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Le monde swahili

Il est constitué de quelque 3 000 km de côtes le long du littoral est-africain, entre la Somalie et le Mozambique, ainsi que des îles et archipels environnants, notamment Lamu, Mombasa, Pemba, Zanzibar, Kilwa et même les Comores. C’est une terre de métissage où des gens d’origines variées se sont côtoyés durant des siècles et, ensemble, ont façonné son histoire. Mais le cosmopolitisme de la population s’explique avant tout par les relations anciennes et régulières établies entre les deux continents du bassin de l’océan Indien : l’Afrique et l’Asie. Il est le résultat de l’intégration des migrants persans et arabes, en particulier ceux d’Oman et du Yémen, dans les sociétés africaines des littoraux. La rencontre de ces deux continents a laissé son empreinte qui se manifeste dans l’architecture, la musique, la religion, l’art culinaire et les habitudes vestimentaires.
La langue swahilie est constituée d’importants apports arabes et d’autres langues autochtones. En dehors de l’anglais, c’est au Kenya la langue de communication entre les ethnies. Mais sur la côte, le swahili est la langue et la culture maternelles d’une part importante de la population, d’origine métissée.

Les Bantous

Originaires de l’Afrique de l’Ouest, les Bantous arrivèrent dans la région du lac Victoria par vagues successives. Ces populations d’agriculteurs colonisèrent les hautes terres centrales et une partie des régions autour du lac Victoria. Linguistiquement et culturellement très homogène, ce groupe est dominé par la tribu des Kikuyu (c’est la plus importante du pays, elle représente aujourd’hui 22 % de la population totale) qui vit traditionnellement au nord de Nairobi.
Leur rôle dans l’indépendance du pays et leur esprit d’entreprise leur ont permis de monopoliser le pouvoir politique pendant près de trente ans. Leur influence est moins grande aujourd’hui, mais reste néanmoins déterminante. Les Meru et les Embu, des agriculteurs qui vivent sur les pentes du mont Kenya sont très proches des Kikuyu. Leurs voisins, les Kamba, qui occupent les régions semi-désertiques entre Nairobi et la côte, sont réputés pour avoir servi de lien pour le commerce entre les Swahilis de la côte et les tribus de l’intérieur. Ces anciens commerçants travaillent aujourd’hui dans l’artisanat touristique, dans l’élevage et dans l’armée. A l’ouest du pays, entre le lac Victoria et le mont Elgon vivent les Luhya. Ce conglomérat dense de populations diverses, soumises à de multiples influences culturelles, vit de l’agriculture et, dans une moindre mesure, de l’élevage. Leurs « cousins », les Gusii et les Kuria, vivent un peu plus au sud.

Les peuples nilotes

Les Nilotes sont des peuples d’éleveurs venus de la vallée du Nil il y a environ 2 500 ans. Leurs contacts et leurs échanges avec les populations couchite et bantou les ont poussés vers l’agriculture et la pêche. On distingue les Nilotiques méridionaux, orientaux et occidentaux. Le premier groupe est le plus ancien. Il rassemble sous le terme de Kalenjin un ensemble d’ethnies (Kipsigi, Marakwet, Tugen, Nandi...) qui occupent une grande partie des hautes terres fertiles de l’ouest du Kenya. Seuls les Pokots qui vivent au nord du lac Baringo ont conservé leurs activités pastorales. Le second groupe, arrivé plus récemment (il y a environ mille ans), est composé de pasteurs nomades qui ont pu préserver leurs traditions. Les plus célèbres sont les Maasaï, aux côtés de leurs cousins du nord, les Samburu. Les Maasaï tirent leur nom de la langue qu’ils parlent, la Maa (que les Samburu parlent également).
Jusqu’à présent, ces tribus ont réussi à conserver leurs traditions et se battent avec vigueur pour faire respecter leurs droits vitaux. C’est peut-être ce qui fait des Maasaï l’ethnie la plus connue, alors qu’elle est pourtant très minoritaire dans le pays puisqu’elle n’est représentée que par 2 % de la population. Dans le même groupe, on trouve également les Turkana. Ce peuple de pasteurs nomades, parfaitement adapté aux régions arides, vit à l’ouest du lac Turkana. Souffrant des sécheresses à répétition, une partie des Turkana s’est tournée vers la pêche, malheureusement sans grand succès. Enfin, le troisième groupe est constitué par les Luo qui arrivèrent, il y a environ 500 ans, dans la région du lac Victoria. Originaires du Soudan, ce sont aujourd’hui d’excellents agriculteurs et de très bons pêcheurs. Ils bénéficient également d’une réputation d’intellectuels et détiennent des postes importants dans l’enseignement supérieur et, depuis peu, en politique, du fait de leur important poids démographique.

Les Maasaï

Les Maasaï, peuple nilote vivant à cheval sur le Kenya et la Tanzanie, ont été chantés par le romantisme colonial comme le pasteur nomade par excellence. Les écrivains anglais ont vu le noble guerrier sillonnant la plaine, lance à la main, simplement vêtu d’une tunique rouge. Certains Maasaï ont conservé une existence semi-nomade, déplaçant leur village en fonction des points d’eau.
En ce qui concerne leur structure sociale, le peuple maasaï est composé de cinq clans originels (sept d’après certains spécialistes) correspondant aux cinq fils de l’ancêtre fondateur et se subdivisant à leur tour en plusieurs groupes. L’autorité suprême est exercée par le « laibon », à la fois chef, prêtre et sorcier. Le rôle social de chacun est défini par la coutume et s’ordonne selon les classes d’âge. Les jeunes guerriers morans sont chargés de la sécurité des troupeaux.
Le Conseil des anciens sélectionne vingt-neuf d’entre eux, dotés de qualités morales et physiques supérieures. Ces jeunes morans obtiennent alors un statut hiérarchique plus élevé qu’ils conserveront toute leur vie. Deux d’entre eux se distinguent plus encore : le « olaigue-nani », porte-parole et chef de la classe d’âge, et le « olotuno », leader spirituel de la classe d’âge. Les rites de passage constituent l’un des aspects les plus importants de la culture maasaï. La vie des hommes est réglée en fonction des passages d’une classe d’âge à l’autre, selon des rituels transmis de génération en génération. Les cérémonies de l’ilmoran (guerrier) et de l’eunoto (passage à l’âge adulte) sont les deux étapes les plus importantes. La première se déroule juste après la circoncision : les jeunes maasaï (12-14 ans) sont alors considérés comme des guerriers (Morans). Pendant six à dix ans, ils vont vivre entre eux, à l’écart de leur famille. Cette longue période d’apprentissage doit leur permettre de s’aguerrir et de s’entraider. Pour prouver leur courage, les Morans devaient tuer un lion. Cette tradition, aujourd’hui interdite, reste pratiquée exceptionnellement. Les Maasaï vivent dans le respect de la vie sauvage, et leurs connaissances sont de plus en plus mises au service de la préservation de la faune. Certains de ces anciens « tueurs de lions » se reconvertissent ainsi en « protecteurs », auprès des associations et ONG qui œuvrent dans ce domaine. L’eunoto se déroule vers l’âge de 20 ans, la fête dure quatre jours avec danses et chants. Les moments forts de la fête sont la coupe des cheveux du Moran, la cérémonie du lait et la cérémonie de la viande. Devenu adulte, le jeune guerrier peut se marier.
La vie familiale est réglée selon les rôles et fonctions de chaque membre. Les femmes disposent de la jouissance du lait des bêtes. Elles sont craintes et respectées, mais doivent subir l’excision et connaissent des conditions de vie difficiles : elles construisent et entretiennent les cases, soignent les animaux, transportent l’eau et le bois et effectuent tous les travaux ménagers. Leur espérance de vie est d’ailleurs plus faible que celle des hommes. Ces derniers laissent les enfants et les Morans garder les troupeaux, et passent leur temps à palabrer et à arpenter la brousse. L’alimentation traditionnelle des Maasaï est le lait de vache, le sang et quelquefois la viande. Tous les arbres de la brousse et leurs racines sont aussi consommés selon leurs propriétés.
La vie moderne bouscule le mode de vie traditionnel de ce peuple d’éleveurs et de guerriers semi-nomades. Déplacés plusieurs fois au cours de l’histoire récente, une partie d’entre eux se sont rapprochés d’un mode de vie extérieur à leurs coutumes ancestrales. Beaucoup se « reconvertissent » dans le tourisme (employés par les nombreux camps et lodges des parcs et conservancies), parfois dans la lutte anti- braconnage. Ils font cependant partie des peuples du Kenya les plus traditionalistes, et c’est toujours loin des villes que l’on pourra les rencontrer. Car la nature sauvage, qu’ils respectent, protègent et craignent à la fois, est et restera leur première maison. Malheureusement, l’image d’Epinal que l’on présente aux touristes est souvent instrumentalisée et folklorisée à des fins commerciales.

Les peuples couchitiques

Les premières populations à coloniser le Kenya étaient des Couchites, apparentés aux actuels Somali (on parle de Somaliens pour désigner les habitants de la Somalie, et de Somali pour désigner le groupe ethnique). Ils introduisirent l’élevage, l’agriculture, l’irrigation et de nombreuses pratiques et coutumes encore en vigueur aujourd’hui (notamment brûlis des pâturages et circoncision). Ces populations ont été peu à peu assimilées et leur langue ne subsiste plus que dans quelques tribus isolées (les Dahalo qui vivent au bord du delta de la Tana par exemple). En revanche, une seconde vague plus récente d’immigrants couchitiques arriva par le nord aux XIVe et XVe siècles.
Ces populations pastorales, culturellement assez proches, se caractérisent par une organisation sociale particulièrement complexe. Les principaux groupes sont les Somali, les Rendille et les Oromo (Gabbra, Boran, Orma...), et forment la majorité de la population du quart nord-est du pays. Les premiers regroupent une dizaine de clans (Degodia, Gurreh, Ogaden, Hawiya...) et vivent au nord-est. De religion musulmane, ce sont des éleveurs de dromadaires mais aussi des commerçants dynamiques. Les seconds sont une petite tribu de pasteurs nomades vivant entre Marsabit et le lac Turkana ; ils sont culturellement assez proches de leurs voisins géographiques, les Samburu. Enfin, les Oromo, qui regroupent plusieurs tribus, vivent avec leurs troupeaux le long de la frontière avec l’Ethiopie.

Les minorités issues de l’empire colonial

Comme dans la plupart des anciennes colonies anglaises, la communauté indo-pakistanaise est ici importante. Le nombre de ses ressortissants reste modeste, mais leur influence économique est considérable. Ils contrôlent quasiment tous les commerces et monopolisent les postes clés dans l’immobilier et les services. Il est presque impossible de trouver une boutique en ville qui ne soit pas gérée par un Indien.