Le style de vie paraguayen

Dans ce pays jeune (30 % de la population a moins de 15 ans et l’âge moyen est de 26 ans), on vit à l’occidentale, mais en conservant ses traditions et le sens de la communauté. On apprécie de se retrouver le dimanche en famille, ou entre amis, autour d’un asado. Discussion autour d’un tereré ou chats sur les réseaux sociaux, les Paraguayens sont à fond sur les deux fronts ! On vit au jour le jour, dans une certaine insouciance, malgré les crédits à payer. Beaucoup de Paraguayens revendiquent cette slow life et vous verrez rarement des rapports agressifs entre les gens. L’improvisation est souvent la règle, y compris au travail. La ponctualité n’est pas non plus de mise, il faudra vous faire à la hora paraguaya ! Le Paraguayen est patriote et rend régulièrement hommage aux héros du passé, mais il montre paradoxalement une sorte de complexe d’infériorité pour son pays (« pourquoi diable êtes-vous venus au Paraguay ? »). Pourtant, il adore sa terre guaranie et ne la quitte que contraint et forcé. Il est curieux envers l’étranger, qu’il accueille avec chaleur, mais aussi parfois avec une légère timidité. Il lui pose souvent des questions un peu gênantes (« pourquoi tu n’as pas d’enfant ? », « combien gagnes-tu ? »). Il aime aussi taquiner l’étranger avec quelques chistes (blagues), et lui apprendre des mots en guarani. Ces mots ont souvent un double sens, qui provoque de grands fous rires !

Le système éducatif

Le système scolaire comprend, l’équivalent de l’école maternelle (educación inicial) ; l’école primaire (educación escolar básica) du 1er niveau (primer grado) vers 6 ans, au 9e niveau (noveno grado) vers 14-15ans ; le secondaire (educación media ou colegio), avec 3 niveaux et qui s’achève par le baccalauréat (bachillerato) ou un diplôme technique ; et enfin l’éducation supérieure. La classe a lieu le matin, de 7 h à 11 h, ou l’après-midi, de 13 h à 17 h. On s’y rend habillé d’un uniforme propre et repassé ! L’école est gratuite et obligatoire de la dernière année de maternelle (preescolar), jusqu’à la fin du secondaire. Mais le décrochage scolaire est courant (6 élèves sur 10 ne terminent pas le secondaire), pour des raisons économiques le plus souvent. Le pays compte une quarantaine d’universités. Les plus anciennes et prestigieuses sont la Universidad Nacional (publique) et la Universidad Católica (privée), qui ont des antennes dans les grandes villes du pays. Le système universitaire permet aux étudiants d’étudier le soir afin de pouvoir travailler la journée, pour financer des études chères, en particulier dans les universités privées. Selon les études internationales, le système éducatif paraguayen serait l’un des plus mauvais du continent. Le budget consacré à l’éducation est de 4,7 % du PIB, mais les problèmes de corruption sont importants. Il y a par ailleurs de grandes disparités entre les zones urbaines et rurales. Depuis quelques années, l’enseignement est dispensé dans les deux langues : les enfants apprennent d’abord dans leur langue maternelle et la deuxième langue est introduite progressivement dans l’enseignement. L’objectif est de lutter contre l’analphabétisme et l’illettrisme dans les campagnes, tout en valorisant la langue guaranie. Enfin, le ministère de l’Éducation compte une entité chargée de garantir l’éducation scolaire des enfants indigènes, avec une politique éducative adaptée aux langues, cultures et normes communautaires.

Une natalité en baisse

Dans ce pays très catholique, on se marie à l’église, vers 20-25 ans en général, voire beaucoup plus jeune. La natalité tourne autour de 2,5 enfants par femme aujourd’hui, contre 4,3 à la fin des années 1990, et 7 dans les années 1960. Ce sont souvent les femmes qui dirigent le foyer. Elles sont très protectrices avec leurs progénitures, jusqu’à des âges avancés, surtout avec leurs fils qui vivent souvent tard chez leurs parents. Les filles sont plus indépendantes et le mariage est l’occasion de quitter le foyer familial. La situation des grossesses précoces est préoccupante. En 2019, une grossesse sur cinq concernait des jeunes filles âgées de moins de 16 ans. Pour des raisons religieuses, l’avortement est interdit au Paraguay même en cas de viol, sous peine de lourdes sanctions pénales. La seule exception est s’il y a un risque pour la vie de la mère.

La femme dans la société paraguayenne

Dans la rue, les publicités géantes vantant le dernier smartphone glissé au milieu d’une poitrine généreuse sont courantes et illustrent une certaine image de la femme. Les inégalités hommes/femmes sont importantes, dans les emplois, la politique, etc. La situation des mères célibataires (madres solteras) est également un vrai problème de société au Paraguay. D’après les données officielles, 7 Paraguayens sur 10 ne sont pas reconnus par leur père à la naissance ! Au Paraguay, n’est inscrit sur le registre des naissances que le nom de la personne qui accompagne l’enfant. Or, beaucoup de pères ne souhaitent pas assumer leur rôle (ou ignorent leur paternité). Les mères célibataires gèrent donc seules les charges du foyer, elles seraient 25 % dans cette situation. Le sujet est moins tabou depuis qu’un ancien président de la République lui-même, Fernando Lugo, a admis être le père d’un enfant qu’il n’avait jamais reconnu. L’ancien évêque a même dû se soumettre par la suite à des tests de paternité à la demande d’autres femmes. Certains expliquent que ce phénomène est né au XVIe siècle. La région était surnommée le « Paradis de Mahomet » en raison des harems que s’étaient octroyés les conquistadors avec les femmes guaranies. Plus tard, dans les années 1870, le Paraguay était surnommé le « Pays des femmes », car l’essentiel de la population masculine avait été exterminé durant la guerre. Il fallait repeupler le pays et la polygamie était tolérée. Une culture machiste s’est développée et la femme était (et est parfois toujours) éduquée pour procréer. Aujourd’hui, les procès de reconnaissance de paternité se multiplient, mais les tests ADN coûtent cher. Des réformes législatives ont été proposées mais n’ont jamais vu le jour. Le Congrès est en effet composé majoritairement d’hommes, à qui une telle loi pourrait, un jour ou l’autre, porter préjudice…

La communauté LGBTI

« Je me tirerais une balle dans les parties génitales si j’apprenais que mon fils était homosexuel » (Horacio Cartes, futur président de la République, durant sa campagne présidentielle en 2013). Les propos homophobes sont encore très courants aujourd’hui au Paraguay et 80 % de la population rejette l’idée d’une union civile entre deux personnes du même sexe. Durant la dictature de Stroessner, la communauté homosexuelle a été durement persécutée. Les personnes soupçonnées d’être homosexuelles étaient inscrites sur une liste, connue aujourd’hui comme « la liste des 108 ». Les 108 personnes furent arrêtées et torturées (voir le documentaire Cuchillo de Palo, de Renate Costa). Le nombre 108 désigne toujours péjorativement la communauté LGBTI. C’est pour cela que certains hôtels n’ont pas de chambres avec ce numéro… Les agressions physiques et psychologiques sont courantes, en particulier par le mouvement évangéliste Pro-vida (qui lutte notamment contre l’usage du préservatif et l’avortement). Elles sont rarement sanctionnées par la justice. Les couples LGBTI montrent donc rarement des signes d’affection dans les lieux publics, au risque de se voir embêtés au nom des bonnes mœurs… On remarque toutefois de plus en plus de lieux gays friendly, et diverses associations LGBTI militent activement pour lutter contre tout type de discrimination basée sur l’orientation sexuelle et l’identité de genre. Par exemple : Somos Gay, La Coalición LGBTI del Paraguay, 108 Memoria, ou Aireana. Le film paraguayen Les Héritières de Marcelo Martinessi, est un hommage audacieux à la diversité. Le fait que le film soit ovationné par la critique internationale, constitua un coup dur à l’ordre moral conservateur paraguayen.

La place de l’indigène

Au Paraguay, l’indigène est souvent traité avec condescendance, et sa culture est peu valorisée. Les enquêtes nationales sur les ménages indigènes mettent en évidence de profondes disparités socio-économiques entre ces populations et le reste de la population. Leur revenu mensuel moyen serait 30 % inférieur à celui du reste de la population et le taux d’analphabétisme serait huit fois plus élevé. La grande majorité vit en zone rurale mais certaines familles, ou des communautés entières, doivent parfois se réfugier en ville, suite à l’accaparement illégal de leurs terres. Pour les Indiens, la nature est source de vie, c’est la Terre-Mère, où habitent les divinités et les ancêtres. C’est aussi la terre nourricière, qui offre du gibier, des fruits et des plantes pour se soigner… Leur mode de vie traditionnel n’étant pas en adéquation avec les valeurs de la société occidentale qu’on leur impose, ces communautés perdent tous leurs repères. Certains tombent dans l’alcoolisme et vivent de la mendicité, dans une grande misère. La constitution paraguayenne et le droit international reconnaissent le droit des peuples indigènes à vivre sur leurs terres ancestrales, sans contrepartie financière. Depuis les années 1990, des organisations indigènes saisissent la justice pour faire valoir leurs droits. Ces actions, rarement efficaces devant les juges locaux, ont davantage de portée à la Cour interaméricaine des droits de l’homme (CIDH), qui a force contraignante sur les États. Malheureusement, les autorités paraguayennes déploient rarement un grand zèle pour faire appliquer les décisions.