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Un kaléidoscope de religions

Selon le dernier grand recensement national de 2011, 79,8 % des citoyens sont hindous, 14,2 % sont d’obédience musulmane, 2,3 % sont chrétiens, 1,7 % sont sikhs, 0,7 % sont bouddhistes et 0,4 % de la population adhère au jaïnisme. Ces chiffres sont à relativiser lorsqu’on évoque le sud du pays, où chaque État possède ses propres caractéristiques religieuses. Si l’hindouisme est majoritaire partout, la proportion de ses fervents varie énormément. Les États du Tamil Nadu, du Karnataka, du Telangana et de l’Andhra Pradesh sont constitués d’une population principalement hindoue (de 84 à 91 %). Le Maharashtra, le Karnataka et le Telangana comptent une proportion plus importante de musulmans dans leur population (plus de 11,5%) que les autres États, exception faite du Kerala. Certains États ont des particularités religieuses héritées au cours de leur histoire. Ainsi, un quart de la population de Goa est chrétienne, et « seulement » 66 % pratique l’hindouisme. Le Kerala, où se sont télescopées des influences du monde entier, compte 54,7 % d’hindous, 27,6 % de musulmans et 18,4 % de chrétiens. Autre particularité : au Karnataka, dans la petite ville de Bylakuppe, se trouve la seconde plus grande diaspora tibétaine au monde (environ 70 000 individus), après celle présente à Dharamsala, dans le nord de l‘Inde. Dans ses monastères, on pratique encore les rites traditionnels du bouddhisme tibétain.

Hindouisme

Les principes de l’hindouisme sont complexes : c’est une religion polythéiste qui n’a pas de fondateur spécifique, ni de « livre sacré » unique pouvant être utilisé comme support de la foi, et qui compte un nombre innombrable de divinités dans son panthéon. Il s’agit de l’une des plus anciennes religions du monde dont le culte est encore pratiqué de nos jours. Avec plus d’un milliard de fidèles autour du globe, l’hindouisme constitue la troisième religion la plus répandue après le christianisme et l’islam. En Inde, il s’agit de la foi majoritaire dont les fidèles constituent près de 80 % de la population. Il existe dans l’hindouisme deux grandes traditions principales : le shivaïsme et le vishnouisme.
Fondements. Les principes de l’hindouisme ont commencé à émerger avec l’écriture des Vedas, qui auraient été composés puis compilés à l’époque de Krishna (environ 3500 av. J.-C.). Cet ensemble de textes rédigés en sanskrit serait l’œuvre de différents sages indiens, les Rishis. Les Vedas sont constitués de quatre livres, eux-mêmes divisés en quatre tomes : le plus ancien est les Samhitâs (livres des mantras), puis les Brâhmanas (enseignements sur les rituels à pratiquer), les Âranyakas (enseignements théologiques), en enfin les Upanishads (aspect philosophique). Quelques ouvrages auxiliaires développés plus tard, qui développent les thèmes des recueils précédents et permettent une compréhension plus facile des textes, font également partie de cette tradition. D’autres ouvrages post-védiques d’importance, comme le Mahâbhârata et la Bhagavad-Gîtâ, sont considérés comme faisant partie des Védas par certaines traditions hindoues. L’hindouisme est une religion syncrétique et accepte parfois d’autres divinités dans le panthéon, qui peuvent différer selon les écoles et les traditions (certaines accueillent par exemple Bouddha comme le 9e avatar du dieu Vishnou).
Concepts. Les hindous croient en l’immortalité de l’âme humaine (âtman), qui précède l’existence du corps humain et qui persiste après sa mort physique. La transmigration de l’âme est à la base du concept de réincarnation, présent dans l’hindouisme comme dans les autres religions nées en Inde. Le karma est la somme des actions passées, bonnes et mauvaises, qui détermine la qualité de la réincarnation. Le but de la vie est donc de se libérer de ce cycle, d’atteindre la libération (moksha) et de ne former qu’un avec le Cosmos/Dieu. Pour parvenir à ce salut, l’individu doit nécessairement se livrer à une discipline spécifique, le yoga. Il existe une multitude de techniques de yogas. Le karma yoga, par exemple, est l’action de servir autrui d’une façon désintéressée et de dévouer ses actes à la divinité. Le hatha yoga, ainsi que sa forme plus moderne l’ashtanga yoga, constituent les formes de yogas les plus répandues en Occident. Il s’agit d’un ensemble de techniques de méditation, de chants de mantras et de postures facilitant la circulation de l’énergie à travers les différents centres du corps (chakras), permettant ainsi au pratiquant d’atteindre l’éveil spirituel. Chaque discipline possède un enseignant (gurû), dont le rôle est primordial. Il existe un éventail d’autres méthodes ayant trait à l’alimentation, au souffle (prânâyâma), ou encore à l’ascèse pour les plus déterminés. L’hindouisme est une religion dynamique formée par un vaste ensemble de traditions anciennes et modernes.
Rituels. Les rituels de la tradition hindoue varient drastiquement selon les États, les régions, les villages, les castes, les individus… De grandes lignes communes sont présentes, notamment les notions essentielles de pureté et d’impureté. Il est primordial d’éviter les pratiques impures (tuer un animal, manger de la viande) et de se purifier par l’intermédiaire de bonnes actions, de dévotion et de prières. La voie de la dévotion aux dieux (bhakti) est considérée comme la plus importante pour un grand nombre d’hindous. Bien qu’ils soient polythéistes, la plupart des fidèles concentrent leur dévotion à un dieu personnel, qui peut être celui de leur caste, de leur communauté, de leur famille… L’ensemble d’offres rituelles fait à la divinité (prières, fleurs, nourriture, encens, etc.) constitue la base d’une puja. Ces rituels sont le plus souvent exécutés quotidiennement, face à l’autel familial d’un foyer ou dans un temple. L’aube et le crépuscule sont considérés comme les moments les plus propices de la journée pour effectuer une puja. Dans le sud du pays, des formes géométriques colorées (kollams), sont souvent dessinées à la craie par la maîtresse de maison devant le pas de la porte de leur foyer : elles sont destinées à encourager la venue de Lakshmi et de l’abondance financière et spirituelle, ainsi qu’à repousser les énergies négatives. De nombreuses étapes de la vie sont également marquées par un rituel censé apporté la bonne fortune : mariage, naissance, initiation, examens. Des cérémonies particulières entourent le décès d’un hindou : les membres de sa famille ont des rituels et des tâches spécifiques à accomplir afin d’aider le défunt à atteindre la libération. L’incinération constitue la méthode la plus répandue pour des funérailles. Les cendres sont collectées puis jetées dans un fleuve, une rivière ou un océan sacré, considéré de bon augure pour le défunt.
Dieux principaux. Le panthéon hindou est présidé par une trinité, la Trimûrti, dont les divinités suprêmes représentent les fonctions cosmiques de création, de conservation et de destruction : Brahmâ, Vishnou et Shiva.
Brahmâ est le dieu créateur de l’univers : il crée mais n’agit plus sur sa création par la suite. Son énergie féminine (shakti) est incarnée par son épouse Sarasvati, qui préside à la connaissance, à la sagesse et aux arts. Sa monture est le cygne. Brahmâ est le plus souvent représenté comme un dieu barbu avec quatre têtes. La légende hindoue veut qu’alors qu’il était en train de créer l’univers, il engendre une déité féminine, Sarasvati, dont il tomba éperdument amoureux. Pour tenter de se dérober au regard insistant de Brahmâ, Sarasvati se dirige dans des directions opposées, mais Brahmâ se créé une tête supplémentaire à chaque fois pour pouvoir l’observer, terminant même avec une 5e tête afin de surveiller au-dessus de lui. Lorsque Shiva s’aperçoit que Brahmâ est éperdu de sa propre « fille », il pense que c’est une position intolérable pour un dieu et décide de lui couper la tête supérieure afin de pouvoir le dominer. Shiva décrète ensuite que Brahmâ ne doit être adoré dans aucun temple. Depuis cet événement, les quatre têtes de Brahmâ récitent les quatre Védas pour se repentir. Cette connaissance parfaite des textes sacrés est considérée comme nécessaire à la création de l’univers. Malgré son importance primordiale dans la Trimûrti, son culte est peu répandu chez les hindouistes. On trouve très peu de temples dédiés exclusivement à Brahmâ, excepté à Pondichéry et à Pushkar au Rajasthan.
Vishnou est le dieu protecteur de l’univers, il permet de préserver l’équilibre entre les forces du bien et les forces obscures. Si l’équilibre est en danger, Vishnou l’éternel s’incarne sur terre sous une forme spécifique adaptée à sa mission, un avatar. Vishnou est célèbre pour ses nombreux avatars, au nombre de 8. Les avatars les plus fréquemment rencontrés dans les temples en Inde sont Narasimha, le dieu mi-homme mi-lion, Râma, le héros du Râmâyana et 7e incarnation de Vishnou, et le dernier avatar est Krishna. La prochaine incarnation de Vishnou est Kalkî. Cet avatar est une figure apocalyptique qui apparaîtra pour mettre un terme à l’ère du Kali Yuga. L’épouse ou énergie féminine de Vishnou se nomme Lakshmi, la déesse de la prospérité et de l’abondance, très populaire dans le sud de l’Inde. Les trois épouses de la Trimûrti, Sarasvatî, Lakshmi et Pârvatî, forment également une trinité sacrée, la Tridevî. Le dieu Vishnou est le plus souvent représenté avec une couleur de peau bleu-noir et avec quatre bras. Ses attributs les plus remarquables sont la conque, le disque (chakra), et le lotus blanc. Sa monture est l’homme-oiseau Garuda. Dans tous les temples vishnouïtes, vous verrez une statue de Garuda veiller devant le sanctuaire renfermant l’idole de Vishnou, représenté le plus souvent allongé sur le serpent Ananta.
Shiva est le dieu destructeur de l’univers et possède également un immense pouvoir de transformation et de régénération. Il est également connu en tant que Âdiyogî, le premier yogi, celui possédant la connaissance universelle et absolue. Shiva est dépeint comme un ascète recouvert de cendres funéraires sacrées, engagé dans une profonde méditation solitaire. Il est par conséquent une figure particulièrement vénérée par les sâdhus (renonçants). Shiva est souvent représenté avec une peau bleue, avec son 3e œil ouvert, et avec deux ou quatre bras selon sa forme. Un croissant de lune se trouve au sommet de son crâne et le Gange coule le long de ses longs cheveux attachés en chignon. Un cobra, symbolisant l’énergie de la kundalini, est enroulé autour de son cou, et il porte également un collier de rudrâksha. Il n’est vêtu que d’une simple peau de tigre, et un trident (trishula) est planté dans le sol à sa droite. Ses attributs sont ceux d’un ascète et contrastent avec les attributs royaux de Vishnou. Shiva est intrinsèquement lié à l’énergie féminine matricielle (shakti), qui peut avoir une incarnation différente selon son aspect. Pârvatî, réincarnation de la première épouse de Shiva immolée par le feu et sœur de Vishnou, constitue un modèle de conduite morale et de vertu pour les femmes indiennes. Durga, assise sur son tigre, incarne la protection, la force et la maternité. C’est une déesse à part entière vénérée dans tout le pays. Kâlî est représentée sous une forme effrayante, avec la peau noire, la langue tirée et un collier de crânes autour du coup. Kâlî est la déesse de la destruction et de la transformation. Le véhicule de Shiva est le Nandi, un taureau blanc. Une statue du Nandi garde l’entrée des sanctuaires consacrés à Shiva. Les dévots lui murmurent à l’oreille leurs requêtes afin qu’il puisse les transmettre à Shiva. Dans la grande majorité des temples, Shiva est représenté de façon abstraite : l’idole est en fait un lingam, ou shivalinga, une pierre cylindrique phallique arrondie à son sommet, posée sur un yoni, symbolisant la matrice féminine. Shiva et Pârvatî ont deux fils. Le premier est Ganesh, le très populaire dieu à tête d’éléphant. Ganapatî, comme il est aussi appelé, possède quatre bras et une défense cassée. C’est le dieu de la sagesse, de la protection et de la prudence. Les fidèles le prient généralement avant les cérémonies et avant d’entreprendre un projet d’envergure (voyage, études), car Ganesh est le dieu qui élimine les obstacles. L’autre fils est Skanda, également appelé Karttikeya ou plus fréquemment Murugan dans le sud du pays, un seigneur guerrier particulièrement vénéré dans l’État du Tamil Nadu. Selon la légende, Shiva et Pârvatî vivent au sommet du mont Kailash, une montagne sacrée située au Tibet.

Islam

L’Inde héberge la deuxième plus grande population musulmane du monde après l’Indonésie, soit plus de 150 millions d’individus. Représentant 14,2 % de la population, il s’agit de la seconde minorité religieuse du pays. L’écrasante majorité des fervents musulmans en Inde sont des sunnites. Bien que la plus forte concentration de musulmans se situe au nord du pays, le sud abrite plusieurs communautés musulmanes conséquentes, notamment au Kerala, au Karnataka, au Telangana, en Andhra Pradesh et au Maharashtra. L’islam est apparu très tôt sur la côte de Malabar par l’intermédiaire des marchands arabes venus du Moyen-Orient pour faire commerce des épices. La première mosquée du pays est apparue au Kerala au VIIe siècle. Les musulmans arrivés au Kerala se sont, avec le temps, intégrés à la population locale, et on désigne aujourd’hui les musulmans kéralais, ayant le malayalam comme langue natale, sous le terme de Mappilas ou Moplahs. L’islam s’est ensuite propagé depuis l’ouest de l’Asie vers le sud, et le sultanat musulman de Delhi a régné sur le nord du pays du début du XIIe au XIVe siècle, renforçant fortement la position de l’islam dans le pays. Les traditions, coutumes et rituels religieux de l’islam contrastent fortement avec ceux de l’hindouisme, contrairement aux autres religions originaires d’Inde comme le bouddhisme et le jaïnisme.

Christianisme

La foi chrétienne est la troisième minorité religieuse de l’Inde. Si elle ne représente que 2,3 % de la population globale du pays, cette religion est davantage présente dans le sud du pays, notamment dans les États de Goa, d’Andaman-et-Nicobar, du Kerala et à un degré moindre, du Tamil Nadu. Le christianisme serait apparu lors de la visite de saint Thomas, l’un des apôtres de Jésus-Christ, il y a plus de 2 000 ans. Après avoir débarqué sur la côte de Malabar, il évangélise une partie de la population du territoire correspondant de nos jours aux États du Kerala et du Tamil Nadu. Par la suite, les colons européens ont également cherché à évangéliser les populations. Au XVe siècle, le missionnaire jésuite portugais saint François Xavier ouvre la brèche où s’engouffrent par la suite d’autres missionnaires venus des Pays-Bas, du Royaume-Uni, de France, du Danemark… Beaucoup de locaux sont convertis de force, d’autres se convertissent pour échapper à la triste condition imposée par leur caste. Le corps étonnamment préservé de saint François Xavier repose de nos jours dans un cercueil de verre, visible aux yeux de tous, dans la basilique Bom Jesus, à Old Goa.

Judaïsme

Arrivé vers le VIe siècle av. J.-C, le judaïsme serait la plus ancienne religion exogène à s’être implantée en Inde. À l’instar de l’islam, la foi juive apparaît sur la côte de Malabar par le biais d’échanges commerciaux maritimes avec la Méditerranée. La première communauté juive s’installe à Cranganore et à Kochi, dans le Kerala actuel. Au cours des siècles, les juifs de Kochi, encore présents en petit nombre de nos jours, assimilent la culture kéralaise de façon remarquable, faisant du malayalam leur langue principale tout en préservant leur héritage religieux traditionnel. De nos jours, on peut encore admirer la splendide synagogue Paradesi, entièrement rebâtie en 1568, dans le quartier juif de Fort Kochi. Une seconde communauté juive, les Bene Israël, arrivent sur la côte de Konkan au XIe siècle. Principalement installés dans les régions rurales du Maharashtra pendant plusieurs siècles, ils s’intègrent à merveille dans le quotidien des locaux, utilisant comme langue un dialecte judéo-marathi. Au XIXe siècle, ils migrent vers les grandes villes de Bombay, Pune, Ahmedabad et Karachi (aujourd’hui au Pakistan). La troisième vague migratoire juive est constituée de juifs d’Irak arrivés au XVIIIe siècle suite aux échanges maritimes commerciaux instaurés par les Britanniques. Ces marchands juifs s’installent principalement à Bombay et à Calcutta afin d’y faire prospérer leur commerce.

Zoroastrisme

Le zoroastrisme est une religion fondée par le prophète Zarathoustra (ou Zoroastre) en Perse, l’Iran actuel, au IIe siècle av. J.-C. Les Parsis sont les descendants d’immigrants arrivés en Inde entre le VIIIe et le Xe siècle afin de fuir les persécutions des musulmans. Bombay devient par la suite leur base stratégique pour mener à bien leurs activités commerciales qui prospèrent durant la période coloniale. La plus forte concentration d’adeptes de cette religion dans le monde se trouve au Maharashtra et au Gujarat. Malgré le fait que cette communauté soit restreinte – il ne resterait qu’un peu plus de 60 000 adeptes dans le pays et une poignée en Iran et aux États-Unis –, son poids dans la société indienne est important car elle constitue l’une des communautés les plus riches du pays, et sa puissance financière lui confère une influence non négligeable dans la vie politique, sociale et économique. À Mumbai, notamment dans les quartiers de Fort et de Malabar Hill, on peut encore admirer des monuments parsis à l’architecture envoûtante et particulière, ainsi que les « tours du silence », ces piliers ouverts sur le ciel où ils déposent leurs défunts afin qu’ils se fassent dévorer par des oiseaux charognards, dans le respect de leur tradition.

Autres religions

Les trois autres religions originaires du pays, le bouddhisme, le jaïnisme et le sikhisme, sont peu présentes dans le sud du pays. Seul le Maharashtra compte un nombre conséquent de bouddhistes, qui représentent près de 6 % de la population de l’État, et d’adeptes du jaïnisme. Le sikhisme est l’apanage du Pendjab, au nord-est de l’Inde. Quelques gurdwaras, les lieux de culte des sikhs, sont cependant présents dans les grandes villes du sud