Art rupestre
Bien avant l’arrivée des explorateurs, les peuples amérindiens pratiquaient un art différent des codes européens. Les principaux supports de la peinture étaient le corps humain, les céramiques et les parois des grottes.
Une mission française d’archéologie œuvre dans le Minas Gerais depuis une cinquantaine d’années. Elle est relayée par les actions du Centre Culturel des Arts indigènes du Brésil à Tiradentes. L’analyse de l’art rupestre sur les milliers de sites de la région montre une grande diversité de styles et de thèmes. Les pigments colorés ainsi que le rendu des faciès varient selon les lieux. Dans le centre, les figures animalières tendent à être monochromes, tandis que les formes géométriques bichromes sont plus courantes dans le sud. Dans l’Etat du Minas Gerais, les pétroglyphes d’une trentaine de centimètres découverts dans l’abri de Lapa do Santo sont les plus anciens du pays (8 000 ans).
Emergence de la peinture brésilienne
L’art tel que nous le connaissons est arrivé avec les premiers Européens. Les explorateurs s’entouraient d’artistes chargés de documenter les nouvelles terres. A l’aquarelle le plus souvent, ces artistes consignaient dans des registres la faune et la flore, mais aussi la population et ses activités. Reliées, ces illustrations commencèrent à être diffusées à partir de 1557 avec le livre du Père André Thevet. Portraits et paysages sont imprégnés de maniérisme et n’ont de brésilien que les thématiques.
Au XVIIe siècle, après l'invasion hollandaise dans le Nordeste, des peintres flamands se rendent au Brésil. Frans Post, le plus réputé, réalise une série de tableaux dans la tradition hollandaise des paysages, représentant notamment la faune et la flore de la région. En plus de sa beauté esthétique, son œuvre a valeur de trace historique.
L’art baroque
Au début du XVIIIe siècle, le baroque européen infusé dans la peinture brésilienne se nuance d'influences locales. Les codes de ce style devenu majeur au Brésil, à savoir le sentiment, le drame, le goût de l'opulence le prédisposent à véhiculer le message de l'Église catholique. Rares sont les œuvres qui sont signées. L'art baroque brésilien est exceptionnel par sa large diffusion et sa durée, de près de trois siècles. Il doit son originalité à la diversité de ses bâtisseurs (Indiens, Africains, Portugais) et la variété des matériaux disponibles. Contrairement aux Espagnols, qui découvrent au Mexique, en Bolivie ou au Pérou, les édifices aztèques et incas, les sculpteurs portugais ne trouvent à leur arrivée sur la côte brésilienne ni pierre ni bâtisseurs.
Les plans des édifices, et même parfois les pierres, comme celles de la cathédrale São Salvador de Bahia, viendront d'Europe. Ces églises assez massives sont proches de la simplicité portugaise, avec leurs formes quadrangulaires, leurs façades sans sculpture et leurs lignes sévères inspirées de l'esthétique de la contre-réforme italienne. Pourtant, cette forme compacte donne aux édifices des airs aériens. Le baroque, au contraire du style Renaissance, plat et linéaire, utilise l'illusion d'optique ; il invente la troisième dimension, vise une forme globale, vivante.
À cette simplicité poétique, à ce dépouillement des extérieurs, s'oppose, dès avant la période rococo, une esthétique du foisonnement, une richesse excessive des décorations intérieures. Elle apparaît dans la talha – la sculpture sur bois – chez les jésuites de Bahia, en 1670, puis chez les franciscains de Recife, vers 1700 : rocailles bouillonnantes, écumes d'or, couronnes, coquilles, roses, tournesols, inextricables entrelacs végétaux, chapelets brisés de chérubins folâtrant dans les nuées. Cette opposition va aller en s'accentuant au cours de la première moitié du XVIIIe siècle.
Les importantes mines d'or des Minas Gerais, récemment découvertes, sont mises à contribution. L'église dessinée et sculptée par Manuel Francisco Lisboa, dit Aleijadinho, à Ouro Preto (1727), et décorée par son ami le peintre Ataíde, reste équilibrée. Mais les églises São Pedro dos Clérigos à Recife (1728) et la Capela Dourada, la cathédrale de Bahia et le monastère de São Bento à Rio de Janeiro seront, selon l'expression de Victor L. Tapié, des « grottes d'or destinées à frapper l'imagination des Indiens ». Lieu de convergence de la ruée vers l'or, Ouro Preto connaît un destin particulier au XVIIIe siècle. Dans les nombreux lieux de culte, la perspective fait son introduction. Elle invite à toutes les exubérances. Les décors colorés ainsi intégrés à l'architecture débordent de leur cadre, à la façon du rococo. Manuel da Costa Ataíde (1762-1830), sculpteur et peintre, laisse une œuvre majeure dans toute la région. L'une de ses peintures les plus connues, la Glorification de la Vierge se trouve à l'Igreja de São Francisco de Assis à Ouro Preto (peinte sur bois, entre 1801 et 1812).
À cette fantaisie décorative, José Soares de Araujo impose à Diamantina un style rigoureux porté par une palette sombre.
Au cours de la seconde moitié du XVIIIe siècle, cette profusion envahit également l'extérieur des édifices, comme cette façade magnifique et insensée du Terceiro Ordem de Salvador. Parallèlement, les plans d'ensemble évoluent vers des formes moins rigides, mais ne manquent pas de sobriété et de cohésion : irrégularité du Santuário do Bom Jesus de Matosinhos à Congonhas, flancs ondulants de la nef de l'Igreja São Francisco de Assis, à São João del-Rei, façades bombées, tours en coin, à dômes et clochetons, plans où se conjuguent l'ellipse et le polygone… Ces tendances sont visibles à l'Igreja de São Francisco de Assis, l'église du tiers ordre franciscain, construite par Aleijadinho à Ouro Preto. Le sculpteur sut, mieux que ses collègues de Salvador, maîtriser la profusion des décorations intérieures.
Le romantisme
Les Français sont les inspirateurs d'une peinture brésilienne académique romantique, où l'exubérance de la nature et la lumière ont une place prépondérante. Ainsi la « mission artistique française » fait venir des peintres sous la houlette de Joaquim Lebreton en 1816, notamment Nicolas-Antoine Taunay, Jean-Baptiste Debret ou François-René Moreaux. En grand amateur d'art, l'empereur Don João VI est à l'origine de cette initiative à son retour du Portugal, mais il se heurte aux partisans de la tradition baroque. Cette nouvelle Academia Imperial de Belas Artes (AIBA) créée en 1826 à Rio fait émerger dans la deuxième moitié du XIXe siècle une scène picturale propre au pays. Rio s’impose comme le centre de l’académisme brésilien.
Des artistes talentueux comme Victor Meirelles (Panorama de Rio, 1890) ou Pedro Americo (Batalha de Avai, 1879) ont rejoint la collection du Museu Nacional de Belas Artes – MNBA de Rio, le plus grand musée du Brésil. Dans son importante collection d’œuvres du XIXe siècle, l’art brésilien occupe une place majeure. Des expositions temporaires sensibilisent à l’art local contemporain.
Le modernisme
La vague moderniste qui secoue l’Europe dans les années 1920 atteint le Brésil, en particulier São Paulo. Le futurisme, le dadaïsme ou le cubisme sont revisités par les artistes brésiliens à travers le prisme de leur culture. La première Biennale de São Paulo a lieu en 1951. L’art abstrait et l’avant-garde bénéficient enfin d’une large plateforme de diffusion. L’événement est déterminant pour l’évolution de la peinture brésilienne.
A l’effervescence culturelle de São Paulo s’oppose l’ambiance plus traditionnelle de Rio. La capitale a finalement rattrapé son retard. Cette volonté est marquée par l’ouverture du Museo de Arte Moderna - MAM au cœur du parc de Flamengo. Ses trois étages sont consacrés à l’art moderne brésilien et international. On peut en particulier y découvrir des tableaux d’Emiliano Di Cavalcanti ou Tarsila do Amaral, des photographes de la région, tels qu’Alair Gomes né en 1921 et ses étonnantes séries de nus masculins en noir et blanc, capturés dans des mouvements presque dansés ; Claudia Andujar, photographe brésilienne née en Suisse en 1931, connue pour son soutien au peuple autochtone Yanomami.
La baie de Rio inspire peintres et photographes depuis le milieu du XIXe siècle. En photographie, le précurseur Marc Ferrez, né à Rio de Janeiro en 1843, documente la vie quotidienne de la jeune Nation brésilienne.
L'art contemporain
L'année 1984 marque le retour officiel de la peinture avec l'exposition Onde está você, geração 80 ? (Où êtes-vous, génération des années 1980 ?). Elle réunit à Rio de Janeiro 123 artistes, débutants pour la plupart, qui renouvellent la vision de la peinture.
Le Museu de Arte Contemporânea - MAC, situé à Niterói, compte une riche collection d'artistes brésiliens contemporains. Un récent musée, le Museu de Arte do Rio - MAR, propose des collections temporaires d'art contemporain et de photographie. Près de Belo Horizonte, à Brumadinho, les passionnés d'art contemporain feront l'expérience du magnifique jardin botanique d'Inhotim, dans lequel se cache l'Institut Inhotim. Dans ce cadre unique, un art à ciel ouvert dialogue avec une nature luxuriante. Aux côtés de pointures internationales, on retrouve les plus grands noms de l'art contemporain brésilien. Citons Adriana Varejão, née à Rio de Janeiro en 1964, qui remet les techniques traditionnelles telles que les azulejos au goût du jour, ou encore le célébrissime sculpteur et performeur Tunga (Antonio José de Barros Carvalho, né en 1952 et mort en 2016), connu pour ses œuvres énigmatiques, entre questionnements existentiels et surréalisme.
Parmi les figures de l'art contemporain, le peintre et sculpteur Hélio Oiticica est le pionnier de l'art concret au Brésil. Oiticica disparaît à 43 ans en 1980, mais laisse une œuvre importante, respectée par la critique internationale. Figure majeure du mouvement Tropicalia à la fin des années 1960, il prône le mélange des arts. Ses installations, qui se voulaient abstraites et populaires, marquent un rappel des racines brésiliennes.
De nos jours, la démarche de la plasticienne Christina Oiticica (qui n'est autre que la femme de l'écrivain Paulo Coelho) s'implante dans une quête archéologique et naturaliste. Sensible à l'environnement, elle intègre des éléments organiques à ses créations. Ses toiles constituent un pont entre le passé et le présent.
Street-art
Encore plus à Rio qu'ailleurs, l'art des rues explose dans tout le pays.
Les Brésiliens différencient le tag ou « pichação », perçu comme un acte de rébellion, du « grafite » qui relève d'une démarche artistique. Depuis 2009, le gouvernement brésilien a légalisé la pratique du street-art à condition d'obtenir l'accord du propriétaire. Il doit aussi « embellir ». Cette pratique clame les valeurs populaires. Quel que soit son message, l'œuvre murale reste colorée et passionnée. Cependant, les actions se multiplient en faveur d'un art réfléchi et de qualité. Les plus significatives sont les festivals d'art de rue qui rassemblent des artistes du monde entier.
Dans les rues de Rio, restez à l'affût de ce florilège de grandes signatures brésiliennes. Rafaela Monteiro aka Rafa Mon arrive tout droit de l'univers de la mode. On reconnaît ses fresques à leur tonalité onirique et poétique. Mondialement connu, Eduardo Kobra exprime son art dans des fresques monumentales à tendance réaliste. Originaire de la banlieue de São Paulo, il ajoute à ses compositions colorées des jeux kaléidoscopiques qui font sa renommée. En plus d'exposer à Paris, en Espagne et en Argentine, Marcelo Eco disperse des œuvres dans toute la ville de Rio. Il aime reproduire dans un style graphique le portrait d'un moustachu au menton en pointe, qui serait peut-être Salvador Dali. En tout cas, on le retrouve partout dans Rio de Janeiro, et plus particulièrement sur l'Avenida Nossa Senhora de Copacabana.
Art urbain à Belo Horizonte
Thiago Mazza, né à Belo Horizonte en 1984, a fait ses premiers pas en tant que graffeur dans sa ville natale. Ses fresques, qui proposent un dialogue entre références classiques et modernistes, l’ont rapidement propulsé à la tête du muralisme contemporain. On peut rencontrer son travail dans les festivals d’art urbain du pays, notamment au CURA de Belo Horizonte. Dans le prolongement de l’événement, l’association CURA propose un parcours d’art urbain à travers toute la ville.
Rio, entre art et histoire
À Rio, les murs du Jardin botanique et du métro sont connus pour leurs fresques. Pour guider une balade dans la ville, voici d'autres pistes. La fresque du tramway à Santa Teresa rappelle la place qu'occupait autrefois ce moyen de locomotion dans la vie quotidienne des habitants. Le quartier de Botafogo est non seulement riche en street art, mais il réunit les artistes attachés à la forme plus qu'au fond. Ici, loin des messages politiques et des rappels à la réalité, une abondance de pépites colorées embellit l'environnement urbain juste pour le plaisir.
À l'opposé, les œuvres du Centro ravivent le souvenir d'événements historiques, de la vie rurale à l'esclavage. C'est ici que se trouve la plus grande peinture murale du monde : Eduardo Kobra a réalisé dans le centre une commande à l'occasion des Jeux olympiques sur le thème des tribus indigènes et des cinq continents. Reconnue au Guinness Book ! Dans le quartier chic et branché d'Ipanema, le graffeur anonyme Oraculo Project répand l'amour à travers des messages au pochoir disséminés sur le sol. En anglais et en portugais. Le même artiste colore des troncs d'arbre en rouge pour sensibiliser à la destruction des forêts. La coupe du monde 2014 a fait l'objet d'innombrables expressions du désaccord populaire. En parallèle des soulèvements de la population, ces messages visuels continuent de hanter les rues. Quand l'actualité se lit sur les murs …