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Quelques vestiges antiques

Au début de l’Antiquité, le territoire qui correspond à l’Algarve actuelle était parsemé de petits villages ibères et celtiques. Quelques ruines dans les bourgades de l’Algarve témoignent encore de nos jours de cette première présence humaine sur le territoire portugais. Pour les amateurs d’archéologie et d’Histoire, il ne faut pas manquer les vestiges néolithiques d’Anta da Pedra do Alagar no Ameixial (Loulé) et de l’Anta das Pedras Altas à Cachopo (Tavira).

Les Romains laissèrent à la Lusitanie – province de l’extrême Sud-Ouest de la péninsule Ibérique, fondée par Auguste – leur langue, mais aussi leur architecture. À la fin de l’époque antique et au début du Moyen Âge, temples, ponts, maisons seigneuriales, aqueducs, théâtres et amphithéâtres dominaient les paysages urbains. La majorité de ces monuments ont disparu avec le temps, mais quelques ruines comme à Milreu près d’Estoi rappellent ce faste déchu.

L’architecture mauresque et l’habitat traditionnel

Contrairement au reste de l’Europe, la péninsule ibérique et particulièrement le Portugal restent peu affectés par l’art roman, qui n’y connaît donc que peu d’essor. En revanche, le pays, sous domination maure à l’époque (711-1249), se voit marqué à jamais par l’influence d’une architecture profondément musulmane.

De toutes les régions du Portugal, l’Algarve est très certainement celle qui a vu son architecture la plus largement marquée par l’occupation mauresque. Outre les forteresses de l’époque, les petites maisons aux murs blancs et aux cheminées dentelées peuplent de nombreux villages. Belle illustration à Cacela Velha à l’est de Tavira.

Les maisons traditionnelles de l’Algarve sont peintes en blanc et recouvertes d’un toit plat ou légèrement incliné. La forme rectangulaire contraste avec le portant de certaines portes ou des couloirs. On pourrait parfois très clairement se croire dans des villages du nord du Maghreb. Ces maisons traditionnelles se déclinent généralement sous un même schéma : carrée, peinte à la chaux avec des franges et moulures colorées sur le frontispice dans des tons bleus. Les cheminées sont souvent ornées et les toits font office de terrasse.

En revanche, elles connaissent quelques variantes insoupçonnées. Ainsi, la forme des toits n’est pas toujours la même, parfois plat, comme dans les maisons “cubes” de Olhão ou en croupe (à quatre côtés), à Faro et à Tavira. Cette forme de toit inspirée de l’architecture extrême-orientale est très bien adaptée au climat du Sud du Portugal, permettant une circulation rafraîchissante de l’air ambiant. On trouve encore ces toits caractéristiques dans trois quartiers de Faro : Bairro da Vila-Adentro, Bairro Ribeirinho et le quartier mauresque, Bairro da Mouraria.

Par ailleurs, la forme des cheminées varie-t-elle : en forme de prisme, de carré, de cylindre ou encore de rectangle, il y en a pour tous les goûts ! Elles sont aussi le signe le plus remarquable de l’occupation mauresque sur l’habitat séculaire. Véritables marqueurs sociaux, les cheminées étaient plus ou moins ouvragées en fonction de la richesse du propriétaire. Généralement blanches, on peut en trouver certaines ocres et même bleu. C’est dans les terres, à Martinlongo ou Monchique, que l’on observe les plus beaux exemples.

Royaume relativement prospère après la victoire définitive sur les musulmans au XIIIe siècle, l’Algarve a connu une première effervescence des arts aux XIVe et XVe siècles, avec des réalisations architecturales majeures construites en style gothique. Dès le départ des Maures de Faro, en 1249, une cathédrale de style gothique s’élève sur le même emplacement où se tenaient la mosquée, elle-même bâtie sur les fondations d’un temple romain. Il s’agit de la Cathédrale de Faro (1251).

L’emprise manuéline

À cheval entre le gothique et les temps modernes, l’époque manuéline offre sans doute l’esthétique la plus spécifiquement portugaise qui vit naître parmi les plus beaux monuments du patrimoine culturel européen. Même s’il tient son nom du roi Manuel Ier (1495-1521), c’est à un architecte d’origine française, Diogo Boytac (1460-1528), que l’on doit le premier édifice manuélin : le cloître du monastère de Batalha (Estremadura). Ce style est une évolution du gothique vers une forme ornementale à mi-chemin du baroque, qu’il préfigure. Le style manuélin propose un mélange de genres assez insolite : les piliers ne sont plus droits, mais en spirales, les moulures des portes et des fenêtres sont ornées de motifs de cordages, d’ancres, de globes terrestres, de fleurs exotiques et, surtout, de la croix du Christ. Ce style, marqué par les détails évoquant la passion de la mer et la prospérité du pays (de la découverte des Amériques aux débuts de la traite d’esclaves), va disparaître à la mort du roi Manuel Ier. En Algarve, on trouve quelques exemples de ce mouvement dont l’église du Carmel de Faro, dont les tours clochers caractéristiques sont ornées de coquillages, et les pilastres qui encadrent la porte sont torsadés, dans la plus pure expression manuéline. Ce style qui fleurit à travers tout l’empire maritime se retrouve à l’identique aux Açores. Devant l’église du Carmel, on retrouve les mêmes motifs dans le pavage noir et blanc qui se déploient dans toutes les villes portugaises, tel un marquage au sol pour désigner le pays.

La Renaissance quant à elle ne laissa que peu de traces au Portugal, et qui plus est dans la région, du fait tout d’abord de l’emprise manuéline durant la première moitié du XVIe siècle, mais aussi car les idéaux humanistes qui l’inspirèrent étaient absents de ce pays marqué du fer rouge de l’Inquisition.

Assez logiquement, le baroque succéda au style manuélin. Le terme « baroque » vient d’ailleurs du terme portugais barroco (rocher côtier aux formes irrégulières) dans la seconde partie du XVIe siècle. Il faut donc s’attendre à de nombreux monuments de ce style lors de votre visite. En effet, nombreuses sont les églises construites à des époques antérieures qui ont été rénovées dans le style baroque quand celui-ci était la norme. À signaler, la superbe chapelle de São Lourenço à Almancil, ou les églises de Santo António à Lagos ou de la Misericórdia à Monchique. C’est également à cette époque que les carreaux de faïence bleus et blancs, les fameux azulejos, entrèrent dans les mœurs architecturales.

Architecture moderne et contemporaine

Au cours du XIXe siècle, les crises économiques et politiques successives n’ont permis que peu de réalisations architecturales majeures. À la fin de ce siècle, la bourgeoisie montante tomba sous le charme du mouvement Art nouveau. Comme à Vienne, Paris ou Bruxelles, des édifices de ce style virent le jour à travers tout le Portugal. Nombreuses sont les maisons à être recouvertes par endroits (cheminées essentiellement) de motifs géométriques ou floraux, comme c’est le cas à Luz de Tavira.

Au cours du XXe siècle, les grands projets urbanistiques ont été souvent commandités par les régimes autoritaires. L’Algarve a alors été assez largement oubliée. Ce n’est qu’à travers le tourisme à partir milieu des années 1970 que la région a opéré sa mutation architecturale, pour le meilleur et souvent pour le pire. Ainsi toute la zone côtière s’étalant de Faro à Lagos s’est urbanisée à outrance, et essentiellement pour des équipements touristiques (hôtels et villas).

On peut cependant citer un exemple d’architecture très original du début du XXe siècle, l’Ecoteca de Olhão, le Musée João Lúcio dédié à la pêche. La géométrie de ses escaliers extérieurs et de son plan est pour le moins déroutante, bien que l’intérieur soit empreint de l’héritage mauresque.