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Fresques peintes par Giambattista Tiepolo sur la voûte de la chapelle des Saint-Sacrements dans la cathédrale d'Oudine © LorenzoPeg - Shutterstock.com.jpg

Des origines métissées

Longtemps terre d’invasions et de combats, le Frioul conserve la trace des nombreuses peuplades qui l’ont occupée, dont les Celtes et les Romains. A Aquileia, fondé en – 181 par les Romains, on peut aujourd’hui se promener parmi les vestiges romains hérités de l’Empire. La ville devient un carrefour prospère, sur le plan commercial, culturel et militaire. Le site abrite la Basilica di Aquileia, monument chrétien célèbre pour son sol en mosaïques du IVe siècle. Etendues sur plus de 1 300 mètres carrés, ces mosaïques comptent parmi les mieux conservées des grandes réalisations du monde chrétien. Symbole de richesse et de pouvoir, dans les basiliques, les mosaïques transmettent les enseignements religieux.

La basilique paléochrétienne de Trieste, abrite elle aussi des mosaïques remarquables. Elles constituent une véritable galerie de portraits d’une grande expressivité. Dans l’ensemble, ses mosaïques reflètent la richesse de la ville et de l’église. Construit entre le IVe et le Ve siècle, l’édifice a été découvert sous l’actuelle Cattedrale di San Giusto. Dans une abside, la célèbre mosaïque représentant Marie et San Giusto, le saint patron de la ville, est quant à elle datée du XIIIe siècle.

Art lombard

Le Frioul voit s’installer le peuple Lombard à partir de 568. Venu de Scandinavie, ce peuple apporte ses propres traditions artistiques. On y décèle une forte empreinte germanique, mêlée d’influences byzantines. Cela se traduit notamment par un goût pour les éléments ornementaux.

Suite à la conversion des Lombards au catholicisme, la région devient le berceau de nombreux artistes et écrivains comme en atteste le Petit temple lombard, Tempietto Longobardo à Cividale del Friuli. Les décorations en relief, dont de splendides saints en stuc, allient modèles classiques et foisonnement ornemental byzantin. A Cividale, une escale s’impose au baptistère de Calixte, dans le Museo Cristiano de la cathédrale. La partie consacrée au patrimoine lombard abrite l’autel sculpté du duc de Ratchis (737-744).  Le Christ sur le trône entouré d’anges jouant de la mandole est d’une superbe facture. Les Lombards sont des sculpteurs hors pair, mais aussi d’excellents orfèvres. Leurs croix stylisées sont ornées de motifs décoratifs et animaliers, ou serties de pierres précieuses. La culture lombarde prospère jusqu’en 774, date de l’arrivée de Charlemagne en Italie.

Giovanni da Udine

Peintre et architecte né à Udine en 1487, Giovanni Nanni est élève puis collaborateur du grand maestro de la Haute Renaissance, Raphaël. A ce titre, il exécute la majeure partie des éléments décoratifs des principaux projets du maître à Rome. Considéré comme le spécialiste des décorations en stucs, Giovanni da Udine signe les réalisations des Loges du Vatican, et celles de la Villa Farnésine. Il puise son inspiration dans les grotesques découverts dans les grottes de l’Esquilin, ainsi que dans son amour pour la nature qu’il dessine d’après observation. Animaux, fleurs, fruits et légumes, monstres marins peuplent ses créations d’une inventivité inépuisable.

Rentré dans le Frioul, il est nommé architecte en chef de la cité. A Civile, il aide à la construction de Santa Maria dei Battuti, et de la Fontaine de la Piazza Nuova. Il décède en 1555 à Rome.

A partir du XVe siècle, la région se divise en Frioul Vénitien, qui prend Udine pour capitale, et Frioul Autrichien, dont la première ville est Trieste. Les cultures vénitiennes et autrichiennes se mélangent plus que jamais sur le territoire.

Udine et Tiepolo

Le parcours du peintre et graveur Giambattista Tiepolo, né à Venise en 1696 et décédé à Madrid en 1770, est caractéristique de l’Europe des Lumières. Fils d’un capitaine de navire marchand, Tiepolo se forme dans les ateliers des artistes vénitiens Lazzarini  puis Piazzetta. Il travaille ensuite dans plusieurs grandes cours européennes, enrichissant son style baroque au gré de ses voyages. Il s’illustre également dans l’art de la fresque.

A Udine, sa palette s’éclaircit lorsqu’il est appelé pour réaliser les fresques de la chapelle et du Palais Patriarcal, qu’il termine en 1730. La Chute des Anges rebelles (1726), relate la révolte des anges qui seront chassés du paradis. Au Palais Patriarcal, aujourd’hui Museo diocesano – Galleria del Tiepolo, on peut aussi admirer la fresque Rachel cachant les idoles, l’Apparition de l’ange à Sarah.

C’est à Udine qu’il se libère de sa formation académique, et laisse exploser les couleurs et les émotions. Suite à cette commande, il est reconnu comme un maître de la fresque par ses contemporains. Il est très demandé, en particulier à Bergame, Venise et Milan. Le Musei di Storia ed Arte di Trieste conserve la plus vaste collection au monde des dessins de Tiepolo. Niché dans une villa du XVIIIe siècle, le Civico Museo Sartorio conserve plusieurs de ses dessins, mais aussi le Triptyque de Santa Chiara, réalisé par Paolo et Marco Veneziano en 1328.

L’essor du XIXe siècle

Trieste devient au XIXe siècle, le principal port d’une puissante monarchie. Grâce à son port franc, la ville connaît un développement sans pareil. La population s’enrichit d’habitants qui accourent de toute l’Europe et font bâtir des églises. Tous les arts sont encouragés. Le Civico Museo d’Antichita Winckelmann voit le jour en 1843, en tant que jardin lapidaire, abritant en son cœur le cénotaphe de Johann Joachim Winckelmann.

Né en 1870 à Nimis, dans la province d’Udine, Tita ou Giambattista Gori reçoit une éducation classique et religieuse. Cet homme de lettres polyglotte part étudier à Venise, à l’Accademia di belle Arti. Rentré à Nimis, il poursuit une double carrière : peintre et aubergiste. Ses clients lui servent fréquemment de modèle. Tita Gori acquiert à certaine popularité dans la partie orientale du Frioul où il exerce son art. A partir de 1884, il réalise les fresques de l’église de Monteprato. Cette commande sera suivie par la monumentale Sacra Familia, qu’il peint dans l’église de la Madonna delle Pianelle à Nimis (1889). C’est à partir de 1897 qu’il travaille sur sa réalisation la plus significative, à l’église d’origine lombarde Saints Gervais et Portais à Nimis. La restauration et la mise en fresque de cet édifice l’occupent jusqu’en 1912. Son style à forte charge spirituelle se caractérise par sa poésie et son symbolisme. Dans la région, on peut encore admirer ses fresques à l’église de Savorgnano ou encore dans la chapelle de l'hôpital psychiatrique d'Udine. Certains de ses tableaux sont conservés à l'église paroissiale de Cergneu ainsi qu’à la Civica Galleria d'Arte Moderna d’Udine.

Signalons que le Musée d’art et d’histoire partage les espaces du château d’Udine - Castello - Musei Civici - avec d’autres musées,  dédiés à l’art antique, à l’archéologie, aux dessin et  aux estampes mais aussi à la photographie. Le Musée de la photographie abrite des archives exceptionnelles, dont les œuvres des photographes les plus importants ayant travaillé à Udine au XIXe siècle comme Pignat, Bujatti et Brisighelli.

Afro et l’abstraction

Sous protection autrichienne depuis la fin XIVe siècle, le Frioul-Vénétie Julienne devient italien en 1918. Avant d’être annexé par l’Allemagne en 1943.

Entre ces deux dates, Afro Basaldella, né à Udine, contribue grandement au développement de l’abstraction dans toute la botte. Afro est sensibilisé à l’art par son père, peintre et décorateur. Il poursuivit ses études aux Beaux-Arts de Florence et de Venise, puis s’installe à Milan. Dans l’atelier d'Arturo Martini, il se lie d’amitiés avec la scène artistique de l’époque. Sa première exposition se déroule en  1934 ; par la suite, il expose à la Quadriennale de Rome, ainsi qu’à la Biennale de Venise.

Ce n’est qu’après la Seconde Guerre mondiale, que Basaldella se tourne vers le néocubisme. Il s’installe alors à New York où son art évolue rapidement vers l'art abstrait. Reconnu en 1956 meilleur artiste italien lors de la Biennale de Venise, il intègre le Gruppo degli Otto, association de peintres non figuratifs italiens. En 1958, il se voit confier, aux côtés de Mirò, la réalisation de la fresque murale du siège de l’Unesco, à Paris. Sa carrière se poursuit jusqu’en 1976, date à laquelle il s’éteint en Suisse.

Les œuvres de celui que l’Italie surnomme Afro sont exposées dans les plus grandes institutions du monde. A Trieste, l’art abstrait de Basaldella s’admire au Civico Museo Revoltella.

Scène contemporaine

Trieste vit avec son temps. La création du Musée de l’image Alinari (AIM), en 2016, situé dans le Castello di San Giusto, met à l’honneur l’art multimédia. A travers la technologie numérique, c’est tout un parcours visuel qui entraîne à travers l’histoire de la photographie. Un accès exceptionnel aux plus anciennes archives photographiques du monde.

Parmi les galeries d’art de la capitale, la galerie Mlz Art Dep (Via Roma, 15), ouverte en 2014 par Marco Lorenzetti, est résolument tournée vers l’art contemporain : vidéo, peinture sculpture, photographie et installation, tous les médiums sont représentés pour promouvoir la jeune création  dans ce qu’elle a de plus novateur.

Côté rue, Trieste se met doucement mais sûrement à l’heure de l’art urbain. Ces dix dernières années, des œuvres murales ont commencé à émerger dans les banlieues, hors des circuits touristiques.

Le projet Chromopolis lancé en 2016 invite la population à se réapproprier l’espace public. Supervisée par le conseiller municipal De Santis, l’initiative soutient la réhabilitation des quartiers. La Lanterna, le Stade Grezar, le stade Nereo Rocco, le Skate Park d’Altura ont bénéficié de ce projet artistique basé sur le partage et l’innovation. Dans ce but,  jeunes artistes et citoyens unissent leurs talents avec pour seule directive de réinventer les lieux. La liberté d’expression est de mise.  Bien plus que des interventions ponctuelles, l’objectif est d’intégrer l’art urbain au quotidien. Dans ce but, la naissance du Festival Street art de Trieste, reportée pour cause de pandémie, verra bientôt le jour. Son principal objectif ? Mettre en lumières les artistes locaux. De belles découvertes en perspective !