Premiers hommes
Dans ces régions, l’art pariétal s’est manifesté dès les premières occupations. Ses plus anciennes traces datent de 22 000 ans avant notre ère. A l’âge du bronze, la culture des castros émerge dans le sud de la Galice et au nord du Portugal. Ces sites haut perchés ont livré des fragments de céramique ainsi que des sculptures figuratives, notamment des guerriers. De nombreux musées exposent des témoignages de l’ère préhistorique, dont le centre d'art rupestre de Tito Bustillo dans les Asturies. Son approche moderne complète la visite des douze ensembles de peintures et de gravures de la grotte, tous en excellent état de conservation. Autre site de peintures rupestres, Las Batuecas, en Castille-et-León. Au cœur d’une petite vallée, les scènes naturalistes réunissent figures humaines et animales. Pour les amateurs, le MEH ou musée de l’Évolution Humaine de Burgos s’organise autour des trouvailles de la sierra Atapuerca pour retracer le développement de nos ancêtres, notamment culturel.
A Santander, le musée de la Préhistoire et de l'archéologie de la Cantabrique est considéré comme l’une des plus belles collections de pièces du paléolithique. Outre des échantillons d’art rupestre et des sculptures en bronze, il dévoile des mosaïques de l'époque romaine.
Logé dans un palais épiscopal du XIIe siècle, le Musée archéologique départemental d'Ourense dispose d’une section d’objets issus des castros et de la période galaïco-romaine (sculptures et mosaïques) aux côtés de la collection d'art préroman.
Art préroman
L’époque wisigothique est marquée par une floraison d’édifices religieux bâtis selon un plan en croix grecque. Mais en raison de l’invasion arabe, les chrétiens de Galice sont contraints de se plier aux codes artistiques de l’Andalousie musulmane. A partir du début du XIe siècle, cette partie de la péninsule ibérique s’imprègne de multiples courants étrangers. Le pèlerinage de Saint-Jacques-de-Compostelle s’accompagne de la construction de nombreuses églises. N’oubliez pas de lever les yeux pour admirer les chapiteaux sculptés.
Les joyaux romans sont innombrables en Galice, étape ultime du chemin de Compostelle. On y découvre aussi bien de majestueuses cathédrales, comme à Orense, Lugo et Tui, que des monastères tel que celui de San Salvador, sans oublier le célèbre portique de la gloire de la cathédrale de Saint-Jacques-de-Compostelle. Sachez que les modestes édifices nichés au cœur de la campagne réservent aussi leurs joyaux.
Dans ces régions espagnoles, l’art médiéval offre un témoignage exceptionnel d’une époque de splendeur qui fait la part belle à l’architecture. Art lui-même mis en valeur par les techniques de sculpture sur pierre ou sur bois. La plus grande collection d’art des Asturies se trouve au Musée des Beaux-arts des Asturies, à Oviedo. Plus 15 000 pièces du XIVe siècle à nos jours proposent un regard complémentaire sur le Moyen Âge. Peintures, sculptures, gravures, mais aussi photographies sont réunies dans ce palais. La collection d’une variété inouïe rassemble Dalí, Goya, El Greco, Tàpies ou encore Barceló. Pour les passionnés, toujours dans les Asturies, le Musée d'Art Sacré de Tinéu rassemble une rare collection d’art médiéval du XIVe au XVe siècle, dont des sculptures sur bois. La plus belle église romane de Ségovie est sans doute Saint Martin. Attardez-vous devant les statues-colonnes du porche qui sont d’une finesse émouvante.
Sculpture
Au cours de votre voyage, les sculptures jalonneront vos excursions en zone urbaine et rurale. En Galice tout d'abord, vous découvrirez les sculptures réalisées par l'enfant du pays, Francisco Leiro, à Vigo où son Sireno est devenu le symbole de la ville, à Saint-Jacques dans le parc de l'Alameda (Homenaje a Castelao), à Ferrol (Guerreiro) ou encore dans l'île des sculptures à Pontevedra sur une maison flottante. Située dans la ría de Pontevedra, près du río Lérez, cette dernière accueille une exposition d'Art land partagée par douze artistes. Hormis Leiro, vous y verrez par exemple une installation d'Ulrich Ruckriem : un menhir de granit rose, de 5 m de hauteur. Dans un autre registre, votre balade à Oviedo vous fera rencontrer toute une série de personnages, dont Woody Allen, réalisé par Vicente Martinez-Santarúa, la Regenta, tournant presque le dos à la cathédrale et d'autres personnages de la vie quotidienne : le poissonnier... vous les trouverez partout. A Gijón, il faut grimper tout en haut du quartier de Cimadevilla, dans le parc, pour admirer l'Eloge de l'horizon, réalisé par Eduardo Chillida et devenu l'une des images forgeant la silhouette de la ville. Enfin, à Santander, c'est une autre statue qui attirera votre attention, elle aussi emblématique de la ville, la statue de Pedro Velarde, enfant du pays, ayant participé au soulèvement du 2 de mayo, lors de la guerre d'indépendance espagnole contre Napoléon. On peut lire l’inscription : « Santander, à la gloire du Héros, 1880. » La Castille-et-León vous fera entrer dans le domaine religieux, avec des sculptures en bois polychrome représentant les derniers moments de la vie de Jésus. Si vous n'êtes pas présent durant la Semaine sainte où ces sculptures sont acheminées dans les rues, faites un détour par Valladolid, au Museo Nacional de Escultura, où vous pourrez admirer des œuvres d'Alonso Berruguete. Ou à Medina de Rioseco, au Museo de la Semana Santa, qui abrite une belle collection de sculptures du XVIe à nos jours.
Baroque
L'Apostolat du Greco, peinte entre 1585 et 1590, est l’une des pièces maîtresses du Musée des Beaux-Arts des Asturies. Le maniérisme du Greco marque le passage à la Renaissance ou Ecole espagnole du XVIe siècle. Peu après, en 1598, naît Francisco de Zurbarán, le peintre du Siècle d’or, l’artiste mystique qui s’illustre dans le baroque sévillan.
Impossible de quitter le XVIe siècle sans évoquer la cathédrale Sainte-Marie de Ségovie. Sa tour d’origine, élevée en bois, était à l’époque de sa construction la plus haute de la péninsule espagnole avec ses 88 mètres. Désormais, elle conserve le Christ au tombeau réalisé par le sculpteur franco-espagnol Jean de Joigny, mais aussi la Descente de la Croix peinte par le flamand Ambrosius Benson.
Dans la peinture hispanique du XVe à la fin du XVIIIe siècle, les figures populaires sont rares. Au XVIIe siècle, les portraits populaires du maître baroque Velázquez se démarquent, et ne se diffusent pas immédiatement dans toute la péninsule. Cependant, après l’ère de la peinture religieuse, on assiste à l’émergence de personnages pittoresques, issus des rues et des champs. S’ensuit un courant imprégné par l’influence du Caravage et de la littérature picaresque. Au XVIIIe siècle, à la cour d’Espagne, dessins au pastel et cartons de tapisserie montrent des scènes idéalisées de la vie quotidienne. A cette période, la peinture de genre bénéficie de deux éléments : le développement des collections espagnoles et la venue de peintres européens à la cour. Parmi eux, Lorenzo Tiepolo fils du Vénitien Gian Battista apporte le costumbrismo en peinture. Ce terme définit l’intérêt accordé aux us et coutumes dans les arts, un courant qui sera approfondi par le regard perçant de Goya.
En Galice, le Museo de Pontevedra possède une riche collection de peintures espagnoles de toutes les époques. L’art galicien, du gothique au XIXe siècle, est représenté par des sculptures et des reliques, tel que le retable de Santa Maria de Belvis (du couvent des Dominicains de Saint-Jacques-de-Compostelle), des peintures de Goya, des sculptures baroques de Gregorio Fernández, des gravures et des paysages de Jenaro Pérez Villaamil, ou des scènes de genre de Serafin Avendaño. Les maîtres espagnols du XVe au XXe siècle sont également exposés au Museo de arte moderno y contemporáneo de Santander y Cantabria : des paysages de la région côtoient les grands noms de l’art.
Vers l’art contemporain
L’année 1808 sonne le passage de l'ère moderne à l'âge contemporain. En réaction aux bouleversements sociaux et politiques, la sobriété néoclassique cède le pas à la ferveur romantique. Ce ne sera que la première marche vers la modernité, qui mènera à tous les courants picturaux innovants des décennies à venir.
Le Centre de Sculpture de Candás, Musée Antón présente l'œuvre du peintre et sculpteur Antonio Rodriguez Garcia, né en 1911, de même que la sculpture du XXe siècle. Une partie se visite dans le jardin de l’agréable demeure du XVIIIe siècle.
Dans ces régions, les centres d'art contemporain foisonnent. Parmi les lieux dédiés, le Museo Galego de Arte Contemporánea « Carlos Maside » de Sada expose les Galiciens Castelao, Maside, Colmeiro, Lugrís, Seoan ou Souto. A Saint-Jacques-de-Compostelle, le surprenant bloc de granit du Centro Galego de Arte Contemporánea est ouvert à l’art international. Le Museo Patio Herreriano de Arte Contemporáneo Español de Valladolid met en relation des photographes invités comme le Madrilène Chema Madoz et les artistes de sa collection permanente.
A ciel ouvert
L’art urbain est très présent dans ces régions, par la sculpture et le street art. Vigo attire en particulier artistes et passionnés d’art des rues. Le panorama autrefois assombri par de grands immeubles ternes est à présent une vaste toile chamarrée. En 2015, la municipalité a fondé le festival Vigo-City of Colour dans le but de revaloriser son patrimoine. Tous les étés, des graffeurs espagnols se voient attribuer des façades à embellir. Jules Verne et le thème maritime ont la faveur des street-artistes, mais des compositions abstraites ou poétiques, historiques ou engagées s’offrent au regard. Désormais, les habitants sollicitent eux-mêmes l’intervention d’artistes. Une cinquantaine de fresques ont ainsi vu le jour dans toute la ville. Citons l’œuvre de Nelson Villalobos qui rend hommage aux victimes de la guerre civile espagnole.
Célèbre dans le monde entier, Okuda San Miguel orne les murs de Santander, sa ville natale. Son style se reconnaît à ses motifs géométriques et à sa palette vive. Dans les Asturies, direction Llanera, où Okuda a entièrement décoré un skate park insolite, installé dans une église centenaire. Santa Barbara a repris vie grâce au financement participatif et aux peintures lumineuses d’Okuda.
La ville d’Oviedo accueille depuis 2017 le Parees Festival qui embellit ses rues. C’est ainsi que les Espagnols Manolo Mesa, Harsa Pati, Lidia Cao et Manu Garcia ont planché sur le sort réservé aux métiers d’art dans les Asturies. Le trompe-l’œil de Manolo Mesa évoque l’ancienne usine de faïence de San Claudio, tandis que Lidia Cao salue la mémoire de l’écrivaine Dolores Medio.
Autre étape clé, Gijón et son projet Gijón Street Art qui recense les œuvres peintes dans l’espace public : graffitis, pochoirs, fresques sont photographiés puis intégrés au catalogue numérique consultable www.facebook.com/gijonstreetart. Ici, la créativité est tellement encouragée qu’il faut savoir l’attraper !