Une boisson ancestrale
Bien avant la colonisation, les Indiens guaranis consommaient la Ka’a (yerba mate) en infusion, dans des calebasses, avec de l’eau fraîche des rivières. Les premières références historiques au tereré sont celles des Jésuites, qui au XVIIe siècle découvrent les vertus rafraîchissantes et revigorantes de la yerba mate. La yerba mate est un arbuste local (Ilex paraguariensis), dont les feuilles sont torréfiées et pulvérisées pour en faire la base de la boisson tereré, ou Ka’ay’u en guarani (« infusion de yerba mate »). Le nom « tereré » provient d’une onomatopée, la représentation des sons que l’on produit lors des trois dernières aspirations de la boisson : te-re-ré !
Maté ou tereré ?
Les deux boissons sont des infusions de yerba mate. Si le maté est consommé au Paraguay, en Argentine, en Uruguay, dans le sud du Brésil et au Chili, le tereré ne se boit qu’au Paraguay et dans les régions frontalières des pays voisins. La différence principale entre maté et tereré ? Le maté se boit très chaud et le tereré glacé. Par ailleurs, dans le tereré, on ajoute généralement (surtout le matin) des herbes médicinales, appelées remedios, yuyos, ou pohã ñana (« remède rafraîchissant »). Au Paraguay, on consomme le tereré à toute saison et à toute heure. Le maté lui se prend surtout le matin, mais peut remplacer le tereré plus tard dans la journée, en hiver, lorsque l’on a besoin de se réchauffer.
L’attirail du tereré
Les ustensiles du tereré sont : un grand thermos (ou une carafe d’eau) que l’on remplit d’eau et de pains de glace ; un récipient appelé guampa (« corne » en quechua), où l’on place la yerba mate ; et enfin la bombilla, une sorte de paille équipée d’un filtre qui permet d’aspirer l’infusion. Le thermos doit être suffisant large, pour permettre d’y placer des pains de glace. Il est différent du thermos à maté, qui est plus fin et destiné à conserver l’eau bien chaude. La guampa peut être en corne, en bois, en métal, ou en plastique. La bombilla est généralement en acier inoxydable, aluminium, bronze ou argent, mais peut aussi être en bois (palo santo), ou en takuara (bambou). Un dernier élément est utile : le mortier, en bois de palo santo, pour piler les yuyos, qui seront ensuite placés avec l’eau dans le thermos. Et pas de souci si vous avez oublié votre matériel, le tereré de alquiler, « location de tereré » (tereré entendu ici comme l’ensemble matériel et ingrédients), est courante dans les parcs et le long des routes. Cela ne coûte en général que 5 000 Gs. Attention aux conditions d’hygiène tout de même ! Depuis peu, se développe même le « tereré delivery », la livraison de tereré à domicile ou au bureau !
Ingrédients
Considérée comme un bien de première nécessité, la yerba mate se trouve partout. Les marques sont nombreuses et des rayons entiers de supermarché leur sont consacrés. Pour les pains de glace, pas de soucis non plus : épicerie, station-service, ou même chez les particuliers (« se vende hielo » inscrit sur la porte). Les yuyos se trouvent à tous les coins de rue. Au Mercado 4 d’Asunción, ne manquez pas de vous rendre au « Paseo de los Yuyos », toute une institution. Les vendeurs connaissent bien les vertus de chaque plante. Parmi les plus utilisées : menta’i, cedrón, cocú, cola de caballo, urusu he’ê…
Le rituel du tereré
Le rituel est assez semblable à celui du maté. Pour préparer le tereré, placer la yerba, puis la bombilla, dans la guampa. Versez doucement l’eau glacée sur la yerba, mais surtout ne mélangez pas avec la bombilla. Laisser la yerba absorber l’eau petit à petit, puis aspirer le liquide rafraîchissant… Quelle agréable sensation ! Quand plusieurs personnes partagent un tereré, l’une d’elles a la charge de le concocter et de servir les personnes les unes après les autres. C’est le cebador. La coutume veut que ce soit le plus jeune du groupe (le pahague « le dernier des enfants »). Le cebador se sert d’abord et boit le tereré en premier, avant de servir les autres tout au long du « tereré jere » (« cercle de tereré »). Mais attention, « El primer sorbo es para Santo Tomás » (la première gorgée est pour saint Thomas). Traditionnellement, le premier tereré doit être servi à ras bord. Quand l’eau est complètement absorbée par la yerba, cela signifie que Santo Tomas, le patron de la yerba mate, nous donne sa bénédiction pour pouvoir continuer… Le cebador peut alors remettre un peu d’eau et aspirer le liquide glacé. Il sert la personne suivante et lui passe la guampa. Il fait ainsi de suite pour chaque personne du groupe. La guampa circule en principe de la droite vers la gauche, et le tour de chacun est respecté scrupuleusement. Attention à l’erreur classique du débutant : dire spontanément « ¡ gracias ! » en rendant la guampa au cebador. On vous sautera votre tour désormais ! « Merci » signifie que vous ne voulez plus de tereré, tout simplement ! Il faut être vaillant pour servir le tereré, car cela peut durer un bon moment. Le cebador devra parfois changer l’herbe, recharger l’eau du thermos, remettre des glaçons…
L’amertume de la yerba mate vous sera peut-être désagréable. Les yuyos l’atténuent avec des goûts frais de menthe, verveine, citron… À la différence des Argentins, les Paraguayens ajoutent rarement du sucre ou de la stévia, et ont moins recours à la yerba parfumée. Ils n’ajoutent pas non plus de jus de fruits, excepté dans cette variante appelée « tereré ruso » qui aurait été inventée par des immigrés russes, ou ukrainiens… Parmi les nombreuses croyances autour du tereré, on raconte que si par accident, en prenant la guampa chargée d’eau, l’herbe se renverse sur les mains de celui qui la tient, c’est un signe annonçant la prospérité ! Le tereré avec ses rites et légendes fait partie intégrante du mode de vie paraguayen. Les youtubeurs Dustin Luque et El Chad s’en sont inspirés pour sortir une excellente parodie du titre Ay Bay Bay du rappeur Hurricane Chris, un hommage amusant au tereré : https://www.youtube.com/watch?v=HfdDWHZNS6g
Propriétés du tereré
La yerba mate est riche en vitamines (A, B, C et E) et en minéraux (calcium, potassium, magnésium, manganèse, sodium, fer, phosphore). Elle a des effets antioxydants et tonifie les systèmes nerveux et musculaire. Elle favorise aussi la digestion. Conseil de Paraguayen : ne jamais boire le tereré à jeun ! Il faut toujours manger quelque chose avant, en raison des effets diurétiques de la boisson. Le fameux « tereré rupa » (« lit du tereré ») est souvent constitué d’une empanada avec un morceau de pain, ou du « ype rova » (les restes du dîner de la veille).