Architecture de légende
Pendant des millénaires, le Belize se trouva sous le contrôle de la grande civilisation maya. Au sein de leurs puissantes cités-Etats, les Mayas ont développé une monumentale architecture de pierre. Doté d’un sens aigu de l’urbanisme, ils ont imaginé leurs implantations urbaines comme des miroirs des hiérarchies sociales. Ainsi, les cités étaient divisées en deux parties. D’un côté se trouvait le cœur cérémoniel auquel on accédait souvent par une arche et qui concentrait pyramides, palais, temples, jeux de balle, l’ensemble s’organisant autour de grandes aires ou places, à l’image des agoras. Prêtres et hauts dignitaires y résidaient. Le reste de la population résidait plus à l’écart, dans ce que l’on pourrait qualifier de périphéries. Pour son habitat, la population n’utilisait que des matériaux naturels et périssables : des essences fruitières pour réaliser les poutres et poteaux de l’ossature ; du cèdre ou de l’acajou pour créer les portes, fenêtres et encadrements ; des bâtons et branchages reliés entre eux par de la vigne ou de la boue calcaire pour réaliser les murs ; des pierres pour consolider les fondations ; et du chaume pour le toit à deux ou quatre pans toujours très pentus. De nombreux villages, notamment au sud du pays, perpétuent ces traditions et conservent des huttes de bois et de chaume, même si la tôle ondulée et les planches de bois ont également fait leur apparition.
Mais quittons ces « banlieues mayas » pour revenir aux cœurs cérémoniels, lieux de toutes les extravagances. Très abondant au Belize, le calcaire était le matériau de prédilection des Mayas, qui l’utilisaient sous forme de mortier, stuc ou plâtre. Le calcaire était également concassé et brûlé afin d’être transformé en chaux. Les Mayas inventèrent également une sorte de ciment composé de chaux, d’une terre blanche appelée sahcab, et d’eau. Il est tout à fait fascinant de voir comment cette civilisation mit en place des techniques de construction de très grande qualité, notamment en matière de taille et d’emboîtement des blocs calcaire, en n’utilisant que des outils rudimentaires en jade, obsidienne ou silex, des plombs pour les niveaux et la traction humaine et animale. Tous les édifices étaient érigés sur des soubassements de pierre plus ou moins hauts, l’édifice phare étant la grande pyramide, surnommée El Castillo. Là où, chez les Egyptiens, la pyramide était une sépulture, elle est, chez les Mayas, une plateforme sur laquelle on vient ériger un temple ou un sanctuaire, le plaçant ainsi au plus près des dieux. A degrés, ces pyramides possèdent des escaliers à l’impressionnante déclivité et des étagements en terrasse se réduisant progressivement, dans un art consommé des proportions et de la perspective. Les Mayas sont célèbres pour avoir inventé la technique de la fausse voûte consistant en une superposition de pierres liées au mortier qui se chevauchent et finissent par se rejoindre mais sans que la pierre centrale ne joue le rôle de clé de voûte pour soutenir l’ensemble, d’où le nom de fausse voûte ou voûte à encorbellement. Cette technique explique également pourquoi les espaces alors dégagés étaient en réalité exigus, et ce d’autant plus que les murs étaient extrêmement épais. Aujourd’hui, il est difficile de s’imaginer l’extravagance décorative qui régnait au cœur de ces cités dont les temples, palais et pyramides étaient colorés ! Par souci d’homogénéité, les surfaces étaient recouvertes de plâtre, puis peintes à l’aide de pigments minéraux organiques. A cela s’ajoutait un sens inné du décor utilisé dans ce que beaucoup ont appelé « un style épique ». Art du bas-relief, de la mosaïque, de la peinture… les Mayas maîtrisaient tout et ornaient leurs édifices d’étonnants masques de divinités, de mosaïques à motifs géométriques ou de glyphes (signes graphiques). Le site de Caracol peut s’enorgueillir d’abriter la plus haute construction faite de main d’homme du pays, à savoir sa pyramide de 43 m de haut, elle-même surmontée de trois plus petites pyramides. Le site possède également l’une des plus grandes concentrations de sacbés de l’empire maya (70 km). Les sacbés étaient des chemins de pierre surélevés flanqués de murets et recouverts d’un mortier protecteur reliant les grands centres mayas à leurs satellites.
Parmi les autres grands sites mayas, ne manquez pas : Xunantunich, surnommé « la vierge de pierre », avec ses dizaines de temples et palais entourant de vastes cours et son Castillo décoré de superbes fresques de stucs ; Cuello avec ses belles stèles, ses riches tombes et ses vestiges de maisons regroupées autour de cours ; Altun Ha et ses trésors de jade ; ou bien encore Lamanai et sa pyramide aux masques de jaguar et ses superbes stèles gravées ; sans oublier Cahal Pech, l’une des plus anciennes cités mayas du pays et qui abrite d’étonnants bâtiments longs et deux grands jeux de balles. Une civilisation qui continue d’attiser la curiosité des chercheurs, puisqu’en 2022, une équipe d’archéologues a exploré les fonds d’un lagon, sur le site salin de Ta’ab Nuk Na, et y a découvert les traces de vastes bâtiments résidentiels reconnaissables à leurs poteaux de bois que l’eau a étrangement conservés. Ces poteaux sont la preuve de l’existence d’un centre urbain et artisanal où se tenaient des dizaines de huttes de bois et de chaume. Etonnant ! Une architecture naturelle que l’on retrouve chez les Garifunas, peuple issu du métissage entre les esclaves noirs et les peuples autochtones. Leurs maisons traditionnelles étaient faites de bois de palmiers pour l’ossature ; de canne sauvage tressée, troncs et argile pour les panneaux muraux ; et chaume de palme pour les toits à deux pans et pignons. Dans les villages, le dabuyaba était une sorte de grand temple communautaire orienté à l’est avec un grand porche ouvert, et des angles arrondis. Aujourd’hui, les Garifunas privilégient les cabanes en planches de bois colorées et toits en tôle ondulée, sur pilotis ou sur fondation en blocs de ciment.
Entre influences coloniales et caribéennes
A la différence de ses voisins d’Amérique Centrale, le Belize ne possède que très peu de vestiges espagnols. Cependant, la présence de ces colons peut se deviner dans les vestiges d’églises en pierre qu’ils construisirent, aux XVIe et XVIIe siècles, en lieu et place de certains temples sur des sites mayas, notamment à Tipu et Lamanai. Leurs églises avaient alors des allures de huttes autochtones érigées sur des plateformes de pierre, avec des toits de chaume, des murets de pierre et d’argile, et des sculptures et effigies mêlant éléments chrétiens et motifs mayas. Ce sont en réalité les Britanniques qui marquèrent le plus durablement l’île de leur empreinte. Au XVIIe siècle, les premiers colons britanniques s’intéressèrent à l’exploitation du luxueux bois de Mahogany, pour laquelle ils établirent comptoirs et camps de travail. Le Warrie Head Ranch and Lodge traduit la prospérité de cette période avec son superbe mobilier de bois et son musée abritant moulins et machines à vapeur nécessaires à l’exploitation. Ils s’établirent également à Belize City, mais l’expansion de la ville fut lente et contraignante puisqu’il fallut gagner du terrain sur des terres marécageuses. La grande phase d’expansion coloniale se fit surtout au XIXe siècle durant lequel les Britanniques développèrent une architecture coloniale tropicale aux accents éclectiques très victoriens. Tout était fait pour s’adapter au climat du pays, d’où la présence de fondations en brique ou pierre mais souvent ajourées pour créer des vides sanitaires permettant isolation et aération ; de galeries à colonnades et vérandas entourant les maisons ; de persiennes et volets en bois protégeant les fenêtres. Mais à ce côté pratique s’est ajouté un éclectisme tout européen, les grands édifices d’alors rappelant tour à tour des temples grecs aux frontons sculptés et porches à colonnes corinthiennes ou des palais néoclassiques à l’étonnante symétrie. Un éclectisme que l’on retrouve aussi dans les cathédrales et églises, en brique ou en bois, et dont les arcs en plein-cintre, les superbes vitraux, les tours crénelées et les décors de bois rappellent les styles néo-roman et néogothique alors très en vogue sur le continent européen. Pour vous replonger dans cette atmosphère coloniale ô combien pittoresque, c’est à Belize City qu’il faudra vous rendre. Là, vous pourrez découvrir la majestueuse Government House dont l’architecte n’est autre que Sir Christopher Wren, célèbre pour avoir construit la Cathédrale Saint-Paul ou le Palais de Kensington à Londres, et qui dota ce joyau de l’architecture tropicale de bow-windows so british ! Autres joyaux à ne pas manquer : la Great House Inn, un des plus grands édifices coloniaux à la blancheur éclatante ; la Cour Suprême du Belize (en réalité une réplique du bâtiment originel détruit par un incendie en 1918) dont on admire l’élégante tour d’horloge à dôme ; la St. Johns Anglican Cathedral, plus ancienne construction européenne du pays et véritable forteresse de brique ; le très néoclassique Museum of Belize ; la Holy Redeemer Cathedral et son superbe mobilier en bois de Mahogany ; ou bien encore la toute première ambassade des USA avec ses colonnades dignes des grands temples grecs. La présence britannique a également pris des atours plus modernistes, notamment après l’ouragan de 1961 qui dévasta une grande partie de Belize City, poussant les autorités à construire une nouvelle capitale ex-nihilo à Belmopan. Parmi les édifices modernistes les plus intéressants, notons le Bliss Center for Performing Arts, sorte de paquebot s’avançant vers l’océan avec ses jeux de volumes carrés, rectangulaires et arrondis et ses jeux de hauteur, lui conférant une silhouette unique. En parallèle de ces apports européens, le Belize a également vu se développer une architecture d’influences résolument caribéennes. Sur le littoral surtout, vous pourrez ainsi découvrir de pittoresques maisons dont les silhouettes se dressent sur pilotis. En bardeaux ou planches de bois, on les reconnaît également à leurs volets en bois, leurs toits à pignons en saillie créant de petites galeries-vérandas à l’avant et à l’arrière des maisons, ou bien à leurs façades à pans de bois amovibles rappelant des échoppes. Ces maisons possèdent généralement deux chambres et un grand espace ouvert faisant office de salon-cuisine. Leur palette de couleurs variées est une des facettes les plus vibrantes de l’identité du Belize !
Étonnant Belize contemporain
Malgré leur taille modeste, Belmopan et Belize City ont vu se développer des édifices de verre, béton et acier, notamment dans les complexes gouvernementaux de Belmopan et le complexe de la Banque Centrale de Belize City. Malheureusement, ce développement s’est souvent fait au détriment du patrimoine historique dont les plus beaux trésors ont été ajoutés, en 2012, à la liste du World Monuments Watch, programme visant à encourager la protection et la préservation des patrimoines en péril. Plus récemment, ce sont des sites mayas qui y ont été ajoutés, certains, comme Nohmul, ayant été pillés ou détruits pour utiliser les matériaux dans la construction de routes et autres infrastructures modernes. Le Belize prend progressivement la mesure des dangers qui pèsent sur ses richesses et commence à initier des campagnes de restauration et l’on ne peut qu’espérer que cet élan s’inscrira dans le temps, même si le tourisme peut peser négativement dans la balance. Cependant, certaines initiatives ne manquent pas d’originalité, comme le Fort Street Tourism Village à Belize City, sorte de reconstitution contemporaine d’un terminal portuaire avec boutiques et restaurants de béton ou de bois, aux pignons aux formes géométriques et aux couleurs variées et à la grande et agréable promenade en front de mer. Parmi les étonnantes réalisations contemporaines, on peut également noter le Palapa Pineapple sur la charmante île de Caye Caulker. Cette demeure privée prend la forme d’un dôme monolithique (coulé en une seule pièce) de plus de 7 m de diamètre et 12 m de haut et surplombé d’un toit de chaume, lui donnant des allures… d’ananas ! Mais aujourd’hui, tous les yeux sont tournés vers Blackadore Caye, l’île que l’acteur Leonardo DiCaprio acheta en 2005 pour la transformer en un éco-resort unique au monde. Le projet fut de nombreuses fois retardé, mais on parle aujourd’hui d’une ouverture possible en 2023/2024. Travaillant en collaboration avec l’architecte Jason McLennan, fondateur de Living Building Challenge, l’acteur s’est donné pour objectif de créer la première île régénératrice du monde. Victime de la surpêche et de la déforestation, l’île va bénéficier de structures visant à inverser les effets du réchauffement climatique et de l’exploitation humaine. 116 chambres, 68 villas, 48 demeures isolées, un arc de suites flottantes surplombant un réseau de récifs artificiels, spa, restaurant… cette île sera un temple du luxe, mais pensé en collaboration avec des biologistes et des écologues afin de préserver les habitats naturels, replanter des mangroves, réimplanter des espèces naturelles et sanctuariser des zones loin de toutes interventions humaines. Blackadore Caye ou quand Hollywood réinvente l’éco-tourisme !