Découvrez les Émirats arabes unis : Architecture (et design)

Dans l’imaginaire collectif, les Émirats arabes unis sont indissociables des géants de verre et d’acier qui dessinent les skylines de leurs super métropoles. Certes, les plus grands architectes du monde entier y ont rivalisé d’audace et de fantaisie, mais à l’ombre de ces gratte-ciel, les Émirats abritent un patrimoine architectural bien plus riche encore et dont les premiers témoins sont multimillénaires. Ne faites donc pas l’impasse sur les nombreux sites archéologiques aux riches et étonnants tombeaux et aux puissantes forteresses. Laissez-vous également surprendre par l’ingéniosité de l’habitat traditionnel dont les cœurs urbains historiques ont conservé de beaux exemples. Des trésors du passé sur lesquels les Émirats s’appuient pour imaginer la ville durable de demain. C’est d’ailleurs la thématique phare de l’Exposition Universelle de Dubaï qui s'est tenue d'octobre 2021 à mars 2022. Alors, prêt à en prendre plein la vue ?

Trésors du passé

C’est au cœur du désert que se cachent les plus étonnants trésors des Émirats arabes unis : des tombeaux millénaires. Les plus impressionnants sont les Tombeaux de Jebel Hafeet dont les plus anciens remontent à 3700 av. J.-C.. Chaque tombe est surmontée de murs s’inclinant graduellement vers l’intérieur pour finir par former un dôme protecteur. À l’intérieur, la chambre funéraire, ronde ou ovale, est construite à partir de pierres locales brutes ou grossièrement taillées. On y accède par un trou percé dans le mur au niveau du sol. Sur l’île d’Umm An-Nar, certains murs d’enceinte possèdent encore les traces de décors sculptés, représentant souvent des animaux. Les tombeaux retrouvés sur le site de la légendaire cité caravanière de Mleiha, dans le Sharjah, diffèrent quelque peu dans leur structure. Les fosses funéraires sont recouvertes de poutres de bois, de nattes de feuilles de palmiers et d’une couche de plâtre, puis surmontée d’un monument massif en briques de terre crue, parfois mélangées avec des briques gypseuses plus dures. Ces tours, portant moulures et créneaux, étaient édifiées pour abriter l’esprit du défunt : le djinn. Les paysages des Émirats sont également jalonnés de forts et tours de guet. Si leurs origines sont bien plus anciennes, la plupart de ceux qui nous sont parvenus datent des XVIIIe et XIXe siècles. Le site archéologique d’Hili abrite de superbes exemples de cette architecture défensive avec des tours circulaires aux murs de briques de terre crue pouvant aller jusqu’à 3 m d’épaisseur. L’oasis Al Hili abrite également la maison Bin Hadi al Darmaki, un des plus beaux exemples de maison-tour fortifiée, avec son enceinte rectangulaire, sa tour carrée crénelée et ses tours de guet rondes. On retrouve ce type de résidence fortifiée dans l’oasis d’Al Jimi, mais ici on sait que ces tours avaient pour but de veiller sur la shari’a, le point d’accès au système d’adduction d’eau. Ces oasis sont, en effet, indissociable d’une architecture de l’eau qui impressionne aujourd’hui encore par son ingéniosité. Falaj désigne un système d’irrigation qui consiste à exploiter à distance des nappes phréatiques et à acheminer l’eau via un réseau d’aqueducs souterrains et en surface. Le site de Bindaa Bint Saud donne une vision complète de cet ingénieux système. En parallèle de ces maisons fortifiées, des forts sont également érigés. Qasr Al Hosn est le plus ancien fort d’Abu Dhabi. Son revêtement en plâtre (fait de chaux, sable et coquillages écrasés) brillant au soleil lui a valu le surnom de « fort blanc ». Mais l’un des plus grands est le Fort d’Al Jahili à Al Aïn. On y retrouve tout ce qui fait les caractéristiques de cette architecture défensive : une enceinte carrée avec de hauts murs et des tours circulaires dont la structure se rétrécit à l’approche du sommet. L’ensemble étant bien sûr réalisé en brique de terre crue. À Dubaï, le Fort Al Fahidi fut érigé en 1787 pour protéger la zone des invasions étrangères. Ses murs sont faits d’un mélange de pierres de corail, coquillages et sable, son plafond est en tronc de palmier et ses tours répondent toutes à des fonctions précises (stockage, plateforme de tir…).

Architecture traditionnelle

Les nomades utilisaient pour l’hiver des tentes portatives de forme pyramidale avec un mât central soutenant la structure, elle-même recouverte de peaux d’animaux ; tandis que l’été, surtout dans les palmeraies, ils construisaient des maisons de type arish ou barasti, très aérées et entièrement tissées en feuille de palmiers. Pour les maisons en dur, les mélanges de matériaux étaient privilégiés : dans les zones côtières et dans les oasis, les murs des maisons étaient réalisés à base de corail fossilisé coupé en blocs, collé avec un mélange d’argile et de fumier combiné avec du plâtre ; tandis qu’au cœur des villes, les maisons étaient réalisées avec des blocs faits de boue. D’un point de vue de la structure, ces maisons sont régies par deux points clés : le respect de l’intimité et la ventilation. Elles disposent ainsi de peu d’ouvertures sur l’extérieur, et le plus souvent sous forme de moucharabiehs, et s’organisent autour d’une cour centrale intérieure sur laquelle donnent l’ensemble des pièces. Pour la ventilation, en plus d’une toiture aérée réalisée en poutres et feuilles de palmier, de nombreuses maisons possédaient une tour à vent, appelée badgir, ingénieux système de ventilation ressemblant à une cheminée à quatre faces dotée à son sommet de fentes verticales permettant de capter le vent, son intérieur étant séparé en différents conduits permettant de séparer courants ascendants et descendants et, par un jeu de pression, d’évacuer l’air chaud et de faire pénétrer l’air frais. L’espace le plus important de ces maisons est le majlis, dont le nom signifie littéralement « endroit pour s’asseoir ». Il s’agit d’un espace culturel et social où l’on reçoit les invités. Le reste des pièces est destiné uniquement à l’usage de la famille, c’est le cas notamment de la galerie ou porche (al-liwan) donnant sur la cour intérieure qui, elle-même, apporte lumière et aération à l’ensemble des pièces de la maison. En matière de décoration, l’élégance est de mise avec des tapis de sols colorés, des treillis en bois complexes aux fenêtres et des portes en bois sculptés selon des motifs empruntés au vocabulaire islamique. Parmi les plus beaux exemples de cette architecture vernaculaire, à Dubaï ne manquez pas l’Heritage House et bien sûr le Musée de l’architecture traditionnelle. Le village abandonné d’Al Jazirah Al Hamra, à Ras Al Khaïmah, est aussi un incontournable. À Abu Dhabi, de très beaux exemples sont à voir dans l’oasis d’Al Qattara et sur l’île de Delma dont la Mosquée Al Muhannadi possède une étonnante salle de prière dont le toit plat est construit à base de poteaux de bois, nattes de palmiers et roseaux tissés recouverts de plâtre. La mosquée est depuis toujours le grand point de repère des cités. Originellement, ces dernières se composaient d’un mur d’enceinte, protégeant des vents chauds du désert, et s’organisaient selon un plan carré divisé en ruelles étroites et ombragées bordées de constructions basses. Les quartiers de Bastakya et Deira, à Dubaï, ont su conserver cette atmosphère. Au cœur de ces médinas, le souk occupe également une place essentielle. Sorte de ville dans la ville, il se compose d’étroites rues flanquées de boutiques, et possède souvent une haute charpente de bois protégeant des rayons du soleil. Le Souk Al Kabeer avec ses arches de bois ajourées, le Souk de Bur-Dubai ou bien encore le Souk Naif de Deira en sont de beaux exemples. Édifices séculaires, souks et mosquées ont inspiré les architectes contemporains. À Abu Dhabi, Norman Foster a imaginé le World Trade Center Souk à la toiture de panneaux modulables dont la forme octogonale est directement inspirée de la tradition arabe. Les mosquées maintiennent aussi ce lien entre passé et présent, comme en témoigne la gigantesque Mosquée Sheikh Zayed d’Abu Dhabi avec ses 82 dômes et ses 1 000 colonnes d’or et de marbre veillés par 4 minarets de 107 m mêlant l’octogone mamelouk, le cylindre ottoman et la mosaïque en verre doré fatimide. À Dubaï, la Mosquée de Jumeirah, la plus importante de la ville, est, avec ses deux minarets et sa grande coupole centrale en pierre calcaire, une réinterprétation des mosquées fatimides où hautes arcatures et riches motifs décoratifs prévalaient. Quant à la Mosquée Al-Farooq, surnommée la « mosquée bleue », elle se veut une copie de la célèbre mosquée stambouliote du même nom !

Effervescence contemporaine

Dès les années 40-50, avec l’essor sans précédent de la manne pétrolière, les Émirats connaissent une première phase de développement. Dubaï se dote même d’un bureau d’architecture en charge de sa planification ! Mais lorsque l’on voit les édifices de l’époque, comme le Municipality Museum qui abrita le premier hôtel de ville de Dubaï ou le bâtiment des douanes de Maqta qui contrôlait la circulation sur le nouveau pont menant à Abu Dhabi, on ne peut que sourire face à leur taille modeste et leurs matériaux locaux et naturels… ils feraient presque figure de derniers des Mohicans face aux géants de verre et d’acier qui sont sortis de terre à partir des années 80-90, époque à laquelle la Sheikh Zayed Road est créée pour relier les Émirats entre eux et servir d’épine dorsale à leurs super-métropoles en devenir. (À cette route s’ajoutera bientôt Etihad Rail, voie ferrée de 1 200 km reliant les émirats de Ghweifat à Fujairah !) Ce sont bien sûr Dubaï et Abu Dhabi qui possèdent les réalisations les plus incroyables et elles sont si nombreuses, qu’il est impossible de toutes les citer. Mais on peut tout de même vous indiquer quelques incontournables ! À Dubaï, ne manquez pas : le Burj Al Arab qui se dresse telle une voile blanche gonflée par le vent et offre une vue imprenable sur le célèbre Palm Jumeirah, archipel artificiel aux villas rivalisant de luxe ; les tours panoramiques de la Marina, plus grande marina artificielle du monde ; les Emirates Towers, deux tours symétriques où domine la forme du triangle emprunté aux motifs islamiques, revêtues d’un habillage de verre et de métal argenté, et à la silhouette profilée de plus de 300 m ; l’Infinity Tower dont les 73 étages tournant sur eux-mêmes représentent l’ADN ; ou bien encore le ME Dubaï, seul hôtel au monde entièrement conçu par Zaha Hadid et dont la silhouette de bloc de glace fondant ne vous laissera pas indifférent ! Et n’oublions pas bien sûr la désormais légendaire Burj Khalifa, pièce maîtresse du Downtown Dubai, qui culmine à 828 m. Tutoyant les cieux, ces tours tentent malgré tout de concilier gigantisme et échelle humaine en repensant leur base, les ouvrant aux commerces et créant de vastes esplanades. À Abu Dhabi, impossible de manquer la tour Capital Gate qui figure dans le Guinness Book des Records en tant que tour la plus penchée au monde (18 degrés d’inclinaison tout de même !) ; les Al Bahar Towers avec leur double peau ressemblant au tronc d’un palmier et leur façade extérieure mobile tournant selon la position du soleil ; l’Hôtel Viceroy et sa silhouette de vaisseau spatial ou bien encore l’Emirates Palace avec ses 1 million de m² de débauche décorative. Mais certaines des réalisations les plus emblématiques d’Abu Dhabi ne sont pas des tours ! Zaha Hadid y a réalisé le superbe pont Sheikh Zayed avec ses arches d’acier ondulant telles les dunes. Le pavillon des Émirats arabes unis, réalisé par Norman Foster pour l’Exposition de Shanghai, est devenu un espace culturel majeur et offre une transposition architecturale étonnante des paysages émiratis. Et le français Xavier Cartron a conçu le monumental Qasr Al Watan, véritable Versailles du Moyen-Orient, avec ses 2 300 pièces et 100 000 m² de décorations faites d’or, de marbre et de bois précieux. Mais c’est bien sûr l’île de Saadiyat qui attire aujourd’hui tous les regards. Île des musées, elle est aussi un cluster de starchitects ! Jean Nouvel y a réalisé le Louvre Abu Dhabi, réparti sur 55 bâtiments rappelant les maisons basses traditionnelles, l’ensemble étant protégé par un sublime dôme, structure géométrique complexe composée de 7 850 étoiles superposées sur 8 couches, et dont les perforations filtrent les rayons du soleil, créant une pluie de lumière. Le rejoindront bientôt : le Guggenheim Abu Dhabi de Frank Gehry, structure composée d’une série de cônes asymétriques inspirés des tours à vent traditionnelles ; le Musée National Zayed de Norman Foster dont les ailes d’acier rappellent celles du faucon, emblème des Émirats ; le Musée de la Mer de Tadao Ando, structure épurée inspirée des boutres ; et le Abu Dhabi Performing Arts Center aux formes sculpturales pensées par Zaha Hadid.

Construire demain

Terre d’infinies possibilités, les Émirats sont devenus terre d’expérimentations architecturales. La Dubai Media City a ainsi été planifiée à l’aide d’algorithmes et autres QR Codes déterminant l’implantation la plus adaptée pour les éléments la composant. Cette Smart City se donne aussi des ambitions écologiques et durables, en cherchant notamment à améliorer les solutions de mobilité, un enjeu de taille dans une Dubaï tentaculaire. Des questionnements qui ont été au cœur de l’Exposition Universelle qui s'est tenue d'octobre 2021 à fin mars 2022. L’événement était organisé autour de trois thématiques phares : opportunité, mobilité et durabilité. C’est encore aujourd'hui à Expo city Dubai que s'imagine l’architecture de demain ! De grands noms de l’architecture ont pérennisé leurs pavillons : l’agence Grimshaw Architects a imaginé le pavillon Durabilité comme une sorte d’expérience holistique convoquant tous les sens et s’organisant autour d’un parcours paysager ; Norman Foster a réalisé le pavillon Mobilité, avec pour objectif l’excellence en matière d’architecture verte ; Santiago Calatrava, lui, a réalisé le pavillon des Émirats arabes unis dont la forme reprend celle d’un faucon prenant son envol… et il y a encore bien d’autres trésors d’architecture à découvrir ! En marge de l’exposition, Dubaï a dévoilé d’autres étonnants projets comme la Dubai Creek Tower de Santiago Calatrava qui devrait atteindre les… 980 m ! Reprenant la forme d’une fleur de lys prête à éclore, cette tour devrait devenir le nouvel emblème de la ville. Abu Dhabi aussi imagine la ville de demain, comme avec la Masdar City, première cité écoresponsable conçue par Norman Foster. Objectif : devenir la première ville sans émission de carbone et sans déchets grâce notamment aux énergies renouvelables. Imaginée sur le modèle des villes traditionnelles (elle possède même une tour à vent !), cette cité idéale peine encore à exister, mais elle reste, malgré tout, le symbole d’une prise de conscience des enjeux environnementaux. Norman Foster est également la figure phare du Dubai Design District, baptisé d3, qui a permis à Dubaï de rentrer dans le réseau des villes créatives de l’UNESCO. L’architecte a participé à la planification de ce nouveau hub de l’innovation et y a imaginé le Dubai Institute of Design and Innovation. C’est là que se réinvente l’architecture et le design, tout comme à la Triennale d’architecture de Sharjah… où Norman Foster a également réalisé la lumineuse House of Wisdom Library and Cultural Center. Mais écrire demain, c’est aussi agir aujourd’hui. Dubaï et Abu Dhabi ont ainsi décidé de mieux encadrer, voire de limiter, les nouvelles constructions et de favoriser des projets pour des villes plus humaines et durables. À Abu Dhabi, le Al Fay Park qui réintègre la biodiversité au cœur d’une des plus grandes villes du monde en est un bel exemple !

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