Un pays peu peuplé

Le Paraguay compte 7 millions d’habitants, sur un territoire de 406 752 km². Sa densité est faible, à peine 18 hab./km². La répartition géographique est très inégale, entre une partie orientale représentant 39 % du territoire, où vit 97 % de la population, et une partie occidentale, 61 % du territoire et 3 % de la population. 62,5 % des Paraguayens résident en zone urbaine. Asunción, est la ville la plus peuplée du pays, avec (seulement) 522 000 habitants, mais l’aire métropolitaine (Gran Asunción) compte plus de 2 millions de personnes. Le Paraguay est traditionnellement un pays d’émigration : environ 1 million de Paraguayens vivent en dehors des frontières, principalement en Argentine, au Brésil et en Espagne. L’émigration est surtout économique et non plus politique comme sous la dictature. Phénomène nouveau, de plus en plus d’émigrants reviennent au Paraguay, en raison des problèmes économiques de leurs pays d’accueil.

Une population métissée

95 % des Paraguayens sont métis, un métissage européo-amérindien assez homogène, qui a longtemps constitué le ciment de cette nation. Le métissage a commencé dès le XVIe siècle, avec les unions entre les conquistadors espagnols et les femmes guaranies. Leurs enfants constitueront les bases de l’identité paraguayenne. Élevés par leurs mères, les enfants baignent dans les traditions indigènes, transmises en guarani. Cette langue sera le véhicule d’une culture guaranie omniprésente de nos jours, dans un pays où paradoxalement il reste très peu d’Indiens guaranis.

Les groupes amérindiens

Lorsque l’on parle des populations amérindiennes du Paraguay, on a tendance à n’évoquer que les Guaranis. Or, le pays compte 19 ethnies, réparties en 5 groupes linguistiques. La population indigène représenterait environ 117 000 personnes, soit 1,6 % de la population. Les Mbya Guarani représentent la plus forte population indigène, suivie par les Ava Guarani et les Nivaclé.

Un pays pluriculturel

Au-delà du métissage hispano-guarani et des peuples indigènes, d’autres populations vont enrichir le paysage humain et linguistique du pays. Le Museo de los Inmigrantes du Cabildo d’Asunción expose avec beaucoup de détails l’histoire des différentes migrations au Paraguay. Les communautés cohabitent bien mais se mélangent peu. La société paraguayenne se construit aujourd’hui davantage sur l’interculturalité.

Les Français. Ce sont les premiers à avoir émigré dans le pays pour former une colonie agricole. C’était en 1855, sous le régime de Carlos Antonio López, avec la création de Nueva Burdeos (Nouvelle Bordeaux), dans le Bajo Chaco, localité aujourd’hui connue sous le nom de Villa Hayes. On peut lire à ce sujet Une colonie française au Paraguay : la Nouvelle-Bordeaux (2005) de Guido Rodriguez Alcala et Luc Capdevila.

Argentins, Brésiliens, Européens et Australiens. Dans les années 1870, après la guerre de la Triple Alliance, de nombreux Brésiliens et Argentins s’installent dans ce pays à la population décimée. À partir des années 1880, des milliers d’étrangers vont débarquer par vagues successives. Ils sont Italiens, Espagnols, Allemands ou Australiens.

Les Allemands. En 1886, 14 familles allemandes fondent la Neues Deutschland (Nueva Germania). Derrière cette colonie agricole, se cache le projet politique fou du Dr Bernard Förster, marié à Elisabeth Nietzsche, la sœur du célèbre philosophe. Le couple souhaite fonder une cité basée sur la « pureté de la race ». Le rêve aryen est un échec et Förster se suicide. La localité, qui existe toujours, est marquée par une grande pauvreté et de graves problèmes de consanguinité. À lire, Nietzsche au Paraguay, de Nathalie Prince, un roman de 2019. Sans rapport idéologique avec Nueva Germania, de nombreux Allemands s’installent au Paraguay jusque dans les années 1930. Ces familles ne doivent pas être confondues avec les 300 nazis qui trouvèrent refuge au Paraguay sous la dictature de Stroessner (lui-même de descendance allemande), comme le sinistre Josef Mengele. La très grande majorité des Paraguayens de descendance allemande n’a rien à voir avec ces criminels de guerre.

Russes et Japonais. Dans les années 1920, des Russes fuyant la révolution bolchévique s’implantent dans le département d’Itapúa. Certains s’engagent au côté des Paraguayens dans la guerre du Chaco. L’immigration nipponne commença à La Colmena entre 1936 et 1941, puis se poursuit entre 1952 et 1970, dans d’autres colonies, comme La Paz, Pirapó ou Yguazú.

Ukrainiens, Polonais, Allemands, Taïwanais, Libanais. Après la Seconde Guerre mondiale, des Ukrainiens, Polonais et Allemands viennent travailler dans la région d’Encarnación. À partir de 1965, ce sont des milliers de Coréens. Ces derniers tiennent aujourd’hui la plupart des petits commerces, et le terme « coreano » désigne souvent l’épicerie du coin, dans le langage courant. À partir des années 1970, ce sont des Taïwanais et des Libanais qui s’installent à Ciudad del Este.

Les « Brasiguayos ». Cette contraction de Brasileños et de Paraguayos désigne les Brésiliens qui vivent dans l’est du Paraguay, le long de la frontière brésilienne. Ils seraient 500 000, ce qui en fait la première minorité du pays. Les pionniers brésiliens sont arrivés dans les années 1960, attirés par des terres fertiles bradées par Stroessner. Ils détiendraient aujourd’hui plus de 80 % des champs de soja au Paraguay. Dans certaines bourgades, le portugais et le réal sont la langue et la monnaie d’usage.

Les mennonites. Encore une curiosité paraguayenne ! Les mennonites sont environ 30 000 au Paraguay et leurs coopératives représentent une force économique de poids (plus de 80 % de la production laitière par exemple). Il ne s’agit pas d’un groupe ethnique, mais d’une congrégation évangélique née au milieu du XVIe siècle, au moment de la Réforme de l’Église. Réunis autour de Menno Simons (1496-1561), les mennonites ont établi des principes stricts tirés de la Bible. Le pacifisme, le baptême volontaire, le refus du serment et la séparation de l’Église et de l’État sont quelques-unes des règles pour lesquelles ils ont été persécutés pendant des siècles. Pour continuer de pratiquer leur foi, les mennonites ont dû migrer à travers le monde. En 1920, le président paraguayen Manuel Gondra rencontra un homme d’affaires qui cherchait des terres pour un groupe mennonite canadien. Ces derniers refusaient de se voir imposer l’enseignement en anglais, au lieu du plattdeutsch (bas-allemand, langue vernaculaire des mennonites). Le vaste Chaco aux frontières floues avec la Bolivie ne demandait qu’à être peuplé. Une loi de 1921 exempta les mennonites du service militaire, autorisa l’usage du plattdeutsch dans les écoles et offrit une grâce fiscale de dix ans dans la future colonie. Il faut attendre 1927 pour que la première colonie soit fondée au milieu du Chaco à Loma Plata. Puis des mennonites d’autres origines arrivent. La colonie Fernheim à Filadelfia est fondée en 1930 par des Russes. Puis Friesland en 1937, Neuland et Volendam en 1947. En 1948, des Canadiens fondent les colonies de Sommerfield et Bergthal, dans le département de Caaguazú. Entre 1967 et 1983, des États-Uniens et des Mexicains fondent Luz y Esperanza, Agua Azul, Florida, La Montaña, Rio Verde, Santa Clara, Manitoba et Nueva Durango. Au total, on compte aujourd’hui 17 colonies mennonites au Paraguay. Un millier de mennonites vivraient également à Asunción. À l’exception des groupes en provenance des États-Unis, les mennonites parlent tous l’allemand et le plattdeutsch. On trouve plus d’une centaine d’églises aux pratiques religieuses plus ou moins orthodoxes et traditionalistes. Certains vivent à l’ère d’Internet et du 4x4 climatisé, tandis que d’autres circulent toujours en calèche (refusant l’usage du moteur) et portent des habits d’une autre époque. Pour en savoir plus, ne manquez pas de visiter le Museo Colonia Menno à Loma Plata.

Kambá Kuá

Dans son exil au Paraguay en 1821, le héros uruguayen de l’Indépendance, José Artigas, est accompagné de 400 soldats, des noirs en majorité. Ces derniers reçoivent des terres à Loma del Campamento, aujourd’hui Kambá Kuá, devenu un quartier de Fernando de la Mora (Gran Asunción). Leurs descendants sont pour la plupart métis, mais ont conservé des traditions d’origine africaine. Le 6 janvier, pour la Saint-Balthazar, a lieu un festival de danses traditionnelles, où l’on célèbre le Saint Noir et le Soleil, au rythme des tambours.

Un pays bilingue

Le Paraguay a deux langues officielles : l’espagnol et le guarani. Le guarani est la première langue amérindienne à avoir été reconnue langue officielle dans les Amériques. C’est inscrit dans la Constitution de 1992 (art. 140) : « Le Paraguay est un pays pluriculturel et bilingue. Les langues officielles sont le castillan et le guarani. Les langues indigènes, ainsi que celles des autres minorités, font partie du patrimoine culturel de la nation. » La grande majorité de la population est bilingue, mais le guarani est la première langue parlée, devant l’espagnol. C’est la langue de la vie quotidienne, une langue imagée, riche et poétique, le véritable vecteur de la culture paraguayenne. L’espagnol est souvent considéré, à la campagne, comme une langue presque étrangère, qui ne sert que pour les démarches administratives. Le guarani est en effet avant tout une langue orale, même si la tendance actuelle est que les papiers officiels soient rédigés dans les deux langues.

Environ 90 % des Paraguayens parlent le guarani à des degrés divers, 60 % parlent l’espagnol. 40 % ne parlent que le guarani, 7 % ne parlent que l’espagnol. La prédominance du guarani est absolue à la campagne, moins dans les villes, en particulier à Asunción. C’est surtout parmi les classes sociales les plus élevées que l’on communique en espagnol. Dans la capitale, on s’adressera à vous en espagnol, mais il est très courant d’entendre les gens parler entre eux le guarani, ou plutôt le jopará (ou guarañol), un mélange des deux langues : l’espagnol est truffé de mots guaranis, ou inversement, certains mots de la vie moderne sortent en espagnol au cours d’une conversation en guarani. L’espagnol parlé au Paraguay est légèrement différent du castillan d’Espagne, avec un accent bien particulier et l’usage du vos, comme en Argentine ou en Uruguay. Quant aux Indiens guaranis (Aché, Mbyá…), ils parlent le guarani originel, pas forcément compréhensible par les locuteurs du guarani courant. Certains instituts d’Asunción, comme CELPE et IDIPAR, proposent des cours de guarani et d’espagnol aux étrangers.

Les langues indigènes du Paraguay par familles linguistiques et ethnies :

Tupí-guarani : Aché, Mbyá, Avá guarani (chiripá), Pãi-Tavyterã, Guarayo-Chiriguano, Ñandeva (Tapiete).

Lengua-maskoy : Entlhet du Nord, Lengua-Enxet, Sanapaná, Toba-Maskoy, Angaité, Guaná.

Zamuco : Ayoreo, Ybytoso, Tomárahõ.

Mataco-mataguayo : Nivaclé (chulupí), Maká, Manjui (chorote).

Guaicurú : Toba-Qom.

Autres langues. En dehors des descendants des migrants européens ou asiatiques qui continuent souvent de communiquer dans la langue d’origine de leurs aïeux, les principales langues parlées par les Paraguayens sont l’allemand et le portugais, ou plutôt le « portuñol » un mélange d’espagnol et de portugais. L’anglais est peu pratiqué, tout comme le français, même si l’Alliance française et le lycée Marcel Pagnol d’Asunción comptent de plus en plus d’élèves.