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La musique traditionnelle

L’Ouzbékistan a une histoire musicale aussi longue que le manche du dotar, le luth emblématique du pays. Un des premiers épisodes notables est l’apparition à la fin du XVIe siècle du shashmaqom. Commun à l’Ouzbékistan et au Tadjikistan, composé d’éléments similaires à la musique traditionnelle persane, le shashmaqom est un répertoire de quelque 250 pièces instrumentales et vocales. Toutes sont basées sur les maqôm (shashmaqom signifiant « six maqôm ») une organisation d’échelle mélodique différente de nos gammes et articulée autour d’atmosphères ou de sentiments. Exécuté en solo ou par un groupe de chanteurs, le shashmaqom s’accompagne d'un ensemble d’instruments typiques du pays - luths dotâr et tanbur, vièles sato ou ghijak, tambours sur cadre et flûtes – et comprend des interludes de poésie soufie parlée, les ghazel (ou ghazal) communes à tous les pays musulmans orientaux. Turgun Alimatov (1922-2008), figure de proue de la musique ouzbek et grand maître du tanbur, du dotâr et du sato, a interprété avec virtuosité de nombreux shashmaqom durant sa carrière.

Musicien, poète, chanteur – et en fait l’équivalent du barde – les bakhchi ont encore toute leur place dans le paysage musical traditionnel ouzbek. Ces chanteurs de poèmes sont les véhicules des grandes légendes épiques d’Asie centrale. Elles se transmettent de génération en génération, et racontent non seulement des histoires, mais aussi et surtout les traditions, les mythes fondateurs, les gloires locales ou nationales, leur permettant de rester dans les mémoires siècle après siècle. Elles sont chantées et accompagnées par une petite guitare à deux cordes pour la mélodie et un tambourin pour le rythme.

Si elle a traversé une baisse de popularité sous l’ère soviétique – elle était notamment interdite à la radio – la musique folklorique ouzbek a connu un regain d’intérêt dès la chute du mur, et s’entend désormais beaucoup à la télé, la radio et quelquefois sur scène. Pour en trouver à coup sûr, quelques restaurants de Tachkent en proposent quasi quotidiennement, c’est le cas d’Afsona, très agréable, Charchara, une tchaïkhana typique, en bordure du canal Ankhor ou encore de Bahor, beaucoup plus haut de gamme. À noter qu’un disquaire de Samarkand, Babur Sharipov, est une des meilleures adresses du pays pour s’acheter des albums de musique traditionnelle ouzbek.

Musique moderne et populaire

La musique populaire contemporaine ouzbek est largement influencée par la pop guimauve en provenance de Russie. La plupart des tubes viennent d’ailleurs de là. Les chaînes musicales locales en diffusent en boucle avec profusion de clips où des sirènes se dandinent en bikini et des boys bands slaves et musclés exécutent des chorégraphies ringardes. Bref, la pop russe est partout et les équivalents ouzbeks miment son esthétique. C’est le cas des méga-stars locales Sogdiana Fedorinskaïa, Lola Yuldasheva ou encore de Rayhon. D’autres essaient de créer des passerelles entre musique classique ouzbèke et pop comme Sevara Nazarkhan. Mais la star parmi les stars, c’est de loin Yulduz Usmonova. Adulée ou détestée, tout le pays a une opinion à son propos et suit ses frasques avec passion. Sa musique est un mariage entre musique traditionnelle et rythmes pop ou techno, surmontée de sa voix emblématique. Son histoire est celle d’une princesse de contes de fées : née dans une famille très pauvre de Namangan, elle se créa une mauvaise réputation en venant non mariée à Tachkent pour lancer sa carrière. Son succès lui a permis de faire rapidement oublier cet écart de conduite ; elle est aujourd’hui mariée à un riche Ouzbek et a entretenu d’excellents rapports avec l’ancien président Islam Karimov, dont elle est devenue un temps la « chanteuse officielle », assurant la clôture des grands concerts officiels lors de la fête de l’indépendance. Le rêve américain façon ouzbek...

À noter que le rap, venu de Russie, est de plus en plus populaire auprès du public ouzbek, un peu moins des autorités qui, très opposées à cette forme d’expression contestataire, ont stoppé tout développement national du genre. Shohruh est sans doute l’artiste hip hop le plus actif (et écouté) dans le pays.

La musique classique

Connaissant une tradition de musique savante très différente de la nôtre, on trouve assez peu de musique classique – selon notre acception – en Ouzbékistan. Cela dit, sous l’impulsion du président Karimov, le Conservatoire national – et ses trois salles de concert dédiées à la musique classique – ont vu le jour au début des années 2000. Définitivement l’endroit où entendre tout ce que l’Ouzbékistan fait de mieux dans le domaine. Et le pays compte d’ailleurs quelques prodiges qu’il est important de citer. Marchant dans les pas du grand pianiste Yefim Bronfman (désormais citoyen israélien), le jeune virtuose Behzod Abduraimov (1990) envoûte les publics du monde entier par son jeu magique. Tout aussi éblouissant, le jeune chef Aziz Shokhakimov – dirigeant le Tekfen Philharmonic Orchestra d’Istanbul – épate par sa fougue et s’inscrit comme une des baguettes mondiales pleines d’avenir. Pas spécialement réputé pour ses voix lyriques, le pays possède tout de même un lieu dédié, l’Opera Alisher Navoi où assister à des opéras et ballets.

La danse

Les danses traditionnelles ouzbeks racontent toujours une histoire, révélées par l’expressivité des mouvements et des rythmes. Il existe en Ouzbékistan trois grandes écoles de danse appartenant chacune à une région, un des anciens khanats : les danses du Khorezm, de Boukhara et de la vallée de Ferghana. Ces dernières sont classiques et dégagent une grande volupté, de par leurs mouvements fluides tout en courbes. Les danses de Boukhara célèbrent plus la féminité et jouent sur le charme et l’envoûtement via des gestes lents et précis. Ces danses rappellent également que les danseuses de la région de Boukhara étaient celles qui distrayaient l’empereur Tamerlan. Il leur fallait acquérir grâce, style et élégance. Enfin, plus brusques, ardentes et rapides, les danses du Khorezm dégagent une grande vivacité.

Les danseuses ont des bracelets de petits grelots aux poignets et aux chevilles, qui rythment les mouvements et évoquent un temps où les femmes n’avaient pas le droit de danser. Lorsqu’on les surprenait, leurs bras et leurs jambes étaient impitoyablement brisés. Les habits de danse traditionnelle ont été dictés à la fois par l’histoire et par le climat. Le froid du désert de Boukhara explique que les danseuses y soient plus chaudement vêtues qu’ailleurs, alors que la chaleur du Khorezm imposait des robes de coton. Robe et coiffe permettent systématiquement de différencier les origines des danseuses.

L’ensemble national « Bahor » (printemps) est la plus importante formation de danse classique ouzbek. Si l’on a n’a pas l’occasion de la croiser sur scène, Tachkent offre d’autres possibilités d’assister à des représentations de danses folklorique. C’est le cas du Théâtre El Merosi où est joué régulièrement un spectacle à ne manquer sous aucun prétexte. Disposant d’une collection époustouflante de costumes historiques, le lieu les met en scène via défilés entrecoupés de danses. On peut aussi voir des spectacles de danse, tous les soirs en dînant au restaurant Sarbon Appetit.