Vestiges du passé de Dubrovnik
Occupé depuis le néolithique, le site de la ville a révélé de précieuses sculptures en pierre. Le grand tremblement de terre qui frappa la ville en 1667 a malheureusement rayé quantité de biens culturels. Cependant le Musée archéologique, autrefois appelé Musée patriotique, a regroupé dans la seconde moitié du XIXe siècle des collections léguées par des familles de Dubrovnik. Parmi les pièces les plus anciennes, des chapiteaux romains ainsi que des éléments architecturaux provenant de temples. Quelques sculptures et fragments de céramique évoquent des périodes plus tardives, jusqu’à l’orée du Moyen Âge.
La cité de Raguse
La cité-État de Raguse, fondée en 1358, occupe durant des siècles le rôle de pont entre le monde oriental et occidental. Aux influences byzantines visibles dans les premières œuvres religieuses, succède l’empreinte des peintres vénitiens au XIIIe siècle. L’art n’atteint pas alors une qualité comparable aux œuvres des maîtres vénitiens ou florentins. La peinture à Dubrovnik connaît tout de même une période florissante, à l'image du prestigieux passé de la cité.
L'ordre franciscain et les familles nobles de la ville possèdent un certain nombre de chefs-d’œuvre de la Renaissance italienne (le Caravage, Titien), qui ont disparu au cours de l’histoire, notamment lors du séisme de 1667. Plusieurs maîtres italiens résident à Dubrovnik sur invitation du gouvernement et des mécènes locaux.
École de Dubrovnik
Au XIIIe siècle, les moins dominicains nouvellement arrivés à Dubrovnik entament la construction du monastère qui s’étale sur près de deux siècles. Le monastère dominicain ou Dominikanski samostan porte ainsi la trace des différents styles qui se sont succédé : roman, baroque puis gothique. Sans oublier les reconstructions faisant suite au séisme. Une pointe d’influence orientale reste perceptible dans l’ornementation. Dans le cloître, le musée du Monastère abrite des objets religieux, de superbes sculptures religieuses, mais surtout des toiles de l'école de Dubrovnik, qui regroupe des peintres des XVe et XVIe siècles.
S’il en reste très peu de témoignages, on sait que ce courant s'articule autour des peintres suivants : Lovro Dobričević, dont trois œuvres nous sont parvenues et sont accessibles au public – le polyptyque du monastère dominicain, le polyptyque de l'église Sainte-Marie de Danče et quelques panneaux du polyptyque (Portrait de saint Blaise) situé dans le monastère franciscain ou Franjevčki samostan de Dubrovnik. Son fils Vicko Lovrin réalise un polyptyque au XVIe siècle qui se trouve dans l'église Notre-Dame-des-Neiges (Gospa od Snijega) à Cavtat.
Personnage clé de cette école ragusaine, Nikola Božidarević est membre de l'atelier de Dobričević. Il se plie aux goûts des patrons ragusains, plutôt conservateurs, et ses créations sont davantage byzantines que Renaissance. Seul un triptyque nous est parvenu (actuellement dans l'église de Danče), ainsi que trois œuvres conservées au musée du monastère dominicain ou Dominikanski samostan.
Enfin, Mihajlo Hamzić est l'apprenti d'Andrea Mantegna en Italie. On lui doit Le Baptême du Christ exposé dans le palais du Recteur ou Knežev Dvor ainsi qu'un triptyque du monastère dominicain représentant saint Nicolas.
Influence byzantine
L’intérieur de l’église du monastère dominicain est dominé par le grand crucifix en bois peint, réalisé par Paolo Veneziano (v. 1290-v. 1360). Premier peintre vénitien connu, il fait carrière au XIVe siècle. Son art est fortement imprégné de codes byzantins (posture figée, emploi de l’or), Venise étant alors un lieu d’échanges commerciaux et culturels. Cependant, ce crucifix atteste d’un changement dans la manière de Veneziano. Une certaine souplesse caractérise son Christ aux traits pleins d’humanité.
À Dubrovnik, le passé byzantin (IXe-XIIe siècle) a laissé peu de témoignages. La principale influence de l’école byzantine reste l’art des icônes. Peintes sur bois, ces petites représentations à vocation religieuse se caractérisent par l’abondance de tons dorés et le recours aux formes simplifiées et même contraintes. Le musée des Icônes, rattaché à la communauté des Églises orthodoxes serbes, est logé dans un bâtiment vieux de quatre cents ans. Sa collection regroupe des icônes peintes entre le XVe et le XIXe siècle. Ce sont cinq siècles d’art religieux qui sont racontés sur les murs de cette ancienne demeure privée.
Baroque et classicisme
L'évolution des arts à Dubrovnik devient indissociable des tendances qui caractérisent le reste de la Croatie à partir du moment où la cité n'est plus au sommet de sa gloire. À partir du XVIIe et jusqu'au XVIIIe siècle, le baroque se développe en Croatie et l'on assiste à l'apparition de la peinture illusionniste. Un baroque qui s'exprime parfaitement dans l'architecture de Dubrovnik, reconstruite après le tremblement de terre de 1667. Le début du classicisme se situe au XIXe siècle, suivi par l'apparition du style Biedermaier, propre à l'Autriche et à l'Empire austro-hongrois. Le représentant de la période est le croate Vjekoslav Karas. Dans la deuxième moitié de ce siècle, on assiste à l'apparition de la peinture historique, étroitement liée au renouveau de la conscience nationale (Quiquerez, Mašić, Iveković) et notamment Mato Medović (1857-1920). Cet artiste originaire de Pelješac, auteur de la toile historique intitulée L’Arrivée des Croates, finira néanmoins par se consacrer à la peinture littorale dans son village natal.
Modernisme de Vlaho Bukovac
Vlaho Bukovac (1855-1922) représente les nouvelles tendances de la peinture croate de la deuxième moitié du XXe siècle. Né à Cavtat, le peintre croate se forme à Paris, dans l’atelier de Cabanel, puis enseigne à Prague. Son style d’abord académique évolue vers le postimpressionnisme. En 1882, sa Grande Iza fait sensation au Salon parisien. Sa toile La Femme monténégrine est également remarquée. On l'invite outre-Manche où il se rend à plusieurs reprises. Il connaît un succès grandissant à la fin des années 1880. Il est invité à la Biennale de Venise en 1897 et trois ans plus tard à l'Exposition universelle de Paris en 1900. Bukovac s'éloigne de l'académisme de ses maîtres pour suivre la voie des impressionnistes et des modernistes. Il participe à des ateliers avec l'école de Fontainebleau. En 1893, Bukovac regagne la Croatie, et sera un des membres les plus éminents de l'école multicolore de Zagreb. Il fonde également la Société des artistes croates. De 1898 à 1903, il travaille dans son atelier de Cavtat, à la recherche de nouvelles solutions chromatiques. Nommé par la suite professeur à l’École des beaux-arts de Prague, il y introduit le pointillisme.
Pilier de la renaissance picturale dubrovnikoise, il est l’un des créateurs de la Zagrebačka šarena škola (école multicolore de Zagreb) et influence la formation de la sécession croate (Čikoš-Sesija, Crnčić). On pourra visiter la maison natale de Vlaho Bukovac (Kuca Bukovac) à Cavtat.
Renouveau du XXe siècle
Au XXe siècle, la Croatie suit les courants artistiques européens. Les instigateurs du modernisme croate sont des peintres éduqués à Munich (Račić, Kraljević, Becić). Les œuvres d'Ivan Meštrović, artiste croate renommé, datent de cette période.
Le musée d’Art Moderne ou MOMAD présente les artistes croates de la fin du XIXe siècle aux environs de 1970, à quelques encablures de la porte Pile. Quelques artistes internationaux sont également représentés dans cette collection de trois mille œuvres. Paysages et portraits réalistes des personnalités marquantes de la région sont les thèmes dominants. On y retrouve Vlaho Bukovac, mais aussi Josip Račić (1885-1908). Ce peintre de génie, mort à 23 ans, séjourne à Paris quelque temps en 1908. Son tableau le plus célèbre est Le Pont des Arts.
Le sculpteur Ivan Meštrović (1883-1962), fréquente l'atelier de Bilinić à Split, expose à Vienne avant de se rendre à Paris en 1908-1909. Il se lie d'amitié avec Rodin. Ses sculptures ont été exposées à deux reprises au musée Rodin. Plusieurs de ses œuvres ornent la région de Dubrovnik. On lui doit notamment la statue de saint Blaise de la porte Pile ou Vrata od Pila, ainsi que le mausolée de la famille Račić à Cavtat.
Dans l'entre-deux-guerres, la Croatie connaît un développement de l’expressionnisme et du cubisme (Tartaglia, Šulentić, Gecan). Après la guerre, l'école de l'art naïf est fondée à Hlebine. Au début des années 1950, on assiste au développement des tendances abstraites.
Art contemporain
Vers 1960 débute l'époque de la « seconde avant-garde ». La peinture locale renaît sous l'impulsion de quelques-uns de ces nouveaux maîtres qui s’inscrivent dans la continuité de Bukovac, notamment le trio d’artistes contemporains Dulčić (1916-1975), Masle (1919-1967) et Pulitika (1922-2006), tous originaires de la région de Dubrovnik, qui se sont inspirés des paysages et motifs locaux et dont certaines œuvres sont visibles à la Galerie Dulčić-Masle-Pulitika.
Les peintures ensoleillées de Pulitika ressemblent quelque peu à des dessins d’enfant, simples et touchants. Pulitika a recours au bleu dans de très nombreuses créations picturales. Dans son Stradun (1972), le blanc des pavés semble éclabousser le reste de la toile. L'artiste a également peint plusieurs nus féminins sur fond de paysage dalmate. La peinture de Masle, légèrement plus abstraite, est en outre très colorée et fait appel à des figures simples. Les bateaux du vieux port de Dubrovnik tanguent au pied des remparts dans Gradska luka (1967).
Ivo Dulčić est né à Dubrovnik en 1916, issu d'une famille de Hvar. C'est l’une des personnalités qui ont le plus influencé la peinture croate de la deuxième moitié du XXe siècle. Fortement empreint de patriotisme, de la conscience du changement, de l'amour pour son peuple, d'humanisme et de catholicisme, Dulčić est l'auteur de vitraux ornant l'église Saint-Blaise ou Crkva Sv. Vlaha à Dubrovnik. De ses premiers autoportraits en 1942 à sa dernière œuvre, La Cène en 1975 (détruite pendant la guerre de 1991-1995), Dulčić réaffirme son affection pour la liberté et son don pour la couleur. Sa dernière phase artistique le ramène sur le chemin de l’art figuratif et le conduit à produire davantage de vitraux et de mosaïques.
De nos jours
Aujourd'hui, le développement artistique suit les principales tendances mondiales. À Dubrovnik, quelques initiatives originales sont à signaler comme le musée War Photo Limited. Ce lieu se consacre à la photographie qui témoigne avec réalisme des conflits armés dans le monde.
La culture Street Art s’épanouit même si le cœur historique de la ville n’est pas son terrain de jeu privilégié. Les Croates Lunar et Lonac ont formé le premier tandem d’art urbain. Ensemble, ils ont réalisé une longue fresque à Mokosica sur le thème de Star Wars, la saga en partie tournée dans la région. Sur les murs de l’école du quartier, on reconnaît le style de Lunar au chat rêveur qui est devenu sa signature. À côté de lui, son père-chat en tenue de pilote joue avec un X-Wing. Lonac se reconnaît à son trait hyperréaliste. Cette joyeuse collaboration donnera peut-être la tendance…