Entre héritage traditionnel…

Si nous nous en tenons stricto sensu à l'Arabie saoudite telle que nous la connaissons aujourd'hui, il nous faudra retenir la date du 22 septembre 1932 qui assista à sa création officielle. Cela ne fera évidemment en rien oublier la longue histoire de l'Hedjaz, cette région qui abrite les lieux saints que sont La Mecque et Médine, ni l'ancienne tradition littéraire de la péninsule arabique qui vit, depuis au moins le XVIe siècle, s'épanouir la poésie Nabati. Celle-ci succomba la première à la modernité puisqu'il est habituel de faire coïncider le début d'une nouvelle ère avec l'entrée dans le XXe siècle. Faisant suite au conservatisme du XVIIe siècle, où les thèmes abordés étaient essentiellement de nature religieuse, et au Classicisme du XIXe siècle, cette nouvelle période – dite de la créativité – se laissa volontiers porter par les courants occidentaux que sont le Romantisme, le Symbolisme et le Réalisme. Le terrain s'avéra donc fertile comme le confirme le parcours de Mohammed Surour Sabban qui créa la première maison d'édition indépendante de la région et publia le poète moderniste Mohammed Hassan Awwad dès 1925.
Pourtant, déjà se posait la délicate question de l'équilibre entre tradition et modernité, respect des racines et influences étrangères, une problématique au cœur de ce qui est considéré comme le premier roman saoudien, et plus largement de la péninsule arabique, Les Jumeaux (1930) de Abd al-Quddus al-Ansari, né en 1907 à Médine. Comme le laisse entendre le titre, celui-ci campait le destin de deux frères : Rasheed qui connaîtra tous les succès après avoir suivi l'école nationale, Fareed qui sera voué à la déchéance et à l'exil à l'issue de ses études dans une école occidentale. Cette dichotomie affichée sera néanmoins plutôt le symbole d'une méfiance que d'un manque d'ouverture d'esprit puisque, au contraire, en fondant l'un des plus anciens et réputés magazines culturels arabes en 1936, Al-Manhal, Abd al-Quddus al-Ansari ouvrira ses colonnes à nombre d'écrivains amenés à faire une belle carrière littéraire même si leur vie ne fut pas exempte de drames, à l'instar de l'Algérien Ahmad Rida Huhou ou du Saoudien Hamza Chehata, considéré comme l'un des pionniers de la poésie moderne. La découverte du pétrole en 1936 et l'alliance qui s'ensuivit avec les États-Unis ont, dans une certaine mesure, apaisé les tensions, mais n'ont certainement pas résolu l'ambiguïté d'un pays qui, s'il créa des liens économiques avec le reste du monde, décida de vivre replié sur lui-même, comme le prouve l'interdiction qui frappa la pentalogie qu'Abdul Rahman Mounif (1933-2004) consacra à cette époque, et qu'il nous est possible de lire en partie en français aux éditions Sindbad (Actes Sud) avec "Villes de sel : l'errance."

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