Boyle Abbey © jksz.photography - Shutterstock.com.jpg
Murets de pierres sur les îles d'Aran © travelamos- Shutterstock.com.jpg

Architecture de légende

Les cairns sont des tumulus de terre ou de pierre recouvrant des sépultures, possédant souvent une avant-cour et dont l’enceinte sacrée était protégée par des pierres dressées. La Creggandevesky Tomb et la Ossian’s Grave en sont deux superbes exemples. L’Irlande possède également des tombes-passages recouvertes de terre ou de pierre et possédant un étroit passage d’accès bordé de grosses pierres menant aux chambres funéraires ; ainsi que des allées couvertes composées de galeries desservant les chambres funéraires. Là encore, une cour précède ces édifices. Vous pourrez en observer d’étonnants exemples dans le comté de Sligo, notamment sur les sites de Deerpark et Creevykeel. Et n’oublions pas les dolmens (chambres funéraires couronnées d’une grande pierre plate) à l’image du dolmen à portique de Labby Rock, qui se situe non loin du cimetière néolithique de Carrowkeel abritant de somptueuses chambres funéraires à encorbellement. Mais le site phare à ne pas manquer est le tumulus de Newgrange, colline de 11 m de haut et 85 m de diamètre, formée de près de 200 000 t de pierres abritant des galeries gravées et une chambre funéraire qui s’illumine à chaque solstice d’hiver ! En parallèle, l’Irlande a vu se développer d’autres sites rituels, à l’image des cromlechs (cercles de pierres dressées) et des amphithéâtres à gradins organisés autour d’une vaste plateforme comme l’illustrent les sites de Dun Duchathair et Dun Aengus sur les îles Aran. À cela s’ajoute également une étonnante série de forts et enceintes fortifiées de forme circulaire. Les raths sont en terre, tandis que les cashel sont en pierre. Ces forts sont érigés sur des promontoires rocheux ou sur des collines autour desquelles on creuse des fossés protecteurs. Parmi les sites à ne pas manquer : le fort de Cahergeal, le Staigue Fort et bien sûr la Colline de Tara avec les trois anneaux du Raths of the Synods. Et ne manquez pas non plus les crannogs, îles artificielles, construites en zones lacustres, composées de plateformes en bois portées par une série de pilotis et sur lesquelles se trouvent des maisons à clayonnages enduits de torchis et aux toits de chaume ou de tourbe et de forme souvent conique. De beaux exemples sont à voir dans le comté de Clare.

Âge d’or médiéval

Les premières églises celtiques sont petites et simples, en pierre, de plan rectangulaire, avec un toit à haut pignon et des fenêtres étroites et fuselées. Elles sont protégées par une tour ronde au sommet crénelé, ne possédant aucune ouverture, à l’exception de meurtrières et d’une entrée surélevée à près de 2 m du sol. On retrouve ces caractéristiques dans les premiers monastères qui sont souvent protégés d’un mur ou d’un fossé d’enceinte circulaires. Originellement composés d’une cellule unique, ils ont hérité leur simplicité des huttes des premiers ermites chrétiens, cabanes circulaires de pierres sèches appelées clochán et dont la forme de ruche leur vaut aussi le nom de beehive huts. Les croix celtiques, géants de pierre aux riches décors bibliques sculptés, sont les autres grands symboles de la période. Parmi les plus beaux témoins de ce Haut Moyen Âge chrétien, ne manquez pas le site de Skellig Michael, les High Crosses de Ahenny et de Castledermot et surtout le site de Monasterboice. L’Irlande connaît ensuite un véritable âge d’or des abbayes et monastères. L’architecture de ces derniers a été influencée par les ordres monastiques du continent, les Cisterciens en tête, avec leur sens de l’ascèse et de l’harmonie des lignes et des volumes. À cela s’ajoute également l’influence des Normands. Pour leurs églises, ces derniers privilégient un plan simple avec 1 nef, 2 bas-côtés, 1 transept et 1 abside. En matière de style, le roman-normand fait la part belle à de sobres mais riches décors sculptés avec frises et tympans ouvragés aux motifs géométriques. L’espace intérieur, spacieux et lumineux, comporte arcades, larges baies et galeries de circulation. Une impression de grandeur qui sera renforcée par l’apparition des premières voûtes d’ogives, permettant de gagner en hauteur et annonçant les grands élans du gothique. À ne pas manquer : Boyle Abbey, Clonfert Cathedral, Athassel Priory et les sites de Glendalough, Rock of Cashel et Clonmacnoise. Les Normands sont également célèbres pour leurs châteaux, aux proportions massives, dotés de remparts crénelés et de puissants et épais murs de pierre ornés là aussi de motifs géométriques, souvent en zigzag ou en dent de scie. Érigés sur des promontoires rocheux ou entourés d’enceintes et fossés défensifs, ces châteaux sont dominés par un donjon trônant au centre d’une cour centrale. L’organisation des châteaux rappelle celle des maisons-tours qui jalonnent le pays. Aughnanure Castle, Blarney Castle, Carrickfergus Castle et bien sûr Dublin Castle comptent parmi les plus belles forteresses du pays. Et pour goûter au charme pittoresque des villes médiévales, rendez-vous à Kilkenny. Là vous pourrez déambuler dans High Street, la grand’rue commerçante typique du Moyen Âge, mais aussi dans les slips, ces petites ruelles si pentues qu’elles ont été transformées en escaliers ; toutes ces rues étant bordées de maisons à arcades. Vous y découvrirez également le château, la cathédrale et une superbe tour ronde. Toute l’Irlande médiévale en une ville !

Du XVIe au XVIIIe siècle

Le XVIe siècle s’accompagne d’une adaptation des systèmes de fortifications à l’évolution de l’artillerie. On renforce les murs de remblais de terre pour supporter les tirs de canons et l’on multiplie les bastions d’angle et les formes pointues ou en saillie. C’est de cette époque que datent les remparts de la Citadelle de Derry, l’Elizabeth Fort de Cork et le Charles Fort de Kinsale dont la forme en étoile est inspirée des citadelles de Vauban. Le XVIIe est, lui, le siècle des « plantations » voyant les colons anglais et écossais s’accaparer les terres des chefs de l’Ulster. Dominés par les big houses, la demeure des propriétaires, ces domaines conservent des atours médiévaux auxquels s’ajoutent çà et là des éléments classiques empruntés à la Renaissance italienne, notamment dans l’art des jardins. Tully Castle, Crom Estate et Springhill comptent parmi les belles propriétés de l’époque. Le XVIIIe siècle, lui, marque l’avènement du néoclassique, et plus précisément du style géorgien, très largement influencé par le palladianisme où règnent harmonie et symétrie, les façades des édifices étant rythmés par de hautes fenêtres, des colonnes et arcades, ainsi que par des frontons, corniches et balustrades. C’est l’âge d’or des grandes propriétés de campagne de la gentry anglaise souvent composé d’un corps de bâtiment de 3 ou 4 étages flanqué de 2 ailes créant ainsi une entrée monumentale. Ne manquez pas Florence Court et Castle Code à Fermanagh ou bien encore Castletown House à Kildare dont le superbe jardin est jalonné de « folies », ces fabriques de jardin ornementales aux formes les plus fantaisistes. Autre étonnante fantaisie néoclassique : le Casino à Marino, chef-d’œuvre de l’architecte William Chambers, qui a recréé dans la banlieue de Dublin un véritable petit palais italien à l’étonnante richesse décorative. En ville, la rigueur néoclassique se lit dans les grands édifices publics (Parlement irlandais et Custom House à Dublin), tandis qu’apparaît une nouvelle forme urbaine : les terraced houses, alignement de maisons mitoyennes le long d’une rue ou autour d’une place (square) créant harmonie et unité, sentiment renforcé par la sobriété de leur façade rehaussée par les volées de marches menant à leurs superbes portes lambrissées et colorées et surmontées d’impostes semi-circulaires richement décorées. Les terraced houses de Dublin sont célèbres dans le monde entier ! Un urbanisme très étudié que l’on retrouve dans l’alternance d’immeubles de briques et de maisons blanches à colonnades entourant les Crescent Gardens de Belfast. Cette effervescence urbanistique trouve son apogée dans la création de nouveaux villages aux proportions harmonieuses et aux larges avenues et promenades arborées. La devise de ces nouveaux villages : ordre et calme. Rendez-vous à Birr et Westport pour en profiter !

Ère victorienne et modernité

L’architecture victorienne est tout entière nimbée d’un éclectisme faisant revivre les grands styles du passé, gothique et Tudor en tête. Cette période s’accompagne d’ailleurs de grandes campagnes de restauration de châteaux et églises, de même que par la recréation de villages traditionnels. La cathédrale St Finbarr de Cork a ainsi été reconstruite dans un exubérant gothique avec rosaces, mosaïques et murs recouverts de marbre de Cork rouge sang. La brique est le matériau victorien par excellence et on la retrouve dans les nombreux édifices à vocation pédagogique qui partout voient le jour. C’est notamment l’avènement des grandes universités, comme l’illustrent bien le Trinity College de Dublin et la Queen’s University de Belfast qui se parent, eux aussi, des atours du gothique. En parallèle se développe une très belle architecture métallique annonçant la modernité à venir. On la retrouve dans les jardins botaniques et les marchés, chefs-d’œuvre de verre et d’acier. Ne manquez pas le St George’s Market de Belfast, les serres des National Botanic Gardens de Dublin et surtout le Jardin Botanique de Belfast avec sa superbe Palm House aux formes rondes et organiques. Cette dernière est l’œuvre de Charles Lanyon, l’architecte du Belfast XIXe siècle, et à qui l’on doit également le Queen’s Bridge, la Custom House, la Crumlin Road Courthouse et la Sinclair Seamen’s Church, tous mêlant prouesses d’ingénierie et style très personnel. L’industrieuse et industrielle Belfast se dote également de nombreux quartiers ouvriers aux enfilades de maisons de brique rouge aux petites arrière-cours. La ville possède également un très bel exemple d’architecture édouardienne qui succède à l’ère victorienne : la Donegall Square dominée par le City Hall dont la blanche silhouette met en valeur son puissant dôme de cuivre vert. Le Guinness Building de Dublin, lui, marque l’entrée définitive dans la modernité. Influencée par les gratte-ciel de l’École de Chicago, il est le 1er édifice d’Irlande avec une structure métallique supportant plusieurs étages ! Le début du XXe siècle est également marqué par l’apparition des lignes géométriques et épurées de l’Art déco que l’on retrouve notamment dans l’église du Christ Roi de Cork. Les années 1920-1930 sont aussi une période de réflexions urbanistiques, notamment à Dublin, dont on décide d’éradiquer les bidonvilles que l’on remplace par les « Dublin Corporation Houses », grandes propriétés divisées en maisons mitoyennes et organisées en croissant autour d’espaces verts. Si le béton est désormais la norme, le schéma urbain géorgien est encore d’actualité !

Architecture contemporaine

Avec sa façade en béton rythmée par un alignement « monotone » de vitres, Busaras, la gare centrale des bus de Dublin construite en 1953 par Michael Scott, est le parfait exemple de l’austérité du style international. Sam Stephenson, lui, a inventé un brutalisme aux élégants contours, comme en témoigne la Banque centrale de Dublin et les deux tours des Civic Offices aux façades intercalant blocs de béton et bandes de pierres noires. Terre d’innovation architecturale, Dublin a continué à se redessiner sous les coups de crayons de célèbres architectes. Santiago Calatrava l’a doté de ses deux ponts emblématiques : le pont James Joyce à la silhouette rappelant un livre ouvert, et le pont Samuel Beckett dont la forme rappelle celle d’une harpe, l’emblème du pays. Daniel Libeskind, lui, a imaginé le Grand Canal Theater, avec une superbe façade en miroirs et des volumes sculptés fluides et transparents, devenu le point focal du nouveau quartier de Grand Canal Harbor. Parmi les autres réalisations contemporaines incontournables de Dublin, ne manquez pas l’étonnant Umbrella Project au cœur de Temple Bar avec ses piliers-parasols rétractables protégeant la place centrale, le Marker Hotel avec sa façade alternant avec élégance surfaces vitrées et surfaces lisses et blanches et le Capital Dock et ses 79 m de haut. Mais Dublin est aussi et surtout la ville de Shelley McNamara et Yvonne Farrell, fondatrices de l’agence Grafton Architects, et récipiendaires, en 2020, du prestigieux prix Pritzker, le Nobel d’architecture. Avec Zaha Hadid, elles sont les seules femmes à l’avoir reçu ! Créatrices d’une architecture sobre et épurée aux accents brutalistes, les deux architectes ont pour mots d’ordre : humanisme, altruisme et générosité. Ceci explique sans doute le nombre étonnant d’écoles qu’elles comptent à leur actif ! On leur doit aussi le très beau Centre d’art Solstice à Navan. Belfast n’est pas en reste et jouit aujourd’hui d’une belle vitalité créatrice. Les docks et les chantiers navals ont été réhabilités et abritent désormais deux édifices emblématiques de la ville : le Titanic Building avec ses 4 volumes saillants rappelant la proue du légendaire paquebot et l’Odyssey Arena. Le Victoria Square est aussi un incontournable. Cet immense centre commercial, entrelacs de passerelles surmonté d’une belle coupole de verre, a intégré les anciennes rues du quartier à sa structure. Belfast possède aussi la plus haute tour du pays : l’Obel Tower qui culmine à 85 m. L’Irlande voit également se développer de très beaux projets d’architecture organique s’intégrant harmonieusement au paysage, à l’image du Centre d’accueil de la Chaussée des Géants avec ses toits végétalisés et ses volumes inspirés des formations basaltiques.

Richesse vernaculaire

La richesse de l’Irlande est aussi celle de son patrimoine rural et traditionnel. Sur les côtes, impossible de rater les pittoresques villages de pêcheurs aux petites maisons colorées et à l’harmonieuse unité. Dingle en est sans aucun doute l’un des plus beaux. Dans les terres, c’est le cottage qui se fait l’ambassadeur de l’identité irlandaise. Le plus souvent de plain-pied, ces maisons de plan rectangulaire, étroites et profondes, et aux murs robustes de pierre ou d’argile, possèdent une pièce principale éclairée de fenêtres à guillotine et à laquelle on accède par une porte d’entrée légèrement décalée par rapport au centre de la pièce. Lorsque le cottage se compose de plusieurs pièces, ces dernières se succèdent en enfilade sans couloir. À quoi reconnaît-on un cottage irlandais ? À sa silhouette blanchie à la chaux (ou parfois légèrement colorée de tons jaunes ou orangés) surmontée d’un toit de chaume (l’ardoise est réservée pour les cottages plus cossus). Bruyère, paille ou roseau compose ce chaume résistant et isolant. Sur la côte atlantique, il est maintenu par des cordes pour résister aux vents. Dans l’Ulster et le Munster, on superpose plusieurs couches de paille qui se chevauchent, tandis que dans le reste du pays, on utilise une technique consistant à « épingler » le chaume sur un maillage de tiges effilées. Le Connemara en possède de très beaux exemples. L’architecture vernaculaire est aussi celle du petit patrimoine : les moulins à vent, comme le Wellbrook Beetling Mill, mais aussi les murets de pierre divisant partout les terres. Les plus impressionnants sont à voir sur les îles Aran. Du ciel, ces murets ressemblent à des résilles aux mailles serrées. Chaque propriétaire de parcelles y a travaillé ses murets de pierres cassées comme de la dentelle. Cette architecture vernaculaire est à découvrir dans les nombreux écomusées ou Folk Park du pays. Parmi les plus riches, ne manquez pas : le Sligo Folk Park et l’Ulster-American Folk Park.