Le rêve de Pierre
La forteresse Pierre-et-Paul, l’édifice le plus ancien de la cité, est le témoin de ce que fut d’abord Saint-Pétersbourg pour Pierre le Grand : un point stratégique à maîtriser. Dessinée selon les plans de l’architecte français Gaspard-Joseph Lambert, la forteresse est construite sur des sols marécageux instables. Il faut des pilotis pour soutenir son imposante structure de pierre et de bois. Mais cela ne suffit pas et les assauts de la nature fragilisent l’édifice qui sera finalement entièrement reconstruit en pierre par l’architecte italien Domenico Trezzini, à qui l’on doit également la cathédrale Pierre-et-Paul. À cette époque, Pierre le Grand vit dans une modeste isba d’où il imagine sa cité idéale qu’il souhaite ériger en « porte ouverte sur l’Europe ». Il fait ainsi appel aux plus grands artistes et architectes européens, à commencer donc par Trezzini, grand architecte baroque qui fut chargé du projet d’urbanisme et de la gestion des travaux de la cité en devenir. Mais Pierre Ier reste le seul maître à bord. Grand défenseur de l’ordre, de la raison et de l’économie, le tsar s’éloigne volontairement des codes de l’architecture traditionnelle russe influencée par les fastes de Byzance, pour se tourner vers l’architecture d’inspiration classique en vogue en Europe. Ce souci de régularité se retrouve dans le tracé de la ville que Pierre a imaginé selon un plan parfaitement rectiligne. Une prouesse urbanistique qui nécessite de gigantesques travaux d’assèchement et d’endiguement. Pour réaliser son rêve, le tsar réquisitionne des milliers de serfs pour travailler comme ouvriers sur des chantiers où les conditions de travail sont précaires et dangereuses, tandis que partout des impôts spéciaux sont levés pour financer ses désirs de grandeur. Grandeur qui passe également par les matériaux. Le tsar veut une ville de brique et de pierre pour symboliser la solidité de son pouvoir. Le tsar interdit l’usage du bois dans la ville et impose au reste du pays de n’entamer aucun autre chantier en pierre ou en brique… rien ne doit venir entacher la splendeur de sa nouvelle cité. Les grands édifices de cette période passent ainsi d’un pragmatisme militaire (forteresse, chantier naval) à un style classique et rationnel sans ostentation. Parmi les plus beaux témoins du baroque pétrovien, notons les Douze Collèges imaginés par Trezzini et qui impressionnent par leur monumentale régularité avec leur façade composée de douze blocs identiques ; la maison Kikine dont la façade s’anime sous le très beau contraste du blanc des bandes de pierre et du rose des peintures murales ou bien encore le palais Menchikov, étonnant mélange d’éléments hollandais (fenêtres à petits carreaux), antiques (pilastres ioniques et colonnes corinthiennes) et parisiens (toit à comble brisée) traduisant la passion du tsar pour l’Europe et ses trésors. Aux alentours, Pierre la Grand imagina la ville de Petrodvorets, surnommée le « Versailles russe » du fait de la multitude ses châteaux, palais et jardins peuplés de centaines de fontaines. On en retiendra notamment la villa Monplaisir – élégante demeure lambrissée – traduisant la dualité du tsar qui naviguait sans cesse entre édifices grandioses et demeures plus modestes et chaleureuses. « Née de l’obscurité des bois et de la tourbe des marais », Saint-Pétersbourg devient en 1712 la capitale de toutes les Russies… une « Venise du Nord » rêvée et devenue réalité.Splendeurs baroques
À l’austérité du baroque pétrovien succède la splendeur et la théâtralité du baroque élisabéthain, également appelé baroque rastrellien, du nom du plus grand architecte de l’époque Bartolomeo Rastrelli, italien d’origine, formé à Paris et arrivé en Russie à l’âge de 15 ans avec son père, sculpteur de grande renommée. La tsarine Élisabeth ne cache pas ses désirs de grandeur et d’apparat qui trouvent dans le baroque leur meilleure traduction. Trompe-l’œil ; superbes effets de polychromie entre les décors blancs, les couleurs franches des surfaces murales (vert, orange, bleu) et les dorures des dômes et statues ; jeu de reflets avec l’abondance des miroirs ; multiplication des décorations en relief et des parquets à motifs tendant vers l’exubérance du rococo… le baroque élisabéthain est le style de la mise en scène et du mouvement. Les grands escaliers et salons d’apparat baignés de lumière deviennent les lieux où le pouvoir se donne en spectacle. Les églises, elles, renouent avec la tradition russe et abandonnent leurs flèches occidentales pour retrouver leurs cinq dômes traditionnels aux dorures éblouissantes. La cathédrale Smolny est la plus belle de l’époque et l’une des plus belles réussites de Rastrelli, avec sa profusion de tours et dômes surmontés des légendaires clochers à bulbes, motif typiquement russe s’il en est. Mais le plus célèbre des représentants de ce baroque foisonnant est évidemment le palais d’Hiver. Résidence officielle de la tsarine, le palais est aussi le cadre officiel où sont accueillis ambassadeurs et dignitaires. Un vestibule et un monumental escalier d’honneur desservent l’étage noble où se trouvent les salons d’apparat et la salle du trône aux dimensions exceptionnelles (49 m x 28 m). Pour ce palais, Rastrelli se fait architecte et décorateur et supervise tous les aspects du chantier. Il choisit notamment les matériaux les plus précieux pour sublimer cette architecture grandiose : marbre de Carrare, miroirs de France, bois exotiques. Les motifs qu’il imagine pour les décors sont si complexes qu’au bout de deux ans de travaux, une centaine de fenêtres et portes seulement sont réalisées sur les 1 200 ouvertures prévues dans le plan d’origine ! Le palais d’Hiver est la parfaite synthèse des influences de Rastrelli : il emprunte à Versailles ses longues façades classiques et symétriques et ses toits plats cachés par des balustrades, tout en y associant le dynamisme du baroque italien avec la variété des façades, le décrochement des corps de bâtiment et la multiplication des colonnes décoratives, et l’exotisme du rococo avec le motif des coquilles et les reliefs rehaussés de couleurs. Les couleurs du palais (vert menthe et blanc) sont, quant à elles, directement influencées par la tradition du baroque russe. Une féerie baroque que l’on retrouve dans certains palais du domaine de Tsarkoïe Selo, dont le palais Catherine est une autre grande réalisation de Rastrelli. Rien n’est trop beau pour la tsarine !
Harmonie classique
Succédant à Élisabeth Ire et Pierre III, la grande Catherine II ne goûte que fort peu à la manière de Rastrelli. Elle le remercie d’ailleurs brutalement… une disgrâce qui sonne le glas du baroque et l’avènement du classicisme. Ce goût très assuré de la tsarine s’intègre à une réflexion bien plus large qu’elle mène sur la ville. Empreinte des idéaux des Lumières et fervente défenseuse du despotisme éclairé, Catherine II imagine une ville où l’harmonie architecturale répond aux progrès de l’urbanisme. C’est à son initiative qu’est créée « la Commission de la Construction en pierre à Saint-Pétersbourg et Moscou » afin de veiller à la cohérence esthétique et architecturale des deux capitales et c’est elle qui crée la fonction de maire. C’est suivant ses directives que les quais de la Neva sont rehaussés de blocs de granit rose – élégants remparts aux fréquentes inondations – et que les rues sont pavées de pierre et de bois afin d’amoindrir le bruit de la circulation. Enfin, la tsarine fait se multiplier les recours à la pierre naturelle afin d’assurer une harmonieuse uniformité à l’ensemble de la ville. Tout comme Pierre le Grand, Catherine II a l’obsession de la construction et va doter la ville de certains de ses plus beaux édifices, tous témoignant de la place prépondérante que prennent la science et la connaissance dans la cité devenue l’un des grands centres culturels d’Europe. La tsarine fait en effet construire la première bibliothèque de Russie, l’Académie des sciences et l’Académie des beaux-arts, que l’on doit à Alexandre Kokorinov et Jean-Baptiste Vallin de la Mothe. Ce dernier est considéré comme l’un des fondateurs du classicisme russe. C’est lui qui imagina les Bolshoy Gostiny Dvor, les premières galeries marchandes couvertes dont la façade classique occupe tout un pâté de maisons. Colonnades, arcades, portiques et frontons, par leur perfection géométrique, confèrent à la ville des allures de cités antiques. Les deux autres grandes figures de ce classicisme à la sobre pureté sont Charles Cameron et Giacomo Quarenghi. Tous deux très fortement influencés par l’architecture de Palladio exaltant les formes les plus harmonieuses de l’Antiquité, ils ont imaginé quelques-uns des plus beaux palais et monuments de la ville. L’aile nord du palais de Tsarkoïe Selo est l’œuvre de Cameron, de même que l’éblouissant palais de Pavlovsk avec sa salle italienne circulaire et sa salle grecque aux colonnes cannelées. Quarenghi, lui, imagine l’Institut Smolny, le théâtre de l’Ermitage et la Banque d’État… autant d’édifices dont les portiques à colonnades et les frontons rehaussant les façades traduisent l’importance au sein de la cité. Cette vision classique se teinte parfois d’un certain pittoresque romantique, comme le montre par exemple la tour en ruine du parc de Pavlovsk. Une vision qui sera largement reprise par Paul Ier, le successeur de Catherine II. Possédant un goût pour la chose militaire, Paul Ier se tourne vers un style classique teinté de néo-gothique, sorte de vision romantique d’un passé idéalisé. Avec son fossé imitant des douves, sa tour de guet, ses murs crénelés et son plan massif en triangle repris sur les forteresses d’autrefois, le palais impérial hospitalier de Tchesmé, imaginé par Georg Friedrich Veldter est un bel exemple de ce gothique classique. Le château des Ingénieurs aux façades empruntant au gothique, à la Renaissance et au classique est l’une des réalisations les plus étonnantes de la période. On la doit à Vincenzo Brenna et Vassili Bajenov, duo d’architectes représentant à merveille la plus européenne des cités russes.
De la fin du classicisme à l’éclectisme
Alexandre Ier, le successeur de Paul, revient à un style classique se caractérisant par la sévérité des lignes, la clarté des silhouettes et la monumentalité des édifices. C’est également à la demande d’Alexandre qu’est voté le décret réglementant les couleurs. Une palette de teintes pastel (jaune, vert, gris, bleu, rose) est imposée aux architectes et décorateurs. Les couleurs privilégiées sont le jaune et l’ocre se mariant parfaitement avec le vert des nombreux parcs de la ville. Cette unité stylistique est une des caractéristiques phares de ce style qui fait également la part belle aux édifices commémoratifs. Les grands représentants de cette période sont la cathédrale Notre-Dame-de-Kazan dont les ailes en hémicycles à colonnades ont été pensées sur le modèle de la basilique Saint-Pierre de Rome et dont on admire le puissant dôme, et le superbe bâtiment blanc à colonnades de la Bourse, construite sur l’île Vassilevski par l’architecte Jean-François Thomas de Thomon, à qui l’on doit également les très belles colonnes rostrales (commémorant des victoires navales) qui servaient de balises lumineuses à la pointe de l’île. Ce classicisme tardif, que l’on retrouve également dans les édifices de l’Amirauté réinterprétés par Adreyan Zakharov à grand renfort de colonnes blanches, amorce naturellement la transition vers le style Empire russe, tout entier pensé pour glorifier le pouvoir de l’État victorieux. La symbolique militariste de ce style est très forte et transparaît dans les arcs de triomphe et colonnes commémoratives qui se multiplient dans la ville. Monumentalité et solennité sont les maîtres mots de cette période. Carlo Rossi imagine l’incroyable bâtiment de l’État-Major, grand complexe incurvé dont la transition entre les différents bâtiments est opérée par des arcs de triomphe. Auguste Ricard de Montferrand complète la place du Palais face à l’État-Major et la dote de la colonne d’Alexandre. Mais son projet le plus célèbre reste la cathédrale Saint-Isaac. Imaginée sous Alexandre Ier, elle est achevée sous Nicolas Ier qui, entre-temps, avait exigé un édifice encore plus grandiose. Des voies maritimes et voies ferrées durent être spécialement construites pour acheminer le granit utilisé pour les énormes colonnes de la cathédrale. La puissante coupole soutenue par ses puissants piliers de granit symbolise parfaitement l’invulnérabilité du pouvoir.
À la fin du XIXe siècle, comme un peu partout en Europe, le classicisme fait place à l’éclectisme, sorte de fusion entre l’historicisme et les techniques modernes. Saint-Pétersbourg avait déjà eu un avant-goût de ce style sous Paul Ier, les nouvelles réalisations historisantes s’intègrent donc harmonieusement à la cité. Le palais Belosselski-Belozerski d’Andreï Stackenschneider est un superbe exemple de néo-baroque à l’incroyable richesse ornementale (revêtement en marbre, bois sculpté, grilles en fer forgé, atlantes et cariatides en façade). Le théâtre Mariinsky, lui, est un écho aux splendeurs de la Renaissance. Sa façade découpée par des colonnes et pilastres représentant tous les ordres architecturaux et sa salle en U à l’italienne sont ses plus beaux atouts. D’autres motifs Renaissance, comme les larges fenêtres cintrées et les puissantes corniches, se retrouvent dans de nombreux hôtels particuliers, tandis que certains édifices publics, comme la gare de Moscou, font la part belle aux arcs doubles, rez-de-chaussée garni de colonnes et autres tours carrées à fenêtres… Une architecture qui n’est pas sans rappeler celle des palais vénitiens. Le néo-byzantin, lui, renoue avec la tradition des édifices avec coupoles, tambours aux fenêtres cintrées et décoration de mosaïques. La cathédrale maritime de Kronstadt en est un très bel exemple, tout comme le temple de l’Assomption ou bien encore la Grande Synagogue dessinée par Vassili Stassov et dont la richesse ornementale traduit l’importance de la communauté juive à Saint-Pétersbourg. Dans la cité pétersbourgeoise, les architectes ont été influencés par les courants venus d’Europe en les mâtinant toujours de motifs russes. C’est le cas avec le style néo-russe qui apparaît alors que l’on voit renaître un intérêt pour l’histoire russe et le concept de nationalité. Entre architecture traditionnelle et modernité, ce style néo-russe trouve son plus beau témoin dans la cathédrale Saint-Sauveur-sur-le-Sang-Versé, avec ses bulbes multicolores typiques de l’architecture russe, et ses décors de brique et de mosaïque inspirés de la tradition byzantine. Une architecture symbolique au service de l’État.Gloire et déboires de la modernité
Au tournant du XXe siècle, Saint-Pétersbourg ouvre ses portes à la modernité qui prend alors les formes de l’Art nouveau ou Modern Style en Russie. Mais là où Moscou a vu apparaître les formes les plus étonnantes, la cité pétersbourgeoise reste plus conservatrice. Certes, les verrières, les escaliers et balustrades en fonte ou bois ciselé font leur apparition, tout comme la polychromie (vert, orange, violet) des éléments décoratifs encadrant notamment les fenêtres, mais les formes d’ensemble restent relativement simples et rectilignes. Les grands représentants de l’Art nouveau pétersbourgeois sont l’épicerie Elisseiev avec ses statues en bronze et ses hautes fenêtres ornées de vitraux ou bien encore l’Immeuble de la compagnie Singer et ses larges baies vitrées, tous deux situés non loin de la vibrante Perspective Nevski, la plus célèbre avenue de la ville. L’hôtel particulier Kschessinska, quant à lui, traduit bien la sobriété de l’Art nouveau à la mode pétersbourgeoise avec ses frises de majolique égayant une façade plutôt austère en brique et granit. Voilà qui annonce les formes géométriques, rigoureuses et simples impulsées par la révolution architecturale du constructivisme qui rejette toute décoration superficielle au profit d’une architecture en parfaite adéquation avec la fonction du bâtiment et les matériaux employés, verre et béton en tête. Architecture dynamique, le constructivisme représente le mouvement de la révolution et du progrès en marche. Rien d’étonnant donc à ce qu’on le retrouve employé dans les nouveaux quartiers ouvriers à la périphérie de la ville où l’on imagine des logements plus spacieux et lumineux, mais aux formes toujours épurées. L’un des grands représentants de cette Avant-garde russe est Iakov Tchernikhov, à qui l’on doit notamment la tour du château d’eau de la fabrique de câbles métalliques Krasny gvozdil’ščik ou bien encore l’usine textile Krasnoe Znamia, réalisée selon les plans de l’architecte expressionniste Erich Mendelsohn et appelée le « drapeau rouge », et dont on apprécie le mouvement crée par l’alliance des courbes et des volumes rectangulaires.
Après la révolution constructiviste, l’architecture stalinienne opère un retour au classicisme monumental, comme en témoigne le seul grand bâtiment nouveau de la période : la Maison des Soviets qui domine la place de Moscou de toute sa monumentalité. Imaginé par Noy Trotsky, l’édifice impressionne par son portique géant aux colonnes imposantes surmonté d’une frise glorifiant l’histoire du socialisme. Si Saint-Pétersbourg possède si peu de témoins de cette architecture, c’est que les Soviétiques ont utilisé le bâti existant. La ville étant au centre du projet industriel de Staline, des milliers de paysans quittent les campagnes pour trouver du travail en ville. Pour loger cet afflux massif de population, les Soviétiques réquisitionnent les hôtels particuliers de la bourgeoisie, les divisant en appartements communautaires appelés kommunalka. Les familles s’entassent dans des chambres exiguës et doivent partager cuisine et salle de bains. Dans les années 1950, sous l’impulsion de Khrouchtchev, des barres d’immeubles en béton fleurissent dans les villes pour offrir des logements plus modernes à la population. Mais beaucoup d’habitants préfèrent rester dans leurs appartements communautaires situés dans de beaux immeubles du centre-ville, même si les conditions de vie y restent précaires. À la chute de l’URSS, certains ont pu devenir propriétaires de ces chambres. Une aubaine dans une ville où le prix du logement est aujourd’hui prohibitif. Mais une situation qui explique pourquoi bien souvent les somptueuses façades cachent une réalité un peu moins rose, les parties communes étant souvent mal entretenues.Architecture contemporaine
Impossible de commencer sans évoquer le grand projet contemporain qui fit couler beaucoup d’encre et qui souleva une opposition farouche de la société civile : le Lakhta Center ou Tour Gazprom comme l’appellent désormais les habitants. En projet dès 2006, cette impressionnante tour fuselée de 462 m, soit le plus haut gratte-ciel d’Europe, devait au départ être érigée en plein cœur de la ville en face de la cathédrale Smolny. Des voix s’élevèrent partout contre ce mépris flagrant des règles d’urbanisme de la ville et en 2011 il fut finalement décidé de déplacer la tour en périphérie, dans le district de Primorsky. Malgré l’élégance et la finesse de son fuselage, la tour semble comme une intruse dans la plate cité pétersbourgeoise. Autre création ayant suscité de nombreuses critiques : la Nouvelle Scène du Théâtre Mariinsky. Projet au départ supervisé par le français Dominique Perrault, l’édifice fut finalement réalisé par l’agence Diamond Architects à qui l’on reproche d’avoir transformé l’ensemble en galerie marchande sans âme. Mais la ville compte fort heureusement quelques projets contemporains moins polémiques comme le très beau terminal de l’aéroport Pulkovo imaginé par l’agence Grimshaw Architects. On apprécie particulièrement son plafond aux allures d’origami avec ces jeux de pliage créant différents espaces qui animent l’ensemble, ainsi que sa couleur dorée pensée comme en écho aux dômes et coupoles de la ville. Le japonais Kisho Kurokawa a doté la ville de l’impressionnant stade Krestovski aux allures de soucoupe volante avec son toit rétractable. Aujourd’hui, la ville continue ses travaux de restauration et de réhabilitation initiés dès la fin des années 1990 en vue des grandes célébrations de son tricentenaire en 2003. De nombreux collectifs de jeunes architectes, dont le collectif Gang, parcourent la ville afin d’en dénicher les trésors abandonnés et de tenter de les préserver. La ville poursuit également sa politique de mises aux enchères ou de location à bas prix incitant les grands groupes à acquérir de beaux édifices tout en s’engageant à les restaurer. Son patrimoine industriel n’est pas en reste avec de très belles réhabilitations comme l’ancienne usine Sevcable qui accueille aujourd’hui concerts et expositions et dont le toit-terrasse avec vue sur la Neva ne désemplit pas ; le Loft Projekt Etagi, ancienne boulangerie reconvertie en galeries et ateliers d’artistes et architectes et bien sûr l’écoquartier de la Nouvelle-Hollande dont les anciens bâtiments militaires ont été transformés en galeries et boutiques et dans lequel il fait bon flâner le long des grandes pelouses et plans d’eau. Des petites touches contemporaines et design au cœur de l’harmonieuse capitale !
Escapade au fil de l’histoire
Si le temps vous le permet, n’hésitez pas à partir à la découverte des régions environnantes… un voyage à travers l’histoire vous y attend. À Novgorod, vous pourrez découvrir le plus ancien kremlin du pays (IXe siècle), c’est-à-dire la partie centrale et fortifiée des villes russes anciennes. Ceint de tours et murailles, le kremlin renferme toujours les infrastructures militaires, administratives et religieuses. La cité médiévale de Pskov est également dominée par un kremlin du XIIIe siècle. Cette architecture défensive se retrouve dans les premières églises-citadelles aux allures de forteresses. À Novgorod, vous pourrez découvrir l’un des plus anciens édifices religieux du pays, la cathédrale Sainte-Sophie, construite en 1050, et dont on reconnaît le plan typique des premières églises russes : trois ailes terminées par une abside, un dôme surmontant la nef centrale et de hauts toits voûtés formant une croix autour de la coupole. La cathédrale du monastère Mirojsky à Pskov date du XIIe siècle et est l’une des premières à voir apparaître le motif russe kokoshnik, arc-diadème rappelant les coiffes traditionnelles russes. Kremlins et monastères étaient les grandes structures dominantes de la Russie médiévale. Autre particularité russe : l’architecture en bois dont vous pourrez admirer de magnifiques exemples à Vologda avec sa multitude de maisons, notamment Art nouveau, aux balcons et frontons sculptés, et surtout sur l’île de Kiji où se trouve le plus incroyable des édifices en bois du monde : l’église de la Transfiguration témoignant de la hardiesse et du savoir-faire des charpentiers du XVIIIe siècle. Entièrement en bois, l’église supporte une structure étagée de 22 coupoles dont la plus haute culmine à 37 m. Une prouesse architecturale qui donne à l’édifice un aspect presque psychédélique ! Enfin, ne manquez pas Vyborg, la plus finlandaise des cités russes. Vous pourrez y découvrir de nombreux exemples de l’Art nouveau finlandais, très épuré et épris de nationalisme. Et vous pourrez admirer la bibliothèque d’Alvar Aalto, l’un des grands modernistes régionalistes finlandais qui traduit dans cet édifice son fonctionnalisme dénué de toute ornementation et sublimant la radicalité du décor architectural. Étonnant !