Découvrez Espagne - Galice/Asturies/Cantabrie : Les chemins de Compostelle

C’est à la découverte des reliques de l’apôtre Saint-Jacques par l’ermite Pélage au début du IXe siècle que de nombreux pèlerins se mirent en route pour Santiago de Compostella afin de se recueillir sur sa sépulture. Dès lors, ce pèlerinage devient l’une des marches les plus illustres d’Europe. Du nord de la France au sud de l’Espagne, en passant par le Portugal, plusieurs routes mènent ainsi à Saint-Jacques-de-Compostelle dont le Camino Francès et celui du Nord sont inscrits au Patrimoine de l’Unesco.

Depuis quelques années, les chemins de Compostelle connaissent une affluence croissante de pèlerins, enregistrant de nouveaux records. En 2022, environ 438 323 marcheurs ont sillonné ces routes jusqu’à la capitale de la Galice : un cap historique ! Plus qu’un voyage spirituel et religieux, le pèlerinage est aussi un moment d’échanges et de convivialité ainsi qu’une reconnexion avec la nature pour ceux qui se lancent dans l’aventure.

Un chemin, des chemins

« Il y a de nombreuses portes à Saint-Jacques et chacune d'elles correspond à l'origine de ceux qui y arrivent. Les Portugais entrent par celle de Mámoa, les Français par celle de Saint-François. » Au Moyen Âge, il n'y avait pas de route tracée, le pèlerin devait chercher le chemin le plus facile, les endroits où dormir, les fontaines, les ponts pour traverser les rivières. Peu à peu se profila une route permanente marquée par le passage de milliers de pèlerins. Ces derniers étaient protégés par les canoniques et civils. Le pape excommuniait même ceux qui les volaient ou les maltraitaient. Un long bâton, appelé bourdon, servait d'appui aux pèlerins, mais aussi à les défendre contre les loups et les malfaiteurs. Depuis le nord de l'Europe, la masse des pèlerins arrive dans les Pyrénées par quatre routes françaises. La Toulousaine va d'Arles au Somport en suivant les chaussées romaines et passe par Toulouse. Les trois autres routes (celles de Paris, du Vézelay et du Puy) se rejoignent à Saint-Jean-Pied-de-Port et Roncevaux. Toutes les quatre convergent près de Pampelune pour former le chemin français. Un autre itinéraire, plus ancien, part également de France, traverse le Pays Basque en suivant la côte et continue par la Cantabrie et les Asturies avant d’entrer en Galice par Lugo. C’est le chemin du Nord. Les autres pèlerins venant de la Méditerranée entrent en Catalogne, passent par Perpignan, Gérone, Barcelone et traversent Los Monegros jusqu'à Saragosse. À Logroño, ils rejoignent le chemin français. C'est le chemin catalan. Les pèlerins qui arrivent en bateau des îles britanniques et des pays scandinaves débarquent, quant à eux, à Ferrol ou à La Corogne. C'est le chemin anglais. Les pèlerins du sud de l'Espagne empruntent, depuis Séville, la Via de Plata (la route de l'argent), une chaussée romaine qui traverse l'Estrémadure et Salamanque pour arriver en Galice par Verin et Orense. Le chemin portugais est pratiquement une ligne droite, situé en Galice par Tui et Pontevedra.

La démarche pèlerine

Etymologiquement, pèlerin vient du latin peregrinus qui désigne un étranger. Le pèlerin est d’abord une personne venue d’ailleurs qui « erre » sur la Terre. Ce nomade, comme l’étaient les premiers chrétiens, va trouver des buts à son errance, faisant coïncider sa quête spirituelle avec les lieux et les personnages bibliques. Ainsi, les pèlerins se dirigent-ils vers la Terre sainte, établissant de véritables « routes » de pèlerinage, empruntant bien souvent d’antiques chemins de négoce. C’est ainsi qu’il devint un acte religieux et que le pèlerin devint un adorateur de reliques sur un chemin parsemé de tombeaux, châsses, croix et autres monuments grandioses, érigés pour renforcer la foi des passants. Prendre un chemin de pèlerinage, ce n’est pas simplement partir faire un mois ou deux de marche sur les sentiers, sans autre but que d’atteindre une ville où seraient conservées les reliques d’un saint homme. Cette démarche pèlerine engage bien plus qu’un simple effort physique, par ailleurs très particulier : elle engage indéniablement une démarche spirituelle, certains diront même « mystique ». Chemin de conversion, chemin de réflexion, le chemin vers Compostelle est chargé d’une histoire de plus de mille ans, d’une énergie incroyable semée par tous les pèlerins qui ont foulé les sentiers et y ont laissé leurs empreintes, leurs histoires, leurs peines et leurs joies. Nul doute, le chemin est « habité » et chaque pèlerin vous décrira les vibrations, les forces en action qu’il a ressenties sur un parcours qui nous dépasse. Ces dernières années, il semble être devenu autant une destination de voyage qu’un lieu de pèlerinage. La voie du Puy, surfréquentée de mai à septembre, ressemble parfois à une longue file continue de marcheurs, dont profitent quelques marchands du Temple habilement placés sur le chemin. La voie de Vézelay, différente dans son approche et dans son parcours plus long et plus compliqué, semble encore préservée de cette tentation mercantile. Certains voudraient encore que le terme « pèlerin » ne s’applique qu’à ceux qui partent sur le chemin dans une quête spirituelle chrétienne, et qui s’arrêtent sur le chemin à chaque croix pour faire une prière, mais il nous semble que le pèlerin actuel ne se soucie plus guère de la dimension religieuse du chemin. Sans doute devient-on pèlerin de nos jours pour redevenir un « étranger errant » dans un monde ultra-normé. Être pèlerin, c’est donc redécouvrir notre mode de déplacement naturel, la marche, la nature qui nous entoure, ses beautés et ses inconvénients, se montrer humble devant un effort et des privations auxquels notre corps n’est plus habitué, vivre la solitude et des instants de partage dans une communauté, celle des pèlerins, aux mille visages.

Préparer son pèlerinage

Ni trekking ni voyage organisé, le pèlerinage est une forme de nomadisme très particulière. Si les chemins de Compostelle peuvent prendre des allures de voie touristique où tout est balisé, les étapes obligées, il n’en demeure pas moins que le pèlerinage reste une aventure humaine et spirituelle où la marche permet à chacun de retrouver sa liberté. Si l'on part pour un mois – c'est encore plus vrai pour deux –, on n'oubliera pas de s'inquiéter de toutes les formalités administratives, bancaires, professionnelles en cours et l'on pensera à demander la carte européenne d’assurance maladie. Les téléphones portables, Internet, les noms d'hébergeurs, les pharmacies de garde ou les supermarchés ont bien amélioré la condition du pèlerin. On peut effectuer le pèlerinage toute l'année, mais en hiver, vous devrez affronter les rigueurs du climat et trouver nombre de portes fermées aux gîtes d'étapes. La solitude sur le chemin peut donc se payer cher, au péril même de sa santé. La période la plus propice pour partir est sans aucun doute d’avril à octobre, avec des creux de fréquentation au commencement des mois d’avril, de juin et juillet. Vous ne serez pas assuré d’être seul aux étapes, mais le choix des hébergements y sera plus large. En partant de Saint-Jean-Pied-de-Port en début de semaine, vous aurez une relative quiétude sur le chemin et une plus grande disponibilité des logements. L’autre question importante à vous poser avant de partir sera de savoir si vous sillonnerez les chemins à pied, en vélo, à cheval et pourquoi pas, en compagnie d’un âne comme au Moyen Age. La plupart des pèlerins les parcourent à pied, à raison d’au moins 6h30 de marche par jour voire 8h lors des plus longues journées. La marche peut parfois s’avérer pénible notamment lors des obstacles à franchir et les montées rudes où plusieurs arrêts seront nécessaires. Il vous faudra donc porter de bonnes chaussures de trail ainsi que d’excellentes chaussettes respirantes, séchant rapidement et surtout avec des coutures « plates » pour éviter les blessures au pied. Si vous ne passez pas par des solutions de portage, le poids du sac à dos sera aussi à prendre en compte, pas plus de 10 kg selon votre poids, voire un peu moins pour les femmes. Pour ne pas souffrir des grosses chaleurs et trouver les meilleures places au gîte, il est conseillé de partir tôt le matin pour arriver le plus tôt possible à l’étape. Cependant, cheminer n’est pas courir et prendre son temps fait aussi partie de l’apprentissage. A vous de trouver votre allure. En VTT, vous ne pourrez pas toujours suivre l’itinéraire piéton. Si un cycliste entraîné peut espérer atteindre les 20 km/h de moyenne, on se contentera de raisonner sur une moyenne de 15 km/h en passant par quelques détours goudronnés. Le vélo permet de faire des étapes soit très rapides (2 heures au lieu de 6 heures 30), soit des étapes plus longues (jusqu’à 90 km par jour). A cheval, vous trouverez de nombreux hébergements qui accueillent volontiers votre animal, au pré, à l’attache. Cependant, il sera plus rare de trouver des relais équestres avec boxes et parfois compliqué de dénicher un vétérinaire si votre cheval venait à se blesser. N’oubliez pas également de remplir les formalités vétérinaires et administratives pour franchir la frontière espagnole avec votre compagnon. De plus en plus de pèlerins partent sur les chemins avec un âne qui leur porte leurs bagages. Ce n’est ni aller plus vite ni aller plus lentement, c’est surtout avoir un vrai compagnon dont il faut prendre soin à chaque étape forcément campagnarde. Sans charger un âne comme une mule, on peut facilement demander à cet animal, très bon porteur, de s’accommoder de tout notre matériel, tente comprise.

Un patrimoine reconnu

Jalonnés de plus de 1 800 bâtiments présentant un intérêt historique, les chemins français et du Nord sont classés au patrimoine mondial depuis 1993. Outre les édifices religieux, de nombreux ponts, hospices et fontaines témoignent de l'importance de l'architecture pèlerine en Espagne. Classées individuellement par l'Unesco, la cathédrale de Burgos et la vieille ville de Saint-Jacques-de-Compostelle font partie des joyaux du pèlerinage. Les chemins de Compostelle furent également le premier Grand itinéraire culturel, créé en 1987 par le Conseil de l’Europe, en vue d’identifier, de baliser avec une coquille jaune sur fond bleu les chemins et de constituer un patrimoine culturel commun. Depuis l'Antiquité, la coquille Saint-Jacques est associée à l'Amour. Dans le cadre du pèlerinage vers Compostelle, où le pèlerin devrait aller chercher lui-même sur une plage l'élégant mollusque bivalve, la coquille est associée depuis le XIIe siècle aux « bonnes œuvres » selon le fameux Codex Calixtinus. Au fil des siècles et des miracles qu'on lui attribue, la coquille deviendra le signe distinctif de ce pèlerinage. Le credencial, ou le carnet du pèlerin, est l’un des autres symboles de ce chemin spirituel. A l'origine espagnol, il était employé au XIIe siècle pour exprimer la confiance que l’on a envers une personne. Durant le pèlerinage, c’est une sorte de sauf-conduit, de passeport, permettant d’identifier le pèlerin comme parcourant le chemin. Délivré par une association jacquaire ou par une paroisse, il est un témoignage précieux de votre parcours, tout en étant un élément indispensable pour se loger. Pour recevoir la Compostela, il vous faudra présenter un credencial tamponné de 100 kilomètres (200 km en vélo) prouvant ainsi votre parcours. Enfin, l’Année Sainte Compostellane est la plus ancienne de l’histoire, elle qui fut instituée par le pape Calixto II en 1119 et ratifiée en 1179 par le pape Alexandre III. Ainsi, chaque fois que le 25 juillet, jour de la Saint-Jacques, tombe un dimanche, l’année est déclarée sainte. Elle voit alors s’ouvrir la porte sainte au-dessus de laquelle trône l’apôtre saint Jacques vêtu en pèlerin. En rentrant dans la cathédrale par cette porte, on obtient le jubilé, c’est-à-dire le pardon de toutes les fautes commises.

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