11000 - 3200 av. J.-C.
Les premiers peuplements
Les premiers habitants arrivent en terres péruviennes à la fin de la glaciation wisconsienne (XIe siècle av. J.-C.) comme chasseurs-cueilleurs propres à l'aire du lithique. De cette première civilisation demeurent les peintures rupestres de Toquepala (près de Moquegua) ou de Lauricocha (région de Huanuco) qui ne sont pas sans rappeler celles, peintes à la même époque, de Lascaux ou d'Altamira.
Leurs descendants développent l'horticulture : semer et récolter. Puis le coton pousse et l'on brave l'océan sur de frêles embarcations de roseau (totora) pour pêcher. Enfin ce grand saut dans la modernité culmine avec l'élevage des camélidés dont on consomme la chair et tisse la laine.
3200 - 1800 av. J.-C.
La plus ancienne civilisation d'Amérique : Caral
Témoin de la plus ancienne civilisation d'Amérique, le site archéologique de Caral est l'équivalent au Pérou des pyramides d'Égypte et est inscrit au patrimoine mondial de l'Unesco depuis 2009. Cette civilisation, vivant de l'agriculture et de la pêche, laisse sa marque avec six pyramides au milieu d'un désert aride presque blanc. La plus imposante s'élève à 18 mètres. Cette civilisation fondatrice permet que s'échelonne la complexité sociale et culturelle des peuples de la région qui finalement donnera naissance au Pérou.
1200 - 200 av. J.-C.
Dans les Andes, les premiers rassembleurs : la culture chavín
Chavín est une société très avancée et hiérarchisée qui s'étend sur toute la côte Nord et jusqu'au lac Titicaca. La maîtrise de l'eau lui permet un développement spectaculaire dont jouit une caste politico-religieuse trônant au sommet de la pyramide sociale. De cette culture, subsiste le grandiose temple de Chavín de Huántar, situé dans le département d'Ancash, avec ses terrasses, ses escaliers, ses sculptures et ses masques de pierre représentant des êtres fantastiques. Inscrit au patrimoine culturel de l'humanité de l'Unesco depuis 1985. On retrouve l'influence chavín sur la côte Nord, près de Casma, dans le beau temple de Sechín aux murs gravés d'énigmatiques scènes de carnage.
700 av. J.-C.- 400 apr. J.-C.
Sur la côte, les débuts du génie textile : la culture paracas
Cette civilisation se distingue par ses pièces textiles aujourd'hui exposées dans les musées d'Ica ou dans le très documenté Musée Amano à Lima Miraflores. Ces tissus de coton avec des applications de fils de laine représentent principalement des êtres fantastiques, ainsi que des animaux et des hommes stylisés, dans une harmonie de tons époustouflante. À l'époque déjà, on enterre ses morts, momifiés dans des fardeaux de coton, dans des nécropoles du désert côtier. On pratique aussi la trépanation. La déformation du cerveau (plane, oblique ou droite) témoigne d'une parfaite maîtrise de l'opération, sans doute peaufinée au cours des siècles.
100 av. J.-C.- 800 apr. J.-C..
Les premiers ingénieurs : la culture nazca
Bien que confinée sur la côte, à 400 km au sud de Lima, cette culture influence les autres peuples jusque dans la sierra, à Ayacucho. Leur grande connaissance de l'hydrographie permet aux ingénieurs de l'époque de construire dans le désert un réseau de canaux souterrains en pierre, toujours utilisé aujourd'hui et de développer la culture intensive du maïs et du coton. Les aqueducs de Cantalloc qui s'enfoncent dans la terre sèche et désertique de Nazca en sont un témoignage.
La céramique nazca est d'une richesse chromatique trouvant son pendant dans celle des tissus paracas. Les huacos (poteries) représentent des êtres fantastiques de la mythologie (monstres à cent pattes, serpents bicéphales, têtes trophées…), sur toute leur surface, ce qui les rend facilement identifiables.
C'est le mystère des Lignes de Nazca qui a fait bien évidemment la renommée de cette culture visionnaire. Les lignes tracées dans la pampa San José constituent l'une des énigmes majeures de notre temps. Elles furent découvertes en 1939 par un universitaire des États-Unis, Paul Kosok.
Elles se présentent sous la forme d'un réseau dense de figures zoomorphes (araignée, singe, lézard, colibri, chien, baleine…) et géométriques (spirales, triangles, parallèles), que leur taille (de 15 à 300 m de longueur pour les figures, 10 km pour certaines lignes) ne rend visibles que du ciel.
D'après les analyses de céramiques trouvées sur le plateau, cette œuvre gigantesque aurait vu le jour entre 300 av. J.-C. et 800 de notre ère. Maria Reiche a consacré sa vie à décrypter leurs symboles et significations.
100 av. J.-C.- 800 apr. J.-C.
Le temps des esthètes du Nord : la culture mochica ou moché
Née dans la vallée du río Moche, près de Trujillo, elle s'étend ensuite jusqu’à Piura au nord et Lima au sud. La culture moché ou mochica est l’une des plus remarquables de l’ancien Pérou en matière d’architecture, de céramique et d’orfèvrerie. La précision des scènes qu'elles soient gravées sur les murs ou reproduites sur les céramiques est époustouflante et nous plonge dans un univers peuplé d'êtres magiques, d'exploits, de soumission et de sacrifices qui se déroulent littéralement sous nos yeux.
Le plus bel exemple de son savoir-faire architectural nous est donné par les Huacas del Sol et de la Luna, dans les environs de Trujillo, de forme pyramidale et construits entièrement en adobe. Les célèbres huacos érotiques, exposés au musée Larco Herrera de Lima, sont d’origine mochica, comme l’est le Señor de Sipán, découvert en 1987 et qui représente l’une des trouvailles les plus importantes du Pérou antique. Dans sa tombe un travail d'une finesse extraordinaire quant aux métaux et pierres précieuses. Ils sont exposés avec une très belle mise en lumière et en perspective au Museo Tumbas Reales situé à Lambayeque. Les musées du nord comptent parmi les plus modernes du pays et on regrette qu'ils soient encore si peu nombreux.
600-1200
Les premiers conquérants des Andes : la culture wari
Ayacucho est le creuset de l'Empire tiwanaku-wari, le plus puissant, entre 900 et 1200, avant l'avènement des Incas. Il règne sur tout le Sud andin et la côte Sud. Paracas et Nazca par exemple sont soumises par l'empire tiwanaku-wari. Au fur et à mesure de leurs conquêtes, les Huaris construisent des cités caractérisées par une architecture monumentale en pierre brute, entourées de hauts murs d'enceinte comme en témoignent les ruines Wari à quelques kilomètres d'Ayacucho.
L'art wari, reprenant celui de Tiahuanaco (issue des pourtours du lac Titicaca, elle a influencé les autres cultures jusqu'en Bolivie et au nord de l'Argentine et du Chili), doit sa notoriété aux sculptures de pierre reproduisant des divinités anthropomorphes. La céramique la plus typique est celle du « kero », verre rituel que reprendront les Incas et qui a subsisté jusqu'à nos jours. On leur doit aussi le premier réseau de chemins qui sera ensuite amplifié pour devenir le Qhapaq Ñan inca.
900 - 1470
Les guerriers des nuages : les Chachapoyas
On pense qu'ils seraient les descendants de migrants venus de la Cordillère adaptés petit à petit à cet environnement amazonien de jungle montagneuse et nuageuse. Ils modifient d'ailleurs radicalement le paysage pour édifier leurs cultures utilisant la technique de la terre brûlée qui perdure encore aujourd'hui. Ils règnent sur environ 400 km2 du río Marañon au río Abiseo où l'on trouve la citadelle du Gran Pajaten, à ce jour encore recouverte de jungle et inaccessible. Une autre de leurs œuvres architecturales est la citadelle de Kuélap, village de huttes rondes en pierres rassemblées et dominant la vallée. On leur doit aussi des sites funéraires impressionnants comme les sarcophages de Karajia ou les 219 momies de la Laguna de los Condores mises à jour en avril 1997 et exposées dans le très beau musée de Leymebamba. De nombreuses falaises ou grottes sont marquées du saut de leurs peintures rupestres dans la vallée de l'Utcubamba. Ces fiers guerriers conquérants d'une géographie de l'impossible cèdent finalement aux conquêtes de Túpac Inca Yupanqui.
1200-1400
Les royaumes des sables : les cultures chimú et lambayeque
Héritier de la culture mochica, l'empire chimú, à son apogée, s'étend de Tumbes jusqu'au nord de Lima, sur environ 1000 km de côte. Jusqu'à sa conquête par les Incas, l'empire connaît un développement harmonieux, grâce, notamment, à l'irrigation assurée par un système de canaux qui capte l'eau dans les Andes. Chan Chán, la capitale, est la plus grande cité de terre du monde. Ses murs d'adobe sont ornés de frises et de bas-reliefs où se multiplient à l'infini les figures géométriques ou d'animaux tels que le poisson. On estime que la plus grande partie des trésors pillés par les conquérants espagnols fut d'origine chimú.
Petite sœur de l'empire chimú : la culture lambayeque ou sican est elle aussi une héritière des Mochicas. L'orfèvrerie de ce peuple est si riche qu'elle influence tout l'ancien Pérou ; les objets en or visibles dans les musées proviennent dans leur quasi-totalité de la région occupée par les Chimú et les Lambayeque. On doit à ces derniers le couteau de sacrifice, le tumi, si caractéristique avec sa lame en demi-lune en or ou en cuivre, dont la garde est constituée par la figure de Naylamp, demi-dieu masqué présentant au dos deux petites ailes. Situé à 35 km au nord de Chiclayo, le site de Tucume aussi appelé Vallée des pyramides (il y en a 26), réunit les influences successives des cultures lambayeque (1000 apr. J.-C.), chimú (1365 apr. J.-C.) et inca (1471 apr. J.-C.)
1200 à 1300
Au sud, les Incas s'éveillent
Manco Cápac, premier souverain Inca, né – d'après la légende – sur les rives du lac Titicaca, fonde Cusco pour en faire la capitale de son territoire. Les deux monarques suivants, Sinchi Roca et Lloque Yupanqui, soumettent de petits royaumes indépendants.
1300 à 1400
Le territoire inca renforce sa position dans toute la vallée de Cusco avec quatre souverains semi-légendaires. Mayta Cápac est un grand guerrier. Il soumet les Kollas et instaure le système des quipus. Cápac Yupanqui soumet les hardis Omasuyus (au nord de La Paz, en Bolivie) et vainc les redoutables armées de Macha, qui deviendront par la suite les soldats les plus redoutés de l'empire. Inca Roca crée les écoles de la noblesse et fait adopter la langue quechua comme langue officielle de l'empire. Yahuar Huacac a rapidement disparu.
1400-1438
Règne de Wiracocha
Maître de la vallée de Cuzco, il entame une période d'expansion dans la cordillère des Andes. Il pousse sa conquête jusqu'à l'actuel Tucumán (Argentine). C'est aussi à lui qu'on doit le palais de Nustas, ainsi qu'un canal long de 600 km à Huancavelica (Pérou). En 1438, il connaît cependant une cinglante défaite contre l'un de ses peuples, les Chancas.
1438-1471
Pachacútec, le bâtisseur
On situe le début de l'expansion des Incas sous le règne de Pachacútec (ou Pacha Kutiy Inqa Yupanki en quechua « celui qui transforme le monde »), qui soumit les peuples voisins après s'être défait des redoutables Chancas d'Ayacucho. À partir de cette victoire, les Incas vont entreprendre de fulgurantes conquêtes qui amèneront les frontières de l'empire jusqu'en Colombie, au nord et, au sud, à la moitié du Chili et de l'Argentine actuels. Érigeant un empire nommé Tahuantinsuyu, ils réorganisent l'administration des villes conquises. Son règne voit la construction de temples et palais à Cusco, ainsi que la cité de Machu Picchu.
1471-1493
Tupac Yupanqui, fils de Pachacutec, étend l'empire jusqu'à l'actuel Équateur et pénètre jusqu'au río Maure, dans l'actuel Chili. Il fait construire l'imposante forteresse de Saqsayhuaman pour protéger Cusco d'éventuelles invasions. Militaire audacieux et grand constructeur, il règne pendant près d'un demi-siècle.
1493-1526
Sous le règne de Huayna Cápac, l'empire est à l'apogée de son expansion territoriale : 900 000 km2 qui s'étendent du río Ancasmayo, en Colombie, jusqu'au désert de l'Atacama, au Chili. Il a consacré 17 années à la conquête totale de l'Équateur. Il conquiert Quito et se marie avec la fille du souverain vaincu, Cachas. De leur union naîtra Atau Wallpa (plus connu sous le nom d'Atahualpa). Huayna Cápac est averti de la présence des Espagnols sur les côtes du Nord, en même temps que des épidémies et des tremblements de terre s'abattent sur le royaume : la menace gronde.
1528
Mort de Huayna Cápac et débuts d'une guerre fratricide
L'empereur meurt de la variole, maladie virale introduite sur le territoire par les Européens. Son décès déclenche une guerre de succession entre ses deux fils, Atahualpa et Huáscar. Huáscar est soutenu par la noblesse de Cusco, dont il est issu par sa mère, tandis qu'Atahualpa a l'appui de celle de Quito (capitale actuelle de l'Équateur dont sa mère est originaire). Pendant ce temps, Pizarro rentre en Espagne pour demander à Charles Quint de financer une nouvelle expédition chez les Incas.
1532
Arrivée des conquistadores espagnols
C'est en 1532 que les Espagnols débarquent à Tumbes. Attirés par l'or et l'argent, Pizarro et Almagro se dirigent vers Cajamarca via le Qhapaq Ñan (le Chemin del Inca de la sierra). Ils étaient accompagnés de 168 hommes, 37 chevaux et 4 canons. À ce moment, Atahualpa vient de soumettre les troupes de Huáscar à Huanacopampa, ce dernier ayant été fait prisonnier. Les Espagnols profitent de la guerre civile au sein de l'empire pour faire alliance avec quatre royaumes (huanca, chanca, canari et chachapoya).
16 novembre 1532
La chute d'Atahualpa
Pizarro installe ses canons tout autour des collines de Cajamarca. Atahualpa, fils du Soleil, riche d'une nombreuse armée, ne se méfie pas. Lorsque l'Inca est soigneusement pris au piège, Pizarro émet un signal qui scelle à jamais le destin du monde. La confusion et la surprise sont totales, les Incas n'offrent pas grande résistance, Atahualpa est fait prisonnier. Le Tahuantinsuyo est mort un 16 novembre 1532.
26 juillet 1533
Alors que Pizarro lui avait promis la vie sauve en échange de beaucoup d'or, l'Inca est jugé, condamné et étranglé. Atahualpa s'était déjà chargé lui-même, depuis sa captivité, de faire exécuter son frère Huascar. Le « cuarto del rescate », où l'Inca a réuni deux fois de l'argent et une fois d'or jusqu'à hauteur de son bras levé, n'a pas suffi à le sauver. Le total du butin atteint 1 326 439 pesos d'or, 171 conquistadores seulement (le père Valverde, 65 cavaliers et 105 fantassins) se le partagent.
14 novembre 1533
Pizarro, Soto et Almagro pénètrent sans résistance aucune dans la légendaire Cusco. Un jeune noble de la cité est placé à la tête de l'empire, Manco Inca.
18 janvier 1535
Pizarro fonde la Ciudad de los Reyes, la Cité des rois, qui deviendra la ville de Lima.
1538-1541
Les Conquistadores règlent leurs comptes
Au cours de l'année 1538, Pizarro fait exécuter Almagro qui revendiquait le titre de gouverneur de Cusco. Le fils d'Almagro assassine Pizarro dans sa demeure à Lima un 26 juin 1541. Devenu maître de Cusco, ce dernier est défait un an plus tard par l'armée de Cristóbal Vaca de Castro, ancien allié de Pizarro.
1542
Naissance de la Vice-Royauté du Pérou
Afin de mettre un terme aux querelles intestines entre conquistadors, l'Espagne impose sa loi en créant le Pérou. Cette colonie s'étend de l'isthme de Panamá à la Patagonie.
1570
Le nouveau vice-roi du Pérou, Francisco de Toledo, met en place la mita, un travail forcé pour tous les Indiens âgés de 15 à 50 ans. Le système perdure jusqu'à son abolition définitive, en 1812, à Cadix. Les indigènes, évangélisés par la force, sont privés de leurs croyances et coutumes. Les maladies, apportées par les conquistadores et inconnues jusqu'ici, déciment des populations entières. Regorgeant de minerais et de métaux précieux, l'empire inca se transforme en un champ d'extraction intensif des richesses naturelles. Les mines d'or et d'argent travaillent à plein régime, expédiant vers la métropole des galions bourrés de lingots et de trésors pillés. Potosí, aujourd'hui en Bolivie, fournit l'argent, Huancavelica, le mercure.
1571-1572
Túpac Amaru, l'un des fils de Manco Cápac II, reprend le combat de son défunt père contre les Espagnols à Vilcabamba. Capturé par Francisco de Toledo, il est exécuté sur la place principale de Cusco.
1570-1821
Le Pérou aux temps de la Vice-Royauté
Dès le XVIIe siècle apparaissent de nouveaux acteurs sociaux : les métis, issus de mariages mixtes ou de viols, et les Noirs venus d'Afrique en qualité d'esclaves. Ces derniers construisent les villes de la côte, Lima notamment, et c'est dans ces régions que vivent aujourd'hui leurs descendants. Les latifundos, grandes propriétés rurales, fonctionnent selon un mode semi-féodal esclavagiste. En 1777, le roi d'Espagne Charles III augmente les impôts et les droits de douane. Les populations indiennes, métisses et noires sont interdites d'accès à des postes dans la fonction publique. Ces mesures rencontrent un fort sentiment d'opposition. La population native, décimée, est passée d'environ 6 millions en 1500 à 1,5 million soixante ans plus tard et quelques 700 000 à l'aube du XIXe siècle.
1780-1781
L'échec de Túpac Amaru II
Fruits des injustices et cruautés des colons, en novembre 1780 éclate la dernière grande révolte inca. Túpac Amaru II prétend être le descendant direct de Túpac Amaru, dernier empereur inca de Vilcabamba. Il lance une «Grande Rébellion» contre l'occupant espagnol et réclame, entre autres, la fin de l'exploitation des Indiens et l'abolition de l'esclavage des Noirs. Le 18 mai 1781, Túpac Amaru II, ainsi que sa famille et ses partisans, sont torturés puis décapités sur la place d'Armes de Cusco.
28 juillet 1821
Proclamation de l'indépendance du Pérou. Au début du XIXe siècle, toute l'Amérique latine se souleva contre l'Espagne, et les pays accédèrent à l'indépendance. La révolte fut cette fois-ci le fait des Créoles et non plus des seuls indigènes. Au Pérou, place forte sur le continent des souverains espagnols, la liberté fut arrachée par les armées patriotiques commandées, au sud, par le général San Martín, promoteur de l'indépendance argentine et, au nord, par les troupes de Simón Bolívar, père de l'émancipation de la Grande-Colombie (Venezuela, Panama, Équateur et actuelle Colombie). Proclamée le 28 juillet 1821, l'indépendance du Pérou devint effective après la victoire d'Ayacucho, en 1824.
9 décembre 1824
L'armée royaliste espagnole capitule après sa défaite à Ayacucho contre le général vénézuélien Simón Bolívar. C'est la fin de la vice-royauté du Pérou et le début de l'indépendance des pays d'Amérique du Sud.
1840-1932
L'exploitation commerciale du salpêtre et surtout du guano permet à une poignée de propriétaires de s'enrichir et au pays de s'équiper en infrastructures. Un système commercial et bancaire se met dès lors en place, sous influence britannique. C'est également au cours de cette période que le maréchal Castilla met fin à l'esclavage le 3 décembre 1854. 100 000 Chinois émigrent vers le Nouveau Monde de 1850 à 1875, nouvelle main d'œuvre. L'expansion économique qui a marqué le début du XXe siècle a un prix : une société inégalitaire d'où sont rejetés métis et indigènes. Tous les pouvoirs sont centralisés à Lima, ce qui provoque une rivalité qui perdure jusqu'à aujourd'hui entre gens de la cordillère et de la côte, et entre Blancs, métis et indigènes. Augusto Leguía assure la présidence de 1919 à 1930, son nom est souvent associé à l'entrée du Pérou dans la modernité.
1879-1883
Guerre du Pacifique : bien qu'allié à la Bolivie, le Pérou est vaincu par le Chili.
1940-1980
Dictatures et généraux aux commandes
Se succèdent les dictatures de Manuel Odria (1948-1956), Fernando Belaúnde Terry (1963-1969) puis des généraux Velasco Alvarado (1968-1975) et enfin Francisco Morales Bermúdez (1975-1980).
Les idées de planification et de bien-être social dispensées par l'État, telles qu'elles se mettaient en pratique dans les pays de l'Est, animent le mouvement des généraux qui, autour du général Velasco Alvarado, déposent le président Belaúnde Terry en 1968. Le gouvernement de Velasco Alvarado, qualifié de « révolutionnaire », cherche à se dégager des modèles communistes et capitalistes. Il entreprend immédiatement de nationaliser le pétrole, puis les secteurs économiques stratégiques comme la sidérurgie et les mines, et met en place la réforme agraire, expropriant les grands latifundios pour y installer des coopératives. Non aligné et proche de l'URSS, le Pérou de Velasco se trouve en butte à l'hostilité des États-Unis. Le général Francisco Morales Bermúdez prend le relais. L'urbanisation s'accélère doublée du phénomène de "marginalisation" des nouveaux migrants dans des bidonvilles ou pueblos jóvenes qui existent toujours aujourd'hui.
1980
Entrée en scène du Sentier lumineux
Le 17 mai 1980 à Chuschi, dans la région d'Ayacucho, un petit groupe brûle les listes électorales et les urnes. Le Sentier lumineux vient de faire son entrée sur la scène politique. Les élections portent au pouvoir, pour la deuxième fois, Fernando Belaúnde Terry. La crise économique s'accentue de pair avec la violence due au terrorisme du Sentier lumineux.
28 juillet 1985
Alan García Pérez, âgé de 35 ans, accède à la présidence du pays avec 53 % des voix : l'APRA (Alliance populaire révolutionnaire américaine) réalise un rêve vieux de soixante ans. De grandes espérances se réveillent… jusqu'à ce que la crise ne reprenne. L'inflation se remet à galoper, les finances publiques à accumuler les déficits. En 1988, l'inflation est de 1 789 %, elle est de 2 777 % l'année suivante. Le Sentier lumineux commence à frapper hors de ses fiefs andins, Lima connaît l'angoisse des attentats. On prend enfin la mesure d'un conflit qui terrorisait jusque-là les populations de l'intérieur acculées entre la guérilla et la répression armée.
1990
Arrivée au pouvoir de Fujimori
Un fils d'émigrés japonais, Alberto Fujimori, crée une énorme surprise aux élections de 1990 en battant Vargas Llosa, soutenu par le FREDEMO (Front démocratique) où figuraient tous les partis libéraux. Il applique, dès son arrivée au palais présidentiel, une thérapie de choc, privatisant les entreprises, taillant dans les budgets sociaux, augmentant les impôts des classes intermédiaires, payant les dettes du Pérou au FMI, tout en menant une guerre sans merci aux groupes armés révolutionnaires. L'inflation, qui avait atteint 7 600 %, commence à baisser. |
1992-2000
Alberto Fujimori, s'appuyant sur les militaires, déclenche un coup d'État civil en avril 1992, dissout le Congrès et s'attribue les pleins pouvoirs pour « lutter contre le terrorisme ». En 1993, le Pérou adopte une nouvelle Constitution et revient sur la scène internationale.
Porté par les plus pauvres, Alberto Fujimori bat, à l'élection de 1995, un poids lourd de la politique mondiale : Javier Pérez de Cuéllar, ex-secrétaire de l'ONU.
Septembre 2000
En septembre 2000, éclate « l'affaire Montesinos », une incroyable épopée de cassettes vidéo enregistrées tandis que de hauts dignitaires recevaient des pots-de-vin pour favoriser certaines entreprises. Fujimori démissionne par fax depuis le Japon et s'empresse de reprendre la nationalité japonaise, devenant ainsi intouchable pour la justice péruvienne. Lui succède Valentin Paniagua comme intérimaire.
Juin 2001-2006
Toledo, el cholo sano y sagrado
Élection du premier président indigène, Alejandro Toledo. Il s'est notamment illustré via une « résistance pacifique » contre le troisième mandat du gouvernement Fujimori. Le 28 juillet 2000, il marche en tête de la protestation nationale appelée La Marcha de los Cuatro Suyos. Même s'il mène une politique économique solide et ouvre le Pérou au libre-échange, des rumeurs de corruption et une vie personnelle chaotique concluent son mandat avec une popularité de 8 %. Son épouse belge, Eliane Karp, l'a toujours soutenu et lui a même trouvé son surnom de "cholo sano y sagrado". Depuis février 2017 sous le coup d'un mandat d'arrêt international, il est extradé vers le Pérou en 2023 et enfin condamné en octobre 2024, à 78 ans, à 20 ans et 6 mois de prison pour versement de pots de vin par la société Odebrecht.
Novembre 2005
Après 5 ans d'exil, Alberto Fujimori est arrêté au Chili. Il est condamné le 7 avril 2009 à 25 ans de prison par le Tribunal de Lima pour : violation des Droits de l'Homme (au cours de sa présidence), détournement de fonds pour l'affaire Montesinos (7 ans) ainsi que corruption (de députés d'opposition, de journalistes) et écoutes illégales (d'opposants et autres personnages politiques, 6 ans).
Juin 2006
Alan García remporte l'élection présidentielle. Malgré la grave crise économique dans laquelle il avait plongé le pays lors de son premier mandat entre 1985 et 1990, il est réélu et conduit une politique plus pragmatique.
Juin 2011-2016
L'espoir Humala
Le président socialiste Ollanta Humala s'impose largement au 2e tour de l'élection présidentielle face à Keiko Fujimori (fille du dictateur déchu). En 2013, avec 2 ans d'avance, le Pérou a atteint les objectifs fixés par les Nations unies concernant la réduction du taux de mortalité infantile et du seuil de pauvreté dans le pays. Des mesures sociales voient le jour comme Pension 65 (minimum vieillesse), l'augmentation du salaire minimum ou des programmes de bourses (Beca 18). Malheureusement des affaires de corruption entachent toute la fin de son mandat. Ollanta Humala et sa femme, Nadine Heredia, passent plusieurs mois en prison préventive dans le cadre du scandale Odebrecht. Le procès reste à venir. Humala s'est malgré tout présenté en 2021.
5 juin 2016
Pedro Pablo Kuczynski, politicien avisé et ancien banquier de Wall Street, remporte d'un cheveu l'élection présidentielle, mais se retrouve assez vite bloqué par un Congrès à grande majorité fujimoriste. Au 1er tour de l'élection présidentielle, Keiko Fujimori était arrivée largement en tête avec 39,7 % des voix. Belle surprise, la 3e place de Verónika Mendoza qui représente le Frente Amplio, une espèce de front de gauche. De mère française et père péruvien, cette cusquénienne convaincue bouscule un paysage politique figé mais ne réussit pas à confirmer en 2021.
Juillet 2017
Odebrecht, un scandale de corruption inégalé
Le scandale qui a valu une condamnation à neuf ans et demi de prison à l'ex-président Lula au Brésil éclabousse toute la classe politique. Odebrecht est une entreprise de construction brésilienne qui versait des pots-de-vin en échange de contrats publics dans de nombreux pays d'Amérique latine. Toledo, le couple Humala, Alan Garcia et bientôt PPK lui-même sont mis en cause. Avant que ne tombe aussi Keiko Fujimori.
24 décembre 2017
Le président Pedro Pablo Kuczynski gracie Alberto Fujimori pour essayer de sauver sa présidence. Le 20 février 2018, l'ancien dictateur est renvoyé devant un tribunal pour des faits liés au meurtre de six villageois en 1992. Le 3 octobre 2018, le juge Hugo Nuñez annule la grâce qui lui avait été accordée en 2017 et ordonne son arrestation immédiate. Il est hospitalisé dans la foulée. Le 24 janvier 2019, il est réincarcéré dans des conditions spéciales liées à sa santé fragile. Le 6 décembre 2023, le tribunal constitutionnel du Pérou permet sa libération pour résider au domicile de sa fille, Keiko. Dans la foulée, le Congrès approuve une loi qui prescrit les crimes de lèse-humanité commis avant 2022.
21 mars 2018
Entrée en scène de Martin Vizcarra
PPK renonce à la présidence suite aux pressions du Congrès en majorité fujimoriste. Il est depuis le 19 avril 2019 en prison préventive, sentence qui est exercée à domicile en raison de sa santé fragile.
Le vice-président Martin Vizcarra prend les rênes du pouvoir et entre en guerre frontale contre le Congrès pour tenter d'imposer des réformes de fond. Vizcarra, moins connu sur la scène politique, essaie de se revendiquer comme la voix du peuple fatigué de la corruption. La crise de la Covid sert plutôt sa communication au départ.
17 avril 2019
La sortie théâtrale d'Alan García
Le deux fois ex-président Alan García, mis en accusation dans le scandale Odebrecht, se tire une balle dans la tête à l'étage de son domicile au moment même où les équipes du ministère public venaient l'arrêter. Son parti, l'APRA, lui offre des funérailles de martyr. À 69 ans, García tire sa révérence avec panache : « je laisse en héritage à mes enfants la dignité de mes décisions, à mes compagnons un signal d'orgueil et à mes adversaires mon cadavre comme une marque de mépris... ».
30 septembre 2019
Le président Martín Vizcarra dissout le Congrès de la République pour déni de fait d'une question de confiance.
Janvier 2020
Des élections législatives extraordinaires aboutissent à la formation du nouveau congrès chargé d'achever la législature jusqu'au 26 juillet 2021. Les résultats laissent une certaine amertume. Fuerza Popular (parti fujimoriste) perd sa place de leader mais le FREPAP (mouvement évangéliste radical) fait son apparition avec 15 élus.
5 mars 2020
1er cas de Covid détecté au Pérou, le 16 mars, les frontières ferment. L'État d'urgence est décrété, couplé à une immobilisation stricte qui durera jusqu'au 1er juillet 2020, soit 107 jours. Les écoles sont fermées et l'enseignement est proposé sous forme virtuelle. Il n'a repris finalement qu'à la rentrée scolaire en mars 2022, privant de nombreux enfants de deux années entières de scolarité normale et creusant la brèche inégalitaire. Malgré tout, le 27 août 2020, l'OMS annonce que le Pérou est le pays avec la mortalité par habitant la plus élevée au monde due à la Covid-19. Un Système de santé trop faible, une précarité économique, une promiscuité incontournable, les raisons se conjuguent pour expliquer les plus de 200 000 morts aux quatre coins du pays.
9 novembre 2020
Le Congrès décrète la vacance du président Martín Vizcarra pour incapacité morale permanente. Soupçonné de corruption lorsqu'il exerçait sa charge de gouverneur régional de Moquegua, il est le quatrième président à quitter son poste depuis le début de la République.
10-15 novembre 2020
La colère du peuple
La destitution de Vizcarra de la part d'un Congrès tout aussi corrompu provoque des manifestations immenses à Lima et dans d'autres grandes villes. Le 10 novembre, Manuel Merino jure comme Président de la République, les manifestations font 112 blessés et deux morts, deux étudiants, Inti et Brian. Le 15 novembre, Merino renonce.
17 novembre 2020
Francisco Sagasti entre en scène avec une image de réconciliateur et de probité. Son gouvernement signe les accords pour l'arrivée du vaccin sur le territoire national, générant une vraie bouffée d'espoir, alors qu'on apprend que 487 hauts fonctionnaires (dont l'ex-président Vizcarra) ont été vaccinés en secret. Sagasti respecte sa promesse de mener à bien les élections présidentielles du 11 avril 2021, même si beaucoup auraient aimé qu'il reste face à un scénario peu réjouissant.
Mars 2021
Un procès s'ouvre concernant la politique de stérilisation forcée pratiquée dans les années 1990 sous les gouvernements de Fujimori. Aucun des responsables de ces pratiques n'a jusqu'alors été condamné. On estime que les indigènes seraient 270 000 concernés.
28 juillet 2021
Pedro Pablo Castillo, instituteur et syndicaliste originaire de Cajamarca, remporte sur le fil l'élection présidentielle. Avec 18 candidats, le 1er tour donne un résultat final que personne n'avait vu venir : un face à face Pedro Castillo/Keiko Fujimori qui rouvre toutes les blessures. Keiko Fujimori a passé 16 mois en détention préventive pour corruption mais a pu sortir pour mener sa campagne, l'héritage lourd de son père a encore pesé. Castillo a gagné les campagnes et le vote populaire voix après voix. Associé au parti marxiste-léniniste Peru Libre, sa victoire suscite l'inquiétude des milieux privilégiés et une hausse du dollar. Avec 37 représentants au Congrès (sur 130), sa majorité est fragile et sujette au jeu des alliances. En novembre 2021, une première motion de vacance est débattue au Congrès pour corruption, trafic d'influences et usage illégal de fonds dans le financement de sa campagne dans la région de Junin. Le bras de fer entre présidentiel et législatif a duré 1 an, discréditant chaque jour davantage la classe politique.
7 décembre 2022
Coup de théâtre et coup d'État, le 7 décembre 2022, Pedro Castillo annonce la dissolution du parlement contre les règles constitutionnelles. Très rapidement lâché par ses ministres et les forces de l'ordre, il sera finalement destitué et arrêté 3 heures plus tard et devra affronter la justice. Sa vice-présidente Dina Boluarte prend donc les rênes du pouvoir avec un discours de réconciliation. C'est la première présidente de l'histoire politique péruvienne. Lors des trente dernières années, seuls deux chefs d'État (intérimaires) n'ont pas été inquiétés par la justice...
2022-2025
Dina Boluarte a su se maintenir au pouvoir malgré une personnalité très contestée. Son entrée à la présidence s'est accompagnée d'un fort mouvement de protestation, plus marqué dans les Andes du Sud de décembre 2022 à février 2023. La répression menée par les forces militaires a entraîné 50 morts, dont 20 directement imputées par les forces de sécurité selon la CIDH (Commission Interaméricaine des Droits de l'Homme). Protégée par son poste et la Constitution jusqu'en juillet 2026, elle a néanmoins dû comparaître en tant que témoin dans le procès ouvert pour "génocide, homicide qualifié et lésions graves".
Elle a aussi dû faire face à des accusations de pots-de-vin dans ce qu'on a appelé l'affaire Rolex, après qu'un média d'investigation en ligne, La Encerrona, a démontré qu'elle avait été vue avec 15 montres de modèles haut de gamme au poignet depuis son entrée en fonction en 2021 en tant que Ministre du Développement et de l'Inclusion. Elle plaide l'acharnement médiatique systématique.
Elle a pu compter sur la totale inefficacité d'un Congrès divisé et corrompu qui multiplie les scandales et contribue à éloigner les citoyens de leurs représentants politiques avec un résigné "Asi, es el Peru!" (C'est comme ça le Pérou!). Les rumeurs de destitution sont fréquentes mais n'ont pas encore pu être menées à bien.
11 septembre 2024
Mort de Alberto Fujimori
Alors que quelques mois avant, il apparaissait avec sa fille comme potentiel futur candidat pour la course à la présidence 2026, Fujimori est finalement décédé dans la nuit du 11 septembre 2024 au domicile de sa fille où il résidait, à l'âge de 86 ans. Il faisait face depuis plusieurs années à un cancer de la langue. La présidence a déclaré trois jours de deuil officiel mais, sans doute lassée des controverses, le pays a assez rapidement tourné la page de celui qui fut sans conteste la plus grande figure politique récente.
Une présidentielle à risque en 2026
Tout ceci augure un panorama bien pessimiste pour les élections de 2026 où pourraient se retrouver en lice Keiko Fujimori (fille de l'ex-président, également suspectée dans différents cas de corruption), encore Rafael Lopez Aliaga (conservateur actuel maire de Lima), Antauro Humala (frère de Ollanta Humala, ex-militaire et partisan des formules choc)... Dans le camp plus modéré et progressiste, on trouve Véronika Mendoza, franco-péruvienne, qui avait réalisé un score honorable en 2016 (3e avec 18,74 % des voix) mais reste pour beaucoup associée à l'extrême-gauche. On peut aussi miser sur Hernando de Soto, économiste bien connu du paysage politique mais qui sera alors âgé de 86 ans. La date du premier tour est fixée au 12 avril 2026 et la prise de pouvoir se fait traditionnellement le 28 juillet.