Le Moyen Âge, de Byzance à Giotto
Au Moyen Âge, Byzance inspire les peintres primitifs florentins. Également sous influence byzantine, avec ses icônes et ses dorures, Cimabue (1272-1302) trouve cependant un style personnel qui marquera l’art italien avec des crucifix peints en tempera et en or sur bois, aux déhanchés particulièrement sensuels. On peut en voir un exemple bien connu au Musée de l’Œuvre de Santa Croce de Florence.
Sculpteurs toscans, Nicola Pisano et son fils Giovanni sont les deux figures fondamentales du gothique italien. Le rôle essentiel de leur travail s’inscrit toujours dans la tradition de cette « Bible des pauvres ». Il s’agit d’illustrer la Parole divine. Ils se réfèrent à la sculpture antique, et annoncent ainsi un geste caractéristique de la Renaissance. On leur doit principalement la chaire de la cathédrale de Sienne (1265), à laquelle collabora Arnolfo di Cambio, ou encore la magnifique fontana della Piazza (1278) de Pérouse.
Giotto (vers 1265-1337) est le meilleur représentant de la modernité de l’époque. Il a notamment peint une œuvre de jeunesse, déjà affranchie du style byzantin, dans la basilique de Santa Croce. Au sein de cet édifice, il dédie la chapelle Peruzzi à ses commanditaires, les Bardi, une puissante famille de banquiers et de commerçants florentins, et retrace la vie de saint François dans la chapelle Bardi, la mieux conservée. Après avoir voyagé en Italie, désigné par la ville chef des travaux de construction de la Municipalité et de l’œuvre du Dôme, Giotto dessine les plans et les bas-reliefs du campanile de Florence, exécutés par Andrea Pisano (1290-1348), qui lui succède dans ses fonctions après sa mort, à Florence même.
La Renaissance florentine et toscane
Au Quattrocento, Masaccio (1401-1428) est un génie précoce qui s’installe à Florence à l’âge de 15 ans et impose très rapidement son style. Il est notamment le premier à utiliser la perspective découverte par Brunelleschi, comme dans La Trinité de Santa Maria Novella ou dans sa célèbre Vierge à l’Enfant. Ce qui impressionne chez ce jeune peintre mort à 27 ans, c’est l’inquiétude qui transparaît dans les visages et les regards. Sa personnalité et ses trouvailles de mise en scène ont inspiré nombre de grands artistes des siècles suivants, parmi lesquels Léonard de Vinci ou Michel-Ange.
Contemporain de Masaccio, Guido di Pietro (1395 environ-1455) dit Fra Angelico, littéralement le « frère des anges », également surnommé le « peintre des anges », est né près de Florence et dédie une partie de sa vie au couvent San Domenico de Fiesole où il devient moine. Dès ses premières œuvres, sa peinture se distingue par ses architectures gothiques, un trait précis, des espaces clairement délimités, ses anges blonds et ses thèmes bibliques. Il a travaillé à l’époque pour le couvent San Marco dont la restauration est financée par Cosme de Médicis. À Florence, il est actuellement exposé aux Offices et Le Jugement dernier, peint vers 1431, se trouve au musée San Marco. Il a été béatifié par le pape Jean-Paul II en 1982.
En sculpture comme en architecture, Brunelleschi (1377-1446) joua avec Lorenzo Ghiberti (1378-1455) un rôle de transition vers la Renaissance. On doit à ce dernier, l’un des plus grands orfèvres de son temps, la porte nord du baptistère et la Porte du Paradis (1425-1452) à Florence, d’un raffinement exceptionnel, tranchant avec le travail abrupt du Moyen Âge.
Mais la figure incontournable de l’époque, génie et précurseur visionnaire, est, sans conteste, Donatello (1386-1466). Il a su interpréter de manière radicale le style gothique pour ouvrir la voie de la Renaissance. De son vrai nom Donato di Betto Bardi, il naît et vit à Florence, où ses premiers travaux voient le jour vers 1408. Il intègre dans ses tableaux la mythologie antique ou l’hagiographie, et s’illustre aussi bien dans des scènes religieuses que dans le portrait. Nombre de ses œuvres sont des classiques, comme son David en bronze, au musée Bargello de Florence, ou sa Marie-Madeleine, sculptée à la fin de sa vie, à voir au Museo dell’Opera del Duomo.
La géométrie devient, avec Paolo Ucello (1397-1475) et Piero Della Francesca (1415-1492), le centre des préoccupations picturales. Piero, monument inclassable de l’histoire de l’art occidental, d’une grande modernité, impressionnera Picasso et tout le XXe siècle. Féru de mathématiques, les formes et les couleurs de ses fresques d’Arezzo annoncent l’abstraction. La précision effarante, le silence étrange, la lumière irréelle (de rêve ou de cauchemar) qui imprègnent ses peintures frappent d’admiration les plus grands cinéastes, tels Fellini ou Tarkovski, qui lui rend hommage dans Nostalghia, réalisé en 1983, lors de son exil à Florence.
De toute la Renaissance humaniste, Leonardo da Vinci (1452-1519), né à Vinci, près de Florence, a le plus marqué. Son apport à l’art pictural aurait probablement suffi à le faire entrer dans l’histoire, malgré un nombre relativement réduit de tableaux, dont de nombreux détruits, disparus ou irrémédiablement abîmés. Outre l’artiste génial que l’on connaît, il fut un ingénieur (notamment militaire) révolutionnaire : il inventa notamment l’hélicoptère et le char. L’artiste apprend les bases de son art ainsi que ses premières notions de science à l’atelier de Verrocchio, à Florence, à partir de 1469. De cette première période toscane, on retiendra de sa production L’Adoration des Mages et La Vierge aux Rochers. Après quelques périples en Italie, il est de retour à Florence au début du XVIe siècle. C’est là qu’il peint la Joconde, l’un des plus célèbres tableaux de l’histoire de la peinture et une étape essentielle dans l’art du portrait avec l’effacement du contour par le procédé du sfumato.
Sandro Filipepi Botticelli (1445-1510) est également aujourd’hui un des peintres les plus connus de la Renaissance. Mais il a fallu attendre le XIXe siècle pour qu’il soit redécouvert. En effet, après avoir fréquenté les philosophes humanistes néoplatoniciens de l’époque et que les Médicis en aient fait leur peintre officiel, à la fin de sa vie, il décide malheureusement de renier son œuvre dont il apporte quelques tableaux à brûler sur le bûcher du prêtre intégriste Savonarole. Il meurt dans la misère. L’Adoration des Mages, La Naissance de Vénus, Le Printemps ont fort heureusement été conservés : on les trouve à la Galerie des Offices à Florence. Botticelli a également illustré La Divine comédie de Dante.
Au début du Cinquecento, les peintures religieuses de Fra Bartolomeo (1472-1517), malgré un fond souvent sombre, dénotent un caractère sobre et solennel. Ce peintre florentin a été un disciple zélé de Savonarole et était convaincu du mystère de la foi qu’il a maintes fois représenté. On trouvera ses œuvres en de nombreux lieux toscans, musées et édifices religieux : cathédrales et musée de Lucca, galerie de l’Académie à Florence.
Raffaello Sanzio, dit Raphaël (1483-1520), est né à Urbino. Autre monument de l’histoire de l’art, il est souvent comparé à Mozart, pour son génie précoce et sa courte vie. Après avoir étudié à Pérouse, il s’installe à Florence pendant quatre années. Il est alors âgé de 21 ans. Léonard de Vinci le reçoit dans son atelier et il étudie Michel-Ange. Il peint alors plusieurs Madones et se perfectionne dans son art. La majeure partie de ses œuvres à Florence se trouvent aux Offices, dont un autoportrait réalisé entre 1504 et 1506 et la Madone dans la prairie, qui tient un livre ouvert, preuve de son humanisme, peinte entre 1506 et 1507, tandis que la galerie du Palazzo Pitti conserve La Donna gravida (femme enceinte).
Michel-Ange (1475-1564) disait qu’il ne s’agissait pas, pour l’artiste, de « créer, mais de laisser se dévoiler la beauté dans le marbre nu ». Sculpteur et peintre, mais aussi poète ou architecte, il fait son apprentissage dans l’atelier des Ghirlandaio, puis avec Bertoldo di Giovanni, dans les jardins du palais des Médicis. Il découvre ainsi la statuaire antique, dont la famille possède une abondante collection, et s’assure la protection de Laurent le Magnifique. Il fréquente les plus grands esprits de l’époque et est notamment séduit par les idées de Platon, alors fort commentées. Michel-Ange est bouleversé par la mort de son protecteur et abhorre les prédications de Savonarole. Il s’enfuit à Bologne, puis à Rome. C’est là que l’artiste mûrit et bouscule déjà les idées reçues avec la Pietà de la basilique Saint-Pierre. On lui reconnaît (à juste titre) toutes les qualités : la perfection technique et l’inspiration heureuse, l’énergie et la précision anatomique. Il navigue ensuite entre Rome et Florence, travaillant pour les plus grands (les Médicis à Florence et les papes à Rome) et semant les chefs-d’œuvre les uns après les autres : le David ou la Sagrestia Nuova, chapelle funéraire des Médicis à Florence.
Autre figure de sculpteur majeure de l’époque, mais quelque peu éclipsée par Michel-Ange : Benvenuto Cellini (1500-1571), dont le fougueux Persée orne la piazza della Signoria à Florence. Ce Florentin a marqué son temps par la qualité de ses travaux, mais aussi par le récit de sa vie mouvementée et passionnée (La Vita), fidèlement transcrite par son assistant et qui inspira un opéra à Hector Berlioz. Il est célèbre fort jeune puisque, à 20 ans à peine, il reçoit une commande du pape Clément VIII et s’installe à Rome. On lui doit de nombreux bronzes (de François Ier par exemple) et de remarquables portraits.
L’héritage de la Renaissance est écrasant à Florence et hormis Pierre de Cortone (1596-1669) et Luca Giordano auxquels on doit les fresques des palazzi Pitti et Medici, Ludovico Cardi, Il Cigoli (1559-1613), reste le peintre le plus inventif de l’époque. Et en sculpture, l'un des rares à sortir du lot au XVIIIe siècle est Antonio Canova (1757-1822), favori des Bonaparte.
Des Macchiaioli au street art
Au XIXe siècle, les peintres toscans, en particulier Giovanni Fattori, Silvestro Lega et Telemaco Signorini trouvent une voie nouvelle pour la peinture, le mouvement Macchiaioli qui s’étend dans toute l’Italie. Ils combattent l’académisme, refusent les sujets traditionnels et historiques et proposent un naturalisme qui n’a rien à envier à l’impressionnisme auquel ils furent assimilés.
Élève de la Scuola Libera di Nudo de l’Accademia di Belle Arti à Florence dirigée par Fattori, Amedeo Modigliani (1884-1920), enfant de Livourne et exilé à Paris, reste sans conteste le grand nom de la peinture toscane du XXe siècle, libéré de la Renaissance et acteur original et marquant de la modernité.
L’art italien du XXe siècle est exposé au Museo Novecento de Florence. La collection permanente présente de nombreux artistes florentins ou toscans, dont Gino Severini, Ottone Rosai, Vinicio Berti, Gualtiero Nativi, Mario Nigro, Alberto Moretti, Lorenzo Viani, Venturino Venturi ou encore Alberto Magnelli. Outre le parcours permanent du musée, les expositions temporaires enrichissent l’activité du musée. Certaines expositions et des projets spéciaux sont centrés sur des artistes nés ou basés en Toscane. Par exemple, au cours de l’année 2019, le musée a exposé des œuvres et des installations spécifiques de Maurizio Nannucci, Remo Salvadori, Paolo Masi, Marco Bagnoli et Luciano Caruso, entre autres. Parmi les expositions temporaires, celle consacrée au dessin a accueilli une sélection d’œuvres des Toscans Massimo Bartolini, Emanuele Becheri, Chiara Camoni, Antonio Catelani, Giulia Cenci, Daniela De Lorenzo, Carlo Guaita, Paolo Meoni, notamment.
Également conservée au Museo Novecento, l’œuvre de Marino Marini (1901-1980), né à Pistoia, en Toscane, ami et collaborateur de Stravinski ou Henry Miller, a été regroupée dans le musée Marino Marini qui lui est consacré, et on trouve à Pistoia un centre de documentation sur ses œuvres.
Au XXIe siècle, on peut évoquer Sandro Chia (né en 1946 à Florence), peintre et sculpteur, protagoniste du mouvement Trans-avant-garde italien apparu dans les années 1970. Et pour goûter à une programmation internationale d’art ancien et contemporain, fondée en 2006, le Palazzo Strozzi est un symbole de la Renaissance florentine, un centre culturel de renommée internationale et un espace d’exposition temporaire majeur de Florence. Son programme culturel comprend également une exposition permanente sur le palais lui-même et un café. La cour accueille des concerts, des performances, des installations d’art contemporain et des spectacles théâtraux.
Le street art, quant à lui, fait discrètement ses apparitions dans la ville grâce aux panneaux de signalisation détournés de Clet Abraham ou encore au graffeur à la mode Blub. Regardez bien, vous serez bel et bien en plein cœur de l’activisme toscan.