Il y a environ 1,5 million d’années
Les premiers hominidés
Les origines d’Homo sapiens sur le territoire de la Macédoine du Nord sont mal connues. On les situe à la fin du paléolithique, vers 20 000 ans avant notre ère. Mais c’est sans doute plus ancien. Le pays se trouve en effet sur le principal couloir de migration entre le Proche-Orient et l’Europe : celui-ci fut emprunté par l’homme moderne à partir de 45000 av. J.-C. Avant Homo sapiens, d’autres hominidés ont suivi cette route passant par la Grèce et la Bulgarie. Ainsi, en Bulgarie, la grotte de Kozarnika (« abri de la chèvre ») a livré le plus vieux fossile humain connu en Europe, dans une couche sédimentaire datée entre 1,4 et 1,6 million d’années. Comme ce site se trouve environ 150 km au nord de la Macédoine du Nord, on peut facilement imaginer que Homo erectus et Homo ergaster ont été les premiers « touristes » à visiter le pays, 1,5 million d’années avant nous.
Entre 20 000 et 1 000 avant notre ère
Les plus anciens sites humains
Plusieurs sites permettent de se replonger dans la Macédoine du Nord à la préhistoire. Au nord-est, près de Staro Nagoričane, les intrigants rochers de Kokino et de Cocev Kamen figurent parmi les plus anciens lieux occupés par Homo sapiens dans le pays. Kokino, avec des traces remontant au XIXe siècle avant notre ère, est intéressant… mais problématique : certains savants locaux le présentent comme un observatoire astronomique. Or, cette thèse n’est soutenue par aucune étude internationale sérieuse. C’est en tout cas au néolithique que des tribus sédentaires s’installent durablement sur le territoire. Les plus anciens ossements humains datent de 7000 av. J.-C. Ils ont été découverts en 2008 dans l’agglomération de Skopje. Toujours aux abords de la capitale, il est possible de visiter la reconstitution du village de Tumba Madžari (5800-5300 av. J.-C.). Sur le lac d’Ohrid, le village lacustre de la « Baie des Os » est une évocation de la vie des pêcheurs à la fin de l’âge du bronze.
Xe-VIe siècles av. J.-C.
Péoniens, Thraces, Illyriens…
Au début de l’Antiquité, l’actuelle Macédoine du Nord voit arriver différents peuples indo-européens des régions voisines : Illyriens, Thraces, Brigiens, Édoniens, Péoniens, Pélagoniens, Dardaniens… Les Illyriens occupent surtout la partie nord-ouest, le long de l’actuel Kosovo. Le terme « Illyriens » est un peu fourre-tout : il regroupe différents vieux peuples balkaniques du littoral adriatique dont se réclament aujourd’hui aussi bien les Albanais que les Croates. Mais l’essentiel du territoire est surtout marqué par la présence des Péoniens qui sont bien implantés dans la vallée du Vardar. Fortement hellénisés mais mal connus, ceux-ci sont d’origine thrace ou thraco-illyrienne. Dans L’Iliade, Homère les décrit comme des alliés des Troyens.
VIe-IVe siècles av. J.-C.
Invasions perse et macédonienne
Après avoir conquis Babylone, la vallée de l’Indus et l’Égypte, le roi perse Darius lance ses armées à l’assaut de l’Europe. À partir de 512 av. J.-C., il s’empare de vastes territoires de la mer Noire à l’actuelle Macédoine du Nord, où les Péoniens deviennent ses vassaux. Mais son successeur Xerxès est finalement battu par les Grecs et les Perses quittent l’Europe en 479. Cela favorise l’émergence du royaume de Macédoine : fondé au IXe siècle, celui-ci est de culture grecque et situé dans la partie nord-ouest de la Grèce actuelle. En 336, Philippe II de Macédoine conquiert la vallée du Vardar et soumet les Péoniens. Son fils Alexandre le Grand s’empare finalement de toute la région jusqu’en Albanie. D’importants contingents de Péoniens et d’Illyriens participent ensuite à ses côtés à la conquête de l’Empire perse, de l’Asie Mineure à l’Égypte et jusqu’à la vallée de l’Indus.
III-IIe siècles av. J.-C.
Royaumes péonien et dardanien
Le vaste et éphémère empire d’Alexandre le Grand se disloque après la mort de celui-ci, en 323 av. J.-C. Cela profite localement aux tribus péoniennes qui s’organisent en royaume avec Bylazora (Veles) comme capitale, puis Stobi. Mais un autre royaume émerge au Kosovo actuel : celui des Dardaniens. Ce peuple aux origines floues, souvent considéré comme proche des Illyriens, occupe la région de Skopje et le nord de la vallée du Vardar. La période est marquée par des conflits réguliers entre les deux royaumes, mais aussi par des échanges culturels et une forte hellénisation. Les contacts sont en effet nombreux avec le royaume de Macédoine, qui occupe toujours le nord de la Grèce actuelle ainsi que la partie sud de la Macédoine du Nord. Un tournant s’opère en 168 av. J.-C. avec la disparition du royaume de Macédoine à la suite d’une série de guerres contre Rome.
Du IIe siècle av. J.-C. au IVe siècle apr. J.-C.
Période romaine
Rome profite de sa victoire contre le royaume de Macédoine pour s’étendre jusqu’au Danube. En 148 av. J.-C., l’actuelle Macédoine du Nord est partagée entre les provinces de Macédoine (anciens royaumes macédonien et péonien) et de Mésie (territoires dardaniens jusqu’en Serbie). Les Romains construisent la Via Egnatia qui relie l’Adriatique au Bosphore. Le long de cette route sont créées les villes de Lychnidus (Ohrid) et d’Heraclea Lyncestis (Bitola), qui conserve d’importantes ruines et de belles mosaïques. L’ancienne capitale péonienne de Stobi se développe fortement : c’est aujourd’hui le plus grand site archéologique du pays. Mais la ville principale est alors celle de Scupi, fondée par d’anciens légionnaires et qui deviendra plus tard Skopje.
Ier-IIe siècles
Début de la christianisation
C’est durant la période romaine, et plus particulièrement durant la Pax Romana, aux Ier et IIe siècles, que le christianisme prend son essor dans la région. En Macédoine du Nord, la tradition locale veut que le territoire ait été évangélisé très tôt par l’un des apôtres du Christ. Vers l’an 50 saint Paul traverse en effet la Macédoine. En attestent plusieurs textes qui figurent dans le Nouveau Testament : les épîtres aux Thessaloniciens et aux Philippiens. Mais ces lettres sont adressées à des communautés que Paul a visitées en actuelle Macédoine grecque et rien n’indique que l’apôtre ait mené une mission sur le territoire de la Macédoine du Nord.
Ve-XIIIe siècles
Période byzantine
Ce que l’on appelle aujourd’hui les « Byzantins » sont en fait des Romains. Avant même la chute de Rome en 476, la capitale a été transférée à Byzance (aujourd’hui Istanbul, en Turquie) qui prend le nom de Constantinople en hommage à Constantin, premier empereur converti au christianisme en 337. Au Ve siècle, le passage de la domination romaine à celle des Byzantins n’est donc pas un événement en soi pour les contemporains. Si les Byzantins sont de culture grecque et chrétienne, ces deux aspects étaient déjà dominants dans toute la partie orientale de l’Empire. Jusqu’à sa disparition en 1453, avec la prise de Constantinople par les Ottomans, cet Empire romain d’Orient va profondément marquer le territoire de la Macédoine du Nord. Celui-ci vit sous l’influence de la deuxième plus grande ville de l’Empire, Thessalonique. Cela se ressent dans l’architecture, avec la construction de forteresses, d’églises et de monastères, ou encore dans le développement du commerce et des arts. Quant au droit romain, il perdure et s’enrichit, notamment sous le règne du grand empereur Justinien, né en Serbie en 482. En revanche, cette période n’est pas un long fleuve tranquille. Pendant huit siècles, le pouvoir byzantin va être fortement remis en cause par les Slaves.
VIIe siècle
Arrivée des Slaves
À partir du Ve siècle, les Balkans sont ravagés par les Goths, les Avars et les Huns. Si ces envahisseurs ne font que passer, ils poussent devant eux un autre peuple : les Slaves. Ceux-ci s’établissent sur le territoire de la Macédoine du Nord au cours du VIIe siècle. Ces ancêtres du groupe de population aujourd’hui majoritaire dans le pays – les Macédoniens – sont d’origines diverses. On distingue notamment les Balto-Slaves, venus de Baltique et dont descendent sont notamment les Serbes, ainsi que les Bulgares, originaires d’Asie centrale et plus proches des Turcs. Les tribus s’organisent en sklavinies, des duchés autonomes, comme la sklavinie des Berzites qui couvre une large partie du territoire de la région d’Ohrid à la vallée du Vardar. À l’exception de quelques groupes de Grecs, d’Aroumains et d’Illyriens, les anciennes populations sont assimilées. Les langues et la religion slaves s’imposent, le christianisme est en net recul et les Byzantins ne tiennent plus que certaines places fortes.
864-1014
Empire bulgare et reconquête byzantine
En 681, l’Empire byzantin reconnaît pour la première fois un État slave : le khanat bulgare du Danube. Établi en actuelle Roumanie, celui-ci va peu à peu s’étendre jusque sur les territoires de la Macédoine du Nord et de l’Albanie. Pendant trois siècles, d’incessantes batailles opposent Byzantins et Bulgares. Ces derniers forment le premier Empire bulgare en 864. Ils prennent pour capitale Skopje, puis Ohrid, en 992. En parallèle, les Byzantins lancent la reconquête. Celle-ci est d’abord religieuse. Les saints évangélisateurs de Thessalonique Cyrille et Méthode parviennent à convertir l’empereur bulgare Boris Ier (852-889) au christianisme. Leurs disciples, les saints bulgares Clément et Naum d’Ohrid, poursuivent leur œuvre. Ainsi, au début du Xe siècle, c’est d’Ohrid que part le grand mouvement d’évangélisation des Slaves jusqu’en Russie. Après une période de paix et l’affaiblissement de l’Empire bulgare, l’empereur byzantin Basile II, dit le Bulgaroctone (« tueur de Bulgares »), écrase l’armée de l’empereur bulgare Samuel à la bataille de la passe de Kleidion, en actuelle Bulgarie, le 29 juillet 1014. Le territoire de la Macédoine du Nord repasse entièrement sous contrôle byzantin pendant deux siècles.
1040-1395
Déclin byzantin et domination serbe
La présence byzantine en Macédoine du Nord est contestée par des révoltes slaves, puis par quatre incursions normandes entre 1080 et 1108. Tandis que l'Empire bulgare se reforme, on assiste à l’émergence du royaume de Serbie à partir de 1166 avec la dynastie des Nemanjić. L’événement marquant est surtout la trahison des Vénitiens et des croisés : en 1204, ceux-ci s’emparent de Constantinople et l’Empire byzantin s’efface provisoirement jusqu’en 1261. Par la suite, il est affaibli par la poussée ottomane en Asie Mineure. Dans les Balkans, les Nemanjić demeurent officiellement les vassaux des Byzantins. Pourtant, en 1282, le roi serbe Milutin s’empare de Skopje et bientôt de presque toute la Macédoine géographique. Le 16 avril 1346, son successeur Dušan se fait couronner empereur à la forteresse de Skopje : c’est alors le plus puissant souverain d’Europe. Mais l’Empire serbe disparaît en 1371. La noblesse serbe est massacrée lors de deux grandes victoires ottomanes : la bataille de la Maritsa, en Grèce, en 1371, puis celle de Kosovo Polje, au Kosovo, en 1389. Devenu vassal des Ottomans, le prince serbe Marko Mrnjavčević est le dernier souverain chrétien à régner sur l’actuelle Macédoine du Nord jusqu’en 1395. Si cette période est marquée par une forte instabilité, elle est aussi la plus riche en termes d’héritage patrimonial pour le pays : pour affirmer leur autorité, les souverains serbes font construire de formidables églises serbo-byzantines dont subsistent de magnifiques exemples à Ohrid, dans le massif de la Skopska Crna Gora (près de Skopje) ou à Staro Nagoričane (près de Kumanovo).
1371-1913
Période ottomane
Pendant plus de cinq siècles, l’Empire ottoman va laisser une empreinte profonde en Macédoine du Nord : mosquées sunnites et tekkés soufis, routes et caravansérails pour les marchands, bains et fontaines ou encore centres urbains bâtis sur le modèle de la charchia perse (ensemble commercial et religieux), dont celle d’Üsküb/Skopje, dite Stara Čaršija, est la mieux préservée des Balkans. Les Ottomans sont des Turcs islamisés issus d’Asie centrale qui ont entrepris la conquête de l’Empire byzantin à partir du XIIe siècle. Eux-mêmes organisés en empire par le sultan Osman Ier en 1299, ils étendent leurs possessions de La Mecque à Sarajevo, allant jusqu’à occuper l’Algérie et la Hongrie au XVIe siècle. Avant même de s’emparer de Constantinople, en 1453, dont ils feront leur capitale, ils pénètrent en actuelle Macédoine du Nord vers 1350. Mais leur contrôle complet ne s’exerce qu’à partir du début du XVe siècle. Tandis que des colons turcs et musulmans viennent s’installer, les conversions à l’islam touchent surtout les Albanais (issus des Illyriens et des Dardaniens) et les Roms (arrivés vers le XIIIe siècle). Les chrétiens slaves, grecs et aroumains sont discriminés, notamment fiscalement. Ils échappent toutefois au service militaire et profitent d’une large autonomie en termes de culte, puisque les sultans s’appuient sur le clergé grec pour les encadrer. Les Ottomans assurent aussi la protection des Juifs chassés d’Espagne en 1492 qui se concentrent principalement à Monastir, l’actuelle Bitola.
1564-1913
Soulèvements antiottomans
Si les Ottomans se montrent relativement tolérants, un manque d’investissement et d’encadrement favorise la pauvreté et l’insécurité. À partir du XVIe siècle, les Balkans sont ainsi la proie de bandes de brigands, les haïdouks. Sur le territoire de la Macédoine du Nord, une première insurrection slave éclate en 1564 à Prilep. Durant la guerre austro-turque de 1683-1699, le haïdouk Petar Karpoš lance une révolte au départ de l’ouest de la Bulgarie actuelle, avant de finir empalé sur le pont de pierre de Skopje en 1689. La guerre d’Indépendance grecque de 1821-1829 marque le début du réveil des nationalismes. L’Empire ottoman tente de garder le contrôle en remplaçant les pachas (gouverneurs) locaux par des Turcs. Cela provoque l’ire des Albanais qui se soulèvent à Tetovo en 1848. Toutefois, les musulmans demeurent attachés au maintien de l’Empire. Chez les chrétiens, l’élite d’origine byzantine et l’Église orthodoxe grecque profite d’une situation enviable. Leurs relations se tendent avec la majorité slave qui réclame notamment un clergé bulgare. Les tensions montent encore en 1878, lorsque la Bulgarie devient quasi indépendante. Dès lors, deux mouvements insurrectionnels se mettent en place. D’une part, les Bulgares de la Macédoine géographique fondent la VMRO (ou ORIM, Organisation révolutionnaire intérieure macédonienne) pour obtenir leur rattachement à la Bulgarie. Cela se traduit par la grande insurrection d’Ilinden du 2 août 1903, date aujourd’hui retenue comme la fête nationale du pays. D’autre part, les Albanais se soulèvent pour davantage d’autonomie et contre la cession de territoires albanophones à la Serbie et au Monténégro nouvellement indépendants.
1912-1918
Guerres balkaniques et Première Guerre mondiale
La forte instabilité au sein des derniers territoires ottomans d’Europe (Macédoine du Nord, Albanie, Kosovo et nord de la Grèce) provoque le déclenchement de la Première Guerre balkanique (octobre 1912-mai 1913) : les royaumes de Grèce, de Bulgarie, de Serbie et du Monténégro s’unissent et chassent les Ottomans de presque toute la péninsule (seule la Thrace orientale demeure aujourd’hui turque). Le territoire de la Macédoine du Nord revient à la Bulgarie. Mais cela est contesté par les autres puissances régionales. La courte Seconde Guerre balkanique (juin-juillet 1913) se solde par la défaite de la Bulgarie. La Macédoine dite « du Vardar » passe sous contrôle de la Serbie. Ces changements s’accompagnent de massacres de population, par le départ des Grecs et, surtout, de dizaines de milliers de musulmans turcs et albanais qui trouvent refuge en actuelle Turquie. Les Serbes installent des colons et rendent obligatoire la langue serbe. Mais cette « serbisation » est de courte durée. En 1915, un an après le début de la Première Guerre mondiale, la Serbie est envahie, et la Macédoine du Vardar repasse à la Bulgarie soutenue par l’Allemagne, l’Autriche-Hongrie et la Turquie. Les habitants du territoire se retrouvent enrôlés tantôt dans les forces bulgares, tantôt dans les rangs serbes. Le front se fixe sur la frontière grecque actuelle, tenue par l’armée française d’Orient et ses alliés. Finalement, en septembre 1918, les troupes françaises lancent une offensive victorieuse sur Skopje, dite « manœuvre d’Üsküb ». Celle-ci se poursuit vers le nord et entraîne le retrait du conflit de la Bulgarie, de la Turquie, puis de l’Autriche-Hongrie, avant que l’Allemagne signe l’armistice le 11 novembre. De cette guerre subsistent notamment les importants cimetières militaires français de Bitola et de Skopje.
1918-1944
Royaume de Yougoslavie et Seconde Guerre mondiale
Au sortir de la Première Guerre mondiale, la Macédoine du Vardar redevient serbe et intègre ce qui va devenir le royaume de Yougoslavie. La politique de « serbisation » reprend. Mais au sein de cet ensemble qui regroupe les territoires actuels de la Slovénie, de la Croatie, de la Bosnie-Herzégovine, du Monténégro, de la Serbie, du Kosovo et de la Macédoine du Nord, l’hégémonie serbe est contestée. En Macédoine du Vardar, la VMRO reste active et continue de réclamer le rattachement à la Bulgarie. Mais c’est surtout en Croatie que le mouvement antiyougoslave est puissant. Des extrémistes croates parviennent à instrumentaliser un militant bulgare de la VMRO, Vlado Černozemski. Celui-ci assassine le roi serbe Alexandre Ier de Yougoslavie à Marseille le 9 octobre 1934. Le nouveau roi n’a que 11 ans et le royaume se retrouve déstabilisé. La Yougoslavie est facilement envahie par l’Allemagne nazie et ses alliés en avril 1941. La plus vaste partie de la Macédoine du Vardar revient à la Bulgarie et la portion occidentale, majoritairement peuplée d’Albanais, passe sous contrôle de l’Albanie, qui est alors un protectorat de l’Italie fasciste. Les Serbes, les Roms et plus particulièrement les Juifs sont pris pour cible. Ces derniers sont pratiquement tous déportés et assassinés (environ 7 000 morts) en 1943. Mais la majorité de la population est favorable aux occupants : tandis que la Bulgarie lance une campagne de « bulgarisation », les Albanais profitent pour la première fois d’une autonomie politique et d’une reconnaissance de leur langue. À l’exception de quelques actes de résistance isolés, le territoire échappe largement à la guerre de libération nationale lancée à travers la Yougoslavie par le mouvement communiste des partisans de Tito. Il faut attendre août 1944 pour qu’un mouvement partisan « macédonien » se forme officiellement. Le mois suivant, la Bulgarie change subitement de camp face à l’avancée des troupes soviétiques. Tandis que l’armée allemande reflue, les partisans soutenus par les Bulgares et les Soviétiques libèrent l’ensemble du territoire en novembre 1944. Dans la foulée, des centaines de collaborateurs mais aussi de partisans considérés comme probulgares ou proalbanais sont exécutés.
1944-1991
Yougoslavie socialiste
Avant même la libération totale des Balkans, Tito fonde la « République socialiste de Macédoine ». Celle-ci intègre en mars 1945 la République fédérative socialiste de Yougoslavie avec la Slovénie, la Croatie, la Bosnie-Herzégovine, le Monténégro et la Serbie. Pour la première fois, la Macédoine du Nord actuelle possède une autonomie politique, avec Skopje comme capitale, et sa propre langue officielle, le « macédonien », créé par des linguistes proserbes sur la base des dialectes locaux. Mais c’est la moins développée des six républiques yougoslaves. Seule la province serbe du Kosovo, majoritairement peuplée d’Albanais, est plus pauvre. Tito se méfie des Albanais qui ont largement soutenu les forces de l’Axe durant la Seconde Guerre mondiale. Il ne ne leur accorde que peu de droits et la ville de Tetovo restera un important bastion nationaliste albanais. Celle-ci vit sous l’influence du Kosovo voisin où une guérilla menée par d’anciens collaborateurs des nazis perdure jusque dans les années 1960. Pour favoriser la création d’une identité slave « macédonienne », Tito encourage d’ailleurs les musulmans (principalement les Turcs) à émigrer en Turquie. Au cours de la terrible guerre civile grecque (1946-1949), l’armée yougoslave appuie les communistes grecs et livre des combats le long de la frontière. À l’issue du conflit, environ 60 000 Grecs trouvent refuge dans la république. Suite à la rupture entre Staline et Tito, en 1948, celle-ci se retrouve coincée entre deux pays prosoviétiques, l’Albanie et la Bulgarie. La Yougoslavie s’éloigne alors du modèle stalinien, opte pour le collectivisme et se rapproche progressivement du camp occidental. Certes, Tito règne en dictateur, mais la plupart des libertés sont respectées. Par exemple, les citoyens yougoslaves peuvent voyager à l’étranger sans restriction. La Fédération bénéficie de larges emprunts occidentaux pour se développer, ce dont profite la République de Macédoine qui demeure toutefois très axée sur l’agriculture (vin, tabac, fruits et légumes…). Après la destruction de Skopje par un tremblement de terre en 1963, la capitale voit affluer l’aide internationale. Elle est reconstruite dans un style « brutaliste » (en béton brut) sous la direction de l’architecte japonais Kenzo Tange. Si les relations avec Athènes se normalisent, un point de litige subsiste : le terme « Macédoine » est contesté par la Grèce qui y voit une appropriation de son héritage historique. Après la mort de Tito, en 1980, la Yougoslavie est en proie à une crise économique et à une montée des nationalismes. Au cours des années 1980, le mouvement indépendantiste albanais du Kosovo s’étend à la région de Tetovo.
Depuis 1991
Indépendance
Le 8 septembre 1991, la « République de Macédoine » proclame son indépendance. Si elle parvient à échapper aux conflits qui déchirent l’ex-Yougoslavie, elle s’attire les foudres de la Grèce qui s’oppose à l’utilisation du nom « Macédoine ». Athènes organise un blocus en 1995, force le pays à changer son drapeau et l’empêche d’accéder à certaines instances internationales. La jeune nation n’est d’ailleurs reconnue au niveau international que comme « Ancienne république yougoslave de Macédoine » (ARYM ou FYROM en anglais). Les tensions avec la Bulgarie sont également très vives, le pays voisin refuse de reconnaître l’existence d’un « peuple macédonien » : pour Sofia, la majorité des habitants slaves du pays sont des Bulgares. Bref, la « République de Macédoine » naît dans des conditions difficiles et son isolement engendre une crise économique. Le conflit au Kosovo (1998-1999) provoque l’arrivée massive de réfugiés albanais et une guerre civile éclate le 22 janvier 2001 dans la région de Tetovo : les indépendantistes albanais de l’UÇK-M réclament leur rattachement au Kosovo. Le confit fait entre 150 et 250 morts et s’achève neuf mois plus tard avec les accords d’Ohrid qui reconnaissent davantage de droits aux Albanais du pays. La « question albanaise » n’est toutefois pas réglée et de fréquents incidents surviennent, comme lors de l’attaque de Kumanovo, en 2015, qui fait 18 morts. Les tensions intercommunautaires provoquent aussi une dérive autoritaire et nationaliste du VMRO-DPMNE, le principal parti politique des Macédoniens slaves. Pendant dix ans, à partir de 2006, le Premier ministre Nikola Gruevski dirige le pays d’une main de fer et forme des alliances de circonstance avec les partis albanais sur fond de corruption généralisée et d’ingérence turque et russe. Alors que le taux de chômage dépasse les 30 %, il lance le coûteux projet « Skopje 2014 » pour transformer le centre de la capitale avec une multitude de statues et de bâtiments chargés de symboles empruntés aux pays voisins. Les tensions sociales et les blocages institutionnels sont tels que l’Union européenne doit intervenir pour organiser une transition. Aujourd’hui en fuite et recherché par la justice, Gruevski quitte finalement le pouvoir en 2016. Rapidement, le climat social s’apaise. L’année 2019 marque un tournant. D’un côté, les Albanais accèdent à de nouveaux droits et l’albanais est reconnu comme la seconde langue officielle. De l’autre, l’accord de Prespa signé le 12 décembre 2019 avec la Grèce permet enfin au pays d’être reconnu internationalement sous le nom de « Macédoine du Nord ». Cela ouvre la voie à une meilleure coopération régionale, à une plus grande stabilité politique et à de nouvelles négociations pour intégrer l’UE.