Architecture vernaculaire
Les Malais, habitants originels de Malaisie, y sont présents depuis le Néolithique. C’est le cas notamment du peuple Dayak, dans la partie malaise de Bornéo, à qui l’on doit les longhouses. Construites en bois et établies sur pilotis – car édifiées sur des marais –, elles peuvent accueillir une centaine de personnes. Outre l’atténuation des effets de l’humidité, les structures sur pilotis permettent de faire circuler l’air sous le logement et ainsi de le rafraîchir. Loin du qualificatif « primitif » qu’on leur accole souvent, ces constructions sont en réalité très sophistiquées, comme en témoigne leur ossature en bois réalisée en poteaux et poutres de bois dur tropical. Les feuillus moyens sont utilisés pour réaliser plancher et cadres de portes et fenêtres. Le toit, à forte pente, est fait de chaume de palme, tandis que les murs sont réalisés en bandes de bambou tissées. À cette structure parfaitement adaptée aux conditions climatiques s’ajoutent des éléments décoratifs en bois sculptés. Les villages ainsi créés portent le nom de kampong. Cette architecture traditionnelle malaise est surtout présente dans les États de Sabah et du Sarawak. À Kuching, ne manquez pas la visite du Village Culturel du Sarawak, qui propose de très belles reconstitutions d’habitats traditionnels. Dans l’État du Negeri Sembilan, les maisons ont une fascinante particularité : leurs structures sont réalisées sans clou, selon la méthode d’assemblage en faisceaux. L’Istana Lama, le vieux palais de Seri Menanti, construit en 1905, en est l’un des plus étonnants exemples. Les kelong, habitations offshore imaginées par les pêcheurs, sont également construites sans clou, le rotin étant privilégié pour lier troncs et planches de bois. Les pilotis de ces maisons, longs de 20 m, sont enfoncés à environ 6 m. D’aspect frêle, ces habitations sont pourtant très résistantes.
Influences chinoises et indiennes
Les Chinois ont laissé une empreinte très forte en Malaisie. Ils ont tout d'abord importé leur architecture traditionnelle, surtout utilisée pour l'édification de temples. Ces constructions rivalisent d'audace et de beauté, mais elles partagent toutes des caractéristiques communes comme une ossature en bois, un toit recourbé aux angles (ou toit en queue de pie), des tuiles colorées, et une abondance ornementale (avec les sculptures en céramique présentes sur les toits et les colonnes sculptées notamment). Le temple Cheng Hoon Teng, à Malacca, est considéré comme l'un des plus anciens et des plus beaux témoins de cette architecture traditionnelle chinoise. Ne manquez pas non plus le temple Khoo Kongsi à George Town, où l'un des clans les plus puissants du pays accueillait les nouveaux immigrants chinois. À cette architecture typiquement chinoise s'ajoute une architecture hybride, mélange de tradition chinoise et d'influence malaise, utilisée par les Chinois pour faciliter leur assimilation. Ces Chinois des détroits, les Baba-Nyonya ou Peranakan, ont imaginé un style que l'on qualifie aujourd'hui de "baroque chinois" ou Renaissance tropicale. À l'architecture chinoise, ce style emprunte les tuiles colorées, les pilastres composites et la richesse décorative. À la tradition malaise, il emprunte les avant-toits et ornements en bois. Ce style est particulièrement visible dans les shophouses, ces maisons-boutiques très colorées dont la richesse ornementale traduit celle de son propriétaire. La boutique se trouve en rez-de-chaussée, les logements aux étages supérieurs. Leur entrée est souvent constituée de doubles portes : des portes battantes vers l'extérieur permettant aux portes intérieures de rester ouvertes et donc de ventiler l'habitation qui dispose également de plusieurs cours intérieures. Penang et Malacca en conservent de très beaux exemples.
Tout comme les Chinois, les Indiens ont importé leurs croyances et systèmes architecturaux pour l'édification de leurs temples. Ces derniers s'organisent autour d'un sanctuaire où se trouve la statue de la divinité célébrée. Il faut d'abord passer un porche avant d'accéder au sanctuaire qui est recouvert et protégé d'une tour très largement décorée de sculptures. En fonction de la taille du temple, des salles de prière peuvent s'ajouter sur le chemin menant au sanctuaire et un couloir de déambulation peut être créé autour du cœur. Les temples hindous sont souvent protégés par une enceinte extérieure. Le Temple Sri Maha Mariamman de Kuala Lumpur, avec ses ornements d'or, ses motifs peints à la main et ses étonnantes sculptures, est l'un des plus beaux du pays. Construit en 1873, il s'est vu ajouter sa superbe tour, Raja Gopuram, en 1968. Les grottes de Batu, avec leur grotte-cathédrale et leurs sanctuaires richement décorés, comptent parmi les plus grands sanctuaires hindous hors d'Inde. À côté de cette architecture hindoue, un autre style s'est développé, importé par la communauté sikh, et caractérisé par la sobre beauté de ses lignes et l'emploi de dômes en oignons, d'arcs polylobés, de fresques et de marqueterie. Un style lui-même très inspiré de l'art moghol développé à l'apogée de l'expansion musulmane en Inde et que l'on retrouve dans certaines mosquées. Les mosquées mogholes sont le plus souvent en grès rouge ou en marbre blanc, et sont organisées autour d'une salle de prière sous coupole et d'une grande cour auxquelles sont accolées des salles de prières voûtées et surmontées, elles aussi, de coupoles. La plus ancienne mosquée de Malaisie, la mosquée Masjid Jamek de Kuala Lumpur, construite en 1909, est directement inspirée de cet art moghol.
Styles occidentaux
Convoitée par les marchands du monde entier, la Malaisie porte, aujourd'hui encore, l'empreinte des colons occidentaux. C'est particulièrement le cas à Malacca, cité mythique et plaque tournante du commerce fondée au XVe siècle. Ce sont les Portugais qui l'ont d'abord conquise. Alfonso de Albuquerque y fit construire une forteresse en 1511, le Fort A'Famosa. Aujourd'hui, n'en reste pour seul vestige que la Porte de Santiago. Autre vestige de la présence portugaise : les ruines de l'église Saint-Paul, édifiée en 1521. Puis au XVIIe siècle, ce sont les Hollandais qui s'y installèrent. La Place Hollandaise de la ville garde d'importants témoins de cette présence, à commencer par le Stadthuys, ou Hôtel de Ville, y imposant sa stature massive et rouge écarlate. Il s'agit d'un des plus vieux bâtiments hollandais en Orient. Autre témoin de taille : Christ Church, construite en 1753 avec des briques directement importées du Zeeland. Mais c'est bien sûr la présence britannique qui marqua le plus durablement le pays. C'est sous leur impulsion que le pays se dote de routes, ponts et voies de chemin de fer. Et c'est aussi aux Britanniques que le pays doit ses extravagantes constructions occidentales, à l'image du bâtiment Sultan Abdul Samad, l'un des plus vieux édifices de Kuala Lumpur. Avec ses dômes de cuivre, sa tour de 41 m – réplique orientale de Big Ben –, et ses fenêtres en arche, il est difficile de le rater. Autre fantaisie britannique : le Royal Selangor Club, ensemble de cottages à colombages imaginés dans le plus pur style Tudor. Si les Britanniques ont très largement plébiscité les styles néoclassique et palladien, alors en vogue en Grande-Bretagne, et caractérisés par le recours aux canons classiques (symétrie, proportions harmonieuses, colonnes, frontons…), ils n'en ont pas moins tenté quelques étonnantes réinterprétations de styles orientaux, comme avec la gare de Kuala Lumpur, sorte de pastiche des palais des rajahs des 1001 nuits. À Kuching, les Brooke, famille de légende – intronisée première dynastie de rajahs blancs par l'État du Sarawak en récompense de leur aide dans la lutte contre les rebelles – ont construit deux édifices phares : le Fort Margherita qui domine la cité de son imposante silhouette blanchie à la chaux, et l'Astana, le Palais des Trois Rajahs, qui fait face à la ville. Le palais est un étonnant mélange de styles colonial et médiéval.
Malaisie contemporaine
Face à la pression démographique constante, la Malaisie se lance, dès les années 90, dans d’importantes opérations d’aménagement et d’urbanisme. Pour endiguer la croissance exponentielle des métropoles, Kuala Lumpur en tête, le Premier ministre d’alors imagine une toute nouvelle ville qui sera le centre administratif du gouvernement fédéral. C’est ainsi que Putrajaya naît en 1995. Il s’agit là d’un exemple de capitale totalement planifiée. Le Premier ministre, ardent défenseur d’une « dictature bienveillante », imagine une ville qui doit souligner sa toute-puissance. Il prendra le Paris d’Haussmann et de Napoléon III pour modèle. Putrajaya se caractérise ainsi par de longs et larges boulevards à l’architecture uniforme et par la présence d’un axe central et historique donnant sur Pedrana Putra, les bureaux du Premier ministre. En 2010, la ville se dote de l’incroyable mosquée Tuanku Mizan Zainal Abidin, surnommée la mosquée de Fer. Sa silhouette élégante de verre et d’acier donne l’impression d’un édifice en lévitation. De manière générale, la Malaisie contemporaine offre d’audacieux exemples de réinterprétation de l’architecture islamique comme avec la mosquée flottante de Kuala Terengganu, la mosquée de Malacca Straits bâtie sur une île artificielle ou bien encore la mosquée nationale de Malaisie, Nasjid Negara, dominant Kuala Lumpur de son imposante silhouette en béton surplombée par un dôme en étoile à 18 pointes, symbolisant les 5 piliers de l’Islam et les 13 États de Malaisie. Mais aujourd’hui, la capitale est surtout connue pour sa skyline en perpétuelle évolution. Depuis 1971 et la construction du premier gratte-ciel de la ville, la Bangunan Sime Bank haute de 102 m, la ville s’est dotée de centaines de tours. Les tours jumelles Petronas, imaginées par l’architecte César Pelli en 1998, sont sans doute les plus célèbres de la ville. Hautes de 170 m, ces tours ne sont pas en acier, comme la plupart des gratte-ciel, mais en béton. Une formule unique a été spécialement conçue pour pouvoir résister au poids de ces géantes. Des tours iconiques… mais qui, aujourd’hui encore, sont loin de faire l’unanimité. Face à ces constructions quelque peu standardisées, une nouvelle architecture se fait jour, portée par des personnalités comme Jason Pomeroy et Ken Yeang qui se décrivent tous deux comme des éco-architectes. Pour Jason Pomeroy – à qui l’on doit la Idea House à Shah Alam dans le Selangor ou bien encore les immeubles Windows on the Park, dans le quartier de Cheras à Kuala Lumpur –, il s’agit de revenir aux fondamentaux et de privilégier des structures à l’empreinte énergétique faible, voire nulle. Ardent défenseur de l’urbanisme vertical, il multiplie les jardins et terrasses en hauteur et privilégie ventilation et éclairage naturels. Ken Yeang, cité par le journal The Guardian comme l’une des 50 personnalités pouvant sauver la planète, imagine, lui aussi, des architectures végétales verticales et des systèmes d’immeubles actifs et intelligents pouvant réguler leurs dépenses énergétiques. Sa philosophie se lit notamment dans son immeuble Menara Mesiniaga, à Subang Jaya, dans le Selangor, emblème de l’architecture bioclimatique. Pour faire face à la croissance constante de sa capitale, la Malaisie a lancé un vaste projet intitulé Vision Valley Malaysia couvrant les districts de Seremban et Port Dickson dans le Negeri Sembilan. Ce vaste espace doit accueillir de nouvelles industries et de nouveaux complexes de commerces et d’habitations. Prévu pour 2045, ce projet se veut le lien entre croissance économique et sociale et développement durable… affaire à suivre.
Brunei ou le règne de la monumentalité
Le pays reposant en grande partie sur l’eau, le type de construction le plus répandu est la maison sur pilotis. Les kampong houses sont encore très utilisées, notamment à Kampong Ayer, la partie la plus ancienne de la capitale Bandar Seri Begawan. Mais le petit sultanat est surtout connu pour la monumentalité de ses édifices officiels et religieux, dont la plupart ont été imaginés lors de la période de reconstruction après la Seconde Guerre mondiale. Les mosquées du Brunei comptent parmi les plus impressionnantes de l’Asie du Sud-Est, à commencer par la mosquée du Sultan Omar Ali Saiffudien. Construite en 1958, elle est un mélange de style malais et moghol et fait la part belle à l’ornementation. Autre mosquée emblématique du Brunei : la mosquée Jame’Asr Hassanil Bolkiah, avec ses 29 dômes d’or symbolisant les 29 sultans du Brunei et ses minarets hauts de 52 m. Le Brunei est aussi et surtout connu pour le centre administratif de sa capitale dominé par un palais unique au monde : le palais Nurul Iman, ou palais de la lumière et de la foi. Achevé en 1984, il s’étend sur 20 000 m² et possède 1 788 pièces. Avec ses dômes dorés, ses toits voûtés et sa surcharge décorative, il est une réinterprétation très kitsch des traditions malaises et islamiques. Mais rien n’est trop ostentatoire pour symboliser le pouvoir du sultan.
Escale à Singapour
Tout comme en Malaisie, on retrouve à Singapour l’architecture vernaculaire malaise avec les maisons sur pilotis. Au large de la ville, il est également possible de voir des kelong ou habitations offshore. On retrouve également à Singapour la présence de shophouses chinoises, témoins de la culture Peranakan. Les plus beaux exemples sont à voir dans le quartier Joo Chiat. Mais ces commerces chinois légendaires portent également ici la marque des colons britanniques. En 1822, Sir Thomas Stamford Raffles lance une vaste opération de planification urbaine de la ville. Outre la spécialisation des quartiers et édifices selon leur fonction, il impose également aux shophouses des règles strictes : pas plus de trois étages, présence obligatoire de galeries de déambulation pour protéger les piétons de la chaleur et de la pluie – le fameux five-foot way – et taxes sur la largeur des maisons – ce qui explique leur étroitesse. Les Britanniques ont également laissé d’imposants édifices néoclassiques et palladiens, à commencer par l’Hôtel Raffles, ou bien encore la Cour Suprême de Justice et l’Hôtel de Ville, aujourd’hui transformés pour accueillir la Galerie nationale d’Art. Style peu présent en Malaisie, l’Art déco a fait une percée remarquée à Singapour, avec des édifices comme l’Usine Ford ou l’aéroport de Kallong. À cette décoration travaillée a fait place un modernisme sans âme, très largement utilisé pour les logements sociaux, qui représentent aujourd’hui encore les ¾ des constructions de la ville. À ces constructions standardisées répondent des créations contemporaines étonnantes comme le Complexe Marina Bay Sands et le théâtre de l’Esplanade et surtout les Jardins de la Baie et ses supertrees artificiels. Créés sur des polders, ces jardins illustrent la tendance de la ville à gagner du terrain sur l’eau… c’est ainsi que depuis 1996, elle a augmenté sa superficie de 23 %. Singapour veut aujourd’hui devenir la première ville dans un jardin et, pour ce faire, multiplie les créations durables, comme celles de l’agence WoHa, célèbre pour ses hôtels végétalisés, comme le Parkroyal on Pickering et l’Oasia Downtown Hotel. Singapour n’a pas fini de se transformer !