Trésors précolombiens
Bien avant les Incas, d’autres peuples précolombiens laissèrent leur empreinte sur le sol bolivien. C’est le cas des Moxos d’Amazonie, inventeurs d’une étonnante architecture de l’eau. Canaux d’irrigation et de navigation, digues et réservoirs comptent parmi leurs créations, mais les plus impressionnantes restent leurs îles artificielles aux allures de collines du fait de leur structure surélevée permettant de maintenir villages et cultures au sec. Les localités de Loma Alta et Loma Suarez en sont les directes héritières. La civilisation de Tiwanaku s’est, quant à elle, fait connaître par son incroyable maîtrise de la pierre, tant en matière de construction que de décoration, ainsi que par son organisation spatiale définie par la fonction des édifices. Le site archéologique de Tiwanaku recèle de véritables trésors, à commencer par le Temple d’Akapana. Si aujourd’hui, seuls l’étage inférieur et une partie des murs ont été conservés, il faut imaginer qu’à l’origine, il s’agissait d’une pyramide composée de sept plateformes avec des murs de soutènement de près de 18 mètres. Cette puissante structure de grès et d’andésite était surmontée d’un temple et entourée de canaux de drainage pour la protéger. L’autre joyau du site est le Kalasassaya, grand temple rectangulaire, dont le nom signifie « pierres dressées » en langue aymara. Un nom qui fait référence aux superbes monolithes sculptés abrités par le temple. La porte sud du temple a ainsi été taillée dans un seul bloc d’andésite. Ses côtés ont été percés de niches pouvant accueillir des statues, tandis que son fronton est orné d’une frise magistralement sculptée représentant sans doute un calendrier agricole.
Les Aymaras, eux, ont laissé d’étonnantes tours d’adobe (mélange de terre et de paille), de plan carré le plus souvent, parfois circulaire, percées d’une unique porte et pouvant atteindre 8 m. Elles sont baptisées « chullpas » et se révèlent être des monuments funéraires. Vous pourrez notamment en voir près du village de Condor Amaya. Autant d’éléments qui inspirèrent les Incas. Si les témoins de ce peuple légendaire sont moins nombreux qu’au Pérou, ils n’en sont pas moins spectaculaires. La Bolivie est ainsi traversée par le Qhapaq Nan, grand réseau routier qui parcourait des milliers de kilomètres à travers les Andes. Basé sur quatre routes principales, il rejoignait les réseaux secondaires des différents pays traversés. Routes pavées de pierre, ponts suspendus à flanc de canyon, escaliers escarpés épousant les reliefs, mais aussi postes de relais, forts et auberges ponctuent ces routes de légende. Le Fuerte de Samaipata témoigne, lui, d’une architecture basée sur la précision, la solidité, la symétrie et l’harmonie. Le site illustre très bien l’urbanisme inca séparant centre culturel et centre administratif et résidentiel, les bâtiments publics étant organisés autour d’une grande place centrale. Ces bâtiments – notamment l’Acllahuasi ou Maisons des Elues, la Kallanka ou forteresse militaire, la Cour ou l’espace de commerce et le Tambo, sorte de caravansérail – sont placés sur différentes plateformes. Le centre cérémoniel s’organise, lui, autour d’un rocher monolithique de grès rougeâtre aux dimensions impressionnantes (220 m de long sur 60 m de large !) et aux surfaces entièrement gravées. Les Incas ont également laissé de véritables citadelles protégées par d’imposantes murailles, comme le montrent les sites d’Incallajta et Incarracay.
Héritage colonial
Les cœurs historiques des grandes cités boliviennes se dessinent selon un plan en damier, typiquement européen, organisé autour d’une grande place, la Plaza Major. Cette dernière, bordée d’arcades, concentre tous les pouvoirs : la cathédrale, le palais du gouvernement et les instances commerciales. Les rues parfaitement rectilignes et pavées qui y mènent sont, elles, bordées de maisons basses aux façades colorées. La maison coloniale s’organise autour d’un ou plusieurs patios à arcades dont les colonnes de bois sont souvent travaillées de manière très stylisée, l’ensemble des pièces s’ouvrant sur cet espace d’intimité et de fraîcheur. Les murs sont le plus souvent en pisé (mélange de boue et de paille) et recouverts de plâtre, mais peuvent aussi être en pierre. Les toits, quant à eux, sont le plus souvent ornés de tuiles de céramique. Certaines maisons se dotent également de balcons et bow-windows de bois ainsi que de galeries extérieures couvertes. Parmi les plus beaux témoins de cet urbanisme colonial, ne manquez pas : la Calle Jaén à La Paz ; la très belle place de Santa Cruz de la Sierra ; les rues de Trinidad bordées d’un ingénieux système de fossés pour évacuer les eaux de pluie ; les superbes demeures de Sucre ; et la Place du 10 Novembre à Potosí… dont la Casa de la Moneda est l’un des plus grands édifices civils coloniaux de toutes les Amériques. Beaucoup de belles demeures coloniales ont été converties en musée, notamment à La Paz. Eglises, couvents et monastères se parent d’abord aux couleurs des styles en vogue en Europe. L’Iglesia de la Merced à Potosí possède ainsi un très beau plafond typiquement mudéjar, tout comme l’église Saint-François d’Assise de Sucre. L’église de Curahuara de Carangas, elle, a été surnommée « la chapelle Sixtine de l’Altiplano » tant ses fresques incroyables et sa silhouette sobre et simple rappellent les lignes Renaissance de la célèbre chapelle romaine ! Mais c’est surtout le baroque qui aura la faveur des colons espagnols. Il faut impressionner les futurs fidèles. Colonnes torses, motifs en courbes et en spirales, couleurs, dorures et décors sculptés comptent parmi ses attributs phares. Parmi les chefs-d’œuvre de ce style, notons : la Tour de la Compagnie de Jésus et son superbe portail en pierre sculpté, et l’Iglesia y convento San Francisco avec ses colonnes torses sculptées de vignes et les tuiles colorées de son toit, tous deux à Potosí ; l’église du Museo y convento de Santa Clara à Sucre, avec sa belle polychromie de blanc, bleu et or et son superbe orgue baroque ; ou bien encore le Convento-Museo Santa Teresa de Cochabamba aves ses fresques d’inspiration végétale et son étonnant escalier en colimaçon menant à sa coupole. Mais en regardant attentivement les façades de certains de ces édifices baroques, vous remarquerez qu’à l’imagerie chrétienne traditionnelle s’ajoutent des références clairement païennes, en lien avec les traditions locales. C’est ce qu’on appelle le baroque métis, étonnant syncrétisme que l’on retrouve dans la Basilica de la Virgen de la Candelaria de Copacabana dont le blanc immaculé rehaussé par ses riches coupoles couvertes d’azulejos très baroques se pare de représentation de la Vierge aux traits de princesse inca. Même superbe mélange dans la Basilica de San Francisco de La Paz. Voyez comment anges et saint côtoient la Pachamama, grande déesse de la terre, et les mâcheurs de coca sur sa façade richement décorée. Ce syncrétisme va trouver son apogée dans les Missions Jésuites de Chiquitos. Entre les XVIIe et XVIIIe siècles, ce sont six « réductions d’Indiens », comprenez des installations destinées aux Indiens christianisés, qui ont été construites par des pères Jésuites, désireux d’instaurer des « républiques de Dieu », cités idéales fondées sur l’égalité et l’entraide. Voilà pourquoi les Jésuites ont travaillé en étroite collaboration avec les Chiquitos. Ces derniers y ont notamment développé un superbe artisanat du bois. La mission s’organise autour d’une grande place rectangulaire bordée sur trois côtés par les bâtiments dédiés aux Indiens, le quatrième côté étant réservé aux ateliers, à l’école et surtout à l’église. Ces églises, pour la plupart construites par le Suisse Martin Schmid, suivent presque toutes le même modèle : une charpente de bois soutenant un toit à deux pans, une structure intérieure à trois nefs délimitées par des colonnes en bois et deux galeries extérieures entourant l’édifice et elles-mêmes soutenues par des colonnes. Ces dernières, de même que les balustrades, les autels et les sculptures, témoignent du savoir-faire des Chiquitos en matière de taille du bois. Parmi les plus belles, ne manquez pas celles de San Rafael, San Miguel et San Javier.
Architecture moderne et contemporaine
Après le foisonnant baroque indissociable de l’époque coloniale, la jeune République a fait le choix du style néoclassique aux lignes sobres. Frises et corniches font ainsi leur apparition sur les façades des théâtres notamment, à commencer par le Teatro Municipal Alberto Saavedra Pérez de La Paz et le Teatro Gran Mariscal de Ayacucho de Sucre. Puis progressivement, cette sobriété va laisser place à un étonnant éclectisme, mêlant tous les styles possibles. Les plus insolites représentants de cet éclectisme sont le Castillo de la Glorieta, où se mêlent une demeure aux allures de palais florentin teinté d’influences byzantines, un portique aux arcs polylobés typiquement arabes, une chapelle gothique, un haut minaret à bulbe et une tour aux allures de ruine romantique… tout un programme ! Autre édifice étonnant à ne pas manquer, le Palacio Portales à Cochabamba réalisé par Eugène Bliault, un architecte originaire… du Havre ! Même mélange détonant à la Casa de Dora et au Castillo Azul, qui ont la particularité de posséder également des éléments Art nouveau. En façade des maisons, on voit également apparaître des bow-windows métalliques, tandis que certains intérieurs se couvrent de belles verrières, à l’image de celle du Museo del Tesoro de Sucre dont on raconte qu’elle fut dessinée par un certain… Gustave Eiffel.
Les années 1950-60 voient l’avènement d’une architecture rationaliste qui se traduit par des édifices aux volumes simples de béton. Ces années s’accompagnent aussi d’un renouveau de la pensée urbanistique. A la différence de nombreuses villes qui ont grandi sans véritable plan, Santa Cruz de la Sierra a fait l’objet d’une planification rationnelle. La ville moderne est ainsi découpée en huit anneaux successifs autour de la ville ancienne. Le premier anneau regroupe les fonctions économiques et administratives, les suivants abritent, eux, les zones résidentielles. Le tout est ponctué de nombreux espaces verts. Un modèle étonnant à une telle altitude ! Dans les années 1970, l’architecte Hans Roth lance une grande campagne de restauration des Missions Jésuites de Chiquitos, tout en perpétuant la tradition de cette architecture métissée via des structures modernes, telle la très belle chapelle de Chochis où les bois tropicaux dominent.
Plus récemment, ce sont les réalisations de l’architecte Freddy Mamani Silvestre qui ont mis un coup de projecteur sur la Bolivie, et sur El Alto en particulier. D’origine aymara, l’architecte a développé un style néo-andin inspiré des textiles traditionnels, des formes géométriques des sites précolombiens et des motifs empruntés aux cultes païens (papillons, serpents, condors…). El Alto brille désormais des couleurs chatoyantes de ses « Cholets ». Contraction de chalet et cholo (terme péjoratif pour désigner les Boliviens d’origine indigène), ces immeubles célèbrent la richesse culturelle (et monétaire !) des commerçants aymaras. Au rez-de-chaussée, ces bâtiments abritent des boutiques. Aux 1er et 2e étages se trouve une grande salle de bal, destinée à accueillir les activités folkloriques et culturelles. Les niveaux supérieurs accueillent les logements, dont le plus élevé, le « cholet », est réservé au propriétaire. Certains des « Cholets » réalisés par Freddy Mamani Silvestre peuvent atteindre un million de dollars… mais les différents espaces pouvant être loués, le propriétaire a vite rentabilisé son investissement !
Richesses vernaculaires
Sur le lac Titicaca, le peuple Uros a conçu d’étonnantes îles de roseaux, notamment de roseau totora qui pousse en abondance sur les rives du lac. Pour obtenir un sol sec sur lequel bâtir leurs maisons (de roseaux également !), les Uros en superposent une multitude de couches. L’île ainsi formée est « arrimée » via de longues perches enfoncées dans le sol du lac. Les Chipayas, eux, sont célèbres pour leurs maisons rondes. La structure circulaire initiale est réalisée à l’aide de cerceaux de tepe (un mélange de boue et de racines) attachés avec de la corde et renforcés par une charpente de bois. Le toit de chaume et de forme conique est sécurisé par des cordes de paille afin de résister aux vents forts de l’Altiplano. De même, les maisons ne possèdent qu’une porte tournée vers l’Est afin d’éviter que le vent ne s’y engouffre. Dans les zones agricoles, les Chipayas optent pour des maisons aux allures de ruche, car érigées à l’aide de blocs de tourbe apparents. Dans les zones montagneuses, les Quechuas protègent leurs maisons par un mur pouvant atteindre 2,5 m de haut. Ces maisons sont construites en adobe ou en pierres brutes assemblées à l’aide de mortier, certaines sont ensuite recouvertes de plâtre, tandis que les autres laissent les matériaux bruts apparents. Le toit de chaume est posé sur un cadre de jonc. Le sol, quant à lui, est le plus souvent en terre battue. Les Indiens Guaranis, de même que beaucoup de peuples amérindiens des zones tropicales, optent pour des structures simples réalisées à l’aide de bâtons d’un bois local très résistant attachées de façon à obtenir une structure très compacte, dont les interstices sont comblés avec de la boue. Les toits sont le plus souvent réalisés en feuilles de palmier séchées. L’habitat des Ayoreos-Totobiegosode est encore plus simple. Isolés dans des zones très reculées, en pleine forêt, ces derniers établissent de grandes maisons communes, dont un pilier central en bois soutient la structure en forme de dôme, la toiture étant réalisée en boue séchée. Mais cette structure n’est utilisée que par temps de pluie. Parmi les autres richesses vernaculaires, notons les maisons des Indiens Tarabucos, non loin de Sucre, très largement inspirées des modèles espagnols avec leurs murs en pisé et leurs toitures couvertes de bardeaux d’argile rouge, ou bien encore les pahuichis de Santa Cruz, habitats éphémères et faciles à réaliser composés de feuilles de palmier tissées posées sur une armature de bois à pignon et possédant une galerie sur la façade avant. Restaurants et clubs de sport occupent souvent ces structures ! Aujourd’hui, cet habitat est au centre d’un écotourisme en plein essor. De nombreux écolodges voient ainsi le jour, faisant la part belle aux matériaux locaux et naturels, dans des bungalows de bois aux toits de palme. Leur particularité ? Ils sont entièrement gérés par les peuples autochtones. Parmi les plus populaires, ne manquez pas : le Chalalan Ecolodge, le Tomarapi Ecolodge et le San Miguel de Bala Ecolodge.