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Vie politique et sociale

Le Kenya est une république indépendante, depuis 1963, et membre du Commonwealth. La Constitution, révisée en 2001, a institué un régime présidentiel. Le Président, élu pour cinq ans au suffrage universel, nomme les membres du gouvernement et choisit un vice-président. L’Assemblée nationale (une chambre de 210 députés) détient le pouvoir législatif. Le pays est divisé en huit provinces, gérées, chacune, par un conseil consultatif dont les membres sont nommés par le Président de la République. Chaque province est divisée en quarante districts, dotés de conseils locaux. Ces autorités locales disposent d’une large autonomie, de leurs propres impôts pour assurer les dépenses de santé, d’équipement ou d’enseignement.

La famille, une valeur centrale

Au Kenya, l’appartenance à l’ethnie étant encore assez importante (souvent plus que la nation), la loyauté envers la famille est capitale dans tous les groupes. Les malades et les personnes âgées restent toujours des membres à part entière de la communauté.
Les familles des zones rurales comptent généralement 4 à 6 enfants ; les hommes peuvent avoir plus d’une femme. Les habitations sont formées de plusieurs logis : les parents, les jeunes enfants et les jeunes filles vivent dans le logis principal, alors que les grands-parents et les garçons plus âgés ont leur propre hutte. Les femmes font la cuisine et le ménage, veillent au ravitaillement en eau et en bois sec pour le feu, s’occupent des enfants et des récoltes, et construisent leurs propres maisons, tandis que les hommes sont chargés de rapporter l’argent à la famille. Les logis sont en brique non cuite, avec des toits en chaume et des planchers en ciment.
Nombreux sont ceux qui partent à la ville à la recherche d’un emploi. Mais les villes sont surpeuplées et les gens vivent souvent en appartement ou dans des abris de fortune. Plus de la moitié de la population de Nairobi, soit près de 2 millions de personnes, vit dans des bidonvilles ou dans des quartiers informels. Ces personnes n’ont pas accès à l’eau, aux hôpitaux, aux écoles et vivent sous la menace constante d’une expulsion forcée.

La situation des enfants

Traditionnellement, il est admis dans la culture kényane que les enfants aident la mère dans ses diverses fonctions. Cette aide familiale est observée par les gouvernements et les organisations internationales, notamment l’Unicef et le Bureau international du travail. Qualifiée de travail domestique, cette aide fait que de nombreux enfants et de jeunes ne vont pas à l’école. Ils travaillent aux champs, dans les ateliers artisanaux, ou viennent hanter les rues des villes pour fuir les conditions de vie éprouvantes. Les filles sont d’autant plus touchées car elles secondent la mère dans les activités domestiques et s’occupent des enfants plus jeunes, pour permettre aux aînées de travailler et de nourrir la famille. Dans certaines tribus nomades, les enfants dès l’âge de 3 ou 4 ans, sont chargés de surveiller les troupeaux.

La place des personnes âgées

Au Kenya, le vieillissement démographique s’inscrit dans le contexte de changements économiques rapides, accompagnés par l’urbanisation, l’évolution des attitudes au sein des communautés et des mouvements de population. L’exode rural a bouleversé la structure familiale, laissant les personnes âgées gérer les affaires économiques et sociales des zones rurales. Ceci a affaibli les soutiens traditionnels et accru les difficultés des personnes âgées.
En dépit des efforts déployés par le gouvernement pour répondre à leurs besoins, la majorité d’entre elles sont encore confrontées à des problèmes essentiellement économiques, sanitaires et sociaux. Les anciens sont les plus pauvres parmi les pauvres et il est fréquent qu’ils ne disposent pas d’un revenu régulier à cause des possibilités limitées d’emploi. Ils sont aussi plus vulnérables aux maladies, à la malnutrition, à la perte d’indépendance et aux mauvais traitements perpétrés par la famille et la société. Seulement un faible pourcentage de la population âgée perçoit une pension de retraite.

La place de la femme

Dans les zones rurales, les femmes gèrent la famille et la maison : elles s’occupent de la nourriture, de la récolte du bois à brûler et de l’approvisionnement en eau. Les femmes constituent une part essentielle et généralement gratuite de la main-d’œuvre agricole, contrôlée par le chef de l’exploitation rurale ou les chefs de ménage regroupés en son sein. Sur leur propre terre, elles sont peu aidées par l’époux, sauf pour les gros travaux. Et même là, l’aide est comptée. De plus en plus de paysannes s’attellent elles-mêmes à ces tâches. Elles font aussi appel aux associations d’entraide, généralement féminines, et, dans les limites de leurs possibilités, au salariat agricole.
L’économie informelle (qui représente 45 % de l’activité économique du pays) est détenue en grande partie par les femmes. Mais ce sont aussi elles les plus vulnérables, les entreprises informelles étant synonymes de précarité et de pauvreté.
En milieu urbain, l’émergence d’une classe moyenne supérieure a permis une plus grande autonomie financière et la réduction des disparités entre les hommes et les femmes. Mais le Kenya reste une société profondément patriarcale et sur le front de l’égalité des genres, les progrès restent à accomplir. Si le taux de scolarisation en école primaire est élevé au Kenya, l’instruction secondaire et l’inscription aux universités enregistrent des disparités phénoménales. Et dans certaines communautés, les filles doivent renoncer à l’enseignement secondaire, craignant de perdre leur « capacité de mariage ». Enfin, en haut de l’échelle, sur le terrain politique, même si la constitution de 2010 exige que le nombre d’hommes députés ne soit pas supérieur aux deux tiers, en 2019 seulement 21 % des sièges étaient occupés par des femmes. Le Kenya reste loin derrière ses voisins.
Dans les familles les plus démunies, ce sont aussi les femmes qui trinquent. Les risques de maladies liées à la pauvreté sont plus importants pour les femmes, aggravés par leur rôle de reproduction : mariages, grossesses précoces et nombreuses maladies sexuellement transmissibles (le sida frappe davantage les femmes que les hommes ; à Nairobi le risque de contracter le virus est de 90 % pour les adolescentes contraintes à la prostitution), mutilations génitales, avortements clandestins, cancers du sein et du col de l’utérus, etc., se traduisent par un taux de mortalité important. Le risque le plus grave étant l’absence de contrôle des femmes sur leur propre statut, sur leur corps et leur fécondité, absence renforcée par les codes culturels et législatifs.

L’éducation, un secteur en crise

Depuis que l’école primaire est devenue gratuite au Kenya en 2003 – quelques années avant l’école secondaire (2008) –, obligatoire et gratuite depuis 2010 pour tous les enfants de 6 à 14 ans, le nombre d’enfants scolarisés dans le pays a augmenté considérablement. L’augmentation du nombre d’enfants inscrits dans les écoles s’est traduite par des classes tellement surpeuplées que les administrateurs ont dû ajourner des admissions d’élèves faute de place. Dans de nombreuses écoles, des salles de classe où il y avait 40 élèves en accueillent désormais 70. Et malgré une progression spectaculaire des inscriptions dans le primaire, plus d 1,2 million d’enfants en âge d’être scolarisés restent en dehors du système éducatif. (UNICEF, 2020).
Si plus de 85 % des enfants en âge d’être scolarisés fréquentent aujourd’hui l’école primaire, certains facteurs, tels les coûts, les résultats obtenus aux examens ainsi que le manque d’établissements, font que beaucoup ne font pas d’études secondaires ou post-secondaires. Dans certaines régions, comme le nord-est du Kenya, touché par des actes de violence terroriste et des sécheresses répétées, les jeunes se retrouvent même totalement privés d’éducation faute d’écoles et d’enseignants.
Avec la crise du Covid en 2020, le secteur est encore plus fragilisé, la fermeture des écoles ayant entraîné une perte de revenus pour des milliers d’enseignants, contraints de se tourner vers d’autres métiers pour survivre.

Santé et protection sociale

Selon l’Organisation mondiale de la santé (OMS), le Kenya compte à peine un médecin pour 10 000 habitants, quand l’OMS en recommande dix fois plus. Et les trois quarts travaillent dans le privé à des prix évidemment inabordables pour la quasi-totalité de la population. Dans le public, les soins médicaux sont dispensés par des organismes gouvernementaux, des institutions religieuses et des associations de volontaires. Les hôpitaux provinciaux sont situés dans la grande ville de chaque province. Au niveau local, il existe aussi des dispensaires et des hôpitaux régionaux offrant des services de base.
Longtemps considéré comme l’un des meilleurs du continent, le système de santé kenyan est aujourd’hui lourdement fragilisé par une mauvaise gestion, un manque cruel de financement, de moyens techniques et humains, et une corruption ouvertement dénoncée. Les soins médicaux coûtent cher et la plupart des Kényans n’iront donc voir un médecin que s’ils sont vraiment malades, préférant avoir recours à la médecine traditionnelle.
Pendant de nombreuses années, la protection sociale n’a pas été une priorité pour le Kenya. En 2003, seulement 15 % de la population bénéficiait d’une couverture sociale. En 2014, un fonds de pension obligatoire pour tous les citoyens de 18 à 65 ans a été mis en place. Aujourd’hui, « The National Social Security Fund », la Caisse nationale de sécurité sociale et de retraite offre une protection sociale à tous les travailleurs kényans des secteurs formels et informels. En pratique toutefois, l’extension de la protection sociale au secteur informel, qui représente 45 % de l'activité économique du pays, reste un vaste chantier et bon nombre de ces travailleurs, dont l’activité est irrégulière et peu rémunératrice, ne bénéficient pas de ce fonds.