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Les musique et danse traditionnelles

On n’apprendra rien à personne en énonçant que les danses indiennes sont un des plus beaux trésors de la culture nationale. Ce que l’on sait moins cependant, c’est qu’elles sont issues des quatre Vedas (l’ensemble des « connaissances révélées », textes sacrés sur lesquels se fondent l’hindouisme) et du Natya Shastra, recueil sacré, un peu considéré comme le cinquième Veda, où sont codifiés l’art dramatique, la poésie, la danse, le chant et la musique.

Dans le sud de l’Inde, on trouve une forme de danse classique indienne considérée comme la plus ancienne : le Bhârata-natyam. Autrefois exécutée dans les temples, elle a aujourd’hui quitté les lieux sacrés pour investir les scènes. Originellement mariage de danse classique et d'art martial, ses mouvements tirent un trait d’union, avec majesté, entre danse pure et expression proche du mime. Transmise oralement de maître à élève depuis des millénaires, cette danse, pour être maîtrisée, nécessite un apprentissage long et difficile. Et bien que plutôt destinée aux jeunes filles, cet enseignement n’est pas du tout fermé aux garçons.

D’ailleurs, un des plus illustres représentants de cette danse est un homme, Raghunath Manet, natif de Pondichéry, qui a même adapté cette danse à la morphologie masculine. Autre figure de cet art, la danseuse et chorégraphe indienne Chandralekha en a initié un certain renouvellement – en le mariant au yoga notamment – et fut notoirement admirée par l’immense chorégraphe allemande Pina Bausch. Citons aussi Yamini Krishnamurthy qui s’est imposée comme danseuse à la fois de Bhârata-natyam aussi de kuchipudi.

Le kuchipudi est une autre danse de la région, née dans le village du même nom dans l'État de l'Andhra Pradesh. Elle aussi autrefois pratiquée dans les temples, elle est traditionnellement masculine mais a gagné en mixité avec le temps. Une représentation commence toujours par des prières et des offrandes, puis les danseurs exécutent des gestes fluides et des mouvements magistraux du visage obéissant à une musique carnatique très rythmée. Le kuchipudi se distingue de la plupart des autres danses classiques par l’usage du chant.

L’autre grande pratique chorégraphique de l’Inde du Sud est le kathakali. Originaire du Kerala, cet art installé quelque part entre la danse et le théâtre muet met en scène la mythologie hindoue, particulièrement les deux épopées que sont le Râmâyana et le Mahâbhâ̄rata. Ce qui explique pourquoi un spectacle peut durer une nuit entière. L’art du kathakali se distingue notamment par la complexité de ses maquillages, servant à traduire la personnalité et le statut des personnages. Par exemple, s’ils sont nobles ou vertueux, ils portent du vert, s’ils sont mauvais ou diaboliques, leur maquillage est dominé par le rouge. Les rôles féminins, interprétés par des hommes, ont des visages jaunâtres, etc.

Kochi est de loin la ville où assister à un spectacle de kathakali. Car c’est ici que l’on trouve le Kerala Kathakali Centre qui en propose quotidiennement sur sa scène, dans un cadre, qui plus est, superbe.

Le mohiniyattam, « danse de l’enchanteresse », est elle aussi une des formes de la danse classique indienne. Très proche du Bhârata-natyam dans ses mouvements amples et délicats mais en plus gracieux voire plus sensuels, elle appelle de nombreux balancements du torse et une grande expressivité du visage et du regard comme pour envouter le spectateur. Généralement, la danseuse arbore la tenue blanche et dorée typique du Kerala.

Bien entendu, la danse n’est pas le seul trésor de l’Inde du Sud et la région est gorgée de musique. Commun aux régions de Karnataka et de Maharashtra, le bhavagite est une forme de poésie chantée assez similaire aux ghazals abordant l'amour, la nature ou des thèmes philosophiques.

Dans le Maharashtra, une des formes musicales les plus populaires est le sangit natak. Signifiant littéralement « drame musical », le genre est comme son nom l’indique, une forme de théâtre chanté, pas très loin du concept occidental de comédie musicale (bien qu’autrefois souvent comparé à l’opéra). D’ailleurs, il est communément admis que le sangit natak a influencé le théâtre marathi et donc le cinéma marathi voire toute l'industrie cinématographique indienne. Un art auquel Bollywood devrait donc beaucoup.

Dans la même région, le powada, sorte de ballade dépeignant avec beaucoup de panache des événements historiques, apparaît à la fin du XVIIe siècle en Inde. Les compositeurs et chanteurs sont appelés des shahirs; leur narration dramatique alterne récitation et récit. Si autrefois le powada était une sorte de chronique de son temps, glorifiant parfois les faits militaires, le genre a pris dans les années 1980 une dimension plus militante portant parfois des messages sociaux très forts.

Maharashtra toujours, citons enfin le lavani, combinaison de chant et danse exécutés au rythme du dholak, un petit tambour joué couché, réputé pour sa puissance. Interprété par des femmes, le genre se distingue notamment par les immenses saris qu’elles portent mais aussi par les contenus érotiques (et le ton souvent satirique) de leur texte. Satyabhamabai Pandharpurkar et Yamunabai Waikar sont les noms les plus populaires du genre.

La musique classique

Il y a deux grands courants principaux dans la musique classique indienne : la musique hindustani, qui est celle de l’Inde du Nord et la musique carnatique, celle du Sud. Ancestrale, les racines de cette dernière remonteraient aux XIVe et XVe siècles. Si elle repose sur un équivalent des ragas de l’Inde du Nord, la musique carnatique se distingue de sa cousine du Nord en préférant mettre l’accent sur la structure, l’ornementation libre et l’improvisation.

La beauté de la musique carnatique repose en partie sur la douceur avec laquelle elle passe d’une note à l’autre. Ce courant délicat traversant la musique s’explique sans doute par le fait que les compositions sont toujours pensées pour être chantées, même lorsqu’elles sont interprétées par des instruments, ces derniers œuvrant à « imiter » la voix.

La discipline possède une galerie très complète de personnages illustres. À commencer par Purandara Dasa (1484-1564), considéré comme le père de la musique carnatique et de Tyagaraja (1767-1847), une influence majeure dans le développement de cette esthétique. Au XVIIIe siècle, Shyama Shastri, Tyagaraja et Muthuswami Dikshitar formèrent la « Trinité de la musique carnatique », un trio exceptionnel de compositeurs qui ont ouvert une nouvelle ère dans l'histoire de cette musique. Au cours du XXe siècle, Manjapara Devesa Ramanathan, au style singulier, Palghat Mani Iyer, très grand musicien de mridangam (un tambour), Madurai Mani Iyer, chanteur très habile ou encore Aruna Sairam, la grande voix féminine ont porté le genre à son firmament.

Chennai Music Season est un événement organisé chaque année de la mi-novembre à la mi-janvier (soit neuf semaines !) consacré à la musique carnatique. Conviant aussi bien des têtes d’affiches que des artistes amateurs, il s’est imposé avec le temps comme le rendez-vous incontournable de la discipline.

La musique classique – sous son acception occidentale – est également ancrée dans le pays. Sans aucun doute, l’héritage de deux siècles de colonisation britannique. Une des première figures d’importances est le violoniste et compositeur Mehli Mehta (1908-2002) qui en 1930 créa le Bombay Symphony Orchestra. Mais sa notoriété n’arrive qu’à la cheville de celle de son fils Zubin, de loin la figure indienne la plus importante de la musique classique. Né à Bombay en 1936, Zubin Mehta est pianiste et violoniste et surtout un chef d’orchestre particulièrement couru. Sa carrière débute à Liverpool en tant qu’assistant à l’Orchestre philharmonique Royal. Très vite, dès 1960, il devient directeur musical de l’Orchestre symphonique de Montréal ainsi que de l’Orchestre philharmonique de Los Angeles en 1962. En 1978, il prend la tête de l’Orchestre philharmonique de New York et dirige depuis 1970 l’Orchestre philharmonique d’Israël, dont il est le directeur musical à vie depuis 1981.

Bien moins connu, citons tout de même Param Vir, compositeur né à Delhi, élaborant des opéras et des concertos imprégnés de son Inde natale.

La musique populaire

L’Inde du Sud a été un terreau fertile pour l’éclosion de nombreuses stars de la musique. Un des plus connus est Kattassery Joseph Yesudas, largement considéré comme le plus grand chanteur indien de tous les temps et perçu également comme une icône culturelle du Kerala. Hyper prolifique, celui que l’on surnomme « Gaanagandharvan » (« le chanteur céleste ») aurait enregistré plus de 50 000 chansons.

Lui aussi considéré comme l’un des plus grands chanteurs indiens et lui aussi extrêmement prolifique, Sripathi Panditaradhyula Balasubrahmanyam (1946-2020) est un chanteur de play-back, présentateur, acteur, compositeur, doubleur (et on en passe) particulièrement important dans le paysage artistique de l’Inde du Sud.

L'une des chanteuses les plus aimées du Sud et celle que l’on surnomme affectueusement « le rossignol de l'Inde du Sud » est Krishnan Nair Shantakumari Chithra (ou « K. S. Chithra » voire « Chithra »). Trônant tout en haut d’une carrière longue de quatre décennies, elle a chanté dans une variété incroyable de langues dont l'arabe, l'anglais et même le latin ou le français, l’asseyant un peu plus sur son statut d’icône culturelle de l’Inde du Sud.

Autre star locale, Allah Rakha Rahman est compositeur indien, populaire pour son travail dans le cinéma indien. Longtemps compositeur de films en tamoul, il s’est fait connaître à l’international via ses compositions pour le film Slumdog Millionaire en 2008.

Enfin, citons Hariharan, un chanteur de ghazal reconnu, considéré également comme l’un des pionniers de la musique fusion indienne, mariant esthétiques occidentales pop et sonorités indiennes.