Arts traditionnels māoris
Les mythes māori sont la clé de voûte de la culture néo-zélandaise. Qu’ils évoquent la naissance des îles et le demi-dieu Maui, le mana ou puissance spirituelle, ils imprègnent jusqu’à l’architecture des lieux publics. A découvrir pour se familiariser avec la vie du premier peuple d'Aotearoa, le site de Waitangi Treaty Grounds, dans le Northland abrite de nombreuses sculptures tribales.
La sculpture est probablement l'art le plus central de la culture māori. Sur bois, os, pounamu (jade) et coquillage, elle complète la transmission orale des légendes.
La sculpture sur bois est interdite aux femmes car on ne mélange pas les forces de vie : les femmes portent la vie, alors que le bois que l'on sculpte est mort.
L'art le plus pratiqué par les femmes sera la vannerie : tressage de paniers et tenues traditionnelles à partir de Harakeke (flax).
Le tatouage a également une place centrale. Le moko (tatouage traditionnel sur le visage) témoigne du statut social et de la puissance de son porteur. Les hommes sont tatoués sur tout le visage, les femmes uniquement sur le menton et le pourtour des lèvres.
Les mêmes motifs sont repris en sculpture, dans l’art du tatouage, de la vannerie ou des panneaux peints. Parmi les plus courants : le tiki, de forme humaine, représente le premier homme ; le manaia, créature à tête d'oiseau, corps humain et parfois queue de poisson, est un messager entre le monde des mortels et celui des esprits ; le koru, spirale d'un brin de fougère nouveau sur le point de se dérouler, symbolise la renaissance, les nouveaux départs, la croissance, la paix et la sérénité ; le hei-matau représente l’hameçon magique du demi-Dieu Maui avec lequel il hissa l'île du Sud hors des eaux.
Ces symboles portés en pendentif fonctionnent comme des bénédictions ; entre autres choses : le tiki est symbole de fertilité, le manaia éloigne le mauvais sort, le koru apporte sérénité, le hei-matau protège son porteur lors de voyages sur l'eau...
Sculptés en pounamu (jade), il est dit que les pendentifs s'imprègnent du mana (aura, pouvoir, essence) du porteur. Ayant vocation à être transmis, ils prennent donc de plus en plus d'importance, d'où leur statut de taonga (trésor).
Premiers peintres
Les artistes britanniques voyageant avec le Capitaine Cook sont les premiers à rapporter des images de la Nouvelle-Zélande en Europe. Ainsi William Hodges (1744-1797) peint le ciel d’orage au large du Cap Stephens en 1776 (A view of Cape Stephens in Cook’s Straits). Elève du peintre académique Richard Wilson, il se spécialise dans le paysage. Mais ses voyages enrichissent son inspiration. La luminosité, la faune et la flore des contrées lointaines élargissent ses horizons.
Robert Nettelton Field (1899 -1987) émigre en 1925 d’Angleterre pour occuper un poste d’enseignant à Dunedin. Il apporte avec lui ce qui est perçu comme avant-gardiste à Londres. Les plus grands plasticiens locaux passent par son atelier, en particulier les maîtres du modernisme Mc Cahon et le potier Barry Brickell.
Naissance de la photo
L’histoire de la photographie néo-zélandaise est retracée au Musée de la Nouvelle-Zélande - Te Papa Tongarewa. Les premières photos servent au XIXe siècle un objectif scientifique ou ethnologique. Le studio des frères Burton, basé à Dunedin, concentre toute la photographie au XIXe siècle. Leurs négatifs, rachetés par le musée, couvrent tous les genres, des vues urbaines à la vie dans les villages māoris.
Il faut attendre 1920 pour trouver les premières expérimentations esthétiques comme celles d’Harry Moult. Ce dernier forme en 1924 le Wellington Camera Circle, le premier groupe à s’intéresser à la photo artistique en Nouvelle-Zélande. C’est lors d’un voyage au Royaume-Uni qu’il fait imprimer ses premiers négatifs. Ces tirages seront exposés à son retour, à Wellington, en 1930. La qualité technique et esthétique de ses paysages est très appréciée.
Spencer Digby ouvre le premier studio de portraits photographiques. Il prendra en apprentissage John Brian Brake (1927-1988), futur grand photographe international. Parmi ses célèbres photos, celle de Picasso assistant à une corrida, ou une série prise en Inde durant la mousson qui sera publiée par des magazines tels que Paris Match et Life.
Modernisme
Les trois figures du modernisme sont Colin John McCahon (1919-1987), Toss Woollaston (1910-1998) et Rita Angus (1908-1970).
McCahon est sensibilisé à l’art par son grand-père, le photographe et peintre William Ferrier. Sa première exposition se déroule dès 1939 à l’Otago Art Society. Dès ses débuts, il se concentre sur la peinture religieuse. Il développe une tendance expressionniste dans l’atelier de Robert Nettelton Field.
Après-guerre, il épouse la peintre Ann Hamblett et s’installe à Christchurch. L’artiste parfait sa maîtrise technique dans les salles de la National Gallery of Victoria, le plus ancien musée australien, situé à Melbourne. McCahon a pu y recopier des œuvres de Rembrandt, Rubens ou Véronèse. En voyage aux Etats-Unis, il peut admirer Pollock, Rothko ou encore Mondrian qui influenceront son évolution.
Le succès arrive dans les années 1960, et s’accompagne d’une forte productivité. En 1972, l’Auckland Art Gallery lui consacre une rétrospective.
McCahon marque les esprits pour ses paysages inspirés des écrits du géologue Charles Cotton et pour ses textes religieux tracés sur de grands tableaux. Par ces thématiques, il participe à la définition d’une identité nationale visuelle. Un musée et une résidence d’artistes ont été aménagés dans la maison de McCahon à Titirangi.
Le peintre Toss Woollaston, autre élève de Robert Nettelton Field, s’inspire des panoramas de la côte ouest pour expérimenter le modernisme. Il pratique par ailleurs l’écriture, notamment la poésie.
Rita Angus
L’artiste Rita Angus s’illustre dans les genres du portrait et du paysage. Elle suit une formation classique, axée sur l’art médiéval et la Renaissance. Elle signe indifféremment Rita Cook ou R. McKenzie. On observe parmi ses influences le cubisme mais aussi le style byzantin. Elle habite un temps à Christchurch, à côté du peintre Leo Vernon Bensemann. Leur adresse s’impose rapidement comme le cœur battant de la création. Les montagnes lui inspirent ses tableaux les plus connus comme Cass, peint en 1936, élu le tableau préféré de la Nouvelle-Zélande en 2006 ! Quantité de portraits empreints de psychologie, dont près de 60 autoportraits participent à sa notoriété. Elle réalise aussi des œuvres publiques comme la fresque de Napier Girls’High School, en hommage aux victimes du séisme de 1931.
Suite à son emménagement à Wellington, elle prend cette région pour modèle. Des troubles mentaux la frappent à la fin des années 1940. Le Te Papa Tongarewa organise une rétrospective en 2008 Rita Angus : Life and Vision, à l’occasion du centenaire de l’artiste chérie du pays.
Figures de l’art contemporain
De son vrai nom Hone Papita Raukura Hotere ONZ, Ralph Hotere est né en 1931 à Mitimiti et décédé en 2013 à Dunedin. Peintre et sculpteur provocateur, il occupe un rôle majeur sur la scène contemporaine. Après des études au Royaume-Uni, il séjourne en France où, en 1960, il montre pour la première fois ses peintures minimalistes. Il voyage à travers l’Europe au moment où se développent le Pop art et l’Op Art. Il rentre en Nouvelle-Zélande en 1965. Dès lors, les références à la poésie apparaissent dans ses œuvres picturales.
Tout au long de sa carrière, Hotere exprime dans ses toiles sombres son point de vue sur la vie politique et sociale. Sa plus célèbre série, Black Paintings date de 1968. Dans un autre pan de sa créativité, il traduit visuellement des poèmes en image pour rendre hommage aux auteurs qui le touchent. Son studio, situé à la pointe d’Observation Point, a laissé place à un jardin de sculptures, The Hotere Garden Oputae. Le jardin regroupe autour de ses créations d’autres sculpteurs modernes, dont Russell Moses, avec lequel il partagea l’atelier. Né en 1948 à Palmerston North, Moses associe la peinture, la gravure, la céramique et la sculpture. Lorsque l’atelier est démoli, Moses récupère des matériaux pour les introduire dans de nouvelles créations.
Chris Booth réalise des formes étonnantes à partir de galets et de pierres polies sélectionnées sur chaque lieu d’exposition. Par le choix du matériau, ses créations en plein air rendent hommage au peuple māori. Ses sculptures prennent la forme de tunnels géants, d’immenses rosaces, de tubes gigantesques. Une expérience forte !
Artistes féminines māories
Le jardin Hotere abrite également les œuvres de Shona Rapira Davies, née en 1951. Formée à l’école d’art de Dunedin, Rapira Davies place l’émancipation des femmes maories au cœur de son travail. Sa réalisation la plus célèbre, Nga Morehu (1988, « Les survivantes ») est visible au Museum of New Zealand - Te Papa Tongarewa. On a pu admirer récemment une exposition individuelle de son travail à The Govett-Brewster Art Gallery, institution de référence dans l’art contemporain.
Sa contemporaine Emily Karaka, née en 1952 à Auckland, aborde des sujets politiques dans ses réalisations saluées pour leur expressivité. Autodidacte, elle appartient avec Rapira Davies à ce que l’on nomme la première génération d’artistes maoris contemporains. Elle se dit influencée par la démarche de Kura Te Waru Rewiri, née en 1950 à Kaeo. Celle-ci s’intéresse très tôt à la sculpture sur bois, pratique alors réservée aux hommes maoris. Te Waru Rewiri expose depuis 1985, et est entrée dans les principales collections privées et publiques de Nouvelle-Zélande. Elle puise dans les motifs traditionnels comme le koru, ou la croix pour en proposer une vision contemporaine.
Rencontres avec l’art contemporain
Vicky Thomas, née à Auckland en 1964, réinterprète les traditions tribales māories. Née d’une mère irlandaise et d’un père Ngati Kahu, elle s’appuie sur ce regard double. Ses portraits sobres, en gros plan sur fond neutre, sont volontiers retouchés. Elle gère également la Kura Gallery à Auckland, qui expose majoritairement des artistes māoris.
En plein air cette fois, la Gibbs Farm accueille dans la baie de Kaipara Harbour la plus grande galerie d’art contemporain en extérieur du monde. Sur 4 km², le richissime Alan Gibbs expose une collection de qualité dans un cadre sublime. La démarche de Gibbs est exceptionnelle à plus d’un titre, puisqu’il réunit uniquement des œuvres de commande conçues pour s’adapter à l’immensité du paysage. Parmi la vingtaine de plasticiens représentés, Anish Kapoor a réalisé une trompe géante ; Daniel Burren, une barrière verte et blanche. Neil Dawson a conçu la délicate Horizons ; les Arches d’Andy Goldsworthy scandent la baie comme des portails ancestraux.
Le quatrième étage de l’Auckland Art Gallery est réservé à la création contemporaine. Ce superbe bâtiment conçu en référence à la légende māorie de la genèse, dédie son rez-de-chaussée à l’art néo-zélandais.
Street-art
L’art urbain n’est pas toujours accueilli à bras ouverts en Nouvelle-Zélande. Le street-art a commencé à se faire apprécier avec le Bradley Lane Project. A l’origine de cette initiative, un groupe de graffeurs las de batailler contre le service de nettoyage de la ville. Leurs interventions prennent désormais la forme de projets collaboratifs avec la communauté.
L’association Oi You ! élargit son champ d’action aux festivals, expositions et installations autour du graffiti. Elle prête sa collection, qui ne comporte pas moins de 21 Banksy, pour des expositions à travers le monde.
De belles fresques jalonneront tout de même vos excursions. Notre sélection ? A Wellington, sur l’île du Nord : Maui Dolphin – Save Our Seas de Kelly Spencer/Kell Sunshine rend hommage au maui, le plus petit dauphin du monde qui ne vit qu’en Nouvelle-Zélande. Près du musée Te Papa, une fresque du duo BMD rappelle la nécessité de protéger les requins. L’année qui a suivi sa réalisation, une loi a été votée en ce sens.
Sur l’île du Sud, Giant moa de Phlegm rend hommage à une espèce d’oiseau endémique qui vivait au temps où les Māoris étaient les seuls habitants des îles.