un réel succès, cette communauté, qui cultive ses traditions et son identité dans la plus grande discrétion, a très vite perdu de son exotisme, trahie par la seule terminaison en " ian " de ses patronymes. Rançon de cette intégration réussie, l'Arménie semble à la fois très proche et terriblement lointaine, et la levée du rideau de fer n'a pas vraiment dissipé l'opacité qui entoure ce pays, sinon pour le révéler, encore une fois, sur un mode tragique : c'est par le meurtrier séisme du 7 décembre 1988 que l'Arménie soviétique a fait irruption dans notre actualité ; et son retour dans le concert des nations indépendantes a été couvert par le fracas de la guerre avec l'Azerbaïdjan voisin, autour de l'enclave arménienne du Haut-Karabagh (ou Artsakh), ajoutant aux difficultés liées à la transition économique communes à tous les pays de l'ex-URSS.
Corrigeant une injustice, ce guide répond à la nécessité de réhabiliter l'Arménie comme terre de voyage. L'Arménie n'a certes pas vocation à devenir un " paradis touristique ", au sens où l'entendent les agences de voyage, et reste une destination insolite, hors des sentiers battus du tourisme de masse, même si, à l'époque soviétique, son soleil et son peuple généreux attirèrent des cohortes de visiteurs originaires des Républiques et des pays satellites de l'ex-URSS, de Cuba au Yémen du Sud en passant par l'ex-RDA. Relevant, non sans difficulté il est vrai, le défi de la mondialisation, l'Arménie s'ouvre désormais au monde entier, montrant un autre visage que celui, parfois inquiétant, suggéré par la presse. Ses montagnes majestueuses, tour à tour austères et luxuriantes, renferment un patrimoine architectural d'une richesse insoupçonnée, forgé dans le creuset du christianisme que l'Arménie fut le premier Etat à embrasser, en 301. Entre mythes et actualité, un voyage en Arménie permettra de voir vivre les Arméniens in vivo et in situ, de partager avec eux l'exaltation d'un antique pays en voie de reconstruction, d'admirer la ténacité d'un peuple qui a su garder intact son sens de la fête et de l'hospitalité malgré les épreuves de l'histoire et les invasions. Développant des infrastructures qui étaient il y a quelques années encore lourdement marquées par le soviétisme, l'Arménie s'ouvre résolument au tourisme, et de plus en plus à l'écotourisme. Il était temps que cette destination sorte des réseaux confidentiels du pèlerinage national, réservé aux Arméniens de la diaspora cultivant leur jardin - d'Eden - secret, ou du voyage culturel réservé aux spécialistes et aux érudits. Après tout, il fut une époque où l'Arménie était assez à la mode pour que Jean-Jacques Rousseau s'habille à la mode arménienne, en turban et en caftan !
On n'en est pas encore là, mais l'Arménie se transforme rapidement pour s'adapter à une demande touristique en hausse constante, mais sans perdre son âme. Certaines des informations pratiques livrées dans ces pages risquent donc d'être obsolètes ou incomplètes, mais du moins peut-on espérer qu'elles exhaleront toujours cet envoûtant parfum d'encens, à l'instar de celui que laisse le " papier d'Arménie " en se consumant... et qu'elles donneront l'envie de cette aventure aux sources du christianisme, voire de l'humanité, au pays de l'Arche perdue...
L'Arménie est une terre hospitalière, son peuple est accueillant. Mais il ne faut pas oublier qu'elle se situe dans une zone de conflit, et même si l'on n'en prend pas conscience en visitant le pays, certaines précautions doivent être prises dès lors qu'on approche trop près des frontières de l'Azerbaïdjan, avec lequel l'Arménie est en conflit larvé depuis 30 ans, et plus encore au Haut-Karabagh (voir encadré dans le chapitre " Haut-Karabagh "). Le danger, s'il y a lieu, est de toute manière signalé par les autorités locales, qui interdisent l'accès des zones à risques.
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Si l’Arménie est peu étendue, le relief rallonge les distances et on ne peut en faire le tour en quelques jours. Mais avec le développement des infrastructures, on peut partir seul, ou avec l’aide des tour-opérateurs, pour sillonner les routes du pays, et faire des haltes, à l’hôtel ou chez l’habitant, pour en découvrir les richesses. Les ressources du patrimoine sont telles que l’on peut concilier les longues randonnées dans des sites naturels vierges avec la visite de monastères perdus dans les montagnes, que l’on soit amateur d’écotourisme ou de pèlerinage. Terre viticole, l’Arménie a aussi sa route des vins, qui conduit des bars à vin de Erevan aux vignobles des montagnes du Vayots Dzor. D’autres produits du terroir seront l’alibi de haltes gourmandes, mais la montagne n’est jamais loin, offrant un large éventail d’activités sportives…pour brûler les calories ! Voici quelques idées de séjour...
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Longtemps tenu pour un appendice de l'Arménie par les visiteurs, souvent de la diaspora, en pèlerinage patriotique dans cette région du sud-est qui arracha son indépendance par les armes à l’Azerbaïdjan en 1991, le Haut-Karabagh a cultivé sa singularité sous le nom arménien d’Artsakh. Accessible par des routes modernes depuis l’Arménie, la République d’Artsakh attirait toujours plus de touristes, séduits par ses paysages, son patrimoine et l'accueil d'habitants soucieux d'effacer les stigmates de la guerre contre l'Azerbaïdjan après le cessez-le-feu de 1994. La guerre lancée et gagnée à l’automne 2020 par l’Azerbaïdjan, soldée par une trêve bien plus favorable à Bakou, fait voler en éclat cette normalité apparente. Protégé par une force de paix russe, amputé de certains territoires, l’Artsakh attend un statut international, mais reste ouvert, par une seule route désormais, aux visiteurs invités à la prudence dans cette zone de conflit.
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Les 12 mots-clés en Arménie
1. #Achough (trouvères)
Les achough (ashik « passionné » en persan) aussi appelés goussan, sont ces troubadours qui sillonnant les provinces, perpétuent une tradition orale d’épopées et de légendes avec ou sans musique. Sayat-Nova, qui composa au XVIIIe s. dans leurs langues pour les princes de Géorgie et émirs d’Azerbaïdjan ou de Perse, est le plus grand des achough.
2. #Duduk
Cette petite flûte, rudimentaire rameau d’abricotier percé de 9 trous avec un bec en roseau, est l’instrument emblématique de la musique arménienne. Elle assurait à l’origine l’accompagnement musical des bergers dans la solitude des hauts plateaux. Le maître incontesté en est Djivan Gasparian qui a accompagné des stars de la pop comme Peter Gabriel.
3. #Hospitalité
« Hür », l’invité ; c’est ainsi qu’on appelle le touriste qu’on met un point d’honneur à traiter comme tel, selon les critères d’une hospitalité légendaire, qui peut paraître insistante dans les campagnes, où il est mal vu de refuser de partager la table que l’on propose à l’invité. A Erevan, l’accueil obéit à des formes plus convenues.
4. #Nard
Le nard est considéré comme le délassement préféré des Arméniens. Rien ne vaut une partie de nard (backgammon, le trictrac ou encore jacket médiéval), connu aussi sous son nom turc de tavlou, en sirotant un verre d’oghi… Les cafés arméniens tiennent d’ailleurs souvent ces jeux à la disposition de leur clientèle, masculine généralement.
5. #Lavache
Pain traditionnel, plat et sans levain, préparé suivant une pratique antique toujours en vigueur dont l’accessoire indispensable est le tonir, four creusé à même le sol, sur les parois duquel cuisent ces grandes crêpes de farine de blé, fines comme des feuilles. Omniprésent, le lavache est inscrit au Patrimoine immatériel de l’Unesco.
6. #Medz Yeghern
La « Grande catastrophe », terme elliptique utilisé en arménien pour désigner le génocide de 1915. Les présidents américains l’ont emprunté aux Arméniens pour ne pas avoir à prononcer le mot qui fâche, génocide (que l'on traduit par tséghaspanoutioun en arménien), lorsqu’ils rendent hommage à ses victimes le 24 avril de chaque année.
7. #Khatchkar
La « pierre-croix » est l’un des symboles les plus expressifs de l’identité arménienne. Des milliers de ces stèles de pierre rectangulaires, ornées de croix ouvragées et de bas-reliefs, parsèment la campagne, regroupées dans des cimetières ou au pied d’églises. Incarnation lapidaire de l’être arménien, il est inscrit au Patrimoine de l’Unesco.
8. #Spurk
Diaspora, ou dispersion, l’autre moitié de l’identité arménienne, vivant hors du territoire ancestral depuis les massacres et déportations qui ont vidé de sa population arménienne l’Arménie occidentale, dans les années 1915 à 1922. Très organisée, la diaspora, forte de 6 millions d’Arméniens, entretient des liens étroits avec l’Arménie.
9. #Tuf
Le tuf est la pierre arménienne par excellence. D’origine volcanique, le tuf est le plus souvent rouge, noir, rose ou orange, et il recouvre la plupart des églises et monuments arméniens, auxquels il contribue à donner cet aspect si caractéristique et unique. C’est au tuf aussi que la capitale, Erevan, doit son surnom de « ville rose ».
10. #Vank
Le centre de la vie monacale, le monastère. Si la présence de moines est attestée en Arménie depuis les temps les plus reculés du christianisme, les complexes monastiques sont apparus plus tard. La période faste des vank se situe aux XIIe-XIIIe siècles, sous le règne des Zakarian, illustrée par les superbes monastères de Haghbat et Sanahin.
11. #Vichap
Animal fabuleux de la mythologie arménienne, dragon ou serpent, qui perturbait l’ordre universel avant que le dieu Vahagn ne le terrasse. Quelques vichap ont survécu dans les montagnes, sous forme de sculptures archaïques représentant des poissons, datant du mégalithique. Les vichap constituent aussi un thème ornemental des tapis arméniens.
12. #Yezidi
Une minorité religieuse et ethnique, parlant le kurmandji et pratiquant un culte hérité du zoroastrisme et du manichéisme. Peuple de pasteurs nomades persécuté, ils sont sédentarisés en Arménie où ils ont trouvé une sécurité qui leur permet de pratiquer librement leur religion. Ils y ont inauguré en 2018 le plus grand temple yézidi du monde.
Vous êtes d'ici, si...
On n’est pas tenu de se signer devant les églises, qui vous tendent les bras, pourvu que les vôtres soient couverts.
On doit faire honneur à la table qui reçoit, porter force toasts en écoutant le tamada chanter vos louanges et celles du pays, avant de danser le kotchari. Cela vaut au restaurant, où il est mal vu d’ergoter pour l’addition.
Et pour les achats, si on est en Orient, on marchande peu. A Erevan, les « bobos » fréquentent bars à vin et clubs, mais l’été, on lézarde aux terrasses, où l’on joue au nard, avant de s’enfiler un chavourma au coin de la rue.
Acquis aux réseaux sociaux, les Arméniens se laissent photographier, mais modérément, surtout quand il s’agit de notables, de policiers ou militaires, a fortiori dans des sites stratégiques.
Pays très sûr, l’Arménie est néanmoins en zone de conflit, et la prudence s’impose aux frontières de l’Azerbaïdjan et au Karabagh. Les autorités interdisent d’ailleurs l’accès aux zones à risques.